Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

                                                                                 Référence : 2013 COMC 4

Date de la décision : 07-01-2013

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de 100 Mile Market Inc. à la demande no 1 397 374 produite par Catch International Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce 100 GREEN MILES

[1]        Le 29 mai 2008, Catch International Inc. a produit une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce 100 GREEN MILES sur la base d’un emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

fromage; produits dérivés; viandes; sous-produits de viande; poissons; sous-produits de poisson; légumes; produits dérivés; fruits; produits dérivés; huiles de cuisine, nommément huile d'olive, huile d'avocat, huile de sésame, huile d'arachide, huile végétale, huile d'amande, huile

de pistache, huile de truffe, huiles aromatisées à base de plantes, huile de canola, huile de soya, huile de maïs, huile de tournesol, huile de noix, huile de basilic, huile d'ail; craquelins; pain; conserves; miel; vinaigre; pâtes alimentaires; riz.

 

[2]        La demande en cause a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 6 mai 2009. 100 Mile Market Inc. s’y est opposée le 6 juillet 2009. Le 30 juillet 2009, le registraire a transmis à la requérante une copie de la déclaration d’opposition, conformément aux dispositions du paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. En réponse, la requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[3]        La preuve de l’opposante est formée de l’affidavit de Paul Knechtel ainsi que de copies certifiées de l’enregistrement de marque de commerce et des deux demandes de marque de commerce sur lesquels l’opposante appuie sa déclaration d’opposition. La preuve de requérante est formée de l’affidavit de Giselle Baerveldt. Aucune des parties n’a produit d’observations écrites ni sollicité la tenue d’une audience.

 

Déclaration d’opposition

[4]        L’opposante allègue être la propriétaire inscrite de la marque déposée 100 MILE MARKET et avoir produit deux demandes en vue de faire enregistrer au Canada les marques de commerce 100 MILE MARKET et 100 MILE MENU, toutes deux sur la base d’un emploi projeté. La marque déposée de l’opposante est employée en liaison avec les marchandises [TRADUCTION] « beurre d’arachide » tandis que les deux demandes susmentionnées visent un large éventail de produits alimentaires et de boissons ainsi que la distribution d’aliments au détail et en gros.

Divers motifs d’opposition sont soulevés, mais la principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la marque 100 GREEN MILES visée par la demande crée de la confusion avec la marque 100 MILE MARKET de l’opposante. Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont la date de la présente décision, dans le cas du motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité; la date de production de la demande, soit le 29 mai 2008, dans le cas du motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement; et la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 6 juillet 2009, dans le cas du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition, voir American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, pp. 206 à 209 (C.F. 1re inst.).

 

Preuve de l’opposante

Paul Knechtel

[5]        M. Knechtel se présente comme le vice-président et co-fondateur de la compagnie de l’opposante. L’opposante exerce ses activités à partir de Kitchener, en Ontario, et dispose de l’infrastructure nécessaire pour distribuer des aliments produits localement à des restaurants, des traiteurs, des entreprises de services alimentaires et des consommateurs finals. L’opposante assure la vente, le marketing, la logistique et la distribution pour le compte de producteurs locaux. L’entreprise a vu le jour en 2007. À ses débuts, elle vendait uniquement du beurre d’arachide, puis elle s’est développée et offre aujourd’hui une gamme élargie de produits et de services alimentaires. À la fin de février 2010, ses ventes cumulées s’élevaient à près de 400 000 $. L’opposante emploie sa marque 100 MILE MARKET depuis mai 2007. Elle affirme que la marque lui permet d’être reconnue par les consommateurs [TRADUCTION] « comme un des principaux fournisseurs d’aliments cultivés et produits localement et de services connexes ». Aux paragraphes 11 à 16 de son affidavit, M. Knechtel explique comment l’opposante emploie sa marque 100 MILE MARKET en liaison avec ses marchandises et services sur des étiquettes, des autocollants, des factures, des enseignes et des cartes professionnelles. Les pièces documentaires produites corroborent les explications de M. Knechtel. Déjà, en 2008, l’opposante employait sa marque 100 MILE MARKET en liaison avec des légumes, des produits laitiers, des viandes, des fruits, des huiles de cuisson et des produits céréaliers. L’opposante annonce les marchandises et services qu’elle vend sous sa marque 100 MILE MARKET principalement dans le centre et le sud-ouest de l’Ontario au moyen de publicités dans la presse écrite et dans les médias électroniques, et en participant à des salons commerciaux. Ses dépenses publicitaires s’élevaient à près de 40 000 $ à la fin de février 2010.

 

Preuve de la requérante

Gieselle Baerveldt

[6]        Mme Baerveldt se présente comme la trésorière et co-fondatrice de la compagnie de la requérante. La requérante importe, achète, distribue et commercialise des produits alimentaires. La requérante exerce ses activités à partir de Toronto, en Ontario, où elle exploite également un entrepôt. En date d’août 2010, la requérante vendait au Canada des fromages, des pâtés et des mousses sous sa marque 100 GREEN MILES.

[7]        Diverses pièces jointes à l’affidavit de Mme Baerveldt étayent la thèse de cette dernière voulant que le terme « 100 MILE » évoque des aliments [TRADUCTION] « produits localement » et que le terme « GREEN » ait une connotation [TRADUCTION] « écologique ». La marque de la requérante est conçue pour évoquer des aliments qui sont à la fois [TRADUCTION] « produits localement » et [TRADUCTION] « issus de méthodes respectueuses de l’environnement ». La requérante a lancé sa gamme de produits de marque 100 GREEN MILES en septembre 2009. À la fin d’août 2010, les ventes de produits alimentaires commercialisés sous la marque s’élevaient à environ 10 400 $.

 

Principale question à trancher

[8]        Comme il a été mentionné précédemment, la principale question à trancher en l’espèce consiste à déterminer si la marque 100 GREEN MILES visée par la demande crée de la confusion avec la marque 100 MILE MARKET de l’opposante. La requérante a le fardeau ultime de démontrer qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, lequel prévoit ce qui suit : 

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[9]        Ainsi, le paragraphe 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la probabilité que des biens ou des services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève le paragraphe 6(2) est celle de savoir s’il y aurait un risque que les marchandises devant être vendues sous la marque 100 GREEN MILES visée par la demande soient perçues comme des marchandises vendues par l’opposante ou par un licencié de cette dernière, ou encore comme des marchandises approuvées par l’opposante.

[10]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir, comme l’a indiqué le juge Denault dans Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992) 44 C.P.R. (3d) 359, p. 369 (C.F. 1re inst.) :

Le critère de la confusion tient de la première impression. Les marques de commerce devraient être examinées dans l'optique du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis, mais général de la marque précédente. En conséquence, les marques ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d'apprécier leurs ressemblances et leurs différences. Au contraire, elles devraient être regardées globalement et évaluées selon leur effet sur l'ensemble des consommateurs moyens.

 

[11]      Pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion entre deux marques, il faut tenir compte de « toutes les circonstances de l’espèce », y compris celles expressément énoncées aux alinéas 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi, à savoir le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids; l’importance qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie selon les circonstances; voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon and The Registrar of Trade-marks (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.). Toutefois, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5).

 

Examen des facteurs énoncés au paragraphe 6(5)

[12]      La marque 100 GREEN MILES de la requérante possède un caractère distinctif inhérent relativement faible, car elle est formée d’un nombre et de mots du dictionnaire d’usage courant. En outre, la marque est évocatrice, comme l’a admis la requérante, de produits alimentaires qui ont été produits localement selon des méthodes respectueuses de l’environnement. La marque 100 MILES MARKET de l’opposante possède, de même, un caractère distinctif inhérent faible, car elle est aussi composée d’un nombre et de mots du dictionnaire d’usage courant. Je suis disposé à inférer de la preuve de M. Knechtel que la marque 100 MILE MARKET de l’opposante avait acquis une certaine notoriété au Canada à toutes les dates pertinentes. La marque visée par la demande étant une marque projetée, elle ne pouvait évidemment avoir acquis une notoriété au Canada à la plus reculée des dates pertinentes, c’est-à-dire à la date de production de la demande. La preuve tend à démontrer que la marque visée par la demande avait acquis au moins une certaine notoriété aux dates pertinentes les plus récentes. Par conséquent, le premier facteur énoncé au paragraphe 6(5), qui concerne aussi bien le caractère distinctif inhérent que le caractère distinctif acquis, joue en faveur de l’opposante aux dates pertinentes les plus récentes, mais seulement dans une mesure limitée. À cet égard, il convient de souligner que le caractère distinctif acquis de la marque 100 MILES MARKET de l’opposante est peu prononcé et, donc, insuffisant pour annuler le faible caractère distinctif inhérent de la marque visée par la demande et conférer à l’opposante le droit à une protection étendue pour sa marque.

[13]      La période pendant laquelle les marques ont été en usage avantage également l’opposante, qui a commencé à employer sa marque environ un an avant la production de la demande en cause. Le deuxième facteur énoncé au paragraphe 6(5) joue donc en faveur de l’opposante, mais, là encore, uniquement dans une mesure limitée. Les marchandises, les services, les entreprises et les commerces des parties sont essentiellement les mêmes ou se recoupent étroitement. Par conséquent, les troisième et quatrième facteurs énoncés au paragraphe 6(5) jouent en faveur de l’opposante.

[14]      Les marques des parties comprenant toutes deux les éléments 100 et MILE, il est évident qu’elles se ressemblent. Le premier élément d’une marque est souvent considéré comme le plus important au regard du caractère distinctif. Toutefois, lorsque le premier élément est un mot d’usage courant fortement évocateur ou donnant une description claire, son importance s’en trouve réduite : voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., [1991], 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.). En l’espèce, les marques des parties commencent toutes deux par le nombre 100, un élément plutôt dépourvu de caractère distinctif. Partant, les suffixes GREEN MILES et MILE MARKET constituent les éléments les plus distinctifs et prédominants des marques des parties. Les marques des parties suggèrent des idées similaires, soit des aliments produits localement, c’est-à-dire dans un rayon de 100 miles [environ 161 km]. Néanmoins, j’estime que lorsqu’on les considère dans leur ensemble, les marques en cause présentent des différences graphiques et phonétiques qui contrebalancent la similitude des idées suggérées. Par conséquent, la ressemblance entre les marques en cause est un facteur qui n’avantage aucune des parties. 

 

Jurisprudence

[15]      Je tiens compte également du raisonnement suivi dans Coventry Inc. c. Abrahamian (1984), 1 C.P.R. (3d) 238 (C.F. 1re inst.), une affaire dans laquelle l’opposante fondait son opposition sur sa marque SARAH, une marque qui n’était pas intrinsèquement forte et qui n’avait pas acquis un caractère distinctif important par l’emploi, la publicité ou d’autres moyens (au paragraphe 6) :

[TRADUCTION]
« La marque de commerce SARAH est un prénom féminin très répandu dans la chrétienté et, pour cette raison, son caractère distinctif inhérent est faible [voir Bestform Foundations Inc. c. Exquisite Form Brassiere (Canada) Ltd. (1972), 34 C.P.R. (2d) 163]. De telles marques sont considérées comme intrinsèquement faibles et ne peuvent bénéficier d’une protection étendue. [voir American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co. Inc. (1972), 7 C.P.R. (2d) 1, [1972] C.F. 1271; et GSW Ltd. c. Great West Steel Industries Ltd. et al. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154]. Lorsque la marque en cause est intrinsèquement faible, de petites différences suffisent à la distinguer d’une autre marque [voir American Cyanamid Co., précitée, à la p. 5]. Zaréh, qui est également un prénom chrétien, mais qu’on rencontre chez les hommes libanais, n’est pas répandu dans ce pays. À l’évidence, il existe au moins de petites différences qui distinguent ces deux prénoms. Le caractère distinctif d’une marque intrinsèquement faible peut toutefois être accentué par un emploi à grande échelle [voir GSW Ltd. c. Great West Steel, précitée]. Il appert de la preuve produite par l’appelante que cette dernière a fait un emploi et une promotion considérables des noms Sarah, Sarah Coventry, Sarah Fashion Show, etc., mais un emploi très limité de la marque de commerce SARAH. Or, il est bien établi qu’il ne suffit pas pour le propriétaire d’une marque de commerce de simplement déclarer qu’il a employé sa marque; il doit en faire la preuve [voir Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62, [1981] 1 C.F. 679, 34 N.R. 39. »

                                                (non souligné dans l’original)

 

[16]      En l’espèce, la marque sur laquelle l’opposante fonde son opposition est une marque intrinsèquement faible et je ne peux conclure, au vu de la preuve dont je dispose, qu’elle a acquis par l’emploi et la promotion un caractère distinctif suffisamment important pour justifier une protection étendue.

[17]      Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la requérante s’est acquittée, à toutes les dates pertinentes, du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque 100 GREEN MILES visée par la demande d’enregistrement et la marque 100 MILE MARKET de l’opposante.

 

Décision

[18]      Les premier, deuxième et troisième motifs d’opposition portent sur la question de la confusion et, par conséquent, sont rejetés. Le quatrième et dernier motif concerne la non-conformité à l’alinéa 30i). Or, les actes de procédures qui s’y rattachent ne sont pas pertinents du point de vue de l’allégation de non-conformité. Le quatrième motif est donc rejeté. En conséquence, l’opposition est rejetée également. La présente décision a été rendue en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

 

___________________

Myer Herzig                             

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

Office de propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

 

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