Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION de Rothmans Benson & Hedges Inc. à la demande no 1122416 produite par la Compagnie du Maurier Inc. en vue de l'enregistrement de la marque de commerce du MAURIER RUBY

 

 

[1].             Le 19 novembre 2001, la Compagnie du Maurier Inc. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce du MAURIER RUBY (la Marque), fondée sur son emploi projeté au Canada en liaison avec des « produits du tabac manufacturés » (les Marchandises).

 

[2].             Cette demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce le 18 décembre 2002.

 

[3].             Le 20 mai 2003, la société Rothmans Benson & Hedges (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition à l'égard de la demande susdite. Les motifs de cette opposition, dans la version modifiée de leur exposé, peuvent se résumer comme suit :

a.       La demande ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, et ses modifications (la Loi), en ce que la Requérante n'a pas l'intention d'employer l'expression « du MAURIER RUBY » comme marque de commerce.

b.      La Marque n'est pas enregistrable au sens de l'alinéa 12(1)b) de la Loi, puisqu'elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises à l'égard desquelles on projette de l'employer.

c.       La Marque n'est pas distinctive.

 

[4].             La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant la totalité des motifs d'opposition.

 

[5].             L'Opposante a présenté comme preuve un affidavit de Perry J. Lao. La Requérante a présenté un seul ensemble d'affidavits – souscrits par Edmond Ricard, Chantal Dorais, Adamo Santoianni, Timothy Owen Stevenson, Eric Weaver, Iva Morina et Gay Owens – relativement à la présente opposition, ainsi qu'à cinq autres formées contre elle par l'Opposante. Je n'examinerai ici que les aspects de la preuve pertinents pour la présente opposition.

 

[6].             Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit, et il a été tenu une audience, où seule la Requérante était représentée.

 

Résumé de la preuve de l'Opposante

 

L'affidavit de Perry J. Lao

 

[7].             Perry J. Lao atteste qu'il est un avocat employé par le cabinet qui représente l'Opposante dans les présentes procédures d'opposition.

 

[8].             Me Lao déclare qu'il a acheté le 9 février 2004 des échantillons de divers paquets de cigarettes de la Requérante dans un dépanneur sis à Toronto. Il joint à son affidavit les pièces A à F, lesquelles sont des images obtenues par scanner des dessins et des mots apparaissant respectivement sur les faces antérieures des paquets de cigarettes de la Requérante « du MAURIER » et « du MAURIER Light, Extra Light, Ultra Light, Edition ou Special Mild ». Je reproduis ci‑dessous les éléments principaux des faces antérieures des paquets de cigarettes « du MAURIER Edition » et « du MAURIER Ultra Light » de la Requérante auxquels il est fait référence dans la présente procédure d'opposition :

 

du MAURIER edition & DESIGN

DU MAURIER ULTRA LIGHT & DESIGN

 

[9].             Me Lao formule diverses observations concernant les signes qui figurent sur les paquets susdits. Il déclare en outre que, à partir des représentations des produits commercialement disponibles de la Requérante qui sont jointes à son affidavit à titre de pièces A à F, ainsi que d'un extrait imprimé de la base de données en ligne sur les marques de commerce de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, joint au même affidavit sous la cote G, qui concerne une demande d'enregistrement de la marque « du MAURIER EDITION » produite par la Requérante et qui faisait aussi l'objet d'une opposition de l'Opposante à la date dudit affidavit, il est raisonnable de conclure que la Marque visée par la demande apparaîtrait sur les paquets d'une façon semblable à celle dont elles apparaissent sur les produits commercialement disponibles de la Requérante représentés dans les pièces A à G, de telle sorte que le nom « du MAURIER » serait inscrit séparément du mot « RUBY ». Je n'accorde aucun poids à cette dernière partie de l'affidavit de Me Lao, qui exprime de simples conjectures.

 

[10].         Me Lao joint également à son affidavit des extraits de divers dictionnaires papier et en ligne disponibles au Canada qui définissent le mot « RUBY ».

 

Résumé de la preuve de la Requérante

 

L'affidavit d'Edmond Ricard

 

[11].         Edmond Ricard atteste qu'il est le chef du Service des marchés à terme et du développement à la Division de la commercialisation de la société Imperial Tobacco Canada Limited / Imperial Tobacco Canada Limitée (ITCan). Il déclare que, en tant que chef du service susdit, il est chargé entre autres de maintenir les marques de commerce que possèdent ITCan et ses filiales – notamment Imperial Tobacco Company Limited (ITCo), Imperial Brands Limited / Les Marques Imperial Ltée (Imperial Brands) et la Requérante –, ainsi que d'en surveiller l'emploi.

 

[12].         M. Ricard déclare que, en vertu d'un accord de licence liant la Requérante et Imperial Brands, celle‑ci est autorisée à employer toutes les marques de commerce de la Requérante en liaison avec la fabrication et la vente de produits du tabac. Cet accord autorise également Imperial Brands à sous-licencier ses droits, ce qu'elle a fait pour ITCan, à des conditions identiques à celles de la licence qu'elle tient de la Requérante.

 

[13].         M. Ricard déclare qu'ITCan fabrique, commercialise et vend les cigarettes du MAURIER EDITION au Canada depuis au moins le 6 mai 2002.

 

[14].         M. Ricard expose la manière dont les cigarettes du MAURIER EDITION sont vendues au Canada, et joint à son affidavit des échantillons représentatifs des paquets, des factures et des bulletins de commande relatifs à cette marque.

 

L'affidavit de Chantal Dorais

 

[15].         Chantal Dorais atteste qu'elle est cheffe du Service des relations avec les consommateurs chez ITCan. Mme Dorais déclare que son service s'occupe des communications avec les clients, notamment des questions, observations, compliments et plaintes concernant les produits fabriqués par ITCan, y compris les cigarettes du MAURIER EDITION.

 

[16].         Mme Dorais déclare que les clients communiquent le plus souvent avec ITCan par téléphone, en composant un numéro inscrit sur les paquets des produits de cette entreprise. Elle ajoute que les membres de son service, y compris elle-même, reçoivent ces communications téléphoniques et en inscrivent l'objet directement dans une base de données électroniques. À la fin de chaque entretien téléphonique, le service demande au client d'inscrire ses commentaires et des renseignements afférents sur une formule qu'on lui expédie par la poste et qu'il renvoie au service.

 

[17].         Mme Dorais déclare que, dans la plupart des cas, les clients désignent le produit dont il s'agit par son nom complet. Par exemple, les clients qui ont contacté son service à propos du produit du MAURIER EDITION d'ITCan l'ont désigné « du MAURIER EDITION » dans la majorité des cas. Mme Dorais ajoute qu'ITCan a reçu plus de 700 communications concernant les cigarettes du MAURIER EDITION et elle joint à son affidavit, sous la cote A, des échantillons représentatifs de communications reçues de consommateurs canadiens concernant ce produit d'ITCan.

 

L'affidavit d'Adamo Santoianni

 

[18].         Adamo Santoianni atteste qu'il est agent commercial chez ITCo. Il compte 23 ans d'expérience à ce poste, qu'il occupait aussi chez les prédécesseurs de cette société.

 

[19].         Il déclare que sa tâche consiste à collaborer avec les détaillants de la région montréalaise au marchandisage des produits fabriqués par ITCan, pour laquelle ITCo distribue des cigarettes. Il explique qu'il s'entretient régulièrement avec les détaillants, et qu'il leur rend visite dans leurs magasins pour leur remettre des documents d'information, pour assurer le maintien de leur stocks de présentoirs et ainsi de suite. Il ajoute que, dans l'exercice de ces fonctions, il a souvent l'occasion de s'entretenir avec les clients qui entrent dans les magasins en question ou d'entendre ce qu'ils disent. Il affirme que, au cours des 23 dernières années, il a parlé à des milliers de clients, ou les a entendus discuter ou acheter leurs cigarettes, et que dans l'immense majorité des cas (95 % selon son estimation), ils désignaient la marque de cigarettes en question par son nom complet. Il précise qu'il en va ainsi des cigarettes du MAURIER EDITION d'ITCan, que ces clients désignent « du MAURIER EDITION ».

 

[20].         M. Santoianni poursuit en faisant observer que cela n'est pas étonnant puisque, selon son expérience, il est courant qu'un fabricant de tabacs offre plusieurs marques dont les noms comportent un premier élément commun. Il cite comme exemples de cette pratique, sans proposer d'autres éléments à l'appui, les marques PLAYER’S FILTER, PLAYER’S LIGHT SMOOTH, PLAYER’S SILVER et PLAYER’S SPECIAL BLEND, ainsi que les marques EXPORT A EXTRA LIGHT, EXPORT A LIGHT, EXPORT A MEDIUM, EXPORT A MEDIUM FLAVOUR et EXPORT A MILD.

 

[21].         Bien que l'Opposante n'ait pas contesté l'admissibilité en preuve des déclarations de M. Santoianni, j'examinerai cette question plus loin dans la présente décision.

 

Les affidavits d'Iva Morina, de Timothy Owen Stevenson et d'Eric Weaver

 

[22].         Iva Morina, Timothy Owen Stevenson et Eric Weaver attestent qu'ils sont respectivement technicienne juridique, stagiaire d'été et stagiaire en droit dans le cabinet d'avocats qui représente la Requérante dans les présentes procédures d'opposition.

 

[23].         Iva Morina et Timothy Owen Stevenson, chacun pour leur part, ont demandé verbalement un paquet de cigarettes du MAURIER EDITION dans un ou plusieurs magasins de proximité en novembre 2004. Chacun d'eux joint à son affidavit des photocopies du paquet que le vendeur leur a remis dans chaque cas, ainsi que le reçu correspondant.

 

[24].         Eric Weaver a visualisé et imprimé des extraits de la page Web www.whistlergrocery.com le 23 novembre 2004. À la même date, il a acheté un paquet de cigarettes du MAURIER EDITION sur ce site. Il joint à son affidavit les extraits en question, ainsi que la confirmation d'achat qu'il a imprimée à la suite de cette transaction.

 

L'affidavit de Gay Owens

 

[25].         Gay Owens atteste qu'elle est recherchiste en marques de commerce dans le cabinet d'avocats qui représente la Requérante dans la présente procédure d'opposition. Elle joint à son affidavit les résultats de recherches assistées par ordinateur sur l'état du registre des marques de commerce qui visaient à trouver des demandes et des enregistrements actifs où figurait le mot « RUBY » employé en liaison avec diverses marchandises. J'examinerai les résultats de ces recherches plus loin dans la présente décision.

 

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

 

[26].         Il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, l'Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d'opposition [voir : John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

[27].         Les dates pertinentes pour l'examen des circonstances afférentes à chacun des motifs d'opposition invoqués dans les présentes espèces sont les suivantes :

 

         le motif fondé sur l'article 30 de la Loi : la date de production de la demande d'enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];

         le motif fondé sur l'alinéa 12(1)b) de la Loi : la date de production de la demande d'enregistrement [voir General Housewares Corp. c. Fiesta Barbeques Limited (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)];

         le motif fondé sur l'absence de caractère distinctif de la Marque : la date pertinente généralement admise est la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re  inst.)].

 

[28].         J'analyserai maintenant les motifs d'opposition en fonction de la preuve au dossier.

 

Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30e)

 

[29].         Le premier motif d'opposition invoqué par l'Opposante indique que la demande ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa 30e) de la Loi, en ce que la Requérante n'a pas l'intention d'employer la Marque, comme marque de commerce au sens de l'article 2 de la Loi, en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrite dans cette demande. L'Opposante affirme plus précisément que la Requérante emploiera la marque alléguée du MAURIER RUBY de telle manière que le public ne la percevra pas du premier coup d'œil comme une seule marque formant une unité. L'Opposante soutient que le nom « du MAURIER » et le mot « RUBY » seront imprimés en caractères de polices ou de tailles différentes, et que le mot « RUBY » sera compris comme une pure description de la couleur du paquet, si bien que le public ne verra pas dans cet élément une partie de l'ensemble de la marque, mais ne percevra comme marque de commerce que le nom « du MAURIER ».

 

[30].         Comme il est aussi expliqué dans l'affidavit de Me Lao et dans le plaidoyer écrit de l'Opposante, cette dernière, se fondant sur les représentations de produits commercialement disponibles de la Requérante annexées audit affidavit sous les cotes A à F, soutient que la Marque apparaîtrait sur les paquets de la même manière que la marque du MAURIER EDITION y apparaît maintenant, c'est‑à‑dire que le nom « du MAURIER » serait séparé du mot « RUBY ». La marque du MAURIER RUBY, ainsi utilisée, ne serait donc pas employée comme une marque de commerce formant une unité.

 

[31].         La Requérante fait valoir de son côté que cette preuve établit tout au plus de quelle manière elle a vendu en 2004 sa marque de cigarettes du MAURIER EDITION, non liée à la présente espèce, et ne peut absolument pas être considérée comme établissant comment elle envisageait, environ trois ans plus tôt, de vendre sa marque du MAURIER RUBY. En conséquence, soutient la Requérante, il n'est pas possible de conclure de la preuve au dossier qu'elle n'avait pas en 2001 l'intention d'employer la Marque du MAURIER RUBY, en particulier si l'on tient compte de la déclaration sans équivoque et contemporaine figurant dans sa demande, selon laquelle elle emploierait la Marque comme marque de commerce. Je suis d'accord en cela avec elle.

 

[32].         Dans l'hypothèse où les allégations de l'Opposante seraient étayées de preuves, je souscrirais en outre à l'affirmation de la Requérante selon laquelle un tel usage constituerait bel et bien un emploi de la Marque comme marque de commerce.

 

[33].         En effet, si la Requérante devait employer la Marque sous la même forme qu'elle utilise sa marque du MAURIER EDITION, je pense qu'on pourrait dire qu'elle l'emploie comme marque de commerce, puisque le fait que les éléments « du MAURIER » et « EDITION » [« RUBY »] apparaissent [apparaîtraient] en caractères de polices, de tailles et de couleurs différentes sur la face antérieure, ainsi que sur les sections latérale et supérieure, des paquets de cigarettes n'empêche pas en soi la mise en œuvre de ces éléments d'être considérée comme un emploi de la marque nominale du MAURIER EDITION [du MAURIER RUBY] en tant qu'unité. Les éléments « du MAURIER » et « EDITION » [« RUBY »] apparaissent [apparaîtraient] toujours en étroite proximité l'un de l'autre, et isolément soit d'autres signes (sur la section latérale), soit d'autres mots (sur la section supérieure). Ces éléments sont en outre les seuls mots de taille importante imprimés sur la face antérieure.

 

[34].         L'hypothèse susdite selon laquelle la marque du MAURIER RUBY serait employée comme marque de commerce sur les paquets de cigarettes se trouve en outre étayée par l'usage fait de la marque du MAURIER EDITION sur les factures et les bulletins de commande annexés à l'affidavit de M. Ricard. La mention « du MAURIER EDITION » apparaît dans le corps des factures, qui accompagnent les marchandises ou sont expédiées à leurs acheteurs. La même mention figure aussi sur les formules qu'utilisent détaillants et grossistes pour commander des cigarettes à ITCo. On la trouve enfin sur les reçus de vente au détail, ainsi que l'attestent les affidavits de Mme Morina et de M. Stevenson. 

 

[35].         En outre, les échantillons de communications annexés à l'affidavit de Mme Dorais attestent que les clients désignent par leur nom complet les cigarettes du MAURIER EDITION.

 

[36].         Je n'ai pas à me prononcer sur l'admissibilité des déclarations de M. Santoianni, étant donné que j'estime la preuve résumée ci‑dessus suffisante pour conclure que, vu les faits, si la Requérante utilisait la Marque visée par la demande sous la même forme que sa marque du MAURIER EDITION, cet usage pourrait être considéré comme un emploi de la marque de commerce projetée.

 

[37].         Vu l'analyse qui précède, je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial dont elle devait s'acquitter pour mettre en litige les allégations suivant lesquelles la Requérante n'aurait pas l'intention d'employer la Marque, comme marque de commerce, en liaison avec les Marchandises. Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30e) est en conséquence rejeté.

 

Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b)

 

[38].         L'Opposante soutient que la Marque n'est pas enregistrable au sens de l'alinéa 12(1)b) de la Loi, puisque, qu'elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises à l'égard desquelles on projette de l'employer.

 

[39].         Je ne suis pas certaine que ce moyen soit suffisamment exposé, mais je crois comprendre à la lecture de l'affidavit de Me Lao et de l'ensemble de la déclaration d'opposition que l'Opposante prétend que le mot « RUBY » sera perçu comme donnant une pure description de la couleur des paquets des Marchandises.

 

[40].         Le critère applicable sous le régime de l'alinéa 12(1)b) de la Loi consiste à se demander si la marque de commerce considérée dans son ensemble donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises ou des services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer. Il ne convient pas de diviser la marque de commerce en ses éléments et de l'analyser avec soin, mais plutôt de la considérer dans son ensemble pour voir quelle est l'impression immédiate qu'elle produit [voir à ce sujet : Wool Bureau of Canada Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux pages 27 et 28; et Atlantic Promotions Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 186]. En corollaire, si seulement une partie de la marque de commerce projetée se révèle inacceptable, cette marque considérée dans son ensemble peut néanmoins être enregistrable, à condition que la partie inacceptable ne domine pas l'ensemble de la marque de commerce visée par la demande à tel point qu'on ne puisse en envisager l'enregistrement [voir Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co. Ltd. (2004), 35 C.P.R. (4th) 507]. Le terme « nature » s'entend d'une caractéristique, d'un trait ou d'une particularité du produit, et l'adjectif « claire » veut dire évidente, qui va de soi, facile à comprendre [voir Drakett Co. of Canada c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29 (C. Éch.), à la page 34].

 

[41].         Pour les raisons exposées ci‑dessous, l'application de ces principes à la présente espèce me convainc que, comme le soutient la Requérante, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b) doit être rejeté.

 

[42].         L'Opposante a reconnu dans son plaidoyer écrit que la Marque est composée de deux éléments, à savoir [TRADUCTION] « la marque maison bien connue du Maurier », d'une part, et d'autre part, le mot ordinaire du dictionnaire « RUBY ». L'Opposante n'a pas soutenu que le nom « du MAURIER » serait de quelque façon une description claire ou fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises. En conséquence, la Marque, considérée dans son ensemble, ne peut être une description claire ou fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité desdites Marchandises. L'élément « du MAURIER » domine la Marque et la rend intégralement non descriptive.

 

[43].         En outre, les définitions lexicales du mot « RUBY » déposées par l'Opposante donnent à penser que la Marque, employée en liaison avec des produits du tabac, pourrait suggérer l'une ou l'autre des idées suivantes, en plus de celle que le paquet contenant les cigarettes est de couleur rubis :

 

                     que le produit du tabac lui-même est de couleur rubis;

                     que le produit du tabac lui-même, comme la pierre précieuse qu'est le rubis, possède une grande valeur;

                     que le produit du tabac fait partie d'une collection de produits dont chacun est désigné par le nom d'une pierre précieuse (les autres étant nommés, par exemple, « émeraude » et « diamant »).

[44].         La variété et le nombre des marques de commerce comprenant le mot « RUBY » dont l'affidavit de Mme Owens atteste l'existence actuelle au registre viennent également étayer la conclusion que ce mot, en lui-même, ne fait pas nécessairement de la Marque, considérée dans son ensemble, une description claire ou une description fausse et trompeuse. À la date de la recherche, il y avait plus de 30 enregistrements ou demandes d'enregistrement accueillies visant des marques de commerce qui comprenaient le mot « RUBY ». Je pense comme la Requérante que le fait qu'un bon nombre de ces enregistrements et demandes contiennent une déclaration de désistement du droit à l'usage exclusif du mot « RUBY » en dehors de la marque de commerce visée ne signifie aucunement qu'il conviendrait de repousser la présente demande au motif que ce mot, considéré isolément, donne une description claire des Marchandises et aurait donc dû faire l'objet d'un désistement. Bien que l'Opposante ne l'ait pas invoquée dans la présente espèce, je rappelle que l'absence de désistement ne peut constituer un motif valable d'opposition [voir Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Registraire des marques de commerce et Bodegas Rioja Santiago, S.A. (1974), 15 C.P.R. (2d) 1, à la page 10 (C.F. 1re inst.)].

 

[45].         Vu l'analyse qui précède, je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial dont elle devait s'acquitter pour mettre en litige les allégations suivant lesquelles la Marque donnerait une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises. Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b) est en conséquence rejeté.

 

Le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

 

[46].         L'Opposante soutient que la Marque n'est pas distinctive en ce qu'elle ne distingue pas les Marchandises de la Requérante de celles d'autres propriétaires ni n'est adaptée à les en distinguer. L'Opposante a donné davantage de précisions à l’égard de ce motif d'opposition dans les termes suivants :

[TRADUCTION] Le terme « distinctive », relativement à une marque de commerce, qualifie celle qui distingue véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée par son propriétaire, des marchandises d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. Or la marque alléguée du MAURIER RUBY n'est pas distinctive, parce qu'elle n'est pas, ni ne sera perçue comme étant, une marque de commerce, pour les raisons exposées à l'alinéa 3a) ci‑dessus [c'est‑à‑dire sous le motif d'opposition a)].

 

[47].         Étant donné que les conclusions formulées plus haut au sujet du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30e) s'appliquent également au motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif tel que l'a invoqué l'Opposante, ce dernier motif doit aussi être rejeté, au moins pour les mêmes raisons que le premier l'a été.

 

Décision

[48].         Dans l’exercice des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition à l'enregistrement de la Marque conformément au paragraphe 38(8).

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 16 JUILLET 2009.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme,

Linda Brisebois, LL.B

 

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