Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADEMARKS

Référence : 2013 COMC 59

Date de la décision : 2013-03-28

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco à l'encontre de la demande no 1,351,481 pour la marque de commerce DIAMOND REWARDS CLUB MONTE CARLO INN & Dessin au nom de Monte Carlo Holdings Corp.

 

 

[1]         Le 30 mai 2007, Monte Carlo Holdings Corp. (alors connue sous le nom de Monte Carlo Hotel/Motel Innternational Inc.) (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque DIAMOND REWARDS CLUB MONTE CARLO INN & Dessin (illustrée ci-dessous) (la Marque) fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis le 23 mai 2007, en liaison avec les services suivants :

DIAMOND REWARDS CLUB MONTE CARLO INN & DESIGN

Exploitation d’un programme de fidélité dans le cadre duquel les clients réguliers des hôtels/motels franchisés du Requérant qui choisissent d’adhérer au programme peuvent cumuler des points pouvant être utilisés pour l’achat de marchandises ou de services du Requérant ou d’autres fournisseurs de marchandises ou de services ayant accepté de s’associer au programme de fidélité du Requérant (les Services).

[2]         La demande comporte la revendication de couleur et le désistement qui suivent :

Le Requérant revendique la couleur comme caractéristique de la marque de commerce, à savoir bleu, turquoise, or, jaune, rouge et noir. La Marque consiste en un dessin rectangulaire comportant un fond bleu; à gauche un groupe de dix losanges sont placés pour former un triangle et la couleur des losanges pâlit de gauche à droite, allant progressivement vers des teintes plus pâles de turquoise pour terminer la pointe du triangle par un losange blanc. Le mot DIAMOND REWARDS CLUB apparaît en lettres dorées et, derrière celles-ci, on voit une élégante couronne turquoise au centre, au milieu de laquelle se trouvent six autres losanges, au-dessus de l'inscription MONTE CARLO INN en lettres dorées. Dans le coin inférieur droit du dessin se trouve aussi une élégante couronne plus petite, de couleur rouge, doré et noir.

Le droit à l'usage exclusif du mot INN en dehors de la marque de commerce n'est pas accordé.

[3]         À cette étape de ma décision, je dois mentionner que le changement par la Requérante de sa dénomination Monte Carlo Hotel/Motel Innternational Inc. pour adopter celle de Monte Carlo Holdings Corp. a été enregistré par le registraire le 11 février 2009. Je reviendrai sur ce changement de dénomination plus tard dans ma décision.

[4]         La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 12 mars 2008.

[5]         Le 12 mai 2008, Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco s'est opposée à la demande conjointement avec la Principauté de Monaco. La déclaration d'opposition a été modifiée une première fois le 28 novembre 2008 et à nouveau le 8 décembre 2008. Le 14 juillet 2010, chacune des Co-opposantes a demandé la permission de produire une autre déclaration d'opposition modifiée, reflétant le fait qu'elles seraient désormais représentées individuellement, par un avocat distinct. Le registraire a accordé la permission dans une lettre du Bureau datée du 24 mars 2011. Par conséquent, la présente décision concerne la plus récente déclaration d'opposition modifiée par Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco (l'Opposante) le 14 juillet 2010. Une décision distincte concernant l'Opposante qu'est la Principauté de Monaco sera rendue parallèlement à l'affaire en l'espèce.

[6]         Je dois mentionner à cette étape-ci de ma décision que dans son plaidoyer écrit produit le 11 juillet 2011, l'Opposante indique que les motifs d'opposition sur lesquels elle s'appuie peuvent être résumés comme suit :

1.      la demande n'est pas conforme à l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C, 1985, ch. T-13 (la Loi), en ce sens qu'à la date de production de la demande concernant la Marque, celle-ci n'avait pas été employée par la Requérante depuis la date de premier emploi revendiquée au Canada en liaison avec les Services;

2.      la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, en ce sens qu'elle crée de la confusion avec l'enregistrement portant le no LMC631,932 pour la marque de commerce THERMES MARINS MONTE CARLO (la marque enregistrée de l'Opposante);

3.      la Marque n'est pas distinctive de celle de la Requérante au sens de l'article 2 de la Loi, en ce sens qu'elle crée de la confusion avec la marque enregistrée de l'Opposante, à l'encontre de l'alinéa 12(1)d) de la Loi; et la Requérante a permis à des tiers d'employer la Marque sans licence, contrairement aux exigences prévues à l'article 50 de la Loi.

[7]          Cependant, je note que la déclaration d'opposition, telle qu'elle a été modifiée le 14 juillet 2010, comprend d'autres motifs d'opposition alléguant entre autres la non-enregistrabilité de la Marque en vertu des alinéas 12(1)b) et 12(1)e) et de l'article 10 de la Loi, et l'absence de droit à l'enregistrement en vertu de l'article 16 de la Loi. Je discuterai plus en profondeur de ces motifs ultérieurement dans ma décision.

[8]          La Requérante a produit une contre-déclaration, dans laquelle elle conteste les allégations de l'Opposante.

[9]          La preuve principale de l'Opposante, produite conjointement avec la Principauté de Monaco, est composée des éléments suivants :

         une copie certifiée de la demande no 1,254,597 pour la marque de commerce MOSAIK MONTE-CARLO au nom de l'Opposante;

         une copie certifiée de la demande no LMC631,932 pour la marque de commerce THERMES MARINS MONTE CARLO au nom de l'Opposante;

         des copies certifiées des publications suivantes, au nom de la Principauté de Monaco :

o   publication no 907,076 pour la marque officielle MONTE CARLO;

o   publication no 970,618 pour la marque officielle SHIELD & Dessin;

o   publication no 970,619 pour la marque officielle SHIELD & Dessin;

o   publication no 970,620 pour la marque officielle SHIELD & Dessin;

o   publication no 970,623 pour la marque officielle CROWN & Dessin;

         déclaration solennelle d'Iana Alexova, datée du 25 novembre 2008;

         déclaration solennelle de Marie-Ève Rock, datée du 4 décembre 2008.

[10]      La preuve de la Requérante consiste en un affidavit de Domenic Meffe, assermenté le 24 février 2010.

[11]      L'Opposante a par la suite déposé en contre-preuve la déclaration solennelle d'Anne-Christine Boudreault, datée du 19 mars 2010. La Requérante soutient que la déclaration de Mme Boudreault ne constitue pas une contre-preuve admissible puisqu'elle ne répond pas à la preuve de la Requérante et devrait par conséquent être rejetée. Je suis d'accord. La déclaration de Mme Boudreault précise les définitions de « Kelly » et « Rainier » tirées du dictionnaire. Plus précisément, la déclaration vise, semble-t-il, à établir un lien entre la Principauté de Monaco, Grace Kelly et le Prince Rainier. Toutefois, je ne vois pas comment ces définitions du dictionnaire viennent répondre à la preuve de la Requérante ou la contredisent. Par conséquent, j'estime que la déclaration de Mme Boudreault n'est pas admissible et je n'en discuterai pas plus longuement.

[12]      Aucun des témoins n'a été contre-interrogé. À cet égard, je note que l'Opposante a demandé que l'on ordonne le contre-interrogatoire de M. Meffe, mais le registraire a refusé d'accorder cette requête dans une lettre du Bureau datée du 24 mars 2011.

[13]      Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et se sont présentées à une audience.

Obligations

[14]      C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il revient a priori à l'Opposante de présenter suffisamment de preuves recevables desquelles on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (C.F. 1re inst.) à la page 298; et Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4e) 155 (CAF)].

Question préliminaire – changement de dénomination par la Requérante

[15]      Comme indiqué précédemment, la présente demande a d'abord été produite sous le nom de Monte Carlo Hotel/Motel Innternational Inc. Dans son affidavit, M. Meffe, en tant que président et directeur de la Requérante, Monte Carlo Holdings Corp., indique que cette compagnie a changé son nom, Monte Carlo Hotel/Motel Innternational Inc., pour Monte Carlo holdings Corp. en août 2008 [par. 1] et que le changement de dénomination effectué par la Requérante a été enregistré par le registraire le 11 février 2009 [para. 8].

[16]      Lors de l'audience, l'Opposante, s'appuyant sur la pièce A1 jointe à l'affidavit de M. Meffe, laquelle consiste en une copie papier des spécifications de l'enregistrement de la Requérante portant le numéro LMC442,550 concernant la marque de commerce MONTE CARLO INN & Dessin (dont il est question ci-dessous), a indiqué que la déclaration de M. Meffe au sujet de l'enregistrement du changement de dénomination de la Requérante par le registraire était fausse. Plus précisément, l'Opposante fait valoir que la nature du changement qui a été enregistré par le registraire concerne un changement de titre suivi d'une cession de la Marque, plutôt que d'un changement de dénomination par la Requérante, ce qui a été vigoureusement contesté par la Requérante. L'imprimé produit en pièce A1 indique sous l'en-tête « CHANGE IN TITLE » : « TYPE OF CHANGE: Name […] DATE OF CHANGE: 01 Aug 2008. COMMENTS: FROM: Monte Carlo Hotel – Motel Innternational Inc. TO : Monte Carlo Holdings Corp. / See evidence on File No. 744288. » J'ai donc indiqué aux parties que j'exercerais le pouvoir discrétionnaire du registraire d'examiner la preuve au dossier no 744288, laquelle concerne la demande no LMC442,550 pour la marque de commerce MONTE CARLO INN & Dessin, afin de vérifier la nature exacte du changement enregistré par le registraire, ce que j'ai fait après l'audience.

[17]      La preuve au dossier no 744288 comprend les éléments suivants :

  • une lettre datée du 22 janvier 2009, laquelle a été envoyée au registraire par l'ancien agent de marque de commerce de la Requérante et indiquait ceci :

[Traduction] Changement de nom du propriétaire enregistré des marques de commerce figurant à l'annexe 1.

[…] Veuillez noter que mon client a produit des statuts de modification auprès du ministère des Services gouvernementaux de l'Ontario le 1er août 2008; entre autres modifications, ces statuts concernaient le changement de la dénomination de mon client, à l'origine Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc., pour adopter Monte Carlo Holdings Corp. Par la présente je demande que le registraire [...] modifie le registre [...] afin qu'il reflète le changement décrit ci-dessus [...]. Je comprends que votre bureau n’a besoin de rien d'autre que la soumission de cette demande écrite pour traiter le changement de dénomination du propriétaire inscrit […].

           une lettre du Bureau datée du 11 février 2009 intitulée « Confirmation of Amendment Owner Information », dans laquelle le registraire confirme que l'information au sujet du propriétaire a été modifiée pour Monte Carlo Holdings Corp.

[18]      À la lumière de ce qui précède, je ne vois pas sur quel fondement j'accueillerais l'allégation de l'Opposante, à savoir que la déclaration de M. Meffe est fausse. À cet égard, il est important de mentionner que les parties à la présente procédure ont été impliquées dans des litiges, dont l'un a mené à la décision de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco c, Monte Carlo Holdings Corp. 2012 CF 1528 (ci-après nommée la décision MONTE CARLO). Dans sa décision, le juge Martineau, passant en revue la chaîne des titres des marques de commerce MONTE CARLO INN visées dans les enregistrements LMC442,550 et LMC442,551 (présentés ci-dessous), a écrit au paragraphe 36 :

La défenderesse [Monte Carlo Holding Corp.] a été constituée en société le 23 mars 1992 sous le numéro d'entreprise de l'Ontario 981026 et était à l'origine nommée « Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc. ». Le 1er août 2008, la défenderesse a changé sa dénomination pour adopter « Monte Carlo Holdings Corp. » [je souligne].

[19]      Je reviendrai sur cette décision plus tard dans mon analyse.

Analyse des motifs d'opposition

Motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif

[20]      Comme indiqué précédemment, le motif fondé sur le caractère non distinctif tel qui a été plaidé par l'Opposante comporte deux volets : la Marque n'est pas distinctive de celle de la Requérante au sens de l'article 2 de la Loi, en ce sens qu'elle crée de la confusion avec la marque enregistrée de l'Opposante, à l'encontre de l'alinéa 12(1)d) de la Loi; et la Requérante a permis à des tiers d'employer la Marque sans licence, contrairement aux exigences prévues à l'article 50 de la Loi.

[21]      Dans son plaidoyer écrit ainsi qu'à l'audience, l'Opposante a limité ses observations au deuxième volet du plaidoyer, à savoir le fait que la Requérante n'a pas octroyé de licences d'emploi conformes pour la Marque. Je vais donc évaluer ce volet en premier.

[22]      La date pertinente s'appliquant à ce motif est la date de production de l'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4e) 317 (CF)]. Bien qu'il incombe à la Requérante de démontrer que la Marque distingue véritablement les Services de ceux d'autres propriétaires au Canada, ou qu'elle est adaptée à les distinguer ainsi [Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)], l'Opposante doit, comme il est indiqué précédemment, s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe et établir les faits sur lesquels elle s'appuie pour soutenir le motif d'opposition.

[23]      L'Opposante prétend s'être acquittée de son fardeau en l'espèce, puisque l'affidavit de M. Meffe établit que la Marque est employée par diverses entités dans le contexte de l'exploitation de services hôteliers franchisés. Plus précisément, l'Opposante a soutenu dans son plaidoyer écrit que ni le franchiseur (une entité distincte de la Requérante) ni les franchisés ne détiennent de licence octroyée par la Requérante pour l'emploi de la Marque au Canada, comme l'exige l'article 50 de la Loi. Toutefois, lors de l'audience, l'Opposante a indiqué qu'elle s'inquiétait de l'emploi de la Marque par Monte Carlo Hotel/Motel Innternational Inc., agissant à titre d'ancien propriétaire de la Marque ou franchiseur; elle ne contestait plus le contrôle exercé par Monte Carlo Holding Corp, à titre de propriétaire de la Marque, sur l'emploi de licences pour la Marque par les franchisés. À la lumière de mes observations préliminaires au sujet du changement de dénomination de la Requérante, le plaidoyer de l'Opposante concernant l'emploi de la Marque par Monte Carlo Hotel/Motel Innternational inc. à titre d'ancien propriétaire (et cédant) de la Marque est spéculatif. Par conséquent, je vais seulement évaluer le plaidoyer de l'Opposante concernant l'emploi de la Marque par Monte Carlo Hotel/Motel Innternational Inc. à titre de franchiseur de la Marque. Ce qui m'amène à revoir l'affidavit de M. Meffe au vu des observations faites par l'Opposante dans son plaidoyer écrit et lors de l'audience.

[24]      M. Meffe indique qu'avant la production de la demande pour la Marque, la Requérante avait enregistré au Canada les marques de commerce suivantes :

MONTE CARLO INN DESIGN

MONTE CARLO INN & DESIGN

Enregistrement no LMC442,550

Enregistrement no LMC442,551

(ensemble nommées les marques de commerce MONTE CARLO INN). Les deux marques couvrent, entre autres, les services d'hôtel/motel [para. 3 et 4, pièces A1 et A2, qui contiennent des imprimés des spécifications de ces enregistrements].

[25]      M. Meffe décrit ensuite les spécifications de l'entreprise hôtelière de la Requérante et fournit suffisamment de détails, dont ceux concernant l'emploi des marques de commerce MONTE CARLO INN [para. 5 à 30 et pièces B1, B2, C1 à C7, D, E1 à E5, F1 à F5, G et H]. Essentiellement, il existe sept hôtels/motels MONTE CARLO INN au Canada [para. 13 et 14, pièces C1 et C2, qui contiennent des imprimés tirés du site Web de la Requérante (www.montecarloinns.com) montrant les diverses propriétés MONTE CARLO INN]. Chaque propriété appartient à un franchisé [par. 17]. De 2002 à 2009, les ventes au Canada en liaison avec les services d'hôtel/motel MONTE CARLO INN ont généré jusqu'à 90 millions de dollars [para. 19 et 20]. Les marques de commerce MONTE CARLO INN apparaissent sur toutes les affiches de l'ensemble des propriétés. Elles sont aussi bien en vue dans tous les bâtiments, sur les murs et les affiches ainsi que sur plusieurs objets comme les portes vitrées, les taies d'oreiller, les uniformes du personnel d'entretien, et autres objets semblables [para. 25 et 26, pièces F1 à F5].

[26]      En ce qui concerne plus particulièrement la relation concédant de licence/franchisé concernant les marques de commerce de la Requérante, M. Meffe indique ceci aux paragraphes 17 et 18 :

[...] [traduction] toutes les marques de commerce MONTE CARLO INN appartiennent à Monte Carlo Holdings Corp. ou sont utilisées sous licence par celle-ci. Toutes les propriétés qui utilisent les marques de commerce MONTE CARLO INN appartiennent à des franchisés qui détiennent une licence pour l'emploi des marques de commerce MONTE CARLO INN, Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc. agissant à titre de franchiseur.

[...] conformément à l'entente de licence entre Monte Carlo Holdings Corp. et ses licenciés, Monte Carlo Holdings Corp. exerce une surveillance et un contrôle sur la nature et la qualité des marchandises vendues et des services exécutés par les licenciés dans chacune des propriétés qui emploient les marques de commerce MONTE CARLO INN au Canada, et il en est ainsi depuis que [la Requérante] a franchisé sa première propriété employant les marques de commerce MONTE CARLO INN en 1992.

[27]      M. Meffe se tourne ensuite sur la Marque, précisément. Il indique que depuis le 23 mai 2007, la Requérante offre un programme de fidélité appelé DIAMOND REWARDS CLUB, lequel permet aux clients de gagner et d'accumuler des points DIAMOND REWARDS CLUB en séjournant dans les diverses propriétés MONTE CARLO INN. Ces points peuvent ensuite être échangés contre une variété de prix préalablement déterminés. Il fournit de l'information concernant le programme de fidélité DIAMONDS REWARDS CLUB de la Requérante [pièce I]; une photocopie couleur du recto et du verso de la carte DIAMOND REWARDS CLUB sur laquelle apparaît la Marque [pièce J]; et des transactions représentatives illustrant l'échange de points DIAMOND REWARDS CLUB contre divers prix, comme des bons de restauration et des chambres gratuites [pièce K] [para. 31 à 34].

[28]      M. Meffe poursuit en décrivant de manière très détaillée la promotion et la publicité concernant les marques de commerce MONTE CARLO INN [para. 35 à 53, pièces L1 et L2, pièce M, pièce N, pièces O1 à O12, pièces P1 à P5, pièce Q, pièces R1 et R2, pièces S1 et S2]. À la suite de mon examen de ces pièces, je note qu'une reproduction en noir et blanc du recto de la carte DIAMOND REWARDS CLUB affichant la Marque figure en pièce O4 (copie d'une annonce parue dans le numéro de juillet/août 2008 du magazine Hotelier), et en pièces P1 à P3 et P5 (copies de diverses annonces pour les propriétés MONTE CARLO INN dans les Pages jaunes). Une reproduction couleur du recto de la carte est également illustrée en pièce O12 (copie d'une annonce non datée placée dans les halls des propriétés MONTE CARLO INN).

[29]      L'Opposante fait valoir que l'affidavit de M. Meffe n'établit pas l'octroi de licence pour l'emploi de la Marque, et ce, pour deux principales raisons. D'abord, les déclarations de M. Meffe concernant l'emploi sous licence des marques de commerce de la Requérante se limitent aux marques de commerce MONTE CARLO INN et ne font aucunement mention de la Marque. Ensuite, M. Meffe n'indique pas dans son affidavit que le franchiseur Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc. détient une licence d'emploi des marques de commerce de la Requérante.

[30]      La référence à Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc. à titre de franchiseur a été expliquée en détail par M. le juge Martineau dans la décision MONTE-CARLO, laquelle a été citée par les deux parties lors de l'audience tenue dans le cadre des présentes procédures. Plus particulièrement, l'Opposante a elle-même souligné que l'affidavit de M. Meffe produit dans le cadre des présentes procédures a pour modèle celui qui a été produit dans l'affaire MONTE-CARLO. Dans ce dernier cas, les parties ont été inversées : Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à Monaco [l'Opposante dans la présente procédure] était « la Requérante » qui portait en appel la décision du registraire de refuser en partie la demande de la Requérante pour la marque MONTE-CARLO BEACH HOTEL, à laquelle s'était opposée « la défenderesse » Monte Carlo Holdings Corp. [la Requérante dans la présente procédure] sur le fondement de la probabilité de confusion avec les marques de commerce MONTE CARLO INN. La question de savoir si le franchiseur des marques de commerce MONTE CARLO INN pouvait se prévaloir de leur emploi antérieur a été commentée par M. le juge Martineau. Bien qu'elles soient longues, j'ai jugé qu'il était utile de reproduire intégralement ci-dessous les sections les plus pertinentes de son analyse :

[Traduction] Allégation de vices dans la chaîne de titres

[34]           Le registraire a commencé par aborder le plaidoyer de la Requérante concernant un vice dans la chaîne de titres des marques de commerce MONTE CARLO INN. La Requérante fait référence au troisième affidavit de M. Meffe et soutient qu'on ne sait pas exactement quelle entité est propriétaire des marques de commerce MONTE CARLO INN & Dessin et quelle entité peut se prévaloir de leur emploi antérieur. Plus précisément, la Requérante affirme qu'il est clair que les franchisés détiennent une licence d'emploi des marques de commerce, mais que le franchiseur ne peut se prévaloir de leur emploi antérieur.

[35]           Le registraire n'a pas eu besoin d'aborder cette question pour disposer du motif d'opposition connexe [...].

[36]           En réponse à cela, la Requérante présente de nouvelles preuves dans l'affidavit Hung. Celui-ci énonce le profil corporatif de la défenderesse et d'une autre entité légale distincte, le numéro d'entreprise de l'Ontario 1772970 [Nouvelle entité]. La défenderesse a été constituée en société le 23 mars 1992 sous le numéro d'entreprise de l'Ontario 981026 et s'appelait à l'origine « Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc. ». Le 1er août 2008, la défenderesse a changé son nom pour « Monte Carlo Holdings Corp. ». La Nouvelle entité a été constituée en société le 30 juin 2008, et le 1er août 2008 son nom a été changé pour « Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc. ».

[37]           En invoquant cette nouvelle preuve, la Requérante visait à démontrer un vice dans la chaîne de titres en montrant que la défenderesse et la Nouvelle entité – qui sont deux entités légales distinctes – avaient partagé le même nom, soit Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc., et que la défenderesse a elle-même cédé son nom, le même jour où la Nouvelle entité l'a adopté. Cela signifie, selon la Requérante, que même si la Nouvelle entité a été un franchiseur de la chaîne Monte Carlo Inn pendant plusieurs années, elle ne détient pas de licence d'emploi des marques de commerce de la défenderesse au Canada.

[38]           La défenderesse réplique qu'il n'y a eu aucune coupure dans la chaîne de titres. La défenderesse ne nie pas les changements de dénomination et, de fait, indique que la seule différence a été un changement dans le nom de l'entreprise, que Monte Carlo Holdings Corp. est demeuré le propriétaire des marques de commerce MONTE CARLO INN et qu'il n'y a eu aucune cession. Quant au « titre valable », la défenderesse souligne que même si la Requérante soutient qu'il n'y a pas de licence régulière en place liant la défenderesse et le propriétaire des marques de commerce MONTE CARLO INN, la Requérante reconnaît quand même que chacun des « franchisés » (hôtels) de la défenderesse détient une licence valable octroyée par cette dernière.


Allégation d'irrégularité de la licence

[39]           La Requérante fait aussi valoir que le franchiseur ne détient pas de licence d'emploi conforme, mais les affidavits de M. Meffe, tels qu'ils ont été présentés au registraire, démontrent à nouveau que toutes les licences sont régulières et conformes :

(i)           toutes les marques de commerce MONTE CARLO INN appartiennent à la défenderesse et utilisées sous licence par celle-ci;

(ii)    toutes les propriétés qui emploient les marques de commerce MONTE CARLO INN appartiennent à des franchisés qui détiennent des licences d'emploi des marques de commerce MONTE CARLO INN; 

(iii)    conformément à l'entente de licence entre la défenderesse et ses licenciés, la défenderesse exerce une surveillance et un contrôle sur la nature et la qualité des marchandises vendues et des services exécutés par ses licenciés dans chacune des propriétés qui emploient les marques de commerce MONTE CARLO INN au Canada;

(iv)    la défenderesse exerce la surveillance et le contrôle indiqué au point (iii) depuis 1992.

[40]           La défenderesse convient que l'affidavit Hung établit effectivement qu'il existe deux entités légales, mais affirme aussi que rien ne vient corroborer l'argument voulant que l'affidavit Hung établisse de quelque façon que ce soit l'absence d'entente de licence entre la défenderesse et Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc. La défenderesse note aussi que si la Requérante avait voulu préciser un point au sujet des affidavits de M. Meffe, elle était libre de procéder à un contre-interrogatoire pendant la procédure d'opposition, mais elle ne l'a pas fait.

[41]           Je ne peux faire autrement qu'être d'accord avec la défenderesse. Je ne vois pas comment la nouvelle preuve produite dans l'affidavit Hung a aidé la Requérante à s'acquitter du fardeau de prouver que sa marque de commerce est enregistrable et qu'elle ne crée pas de confusion avec celle de la demanderesse. La nouvelle preuve n'a pas beaucoup d'incidence sur la décision du registraire, ce qui signifie qu'il ne sera pas nécessaire de tenir un procès de novo. En outre, la norme de contrôle applicable est donc le caractère raisonnable (comme on l'a souligné plus tôt) et le registraire a respecté cette norme dans sa décision (Dunsmuir au para. 47) [je souligne].

[31]      Lors de l'audience, la Requérante a fait valoir que les commentaires susmentionnés de M. le juge Martineau disposaient du plaidoyer de l'Opposante dans les présentes procédures. Je suis d'accord. Comme dans la décision MONTE-CARLO, il n'y a pas de preuve pour corroborer l'argument voulant qu'il n'y ait pas d'entente de licence entre l'Opposante et Monte Carlo Hotel-Motel Innternational Inc. agissant à titre de franchiseur.

[32]      En outre, dans les circonstances très particulières du cas qui nous occupe, je trouve qu'il est raisonnable de déduire que l'omission par M. Meffe de faire expressément référence à la Marque dans les paragraphes 17 et 18 de son affidavit reproduit ci-dessus est le résultat d'un oubli, et ce, pour les raisons qui suivent.

[33]      Tout d'abord, et comme l'Opposante l'a elle-même souligné, l'affidavit de M. Meffe produit dans le cadre des présentes procédures semble avoir pour modèle celui qui a été produit dans l'affaire MONTE-CARLO. En ce sens, je remarque que les paragraphes 14, 16 et 51 de l'affidavit de M. Meffe produit dans le cadre des présentes procédures font référence, par erreur, à la Requérante comme étant « l'Opposante ».

[34]      Ensuite, comme il a été mentionné précédemment, l'Opposante a concédé à l'audience qu'elle n'avait aucune objection quant au contrôle exercé par Monte Carlo Holdings Corp. concernant l'emploi sous licence de la Marque par les franchisés. Je ne vois pas pourquoi je n'appliquerais pas le même raisonnement pour le franchiseur.

[35]      Enfin, les pièces J, I, R1 et R2 jointes à l'affidavit de M. Meffe m'amènent à conclure que la Requérante et le franchiseur sont étroitement liés; ainsi, il semble que cette situation en est une où il est raisonnable de croire que le contrôle requis en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi est bel et bien exercé. En effet, M. Meffe a expressément indiqué dans le paragraphe 51 de son affidavit que « Monte Carlo Hotel-Motel Innternational » est une marque de commerce employée par la Requérante. Plus précisément, M. Meffe indique que la manière dont la marque de commerce est affichée dans les pièces R1 à R2, lesquelles consistent en des exemples représentatifs d'en-têtes de papier à lettres, d'une carte de visite et d'enveloppes, « [traduction] est représentative de la manière dont le nom de la Requérante est employé et a été employé sur le marché canadien ». Le nom de M. Meffe figure aussi sur cette carte de visite, sous la mention « Franchise Development », à titre de président et DG de Monte Carlo Hotel Motel international. Aussi, à la suite d'un examen de la pièce J, je note que le recto de la carte DIAMOND REWARDS CLUB fait référence au site Web de la Requérante et affiche un numéro de téléphone sans frais. En vérifiant la concordance entre la pièce J et la pièce I, j'ai noté que le même numéro de téléphone sans frais est indiqué sous l'en-tête « Central Reservations Toll Free Canada &US » et que les coordonnées (Contact Information) indiquent « Monte Carlo Hotel Motel Innternational (Head Office) 7035 Edwards Blvd »; cette adresse est la même que celle de la Requérante.

[36]      À la lumière de ce qui précède, le deuxième volet du motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif est rejeté.

[37]      Si je me tourne vers le premier volet de ce motif, je note que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, puisqu'elle n'a pas produit de preuve pour établir l'emploi de la marque enregistrée de l'Opposante au Canada ou à l'étranger. Le simple fait de produire une copie certifiée de l'enregistrement no LMC631,932 permet seulement d'établir un emploi de minimis de la marque de commerce THERMES MARINS MONTE CARLO; cela ne permet pas d'établir que cette marque a une réputation importante, significative ou suffisante au Canada de manière à annuler la nature distinctive de la Marque [Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[38]      Par conséquent, le premier volet du motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif est également rejeté.

Alinéa 30b), motifs d'opposition

[39]      Comme indiqué précédemment, l'Opposante maintient que la demande n'est pas conforme aux exigences prévues à l'alinéa 30b) de la Loi, puisque la Requérante n'a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Services depuis la date de premier emploi revendiquée.

[40]      La date pertinente pour l'examen des circonstances relativement à ce motif d'opposition est la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)]. À cet égard, l'alinéa 30b) de la Loi exige l'emploi continu de la marque de commerce visée dans la demande depuis la date revendiquée [Labatt Brewing Co c. Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (C.F. 1re inst.)]. Pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, l'Opposante peut s'appuyer sur la preuve de la Requérante, à condition que cette preuve soit nettement incompatible avec les prétentions exposées dans la demande de la requérante [Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. Le fardeau incombant à l’Opposante est moins lourd dans le cas du non-respect de l’alinéa 30b) de la Loi, étant donné que la Requérante a plus facilement accès à tous les faits pertinents que l'Opposante [Tune Masters c. Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)].

[41]      L'Opposante soutient que l'affidavit de M. Meffe n'est pas clair sur ce point précis, indiquant que l'emploi de la Marque a commencé « en mai 2007 », alors que la date de premier emploi revendiquée dans la demande de la Requérante est le 23 mai 2007. Plus particulièrement, l'Opposante s'appuie sur la déclaration suivante faite par M. Meffe au paragraphe 33 de son affidavit :

[...] [traduction] La pièce J décrit la manière selon laquelle la [Marque] a été employée par [la Requérante] en liaison avec ses [S]ervices depuis son introduction en mai 2007 [je souligne].

[42]      L'Opposante soutient que la date indiquée dans l'affidavit de M. Meffe est vague et que l'emploi de la Marque pourrait facilement être ultérieur à la date de premier emploi revendiquée. Je ne suis pas d'accord avec l'Opposante sur ce point.

[43]      La déclaration de M. Meffe au paragraphe 33 de son affidavit n'est pas nettement incompatible avec la date de premier emploi de la Marque revendiquée par la Requérante. Il faut lire ces propos dans le contexte global de l'affidavit, y compris de pair avec la déclaration précédente faite au paragraphe 31 selon laquelle M. Meffe affirme expressément que « [traduction] depuis le 23 mai 2007, [la Requérante] offre un programme de fidélité DIAMOND REWARDS CLUB » [je souligne]; et des exemples d'annonces de la Marque, particulièrement ceux joints en tant que pièces O4 (copie d'une annonce faite dans le numéro de juillet/août 2008 du magazine Hotelier) et P1 (copie d'une annonce parue dans les Pages jaunes de 2007-2008 de Hamilton/Burlington).

[44]      Le paragraphe 4(2) de la Loi prévoit qu'une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services. Je reconnais qu'aucun des exemples fournis par M. Meffe ne démontre précisément l'emploi de la Marque à la date précise du 23 mai 2007. Toutefois, en l'absence de preuve indiquant que la Requérante n'a pas employé la Marque au Canada à compter de la date de premier emploi revendiquée dans sa demande, la Requérante n'est aucunement tenue de produire une preuve positive à cet égard. En outre, les pièces O4 et P1 ne peuvent en aucun cas être considérées comme étant nettement incompatibles avec la date de premier emploi de la Marque revendiquée par la Requérante.

[45]      À la lumière de ce qui précède, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b) est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d)

[46]      Comme il est indiqué ci-dessus, l'Opposante a allégué que la Marque n'est pas enregistrable en vertu des dispositions de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, en ce sens qu'elle crée de la confusion avec la marque enregistrée de l'Opposante (les spécifications sont jointes aux présentes, à l'annexe A). J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que cet enregistrement est en règle en date d'aujourd'hui, date qui constitue la date pertinente pour l'examen du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi [Park Avenue Furniture Corp c. Wickers/Simmons Bedding Ltd, (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[47]      Comme l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque enregistrée de l'Opposante.

[48]      Le test en matière de confusion concerne le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[49]      En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être considérés, mais on ne leur attribue pas nécessairement un poids équivalent [voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); and Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)pour une présentation détaillée des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[50]      Cela dit, et comme nous l'a récemment rappelé M. le juge Rothstein dans Masterpiece supra :

[…] le degré de ressemblance est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) […]. Comme le souligne le professeur Vaver, si les marques ou les noms ne se ressemblent pas,  il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...]. En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion [...].

[51]      Comme je considère que le degré de ressemblance entre les marques des parties constitue un facteur déterminant dans l'affaire qui nous occupe, j'analyserai ce facteur en premier.

[52]      Le seul élément commun entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposant THERMES MARINS MONTE-CARLO est l'expression « MONTE CARLO », laquelle constitue un élément mineur étant donné sa nature descriptive en termes d'importance géographique. En outre, un tel élément ne domine pas la Marque dans son ensemble. En effet, je suis d'accord avec la Requérante pour dire que les éléments dominants de la Marque sont les dessins en forme de losange ainsi que les mots « DIAMOND REWARDS CLUB ». L'élément « MONTE CARLO » est aussi utilisé de pair avec le mot « Inn », faisant référence aux hôtels/motels MONTE CARLO INN de la Requérante.

[53]      La Marque dans son ensemble est différente de celle de l'Opposante non seulement dans la présentation ou le son, mais aussi dans les idées qu'elle suggère. En effet, l'idée que suggère la Marque est la suivante : les membres du programme de fidélité « Diamond Rewards Club » de la Requérante se voient offrir des « Rewards » (récompenses). En revanche, la marque de commerce de l'Opposante suggère l'idée de « thermes marins à Monte Carlo ».

[54]      Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de procéder à une analyse détaillée des autres facteurs. Comme il a été mentionné précédemment, il n'existe aucune preuve indiquant que la marque enregistrée de l'Opposante a été employée et est devenue connue dans quelque mesure que ce soit au Canada ou à l'étranger en liaison avec les diverses marchandises et les divers services couverts dans l'enregistrement de l'Opposante de manière à en accroître le caractère distinctif. Les marchandises et les services des parties sont aussi différents en ce sens que les Services concernent un programme de fidélité s'adressant directement aux clients des hôtels/motels franchisés de la Requérante, selon lequel ils peuvent accumuler et échanger des points. Les marchandises et les services figurant dans l'enregistrement de l'Opposante comprennent par ailleurs des thérapies spécialisées prodiguées sous forme de balnéothérapie à l'eau thermale, de traitements par les algues, de traitements de revitalisation par thalassothérapie et balnéothérapie, d'hydrothérapie et de physiothérapie et autres marchandises et services connexes.

[55]      Comme il en est fait mention précédemment, la question à trancher est de savoir si un consommateur, ayant un souvenir général et vague de marque enregistrée de l'Opposante, risque de croire, à la vue de la Marque, que les marchandises et les services liés à cette marque proviennent de la même source. Ce n'est pas le cas.

[56]      À la lumière de ce qui précède, je rejette le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d).


Autres motifs d'opposition

[57]      Comme il est indiqué précédemment, la déclaration d'opposition telle qu'elle a été modifiée le 14 juillet 2010 comprend d'autres motifs d'opposition. Bien que l'Opposante ait indiqué lors de l'audience qu'elle ne retirerait aucun des motifs d'oppositions allégués dans cette déclaration d'opposition, l'Opposante n'a fourni absolument aucune observation relativement aux autres motifs, ni dans son plaidoyer écrit, ni à l'audience. Étant donné la situation, je ne juge pas nécessaire de mener une analyse détaillée de chacun des autres motifs d'opposition. Je me contenterai de dire que tous ces motifs peuvent être rejetés sommairement pour les raisons suivantes :

Non-enregistrabilité en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi

[58]      L'Opposante a allégué que la Marque ne peut pas être enregistrée en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi, en ce sens que, qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des Services ou des conditions des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine, à savoir la Principauté de Monaco (dont Monte-Carlo est l'un des districts) ou d'une entité qu'elle régit.

[59]      L'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait en ce qui concerne ce motif. Il suffit de dire que, même si la déclaration Alexova contient des définitions du dictionnaire établissant que « Monaco » est une principauté qui forme une enclave à l'intérieur du territoire français et que « Monte-Carlo » est reconnue pour son casino et pour être l'hôte d'une course automobile annuelle, elle ne permet pas d'établir que « Monte-Carlo » aurait la réputation d'un programme de fidélité pour la clientèle.

Non-enregistrabilité en vertu des articles 9 et 10 et de l'alinéa 12(1)e) de la Loi

[60]      L'Opposante a allégué que la Marque est une marque de commerce dont l'adoption est interdite en vertu des articles 9 et 10 de la Loi, en ce sens que :

1.      la Marque est composée du drapeau territorial ou civil d'un pays membre de l’Union pour la protection de la propriété industrielle, à savoir la Principauté de Monaco, ou lui ressemble tellement qu'elle pourrait être confondue avec ce drapeau, et elle est contraire aux alinéas 12(1)e) et 9(1)i.2) de la Loi;

2.      la Marque est composée d'un élément qui pourrait ressembler à une insigne, une marque ou un emblème adopté par une autorité publique au Canada en tant que marque officielle pour ses marchandises et services, à savoir la marque officielle MONTE-CARLO, annoncée sous le no 907,706 au nom de la Principauté de Monaco, ce qui est contraire aux alinéas 12(1)e) et 9(1)n) de la Loi;

3.      l'élément « MONTE-CARLO » que contient la Marque est devenu, dans le cours normal des affaires, connu au Canada comme désignant le lieu d'origine des services en lien avec lesquels la Marque a été employée, à savoir les services associés, d'une façon ou d'une autre, à la Principauté de Monaco, ce qui fait que la Marque est contraire à l'alinéa 12(1)e) et à l'article 10 de la Loi;

4.      la Marque est inacceptable en vertu de l'alinéa 9(1)i) de la Loi, en ce sens qu'elle consiste en un ou plusieurs drapeaux, écussons ou emblèmes de l'Opposante, à savoir ceux qui sont énumérés dans l'annexe B ci-jointe, lesquels sont visés dans un avis public du registraire daté du 30 novembre 1983, ou encore elle leur ressemble tellement qu'on pourrait la confondre avec ces drapeaux, écussons ou emblèmes.

[61]      Chacun de ces motifs peut être rejeté sommairement, comme suit :

               Motif no 1 : Même si je devais conclure que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement à ce motif, la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime d'établir que la Marque dans son ensemble ne ressemble pas suffisamment au drapeau national de la Principauté de Monaco au point d'être confondue avec celui-ci.

               Motif no 2 : L'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait en ce qui concerne ce motif. La Requérante a soulevé suffisamment de doutes quant au fait que la Principauté de Monaco constitue réellement une autorité publique au Canada [Canada Post Corporation c. United Postal Service (2007), 54 CPR (4th) 121 (CAF); et Ecosmart Foundation Inc c. SJ Electro Systems Inc, 2012 COMC 104 CanLII].

               Motif no 3 : C'est à l'Opposante que revient l'obligation de prouver que « MONTE CARLO » a été reconnue au Canada comme désignant le lieu d'origine des services associés avec la Principauté de Monaco, de quelque façon que ce soit. Même si je devais conclure que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement à ce motif, j'estime que la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime d'établir que la Marque dans son ensemble ne ressemble pas suffisamment à la marque communément appelée « MONTE CARLO » pour qu'elle puisse être confondue avec celle-ci. L'élément « MONTE CARLO » est employé en combinaison avec des éléments distinctifs, de manière à ce qu'il ne domine pas la Marque.

               Motif no 4 : Même si je devais conclure que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement à ce motif, la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime d'établir que la Marque dans son ensemble ne ressemble pas aux marques interdites de la Principauté de Monaco au point d'être confondue avec celles-ci.

Absence de droit à l’enregistrement en vertu de l'article 16 de la Loi

[62]      L'Opposante a allégué que la Requérante n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque, puisqu'à la date de premier emploi de la Marque revendiquée par la Requérante au Canada, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante, MOSAIK MONTE CARLO, pour laquelle la demande no 1,254,597 avait déjà été produite par l'Opposante (les spécifications de cette demande sont jointes aux présentes, à l'annexe A).

[63]      Bien que l'Opposante se soit acquittée de son obligation de prouver que sa demande pour la marque de commerce MOSAIK MONTE CARLO avait été produite antérieurement et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de la demande pour la Marque [paragraphe 16(4) de la Loi], je conclus que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer qu'il n'y a eu aucun risque de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante, MOSAIK MONTE CARLO, depuis la date de premier emploi revendiquée par la Requérante.

[64]      En effet, j'estime que les différences qui existent entre les marques des parties sont en elles-mêmes suffisantes pour empêcher tout risque de confusion. Comme dans le cas de la marque de commerce de l'Opposante, THERMES MARINS MONTE CARLO, dont il a été question précédemment sous le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d), le seul élément commun entre les marques des parties est un élément mineur. Cela est d'autant plus vrai si l'on considère la Marque dans son ensemble : l'élément « MONTE CARLO » ne peut, en aucun cas, être considéré comme un élément qui domine la Marque. Dans le même ordre d'idées, je considère que le mot « MOSAIK » que contient la marque de commerce de l'Opposante est un élément dominant de la marque, parce qu'il apparaît en premier et qu'il est en soi plus distinctif que le mot « MONTE CARLO », lequel est descriptif en termes d'importance géographique. En l'absence de preuve d'emploi de la marque de commerce de l'Opposante MOSAIK MONTE CARLO, je n'estime pas qu'il soit nécessaire d'effectuer une analyse détaillée des autres facteurs énumérés au paragraphe  6(5) de la Loi.

[65]      Pour conclure, je note que l'Opposante a également soutenu, en invoquant la disposition introductive du paragraphe 16(3) de la Loi, que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi, que la demande ne concerne pas une marque de commerce employée, mais bien une marque de commerce proposée, et que la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle ne constitue pas une marque de commerce. Je suis d'avis qu'une telle allégation ne constitue pas un motif d'opposition valable. Elle concerne davantage le motif d’opposition prévu à l’alinéa 38a) (non-conformité avec l’article 30 de la Loi), ou à l’alinéa 38b) (non-enregistrabilité au sens de l'article 12), examiné plus loin dans ma décision. Par conséquent, ce motif est rejeté.

Autres motifs d'opposition invoqués en vertu de l'article 30

[66]      L'Opposante a plaidé d'autres motifs d'oppositions en vertu de l'article 30 de la Loi, à savoir que la marque de commerce dont l'emploi est allégué ne correspond pas à la Marque; l'emploi de la Marque en liaison avec chacun des Services a cessé; les Services ne sont pas expliqués dans les termes ordinaires du commerce; et la Requérante ne peut avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada, sachant qu'elle enfreindrait les droits de l'Opposante.

[67]      En supposant que ces motifs d'opposition ont été dûment plaidés, l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement à chacun de ces motifs. Aucune preuve ni aucun plaidoyer ne viennent soutenir les allégations de l'Opposante.


Décision

[68]      À la lumière de ce qui précède et conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


Annexe A

 

No de la demande ou de l'enregistrement/Date de la demande ou de l'enregistrement

Marque de commerce

Marchandises/Services

LMC631,932

Publiée le 3 février 2005

THERMES MARINS MONTE CARLO

(1) Savons; parfumerie […];cosmétiques […].
(2) Articles de gymnastique et de sport […].
(3) Aliments de soutien pour l'effort […].
(4) Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques […].

(1) Divertissement sous la forme d'émissions télévisées d'informations, de comédies, de variétés; sous la forme de concerts d'orchestre, de concours de beauté, de défilés de mode, de productions théâtrales, de représentations de danse, de ballet; divertissement fourni en ligne par le biais de bases de données informatiques ou via Internet, nommément : forums de bavardage, horoscope, jeux, concours; activités sportives et culturelles, nommément : organisation de colloques, de conférences, de séminaires, de concours, de compétitions de gymnastiques, de danse; production de films, de spectacle de danse, de concours de beauté, de défilé de mode; club de santé (mise en forme physique, culture physique).
(2) Restauration (alimentation).
(3) Soins d'hygiène et de beauté; massages, thermalisme, traitement par les algues, cure de remise en forme et de revitalisation du corps par thalassothérapie et balnéothérapie, organisation de cures de thalassothérapie, de balnéothérapie, d'hydrothérapie et physiothérapie; conseils et expertises en thalassothérapie, hydrothérapie marine, y compris balnéothérapie.

1 254 597

Produite le 19 avril 2005

Abandonnée le 7 mai 2008

MOSAIK MONTE CARLO

(1) Coutellerie, fourchettes et cuillers. Appareils photographiques, cinématographiques, nommément […]; appareils optiques, nommément […]; appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images, nommément […]; supports d'enregistrement magnétiques, nommément […]; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils de prépaiement; caisses enregistreuses […]. Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine […]

(1) Divertissement sous la forme d'émissions télévisées d'informations, de comédies, de variétés; sous la forme de concerts d'orchestre, de concours de beauté, de défilés de mode, de productions théâtrales, de représentation de danse, de ballet, divertissement fourni en ligne par le biais de bases de données informatiques ou via Internet, nommément : forums de bavardage, horoscope, jeux, concours; activités sportives et culturelles, nommément : organisation de colloques, de conférences, de séminaires, de concours, de compétitions de gymnastique, de danse et de sports collectifs; production de films, de spectacles de danse, de concours de beauté, de défilés de mode; club de santé (mise en forme physique, culture physique). Service de restauration (alimentation).

 

 


Annexe B

 

Annexe B – Suite

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

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