Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : CURB RECORDS

NUMÉRO D’ENREGISTREMENT : LMC 521953

 

 

Le 4 novembre 2005, à la demande de Smart & Biggar (la « partie requérante »), le registraire a transmis à Mike Curb, le propriétaire inscrit de la marque de commerce mentionnée en titre, un avis donné en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce

 

La marque de commerce CURB RECORDS est enregistrée en liaison avec :

 

Marchandises : Enregistrements sonores et audiovisuels; publications imprimées, nommément affiches; vêtements, nommément tee-shirts et casquettes.

 

Services : Services de divertissement fournis au moyen de musique préenregistrée et de musique en direct; et production, édition et distribution d’enregistrements sonores et audiovisuels.

 

L’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, exige que le propriétaire inscrit indique si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou de chacun des services énumérés dans l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi à un moment quelconque s’étend du 4 novembre 2002 au 4 novembre 2005. L’emploi d’une marque de commerce est défini à l’article 4 de la Loi, qui prévoit : 

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivant a fourni l’affidavit de Tracy Moore, vice-présidente directrice, Affaires commerciales et juridiques, de Curb Records, Inc. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit. Toutefois, aucune audience n’a été tenue. 

 

Dans son affidavit, Mme Moore déclare que Curb Records, Inc. est la société qui emploie la marque en cause au Canada. Elle précise ensuite que Michael Curb (l’inscrivant) a fondé Curb Records, Inc., dont il est actuellement le seul actionnaire et le président du conseil d’administration. 

 

Au paragraphe 5 de son affidavit, Mme Moore explique que Curb Records, Inc. emploie la marque de commerce avec l’autorisation de Mike Curb depuis au moins le 1er septembre 1990, et a employé la marque durant la période pertinente de trois ans en liaison avec toutes les marchandises et tous les services énumérés dans l’enregistrement. Je tiens à signaler dès maintenant que, contrairement à la thèse de la partie requérante, tout emploi établi de la marque par Curb Records, Inc. doit être considéré comme un emploi bénéficiant l’inscrivant, puisque celui-ci est l’actionnaire unique et le président de sa société. La jurisprudence a établi que dans de tels cas, on peut inférer l’existence d’une licence verbale dans le cadre de laquelle est exercé un contrôle adéquat sur les caractéristiques et la qualité des marchandises et services [voir Petro‑Canada c. 2946661 Canada Inc. (1999), 83 C.P.R. (3d) 129, p. 138 (C.F. 1re inst.), et Lindy c. RTM, 24 N.R. 362, 1999 CarswellNat 652, C.A.F.].

 

 

Le paragraphe 7 de l’affidavit fournit d’autres renseignements quant à la pratique normale du commerce de l’inscrivant :


[traduction]

7.    Depuis 1990, les produits sur support CD et DVD de ma société sont fabriqués ou distribués par Capitol Records-EMI of Canada, une division de TEMI Canada Inc., maintenant EMI Music Canada, une division de EMI Group Canada Inc. J’ai devant moi et je joins comme pièce « B » à mon affidavit, des extraits de l’entente de distribution conclue entre ma société et EMI Music Canada relativement à l’emploi, par EMI Music Canada, de quelque marque de commerce que ce soit, y compris de la marque de commerce CURB RECORDS. Par exemple, aux termes de cette entente, EMI fabrique les CD CURB RECORDS à partir d’enregistrements originaux dont Curb Records est propriétaire, ou importe les CD qui ont déjà été fabriqués par Curb Records ou pour son compte. 

 

Mme Moore explique qu’en vertu de l’entente de distribution précitée (pièce « B »), Curb Records, Inc. reçoit les recettes de vente nettes des CD et DVD CURB RECORDS vendus au Canada, desquelles sont déduites diverses dépenses et certains frais de distribution versés à EMI Music Canada. Des relevés représentatifs du compte des ventes préparés par EMI Music Canada à l’intention de Curb Records, Inc. pour les mois de septembre et octobre 2005 constituent la pièce « E » de l’affidavit. En ce qui concerne cet élément de preuve, Mme Moore déclare que [traduction] « pour des raisons de confidentialité, les données financières ont été masquées ». 

 

Je suis disposée à accepter que des ventes de CD et de DVD (« enregistrements sonores et audiovisuels ») ont été réalisées au Canada au cours de la période pertinente. Mme Moore a affirmé sans équivoque au paragraphe 8 de l’affidavit que divers CD ont été vendus au Canada les 24 août 2004, 11 janvier 2005, 25 janvier 2005 et 26 avril 2005 respectivement. De plus, je remarque que les relevés du compte des ventes (pièce E), dont la date, dans les deux cas, est comprise dans la période en cause, font clairement état de la vente de CD et d’un DVD CURB RECORDS. Le chiffre exact des ventes n’a pas été révélé, mais Mme Moore a fourni une explication raisonnable pour justifier cette omission. Aucun élément de preuve susceptible de m’amener à douter de la crédibilité des déclarations de Mme Moore n’ayant été présenté, je suis disposée à accepter, conformément à la décision rendue dans l’affaire Rubicon Corp. c. Comalog Inc. (1990), 33 C.P.R. (3d) 58 (C.O.M.C.), que ces ventes ont bien eu lieu.

 

La partie requérante soutient que les renseignements communiqués au paragraphe 7 (reproduit ci‑dessus) de l’affidavit prouvent que c’est EMI Music Canada, et non Curb Records, Inc. qui emploie directement la marque de commerce CURB RECORDS au Canada. Elle prétend en outre que la preuve concernant la relation précise entre Curb Records, Inc. et EMI Music Canada est ambiguë, et que cette ambiguïté devrait être interprétée contre l’inscrivant. Elle avance aussi que l’inscrivant n’a pas fourni la preuve qu’il contrôle les caractéristiques et la qualité des marchandises fabriquées et distribuées par EMI Music Canada, comme le prescrit le paragraphe 50(1) de la Loi, et qu’en conséquence, les marchandises et services décrits comme des « enregistrements sonores et audiovisuels; services de divertissement fournis au moyen de musique préenregistrée; et production, édition et distribution d’enregistrements sonores et audiovisuels » devraient être radiés de l’enregistrement.

 

Pour étayer ces prétentions, la partie requérante tente d’établir un parallèle avec l’affaire Flansberry, Menard & Associates c. RB Music (2000), 7 C.P.R. (4th) 569 (C.O.M.C.). Toutefois, cette affaire peut être distinguée de l’espèce, parce qu’elle se rapporte à une licence autorisant l’emploi de la marque de commerce au Canada en contrepartie du paiement de redevances. Dans la présente instance, même si EMI Music Canada fabrique occasionnellement des CD CURB RECORDS à partir d’enregistrements originaux qui appartiennent à Curb Records, Inc., il est clairement affirmé au paragraphe 7 de l’affidavit qu’en outre, EMI Music Canada [traduction] « importe les CD qui ont déjà été fabriqués par Curb Records ou pour son compte ». Dans le cas d’importation, EMI Music Canada agit à titre de simple distributeur, et à cet égard, Mme Moore déclare au paragraphe 10 de l’affidavit : [traduction] « Aux termes de l’entente conclue entre ma société et EMI Music Canada, ma société reçoit les recettes de vente nettes des CD et DVD CURB RECORDS vendus au Canada, desquelles sont déduites diverses dépenses et certains frais de distribution versés à EMI Music Canada ». 

 

De fait, la preuve contenue à la pièce « D » (des photographies de DVD, d’emballages et d’encarts) concorde avec cette déclaration, puisque le fabricant des marchandises en question est clairement identifié sur les DVD comme étant Curb Records, Inc. Par conséquent, j’accepte que les marchandises liées à la marque de commerce provenaient de l’iscrivant, qu’elles ont été vendues par l’intermédiaire de son distributeur dans la pratique normale du commerce de l’inscrivant et que cet emploi doit lui profiter [voir Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1985), 7 C.P.R. (3d) 254].

 

Les pièces « C » et « D » établissent comment la marque de commerce en cause est apposée sur les CD et les DVD (« enregistrements sonores et audiovisuels ») et/ou sur leurs emballages. Ces pièces consistent en des photographies de CD, de DVD et d’articles d’emballage connexes portant la marque CURB RECORDS. Il convient de signaler que les photographies permettent de voir clairement la marque de commerce CURB RECORDS sur l’emballage de ces marchandises ainsi que sur les CD et DVD mêmes et de constater que la marque est distinctement apposée sur les encarts d’emballage. Par conséquent, je suis disposée à accepter également que l’avis de liaison requis a été donné aux acheteurs au moment du transfert des marchandises, conformément au paragraphe 4(1) de la Loi. 

 

Au paragraphe 11 de son affidavit, Mme Moore explique que ces CD et DVD sont vendus aux consommateurs au Canada par l’intermédiaire de divers grands magasins et magasins de détail à succursales multiples. Elle indique en outre que ces produits sont aussi vendus sur Internet par plusieurs commerçants en ligne et présente, comme pièce « F », des copies d’écran des sites Web correspondants qui montrent certains des produits CURB RECORDS qui étaient offerts en vente en septembre 2005. Ces éléments de preuve sont compatibles avec l’ensemble de la preuve.

 

Quant aux marchandises décrites comme des « vêtements, nommément tee-shirts et casquettes », l’affidavit mentionne ce qui suit :

[traduction]

En ce qui a trait aux vêtements, ma société ou ses distributeurs autorisés ont, au fil des ans et notamment durant les trois années qui ont précédé la date prévue à l’avis donné en vertu de l’article 45, soit le 4 novembre 2005, vendu et/ou distribué des tee-shirts et des casquettes portant la marque CURB ou CURB RECORDS aux États-Unis et/ou au Canada. J’ai devant moi des photographies, que je joins comme pièce « G » à mon affidavit, montrant des casquettes et des tee-shirts portant la marque CURB ou CURB RECORDS qui auraient été vendus et/ou distribués aux États-Unis et/ou au Canada. (Non souligné dans l’original.)

 

La partie requérante fait valoir, et je partage son point de vue, que les énoncés de l’affidavit reproduits ci‑dessus sont ambigus en ce qui concerne les ventes de ces vêtements effectivement réalisées au Canada. Le recours ambigu au terme « et/ou », dans ce paragraphe, permet plusieurs interprétations de ces déclarations. Ainsi qu’il est précisé dans la décision Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1980), 45 C.P.R. (2d) 194, il convient de retenir à cet égard l’interprétation défavorable aux intérêts de l’inscrivant. 

 

Il est bien établi que la simple distribution de marchandises, sans paiement ni échange en contrepartie de celles-ci, en vue de réaliser des profits avec les produits portant la marque, est généralement insuffisante pour constituer un emploi au sens de la Loi [voir Gowling, Strathy & Henderson c. Banque Royale du Canada (1995), 63 C.P.R. (3d) 322 (C.F. 1re inst.), et Renaud Cointreau & Cie c. Cordon Blue International Ltd. (1993), 52 C.P.R. (3d) 284 (Agent d’audience principal des marques de commerce)]. La partie requérante affirme effectivement, avec raison, qu’aucun élément de preuve n’indique que la distribution des vêtements en question a été effectuée contre paiement ou qu’elle s’est inscrite dans le cadre d’une transaction plus vaste portant sur les marchandises. Par ailleurs, pour répondre aux exigences du paragraphe 45(1), il faut prouver l’emploi de la marque au Canada.

 

L’inscrivant a tenté sans succès de distinguer la présente instance de l’affaire Plough, précitée, en présentant des éléments de preuve additionnels sous forme d’échantillons de la marque apposée sur les marchandises (pièce « G »). Or, la présentation de ces échantillons n’atténue en rien la nature ambiguë des déclarations précitées pour ce qui est de savoir si les marchandises ont bel et bien été vendues au Canada. C’est pourquoi je ne suis pas convaincue que la preuve établit l’emploi, au sens de la Loi, en liaison avec des « vêtements, nommément tee-shirts et casquettes ». En conséquence, ces marchandises seront radiées de l’enregistrement.

 

Les derniers paragraphes de l’affidavit fournissent ensuite des renseignements concernant le site Web de Curb Records, Inc. Ce site Web, peut-on lire, offre de l’information sur des artistes de CURB, les enregistrements qu’ils ont réalisés et le calendrier de leurs tournées, notamment des artistes en tournée au Canada. Des pages de ce site Web comportant une liste des dates de la tournée canadienne d’un artiste de CURB RECORDS ainsi que des pages arborant la marque de commerce CURB RECORDS sont annexées à l’affidavit comme pièces « H » et « I ». Je ferai observer que la liste des dates de la tournée canadienne de l’artiste de CURB RECORDS Lisa Brokop, que l’on trouve à la pièce « I », n’énumère que des dates de spectacle non comprises dans la période pertinente en l’espèce. Dès lors, aucune preuve ne démontre que les services décrits comme des « services de divertissement fournis au moyen de musique en direct » ont été exécutés au Canada au cours de la période visée. Par conséquent, ces services seront radiés de l’enregistrement.

 

De plus, Mme Moore indique que le site Web présenté dans la pièce « H » offre des services de magasinage en ligne qui permettent aux consommateurs des États-Unis d’acheter des CD et des DVD de CURB RECORDS. Bien que je sois disposée à convenir que ces services répondraient à la définition de « services de divertissement fournis au moyen de musique préenregistrée », il est bien établi dans la jurisprudence que l’« emploi » en liaison avec les services, au titre du paragraphe 4(2) de la Loi, suppose à tout le moins que les services soient disponibles et puissent être assurés au Canada [voir Porter c. Don the Beachcomber (1966), 48 C.P.R. 280 (Cour de l’É.), et Bedwell Management Systems Inc. c. Mayflower Transit, Inc. (1999), 2 C.P.R. (4th) 543]. En l’espèce, aucun élément de preuve n’établit que le service de magasinage en ligne pouvait être assuré au Canada.   

 

De même, il n’existe aucune preuve que les autres services liés à la marque en cause, à savoir « production, édition et distribution d’enregistrements sonores et audiovisuels » ont été assurés ou pouvaient être assurés au Canada par l’inscrivant.

 

Enfin, pour ce qui est des marchandises décrites comme des « publications imprimées, nommément affiches », l’inscrivant n’a fourni aucune preuve de l’emploi de la marque de commerce en liaison avec ces articles et a reconnu cet état de choses dans ses observations écrites. Ces marchandises seront donc radiées de l’enregistrement.

 

Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’emploi de la marque de commerce en cause a été établi à l’égard des marchandises décrites comme des « enregistrements sonores et audiovisuels »; que l’emploi n’a pas été établi à l’égard des autres marchandises et services compris dans l’enregistrement, et que l’on n’a présenté aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi. L’enregistrement LMC 521953 sera en conséquence modifié par la radiation des marchandises et services suivants :

 

Marchandises : publications imprimées, nommément affiches; vêtements, nommément tee-shirts et casquettes;

 

Services : services de divertissement fournis au moyen de musique préenregistrée et de musique en direct; et production, édition et distribution d’enregistrements sonores et audiovisuels;

 

conformément aux dispositions du paragraphe  45(5) de la Loi.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 27 MARS 2008

 

K. Barnett

Agente d’audience subalterne, article 45

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

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