Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION
du Conseil national de recherches du Canada
à la demande no 1010588 produite par
Randox Laboratories Limited
en vue de l’enregistrement de la
marque de commerce ÉVIDENCE
Le 31 mars 1999, la requérante, Randox Laboratories Limited, a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce ÉVIDENCE fondée sur un usage et un enregistrement au Royaume-Uni (enregistrement no 2181179) et sur l’emploi projeté au Canada en relation avec les marchandises suivantes :
[traduction]
1) Des réactifs chimiques pour la recherche scientifique ou médicale et pour la détection et la surveillance des maladies in vitro; des préparations biochimiques, soit des préparations d’enzymes et de protéines destinées à des applications scientifiques et/ou à la recherche médicale ainsi qu’à la détection et à la surveillance des maladies in vitro.
2) Des trousses d’analyse de biochimie clinique ou d’immunologie consistant principalement en des réactifs destinés à être utilisés pour la détection et la surveillance des maladies in vitro, tous étant destinés à un usage médical ou vétérinaire.
3) Un logiciel informatique destiné à être employé avec les analyseurs de biochimie clinique et d’immunologie afin de contrôler la manipulation des échantillons, le traitement des échantillons, les rapports d’analyse des échantillons et la robotique du système d’analyse, tous étant destinés à un usage médical ou vétérinaire.
4) Des analyseurs de biochimie clinique/immunologie destinés à un usage médical ou vétérinaire; des détecteurs, ceux‑ci étant des systèmes analytiques, des instruments ou de l’équipement qui facilitent la détection d’une réponse biochimique ou immunologique.
La requérante a revendiqué la priorité fondée sur sa demande correspondante au Royaume-Uni et, en conséquence, la date de production effective de la présente demande est le
4 novembre 1998 et sa date de publication pour fins d’opposition est le 23 février 2005.
L’opposant, le Conseil national de recherches du Canada (« CNRC »), a produit une déclaration d’opposition le 8 juillet 2005 dont une copie a été transmise à la requérante le
9 août 2005. Le premier motif d’opposition porte que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce en ce que la requérante ne peut avoir l’intention d’employer sa marque de commerce au Canada compte tenu de la marque de commerce déposée EvIdent de l’opposant. Le deuxième motif porte que la demande de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce que, connaissant l’existence de l’opposant et de sa marque de commerce, la requérante ne pouvait pas avoir été convaincue d’être en droit d’employer la marque de commerce visée par la demande au Canada.
Suivant le troisième motif d’opposition, la marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce EvIdent de l’opposant enregistrée sous le no 562568 pour les marchandises suivantes :
[traduction]
Matériel informatique et logiciel pour l’analyse d’images dans le domaine des diagnostics médicaux.
Suivant le quatrième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement en vertu du paragraphe 16(2) de la Loi car, à la date effective de production par la requérante, la marque de commerce visée par la demande créait de la confusion avec la marque de commerce EvIdent déjà employée au Canada par l’opposant en relation avec les marchandises susmentionnées visées par l’enregistrement. Le cinquième motif d’opposition porte que la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement en vertu du paragraphe 16(2) de la Loi car, à la date effective de production par la requérante, la marque de commerce visée par le demande créait de la confusion avec la marque de commerce EVIDENT déjà employée au Canada par l’opposant en relation avec les marchandises susmentionnées visées par l’enregistrement.
Suivant le sixième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement en vertu du paragraphe 16(3) de la Loi car, à la date effective de production par la requérante, la marque de commerce visée par la demande créait de la confusion avec la marque de commerce EvIdent antérieurement employée et révélée au Canada par l’opposant en relation avec les marchandises susmentionnées visées par l’enregistrement. Suivant le septième motif, la marque de commerce de la requérante n’est pas distinctive car elle crée de la confusion avec la marque de commerce EvIdent de l’opposant antérieurement employée et enregistrée.
La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. En preuve, l’opposant a soumis l’affidavit de M. Douglas Strang et une copie certifiée conforme du certificat d’enregistrement de sa marque de commerce. La requérante a choisi de ne pas produire d’éléments de preuve. Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et une audition a eu lieu où chacune d’elles était représentée.
LA PREUVE DE L’OPPOSANT
La copie certifiée conforme du certificat d’enregistrement de l’opposant indique que la marque de commerce enregistrée est EvIdent. L’enregistrement est fondé sur l’emploi de la marque au Canada depuis le 27 mai 1997.
Dans son affidavit, M. Strang atteste qu’il est agent, commercialisation de la technologie, à l’Institut du biodiagnostic (« IBD ») du CNRC. Le CNRC est une société de la Couronne, d’établissement public, et les chercheurs de l’IBD conduisent des recherches sur les technologies de diagnostics médicaux et des logiciels, en plus de les mettre au point en vue de leur implantation. L’IBD produit, vend et assure la maintenance de logiciels utilisés pour l’analyse de données d’imagerie biomédicale comme celles obtenues de l’imagerie par résonnance magnétique, de l’imagerie spectroscopique, de l’imagerie par perfusion et de l’imagerie microscopique. M. Strang déclare que les établissements médicaux qui achètent le logiciel de l’opposant ont également recours à des logiciels conçus pour une utilisation avec des analyseurs pour immunoessai, souvent avec la participation du même personnel du service des achats.
Selon M. Strang, le CNRC a tout autant employé la marque de commerce déposée EvIdent que la marque de commerce EVIDENT en relation avec le logiciel depuis le
27 mai 1997 lors de la conclusion d’une vente au Toronto Hospital. Le CNRC fait la promotion de son logiciel en relation avec ses marques de commerce au moyen de brochures distribuées soit par courrier, soit dans des conférences et des forums. Les marques sont également mises en évidence sur les écrans de veille des utilisateurs du logiciel. La pièce E jointe à l’affidavit de M. Strang est une photocopie de la page couverture du guide de l’utilisateur de
septembre 1998 qui, à cette époque, était vendu avec le logiciel de l’opposant. La marque de commerce déposée EvIdent est bien en vue sur la page couverture .
M. Strang déclare que la marque de commerce EVIDENT et, à l’occasion, la marque EvIdent apparaissent sur les factures de produits du CNRC pour le logiciel. La pièce H est une photocopie d’une facture à l’Université de la Saskatchewan datée du 28 juin 2002.
M. Strang fournit des détails sur les ventes annuelles modestes mais constantes du logiciel du CNRC qui totalisent environ 60 000 $ pour la période entre 1997 et 2004.
LA PREUVE DE LA REQUÉRANTE
Comme je l’ai indiqué précédemment, la requérante a décidé de ne pas soumettre de preuve.
LES MOTIFS D’OPPOSITION
Le premier motif ne constitue pas un motif d’opposition pertinent. La seule existence de l’enregistrement de la marque de commerce de l’opposant n’a pas d’incidence sur la légitimité de l’intention manifestée par la requérante d’employer sa marque au Canada. En conséquence, le premier motif est rejeté.
Le deuxième motif aussi ne constitue pas un motif d’opposition pertinent. Le simple fait pour la requérante d’avoir pu connaître l’existence de l’opposant et de sa marque de commerce ne l’empêche pas de faire honnêtement la déclaration requise par l’alinéa 30i) de la Loi dans sa demande. En conséquence, le deuxième motif est également rejeté.
En ce qui concerne le troisième motif d’opposition, la date de ma décision est le moment pertinent pour l’examen des circonstances relatives à la question de la confusion avec une marque de commerce : voir l’arrêt Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, aux pages 541 et 542 (C.O.M.C.). De plus, il incombe à la requérante ou encore, elle supporte le fardeau ultime de démontrer qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion entre les marques en question. Enfin, dans l’application du test en matière de confusion établi au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, dont celles énoncées expressément au paragraphe 6(5) de la Loi.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) de la Loi, la marque ÉVIDENCE de la requérante a un caractère distinctif inhérent en liaison avec les marchandises visées par la demande. Toutefois, compte tenu que la marque est employée en liaison avec des appareils de contrôle de diagnostics et des logiciels de détection de ce qui s’avère essentiellement des preuves médicales, elle est pour le moins quelque peu suggestive et, en conséquence, elle n’est pas forte de façon inhérente. Étant donné l’absence de preuve de la part de la requérante, je dois conclure que sa marque n’est pas devenue connue du tout au Canada.
La marque de commerce déposée EvIdent de l’opposant a un caractère distinctif inhérent en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement. Toutefois, elle aussi évoque dans une certaine mesure les logiciels utilisés pour identifier les images de diagnostics médicaux et les analyser. Elle n’est donc pas une marque forte de façon inhérente. Compte tenu de l’emploi restreint de la marque de l’opposant jusqu’à ce jour, la seule conclusion possible est qu’elle n’est devenue connue que dans une certaine mesure dans le monde des diagnostics médicaux.
La requérante a fait valoir qu’il est difficile de comprendre dans quelle mesure l’opposant à employé la marque déposée EvIdent étant donné qu’il a aussi employé le mot EVIDENT sans le i majuscule dans le milieu. J’estime toutefois que la marque EVIDENT n’est qu’une simple variante de la marque déposée et que l’emploi de l’une ou de l’autre s’équi-
vaut : voir l’arrêt Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour L’Informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.F.A.) et le deuxième principe établi à la page 538 dans la décision publiée Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.).
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)b) de la Loi, la durée de l’emploi des marques joue très nettement en faveur de l’opposant. Quant aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, ce sont les états déclaratifs des marchandises de la requérante et de l’opposant qui s’appliquent : voir l’arrêt Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3, p. 10 et 11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110, p. 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, p. 390 à 392 (C.A.F.). Toutefois, ces états déclaratifs doivent être lus de manière à déterminer la nature probable de l’entreprise ou du commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces que leur libellé est susceptible d’englober. À cet égard, une preuve de la nature véritable des activités commerciales des parties est utile : voir la décision McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168, p. 169 (C.A.F.).
Les marchandises des parties sont similaires en ce qu’elles sont toutes employées pour des tests et des diagnostics médicaux. Les marchandises des deux parties comprennent des logiciels quoique leurs emplois spécifiques diffèrent quelque peu. Tel que souligné par
M. Strang, il y a néanmoins chevauchement du commerce des parties puisque les établissements qui se procurent le logiciel de l’opposant utilisent aussi celui de la requérante et probablement les produits de tests et équipements connexes. M. Strang souligne la participation fréquente du même personnel du service des achats.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)e) de la Loi, j’estime que le degré de ressemblance entre les marques en question est très élevé à tous égards. Les six premières lettres de chacune des marques sont en fait identiques et pourraient être lues et comprises de façon similaire.
Pour l’application du test de la confusion, j’estime qu’il s’agit d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Il incombe à la requérante, ou encore elle supporte le fardeau ultime de montrer qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que si les probabilités ne favorisent aucune des parties, je dois résoudre la question en litige au détriment de la requérante. Compte tenu de mes conclusions susmentionnées, et compte tenu particulièrement du degré de ressemblance très élevé des marques en question et du chevauchement des commerces des parties, je conclus que la requérante n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que sa marque projetée ÉVIDENCE ne crée pas de confusion avec la marque déposée EvIdent de l’opposant. En conséquence, j’accueille le troisième motif d’opposition.
En ce qui concerne le septième motif d’opposition, il incombe à la requérante ou encore, elle supporte le fardeau ultime de démontrer que sa marque est adaptée pour distinguer ses marchandises de celles d’autres propriétaires partout au Canada ou qu’elle s’en distingue véritablement : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985),
4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, le moment pertinent pour l’examen des circonstances relatives à cette question est la date de production de l’opposition (à savoir le
8 juillet 2005) : voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.). Enfin, le fardeau de la preuve repose sur l’opposant d’établir les faits allégués pour étayer son motif fondé sur l’absence de caractère distinctif.
Le septième motif d’opposition porte essentiellement sur la question de la confusion entre la marque projetée de la requérante et la marque EvIdent de l’opposant. La majeure partie de mes conclusions sur le troisième motif d’opposition s’appliquent aussi au septième. En conséquence, je conclus que la requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque projetée ne créait aucune confusion avec la marque de l’opposant depuis la date de production de l’opposition. J’accueille donc aussi le septième motif et il n’est pas nécessaire que je me penche sur les autres motifs.
Compte tenu de ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante.
FAIT À GATINEAU( QUÉBEC), LE 21 FÉVRIER 2008.
David J. Martin,
Membre,
Commission des oppositions des marques de commerce.