Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 186

Date de la décision : 2013-10-30
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Kerr Controls Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,474,585 pour la marque de commerce SMART ENERGY dans une maison soulignée par le texte geothermal-solar-wind systems au nom de Mike Witherall Mechanical Ltd.

[1]               Le 25 mars 2010, Mike Witherall Mechanical Ltd. (la Requérante), a déposé une demande en vue d’enregistrer la marque de commerce SMART ENERGY dans une maison soulignée par le texte geothermal-solar-wind systems (la Marque), illustrée ci-dessous, fondée sur un emploi de la Marque au Canada depuis le 12 juin 2009. 

"Smart Energy" in house underlined with text geothermal-solar-windsystems

[2]               L’état déclaratif des services se lit actuellement comme suit :

Vente, entretien, installation, maintenance de pompes à chaleur géothermique, de piles et de panneaux photovoltaïques, d'éoliennes, d'échangeurs de chaleur; conception de plans de chauffage et de refroidissement écoénergétiques pour bâtiments résidentiels et industriels, conception de plans d'économie d'énergie pour bâtiments résidentiels et industriels.

[3]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 mars 2010.

[4]               Le 24 mai 2011, Kerr Controls Limited (l’Opposante), s’est opposée à la demande pour plusieurs motifs tels que précisés dans l’annexe A ci-jointe. L’Opposante a allégué la non-conformité à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) en tant que fondement de certains de ses motifs d’opposition et les motifs restants tournent autour de la détermination de la probabilité de confusion entre la Marque et au moins l’une des marques de commerce suivantes de l’Opposante :

SMART ENERGY

Enregistrement no LMC703,771

KERR SMART ENERGY & design

Enregistrement noLMC703,769

KERR & DESIGN

Enregistrement noLMC239,310


 

KERR & DESIGN

Enregistrement noLMC251,012

[5]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant les allégations de l’Opposante.

[6]               Pour étayer son opposition, l’Opposante a déposé l’affidavit de Peter Henderson, président de l’Opposante. La Requérante a déposé les affidavits de Michael Weatherall, président de l’entreprise de la Requérante et Alan Booth, chercheur en marques de commerce. En contre-preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Steven Wilson, directeur de Kerr Controls Limited et Kerr Smart Energy Limited. Aucun contre-interrogatoire n’a eu lieu.

[7]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et elles étaient toutes deux représentées lors d’une audience.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[8]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CFPI), à 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[9]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

         Alinéa 38(2)(a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à 475];

         Alinéa 38(2)(b)/article 16 – la date de premier emploi de la Requérante [paragraphe 16(1)];

         Alinéa 38(2)(b)/alinéa 12(1)(d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         alinéa 38(2)(d)/caractère non distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Question préliminaire – Admissibilité de l’affidavit Wilson comme contre-preuve adéquate

[10]           La Requérante s’oppose à l’affidavit de Steven Wilson produit le 14 mars 2012, au motif qu’il ne s’agit pas d’une contre-preuve adéquate. Un résumé d’une partie de la preuve produite est nécessaire pour comprendre cette objection.

[11]           La principale preuve de l’Opposante comprenait l’affidavit de Peter Henderson. Des factures montrant des achats effectués par la Requérante des produits de l’Opposante sont jointes à l’affidavit de M. Henderson comme pièce 20. Bien que la Requérante allègue qu’aucune des factures jointes à la pièce 20 de l’affidavit de M. Henderson ne prouve que M. Witherall s’est présenté au magasin de l’Opposante et a ramassé ses produits au comptoir, je note qu’au moins plusieurs des factures, sous l’en-tête « Description du mode de livraison », indiquent « cueillette » alors que certaines des autres factures n’indiquent rien. Certaines des factures indiquent également « facturé à partir de Kerr Sudbury » dans le corps de la facture.

[12]           L’affidavit de Michael Witherall est également produit dans le cadre de la preuve de la Requérante. Au paragraphe 5 de son affidavit, M. Witherall déclare que bien qu’il ait acheté des produits de l’Opposante, il n’a acheté aucun article portant la marque « SMART ENERGY ». Il déclare également qu’aucun produit que son entreprise a reçu de l’Opposante ne porte de référence aux marques de commerce de l’Opposante énumérées dans l’opposition « ni sur les produits mêmes, ni sur les emballages dans lesquels ils ont été reçus ».

[13]           L’Opposante allègue que l’affidavit de M. Wilson est soumis en réponse au paragraphe 5 de l’affidavit de Michael Witherall. M. Wilson témoigne que le 5 mars 2012, il s’est rendu à la filiale de Sudbury, Ontario du détenteur de licence de l’Opposante et a pris des photographies de l’extérieur, de l’entrée et de la réception de cet emplacement. Il a également joint des photographies des véhicules de livraison stationnés à l’extérieur de cet emplacement. Toutes les photos montrent clairement la présence d’une ou de plusieurs marques KERR de l’Opposante sur des enseignes à chacun de ces emplacements.

[14]           La position de la Requérante est que rien dans l’affidavit Wilson ne répond aux faits précisés dans la preuve de la Requérante, y compris le paragraphe 5 de l’affidavit Witherall. À cet égard, la Requérante allègue que rien dans l’affidavit Witherall ne suppose qu’il a visité le magasin de l’Opposante à Sudbury. 

[15]           Une contre-preuve adéquate répond à des questions soulevées dans la preuve de l’autre partie. L’affidavit de M. Witherall a clairement mis en jeu la question à savoir si la Requérante avait acheté un produit de la marque SMART ENERGY de l’Opposante. Je considère le fait de démontrer que les marques SMART ENERGY et KERR SMART ENERGY et Dessin de l’Opposante étaient clairement affichées à l’emplacement où il peut être inféré à partir de la preuve de M. Henderson que M. Witherall aurait pu acheter au moins certains de ses produits comme une réponse adéquate.

[16]           Le test servant à déterminer si une preuve est une contre-preuve adéquate ne consiste pas simplement à déterminer si la preuve présentée par M. Wilson aurait pu faire partie de la preuve principale de l’Opposante. Le test consiste plutôt à déterminer si la preuve présentée par M. Wilson répond à la preuve de la Requérante et répond à des questions imprévues. Je conclus que c’est bien le cas. L’affidavit de M. Wilson est donc admissible en tant que contre-preuve adéquate.

Article 30 – Non-conformité

Non-conformité à l’alinéa 30(i) de la Loi

[17]            Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC), à 155].

[18]           L’Opposante allègue que les présentes circonstances sont exceptionnelles, car la relation qui existe entre les parties est une relation de fournisseur et client de la même industrie (c.-à-d., chauffage, ventilation et climatisation (CVC)). À cet égard, la preuve démontre qu’à la date de production de la demande pour sa marque de commerce, la Requérante avait déjà effectué de nombreux achats, auprès de l’Opposante, de produits dont elle avait besoin pour fournir ses services. De plus, la Marque visée par la demande d’enregistrement de la Requérante incorpore deux composants principaux des marques de l’Opposante, nommément les mots SMART ENERGY et la silhouette du dessin d’une maison.

[19]           Bien que je suis convaincue que la Requérante connaissait l’existence des marques de commerce de l’Opposante lorsqu’elle a produit sa demande d’enregistrement, je suis d’avis que le fait de connaître les marques de l’Opposante n’aurait pas nécessairement empêché la Requérante d’être persuadée qu’elle avait le droit d’employer la Marque, compte tenu du fait que la Requérante ne croyait pas que les marques créaient de la confusion. De plus, le fait que la Requérante soit au courant de l’emploi antérieur de sa marque de commerce par l’Opposante n’empêche pas en soi la Requérante de produire la déclaration requise par l’alinéa 30(i) de la Loi [Woot, Inc c. WootRestaruants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197].

[20]           Je rejette donc ce motif d’opposition.

Non-conformité à l’alinéa 30(b) de la Loi

[21]           L’Opposante allègue également que la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30(b) de la Loi, car la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les services énumérés dans la demande depuis la date revendiquée, notamment depuis au moins aussi tôt que le 12 juin 2009.

[22]           Il incombe à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de prouver la non-conformité de la Requérante à l’alinéa 30(b). Elle peut s’acquitter de son fardeau en consultant non seulement la preuve de l’Opposante, mais également la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CPI) 216 à 230]. Toutefois, bien que l’Opposante puisse s’appuyer sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve en lien avec ce motif, l’Opposante doit démontrer que la preuve de la Requérante est manifestement contraire aux revendications de la Requérante présentées dans ses demandes d’enregistrement [voir Ivy Lea Shirt Co c. 1227624 Ontario Ltd (1999), 2 CPR (4th) 562 à 565-6 (COMC), conf. par 11 CPR (4th) 489 (CFPI)].

[23]           Dans cette affaire, l’Opposante s’est appuyée exclusivement sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial. À cet égard, l’Opposante s’est concentrée sur ce qui manquait dans l’affidavit Witherell pour justifier la date de premier emploi revendiquée de la Requérante au lieu de préciser où il pourrait y avoir eu des incohérences dans la preuve de la Requérante afin de s’acquitter de son fardeau de preuve en vertu de ce motif. S’il y avait eu une divergence évidente dans la preuve concernant la date de premier emploi du 12 juin 2009 revendiquée par la Requérante, c’est alors la Requérante qui aurait eu le fardeau de prouver de façon positive la date qu’elle avait revendiquée.

[24]           Bien qu’il aurait été préférable pour la Requérante d’avoir fourni des détails sur l’emploi de la Marque en liaison avec les services visés par la demande depuis le 12 juin 2009, le fait de ne pas l’avoir fait ne constitue pas une incohérence. De plus, bien que je sois d’accord avec l’Opposante que les photographies de la Marque telle qu’elle est affichée sur la remorque cargo et le camion de la Requérante ne démontrent pas en soi l’emploi de la Marque en liaison avec les services en vertu du paragraphe 4(2), le fait que la Requérante annonce la Marque de cette manière ne signifie pas nécessairement que la Requérante n’a pas également employé adéquatement la Marque en liaison avec les services visés par la demande depuis la date de premier emploi revendiquée. Je suis donc incapable de conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de preuve.

[25]           Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Alinéa 12(1)(d) – Non-enregistrabilité

[26]                 L’Opposante allègue également que la Marque n’est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec ses marques de commerce précisées ci-dessus. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et consulté le registre afin de confirmer l’existence des enregistrements nos LMC703,771; LMC703,769; LMC239,310 et LMC251,012 de l’Opposante [voir Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement à ce motif.

[27]                 Comme l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de preuve, la Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante.

[28]                 J’évaluerai le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) selon la confusion entre la Marque et les marques de commerce SMART ENERGY et KERR SMART ENERGY et Dessin de l’Opposante, visées par les enregistrements nos LMC703,771 et LMC703,769, car je suis d’avis que le dossier de l’Opposante est plus fort en ce qui concerne ces marques de commerce. Ces deux enregistrements le sont pour un emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

Chauffages au mazout, chauffages au gaz, fournaises électriques à air chaud, fournaises au bois, fournaises aux granules; pompes à chaleur, pompes géothermiques, commandes de chauffage et de refroidissement, radiateurs à eau chaude.

[29]                 S’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et l’un ou l’autre de ces enregistrements, il n’y aurait alors aucune probabilité de confusion relativement aux autres enregistrements de l’Opposante. Par conséquent, ma détermination de la probabilité de confusion entre la Marque et ces enregistrements sera déterminante du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d). Comme la majorité des preuves d’emploi de l’Opposante concernent les quatre marques de commerce de l’Opposante, je me reporterai aux « marques de l’Opposante » lorsque nécessaire.

test en matière de confusion

[30]           Le test en matière de confusion concerne le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant le critère relatif à la confusion, le Registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[31]           La liste des facteurs énumérés n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire que ces facteurs se voient attribuer le même poids [voir, en général, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)]. Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

alinéa 6(5)(a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[32]           Ni la marque SMART ENERGY de l’Opposante, ni la Marque ne possèdent un degré élevé de caractère distinctif inhérent compte tenu de leur nature suggestive en liaison avec leurs marchandises et leurs services respectifs. La marque KERR SMART ENERGY et Dessin de l’Opposante possède un degré légèrement plus élevé de caractère distinctif que la Marque en raison de son premier élément qui est plus distinctif, même si Kerr pourrait être perçu comme un prénom. 

[33]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’usage. La preuve du déposant de l’Opposante, M. Henderson, fournit les renseignements suivants :

         l’Opposante utilise ses marques en liaison avec les ventes en gros de produits de chauffage, de ventilation et de climatisation à des distributeurs approuvés dans les quatre provinces de l’Atlantique (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et Labrador et Île-du-Prince-Édouard) et octroie des licences pour ses marques à son entreprise affiliée Kerr Smart Energy Limited qui les utilise en lien avec le même commerce en Ontario;

         de 2004 à 2001, les ventes annuelles brutes des produits des marques de l’Opposante se sont situées entre 41 459 258 $ et 56 948 257 $;

         factures représentatives montrant des ventes de produits Kerr au Canada du 8 novembre 2005 au 22 septembre 2011, affichant les marques de commerce Kerr Smart Energy et Dessin en liaison avec une variété de marchandises, y compris des chaudières, des fournaises et des chauffe-eau [Henderson, pièce 2];

         les marques de l’Opposante ont été employées avec les produits Kerr sur des emballages, étiquettes et autocollants, factures et documents de fiches signalétiques, garanties et guides de l’utilisateur qui accompagnent les produits [Henderson, pièces 2, 3, 4 et 8];

         depuis 2006, les clients grossistes de l’Opposante peuvent commander les produits de l’Opposante en ligne.

[34]           La Requérante a présenté de nombreuses objections générales et spécifiques à la preuve de M. Henderson. J’ai résumé ce que je considère être les objections les plus pertinentes de la Requérante comme suit :

         41 des 87 factures représentatives jointes à la pièce 2 de l’affidavit de M. Henderson ne montrent aucune des marchandises enregistrées employées en liaison avec la marque KERR SMART ENERGY et Dessin;

         un grand nombre des factures ne précisent aucune des marchandises de l’Opposante mais plutôt celles de tiers;

         les marques affichées sur les fiches signalétiques, les documents de garantie, les guides du propriétaire et les manuels d’installation joints à la pièce 3 n’affichent pas l’ensemble des marques de l’Opposante;

         les ventes annuelles brutes des produits des marques de commerce KERR ne se limitent pas aux marchandises couvertes par les enregistrements de l’Opposante.

[35]           L’Opposante a traité chacune de ces objections comme suit.

[36]           Premièrement, l’Opposante allègue que même si 41 des factures jointes à la pièce 2 de l’affidavit de M. Henderson ne montrent pas l’emploi des marques de l’Opposante en liaison avec les marchandises enregistrées, c’est le cas pour un grand nombre des factures. Deuxièmement, l’Opposante admet que sa preuve démontre l’emploi de marques de tiers. L’Opposante explique que compte tenu du fait qu’elle est une grossiste, certains des produits qu’elle vend sont vendus en liaison avec ses marques alors que d’autres sont vendus en liaison avec des marques de tiers. Pour ce qui est de l’affichage de toutes les marques de l’Opposante à la pièce 3, l’Opposante a expliqué que la marque KERR SMART ENERGY et Dessin a évolué depuis ses enregistrements originaux KERR et Dessin et les exemples d’emploi de 1993 à 2011 le reflètent. Finalement, l’Opposante allègue que même si certaines des ventes annuelles ne reflètent pas les marchandises vendues en liaison avec les marques KERR de l’Opposante, il est possible de déduire, à partir des preuves de ventes de plus de 41 millions de dollars chaque année entre 2004 et 2011, que les marques de l’Opposante sont devenues très connues au Canada.

[37]           Je suis d’accord avec la Requérante que la preuve de l’Opposante comporte certains défauts. Toutefois, je suis d’accord avec l’Opposante que lorsque l’on regarde sa preuve dans son ensemble, elle établit que les marques de l’Opposante étaient réputées dans une certaine mesure au Canada.

[38]           S’agissant de la mesure dans laquelle la Marque était réputée, mis à part une déclaration selon laquelle la Marque est affichée sur une remorque cargo et un camion depuis au moins juin 2009, il n’y a aucun autre renseignement concernant la mesure dans laquelle la Marque était réputée au Canada. 

[39]           Compte tenu des renseignements précédents, je conclus que les marques de l’Opposante étaient réputées dans une plus grande mesure au Canada que la Marque.

alinéa 6(5)(b) – période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[40]           La période pendant laquelle chacune des marques a été en usage favorise l’Opposante.

alinéas 6(5)(c) et (d) – le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[41]           C’est l’état déclaratif des marchandises de la Requérante tel que défini dans sa demande contre les marchandises enregistrées de l’Opposante qui dicte ma détermination de ce facteur [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c. Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[42]           Les deux parties œuvrent dans le commerce du chauffage, de la ventilation et de la climatisation. Il existe au moins un chevauchement entre les marchandises de l’Opposante et les services de la Requérante. Par exemple, l’une des marchandises en liaison avec les marques de l’Opposante est une « pompe géothermique » et les services de la Requérante comprennent « la vente, le service, l’installation, l’entretien de pompes géothermiques ».

[43]           S’agissant des circuits de vente des parties, la Requérante allègue que les marchandises et les services des parties ne visent pas les mêmes clients. À cet égard, la Requérante allègue que puisque l’Opposante s’annonce comme grossiste d’appareils de CVC [Henderson, paragr. 2 et pièce 14], ses produits sont destinés aux techniciens professionnels en chauffage et refroidissement et non aux propriétaires résidentiels ordinaires.

[44]           Bien que je sois d’accord avec la Requérante que l’utilisateur final des marchandises et des services respectifs de chaque partie puisse être différent, la Requérante n’a fourni aucune preuve de ses circuits de vente. En l’absence de preuve contraire, compte tenu du fait que les deux parties œuvrent dans le commerce du chauffage, de la ventilation et de la climatisation, je conclus que leurs circuits de vente pourraient se chevaucher.

alinéa 6(5)(e) –le degré de ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées

[45]           Dans la plupart des cas, le facteur dominant dans la détermination de la question de confusion est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans leur présentation ou leur son, ou dans les idées suggérées; les autres facteurs jouent un rôle secondaire dans l’évaluation des circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co c. Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145, confirmant 60 CPR (2d) 70 (CFPI)].

[46]           Dans la présente affaire, la Requérante a adopté la marque enregistrée SMART ENERGY de l’Opposante dans sa totalité. Bien que la Marque comprenne également un dessin de maison ainsi que des mots supplémentaires en plus petits caractères au bas du dessin de la maison, je conclus que tous ces éléments additionnels sont non distinctifs. Je considère donc qu’il y a un degré important de ressemblance entre la Marque et l’enregistrement no 703,771 de l’Opposante, dans la présentation, le son et les idées suggérées.

[47]           Je constate également un degré relativement élevé de ressemblance entre la marque KERR SMART ENERGY et Dessin de maison de l’Opposante et la Marque pour des raisons semblables.

Autres circonstances de l’espèce

[48]           Comme autre circonstance de l’espèce, la Requérante s’est appuyée sur les affidavits Booth et Witherall pour établir que i) les mots SMART ENERGY et 2) un dessin de maison sont des éléments communs de marques de commerce et de noms commerciaux dans l’industrie du chauffage, de la ventilation et de la climatisation (CVC).

[49]           La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions quant à l’état du marché [Ports International Ltd c. Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c. Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CFPI). Les conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées des preuves afférentes à l’état du registre que dans les cas où un grand nombre d’enregistrements pertinents ont été relevés [Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[50]           M. Booth a effectué une recherche dans les dossiers du Bureau des marques de commerce afin de trouver (i) des marques actives incorporant les mots SMART et ENERGY pour toutes les marchandises et tous les services et ii) des marques de commerce actives comportant un dessin de maison dans les domaines du bâtiment, de la construction et de la rénovation, en insistant particulièrement sur les produits et services de CVC. À partir de la preuve de M. Booth, je constate qu’il y a environ neuf enregistrements actifs de tiers pour les marques qui comprennent les mots SMART et ENERGY pour des marchandises ou des services en lien avec ceux des parties, et environ 41 enregistrements qui comportent des dessins de maison pour des marchandises ou des services en lien avec ceux des parties. 

[51]           M. Witherall a mené une recherche Internet dans Google sur les mots « SMART ENERGY » et a trouvé 317 000,000 entrées pour les mots « smart energy ». Il joint à la pièce A de son affidavit des pages tirées des 6 sites Web suivants : www.smartenergybc.com; www.smartenergyshow.com, www.smartenergycanada.com; www.se-instruments.com; www.smartenergy-canada.com et www.geosmartenergy.com. À la pièce B de son affidavit, il joint des copies de pages tirées de 23 sites Web prétendument dans le commerce du chauffage, de la ventilation et de la climatisation qui affichent des maisons stylisées dans la promotion de leurs activités commerciales. 

[52]           J’ai accordé un poids restreint à cette preuve de M. Witherall pour les raisons suivantes. Premièrement, les résultats de la recherche de M. Witherall dans Google ne sont pas utiles, car il n’a fourni aucune copie de l’ensemble des résultats et il est impossible de savoir si l’une ou l’autre des « entrées » concerne les services offerts au Canada dans le domaine de l’Opposante ou de la Requérante. De plus, les extraits des sites Web constituent un ouï-dire et on ne peut s’y fier pour prouver la véracité de leur contenu. À tout événement, je peux uniquement déduire de cette preuve qu’environ trois de ces sites Web sont canadiens. Par conséquent, sa preuve est loin d’être suffisante pour me permettre de conclure qu’il y a eu adoption généralisée des mots « smart energy » en tant que composante des marques de commerce dans l’industrie du chauffage, de la ventilation et de la climatisation au Canada.

[53]           Selon l’ensemble de la preuve fournie, je conclus que le nombre de marques enregistrées qui incorporent des dessins de maison avec des marchandises ou des services qui chevauchent ceux des parties suffit pour conclure qu’il est de pratique courante dans le marché d’adopter des dessins de maison dans le même domaine que celui des parties. Par conséquent, les consommateurs sont prétendument aptes à faire la distinction entre une telle marque et une autre. À l’appui de cette conclusion, la preuve de M. Witherall, hormis les lacunes, d’au moins 10 sites Web dont je peux déduire, en raison de leur contenu, que ce sont des entreprises canadiennes qui affichent un dessin de maison dans la promotion de leur entreprise de CVC.

[54]           Je ne peux toutefois faire la même déduction à partir de la preuve de l’état du registre pour les marques formées des mots SMART et ENERGY. L’existence d’environ neuf enregistrements pertinents de tiers me permet de conclure qu’il est possible que quelques marques SMART ENERGY de tiers soient activement employées pour des marchandises et des services semblables. Toutefois, en l’absence de preuve d’emploi réel de ces autres marques sur le marché, une telle preuve a peu de valeur. L’affidavit Witherall fait peu, s’il fait effectivement quelque chose, pour renforcer les résultats de M. Booth. Par conséquent, je considère que la preuve de la Requérante ne suffit pas à démontrer que les Canadiens sont habitués à faire la distinction entre les marques SMART ENERGY pour les marchandises et les services de CVC et j’ai conclu qu’il ne s’agit pas d’une circonstance de l’espèce importante dans la présente cause.

Conclusion

[55]           Le test qui doit être utilisé est la question de la première impression pour le consommateur occasionnel quelque peu pressé qui voit la Marque en liaison avec les services de CVC de la Requérante alors que ce consommateur n’a qu’un souvenir imparfait des marques SMART ENERGY et KERR SMART ENERGY et Dessin de maison de l’Opposante employées en liaison avec des marchandises de CVC et ne prend pas le temps de s’interroger à ce sujet ou de vérifier ce qui en est [voir Veuve Clicquot]. 

[56]           La Requérante a pris la marque SMART ENERGY de l’Opposante dans sa totalité et a produit une demande afin de l’employer en liaison avec des services qui sont dans la même industrie que les marchandises de l’Opposante. La Requérante allègue que les marques de l’Opposante n’ont pas droit à une vaste étendue de protection, mais je crois que si je devais conclure qu’il n’y avait aucune probabilité de confusion dans le présent cas, j’appliquerais alors une étendue de protection beaucoup trop étroite. Compte tenu de la durée d’emploi prolongée par l’Opposante de ses marques presque identiques pour des marchandises dans la même industrie que les services de la Requérante, je conclus qu’un consommateur qui a un souvenir imparfait de l’une ou l’autre des marques de l’Opposante pourrait raisonnablement conclure que la marque SMART ENERGY et Dessin de maison de la Requérante pour des services de CVC partage la même source que les marques SMART ENERGY de l’Opposante pour des marchandises de CVC. 

[57]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) est donc accepté.

Autres motifs d’opposition

[58]           Les motifs d’opposition restants s’articulent également autour de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante. Les dates pertinentes permettant d’évaluer la probabilité de confusion relativement aux motifs liés au droit à l’enregistrement et au caractère non distinctif sont respectivement la date de production de la demande par la Requérante et la date d’opposition. Je suis convaincue, selon la preuve fournie, que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en vertu de ces deux motifs d’opposition.

[59]           Selon moi, les différences entre les dates pertinentes n’ont aucune incidence importante sur la détermination de la question de confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, ma conclusion ci-dessus selon laquelle les marques de commerce sont susceptibles de créer de la confusion s’applique à ces motifs d’opposition qui sont également acceptés.

Décision

[60]           Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Côté, trad. a.

 


ANNEXE A

 

Les motifs d’opposition sont les suivants :

 

a.         La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 c. T-13 (la « Loi sur les marques de commerce ») pour les raisons particulières suivantes :

 

i.          contrairement aux alinéas 38(2)(a) et 30(b) de la Loi sur les marques de commerce, à la date de production de la demande, la Requérante n’avait pas employé la marque de commerce comme allégué ou avait par la suite abandonné la marque de commerce;

 

ii.         contrairement aux alinéas 38(2)(a) et 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, à la date de production de la demande, la déclaration de la Requérante au sujet de son droit d’employer la marque de commerce au Canada n’était pas précise, car la Requérante connaissait l’Opposante et les marques de commerce de l’Opposante.

 

b.         La marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable pour les raisons suivantes :

 

i.          au sens des alinéas 38(2)(b) et 12(1)(d) de la Loi sur les marques de commerce, elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce enregistrées suivantes qui sont la propriété de l’Opposante :

 

(a) SMART ENERGY, LMC 703,771;

(b) KERR SMART ENERGY et Dessin, LMC 703,769;

(c) KERR et Dessin, LMC 239,310;

(d) KERR et Dessin, LMC 251,012;

 

ii.         au sens des alinéas 38(2)(b) et 12(2) de la Loi sur les marques de commerce, la marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi sur les marques de commerce, et n’a pas été employée au Canada par la Requérante de sorte à être devenue distinctive à la date de production de la demande.

 

c.         La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce :

 

i.          au sens des alinéas 38(2)(c) et 16(1 )(a) de la Loi sur les marques de commerce, la marque de commerce créait de la confusion avec une marque de commerce qui avait été employée antérieurement au Canada ou été réputée au Canada par l’Opposante comme suit :

 

 

SMART ENERGY

KERR SMART ENERGY & design

KERR & DESIGN

KERR & DESIGN

d.         La marque de commerce visée par la demande n’est pas distinctive pour les raisons suivantes : en vertu de l’alinéa 38(2)(d) et de l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce (la définition de « distinctive »), car elle ne distingue pas réellement, ni n’est adaptée pour distinguer les marchandises et les services de la Requérante des marchandises et services des autres, particulièrement ceux de l’Opposante sous les marques de commerce enregistrées énumérées dans 1 (b) ci-dessus et en lien avec les marques de commerce énumérées dans 1 (c) ci-dessus, pas plus qu’elle n’est adaptée ni ne peut être adaptée à les distinguer.

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