Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de

l’Association médicale canadienne à la demande no 1,060,581

produite par Eclectic Echinacea Inc. en vue de l’enregistrement

de la marque de commerce PRAIRIE DOCTOR BRAND

                                                        

 

Le 26 mai 2000, Eclectic Echinacea Inc., la requérante, a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce PRAIRIE DOCTOR BRAND. La demande est fondée sur l’emploi de la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

(1) Fleurs d’échinacée, herbe d’échinacée, racines d’échinacée, et produits fabriqués avec des fleurs d’échinacée, de l’herbe d’échinacée et des racines d’échinacée, nommément teinture d’échinacée, extrait liquide d’échinacée, crème d’échinacée pour la peau, tisane d’échinacée et produits fabriqués sur demande avec des fleurs d’échinacée, de l’herbe d’échinacée et des racines d’échinacée selon les spécifications de tiers, nommément teinture d’échinacée, extrait liquide d’échinacée, crème d’échinacée pour la peau et tisane d’échinacée.


(2) Poudre d’échinacée et poudre d’échinacée fabriquée sur demande selon les spécifications de tiers.


(3) Fleurs de millepertuis et herbe de millepertuis et produits fabriqués avec des fleurs de millepertuis et de l’herbe de millepertuis, nommément teinture de millepertuis, extrait liquide de millepertuis, extrait d’huile de millepertuis, tisane de millepertuis et poudre de millepertuis, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants : teinture de millepertuis, extrait liquide de millepertuis, extrait d’huile de millepertuis, tisane de millepertuis et poudre de millepertuis fabriqués selon les spécifications de tiers.


(4) Racines de valériane et produits fabriqués avec des racines de valériane, nommément teinture de valériane, extrait liquide de valériane, tisane de valériane et poudre de valériane, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture de valériane, extrait liquide de valériane, tisane de valériane et poudre de valériane fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.


(5) Fleurs d’échinacée, herbe d’échinacée et racines d’échinacée et racines d’hydraste du Canada et produits fabriqués avec des fleurs d’échinacée, de l’herbe d’échinacée et des racines d’échinacée et des racines d’hydraste du Canada, nommément teinture d’échinacée et d’hydraste du Canada, poudre d’échinacée et d’hydraste du Canada, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture d’échinacée et d’hydraste du Canada et poudre d’échinacée et d’hydraste du Canada fabriquées sur demande selon les spécifications de tiers.


(6) Fleurs d’aubépine, feuilles d’aubépine, rameaux d’aubépine et baies d’aubépine et produits fabriqués avec des fleurs d’aubépine, des feuilles d’aubépine, des rameaux d’aubépine et des baies d’aubépine, nommément teinture d’aubépine et poudre d’aubépine, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture d’aubépine et poudre d’aubépine fabriquées sur demande selon les spécifications de tiers.


(7) Racines d’astragale et produits fabriqués avec des racines d’astragale, nommément teinture d’astragale, extrait liquide d’astragale et poudre d’astragale, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture d’astragale, extrait liquide d’astragale et poudre d’astragale fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.


(8) Fleurs d’échinacée,  herbe d’échinacée et racines d’échinacée et fleurs d’eupatoire et herbe d’eupatoire et produits fabriqués avec des fleurs d’échinacée, de l’herbe d’échinacée et des racines d’échinacée et de l’herbe d’eupatoire, nommément teinture d’échinacée et d’eupatoire, extrait liquide d’échinacée et d’eupatoire et poudre d’échinacée et d’eupatoire, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture d’échinacée et d’eupatoire, extrait liquide d’échinacée et d’eupatoire et poudre d’échinacée et d’eupatoire fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.


(9) Fleurs d’échinacée, herbe d’échinacée, racines d’échinacée et racines d’astragale et produits fabriqués avec des fleurs d’échinacée, de l’herbe d’échinacée, des racines d’échinacée et des racines d’astragale, nommément teinture d’échinacée et d’astragale, extrait liquide d’échinacée et d’astragale et poudre d’échinacée et d’astragale, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture d’échinacée et d’astragale, extrait liquide d’échinacée et d’astragale et poudre d’échinacée et d’astragale fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.


(10) Fleurs de scutellaire, herbe de scutellaire et produits fabriqués avec des fleurs de scutellaire et de l’herbe de scutellaire, nommément teinture de scutellaire, extrait liquide de scutellaire, tisane de scutellaire et poudre de scutellaire, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture de scutellaire, extrait liquide de scutellaire, tisane de scutellaire et poudre de scutellaire fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.


(11) Herbe de mélisse et fleurs de mélisse et produits fabriqués avec de l’herbe de mélisse et des fleurs de mélisse, nommément teinture de mélisse, extrait liquide de mélisse, tisane de mélisse et poudre de mélisse, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture de mélisse, extrait liquide de mélisse, tisane de mélisse et poudre de mélisse fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.


(12) Racines d’hydraste du Canada et produits fabriqués avec des racines d’hydraste du Canada, nommément teinture d’hydraste du Canada et poudre d’hydraste du Canada, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture d’hydraste du Canada, et poudre d’hydraste du Canada, fabriquées sur demande selon les spécifications de tiers.


(13) Racines de valériane, fleurs de mélisse, herbe de mélisse et fleurs de houblon  et produits fabriqués avec des racines de valériane, des fleurs de mélisse, de l’herbe de mélisse et des fleurs de houblon, nommément teinture de valériane, de mélisse et de houblon, extrait liquide de valériane, de mélisse et de houblon et poudre de valériane, de mélisse et de houblon, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture de valériane, de mélisse et de houblon, extrait liquide de valériane, de mélisse et de houblon et poudre de valériane, de mélisse et de houblon fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.


(14) Racines de valériane, fleurs de scutellaire, herbe de scutellaire, fleurs de millepertuis et herbe de millepertuis et produits fabriqués avec des racines de valériane, des fleurs de scutellaire, de l’herbe de scutellaire, des fleurs de millepertuis et de l’herbe de millepertuis, nommément teinture de valériane, de scutellaire et de millepertuis, extrait liquide de valériane, de scutellaire et de millepertuis, poudre de valériane, de scutellaire et de millepertuis, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture de valériane, de scutellaire et de millepertuis, extrait liquide de valériane, de scutellaire et de millepertuis et poudre de valériane, de scutellaire et de millepertuis fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.


(15) Fleurs de houblon et produits fabriqués avec des fleurs de houblon, nommément teinture de houblon, extrait liquide de houblon et poudre de houblon, et en association avec la classe générale de marchandises comprenant les produits spécifiques suivants, nommément teinture de houblon, extrait liquide de houblon et poudre de houblon fabriqués sur demande selon les spécifications de tiers.

 

Les dates revendiquées de premier emploi en liaison avec chacune des catégories de marchandises sont les suivantes : le 17 janvier 1996 en liaison avec les marchandises (1); le 1er février 1997 en liaison avec les marchandises (2); le 10 mars 1998 en liaison avec les marchandises (3); le 17 juillet 1998 en liaison avec les marchandises (4); le 5 janvier 1999 en liaison avec les marchandises (5) et (6); le 11 novembre 1999 en liaison avec les marchandises (7), (8) et (9); le 24 mars 2000 en liaison avec les marchandises (10, (11), (12), (13), (14) et (15).

 

La demande a été publiée en vue de la procédure d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 janvier 2002. L’opposante, l’Association médicale canadienne, a déposé une déclaration d’opposition le 26 février 2002.

 

Les motifs d’opposition se résument comme suit :

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce. En effet, la requérante ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’employer la marque de commerce, étant donné que l’emploi de la marque contrevient à diverses dispositions législatives, et notamment à l’article 33 de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées de l’Ontario, qui interdit à toute personne l’emploi du titre de DOCTEUR et de ses abréviations lorsque cette personne donne ou propose de donner des soins médicaux à des particuliers, à moins que cette personne ne soit membre de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, de l’Ordre des chiropraticiens de l’Ontario, de l’Ordre des optométristes de l’Ontario, de l’Ordre des psychologues de l’Ontario ou de l’Ordre royal des chirurgiens dentistes de l’Ontario. D’autres provinces, dont la Colombie-Britannique, ont édicté des interdictions semblables. Par conséquent, l’emploi de cette marque de commerce est trompeur puisqu’il laisse entendre que les marchandises de la requérante ont été approuvées, autorisées ou cautionnées par un « docteur », ce qui n’est pas le cas.

 

2.      La marque de commerce n’est pas enregistrable, par application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, parce qu’elle donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises et/ou des personnes qui les produisent, puisque le consommateur moyen présumerait que les marchandises ont été conçues, mises au point, produites, vendues ou cautionnées par un médecin qualifié, ce qui n’est pas le cas.

 

3.      La marque de commerce n’est pas enregistrable, par application de l’alinéa 12(1)e) de la Loi, parce que :

i)                    l’adoption ou l’emploi de la marque PRAIRIE DOCTOR BRAND est interdit par le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi en ce que la marque présente avec les marques officielles suivantes de l’opposante une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec l’une ou plusieurs d’entre elles : DR. (no 912,999); Dr (no 913,001); Doctor (no 907,423); Doctor (no 912,998); Docteur (no 913,000);

ii)                  le mot DOCTOR et son abréviation courante et équivalent phonétique Dr., dans les deux langues officielles, sont devenus reconnus au Canada, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, comme désignant le genre et la qualité de services dispensés par des médecins et par l’opposante. À ce titre,  l’adoption et l’emploi de la marque PRAIRIE DOCTOR BRAND sont interdits par l’article 10 de la Loi;

iii)                l’adoption et l’emploi de la marque de commerce sont susceptibles d’induire en erreur, parce qu’ils donnent à entendre que les marchandises ont été approuvées, autorisées, vendues ou cautionnées par un médecin qualifié, ce qui ne reflète pas la réalité, de sorte que l’adoption de la marque est interdite en vertu de l’article 10 de la Loi.

 

4.      La marque de commerce n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas ni n’est adaptée pour distinguer les marchandises de la requérante des marchandises et services d’autres propriétaires, y compris l’opposante, en particulier du fait que la marque de commerce amènera des membres du public à croire erronément que les marchandises ont été cautionnées par un ou plusieurs membres de la profession médicale.

 

 

La requérante a déposé et signifié une contre-déclaration.

 

L’opposante a présenté en preuve l’affidavit de Leanne Mascolo.

 

Pour sa part, la requérante a déposé l’affidavit de Robert Chabot.

 

En contre-preuve, l’opposante a déposé deux autre affidavits souscrits par Leanne Mascolo.

 

Chaque partie a présenté des observations écrites. Aucune n’a demandé la tenue d’une audience.

 

La loi impose à la requérante d’établir, selon la prépondérance de la preuve, que sa demande d’enregistrement satisfait aux exigences de la Loi sur les marques de commerce. Toutefois, l’opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible qui permette de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293 à la page 298]. 

 

Preuve de l’opposante au titre de l’article 41 du Règlement

Mme Mascolo, stagiaire au service de l’opposante, a déposé copie des documents suivants :

         la loi constitutive et les règlements administratifs de l’opposante;

         les énoncés de mission, de vision et des valeurs de l’opposante;

         deux avis donnés en vertu de l’article 9 relativement à la marque officielle DOCTOR;

         des définitions tirées de dictionnaires des mots « doctor » (docteur) et « health care » (soins médicaux);

         certaines dispositions de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées de l’Ontario;

         des pages tirées d’un site Internet le 20 novembre 2002 contenant de l’information sur la requérante.

 

Preuve de la requérante au titre de l’article 42 du Règlement

M. Chabot, dirigeant et administrateur de la requérante, analyse et compare les avis en vertu de l’article 9 donnés par l’opposante relativement à ses marques officielles et la demande d’enregistrement de la requérante pour la marque PRAIRIE DOCTOR BRAND. Il examine en outre l’article 33 de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées de l’Ontario ainsi que le paragraphe 27(8) de cette loi. L’information que Mme Mascolo a trouvée dans l’Internet au sujet de la requérante, dit-il, n’est pas tout à fait exacte quant aux faits. Il propose aussi une définition tirée d’un dictionnaire pour « health food » (aliments santé).

 

M. Chabot affirme que l’échinacée est communément appelée « prairie doctor » et il présente un certain nombre d’articles à l’appui de cette assertion.

 

M. Chabot offre également une preuve visant à démontrer divers autres emplois du mot « doctor » dans un sens non médical par des tiers. Il fournit de plus les résultats d’une recherche effectuée dans la base de données sur les marques de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour répertorier les marques de commerce déposées comprenant le mot « doctor » qui ont été enregistrées entre le 2 août 1995 (date de la publication des marques pour services de l’opposante visées à l’article 9) et le 10 décembre 2002. La recherche a permis de répertorier 46 marques répondant à ce critère; cependant, M. Chabot n’a déposé que le nom de la marque et le numéro d’enregistrement pour chacune d’entre elles. 

 

La preuve de l’opposante au titre de l’article 43 du Règlement

Mme Mascolo a déposé copie de pages de l’Internet annonçant les produits PRAIRIE DOCTOR BRAND et faisant état de leurs prétentions thérapeutiques et médicales. Elle a aussi fourni les étiquettes de produits PRAIRIE DOCTOR BRAND qu’elle a obtenues après les avoir commandées par Internet le 9 mai 2003.

 

 

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi

Il convient d’examiner si la requérante se conformait aux exigences de l’article 30 de la Loi à la date du dépôt de la demande d’enregistrement. [Voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.) à la page 475.]

 

Étant donné que la demande comporte une déclaration conforme à celle exigée à l’alinéa 30i) de la Loi et qu’il n’existe aucune preuve de mauvaise foi de la part de la requérante, je rejette ce motif d’opposition. [Voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myer Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.) à la page 155.]

 

Je tiens à souligner également que l’opposante n’a pas prétendu que la requérante avait connaissance des faits sur lesquels s’appuie l’opposante. [Voir la décision non publiée du membre Herzig de la Commission des oppositions des marques de commerce concernant la demande no 1,021,294, datée du 16 juin 2005, à la page 7.] Qui plus est, je ne suis pas convaincue que le législateur ait eu l’intention de confier au registraire des marques de commerce la responsabilité de décider, dans le cadre de la procédure d’opposition, si un requérant se conforme ou non à d’autres lois. [Voir Hayhurst, W.L., « Trade-mark Oppositions: How ‘Satisfied’ Must an Applicant Be? » (1991), 7 I.P.J. 75, à la page 79.]

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi

La date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est celle du dépôt de la demande. [Voir Shell Canada Limitée c. P.T. Sari Incofood Corporation, 2005 CF 1040;

 

Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)]

 

Voici une partie des observations écrites de l’opposante quant à ce motif :

[Traduction] En particulier, la marque de commerce PRAIRIE DOCTOR BRAND donne à entendre que le genre ou la qualité des marchandises de la requérante a été mis au point, cautionné, produit ou autorisé par un médecin ou que ces marchandises ont autrement reçu l’autorisation, le soutien ou l’approbation d’un médecin. Étant donné que les marchandises de la requérante ne sont pas mises au point, approuvées, produites ni autrement cautionnées par un médecin, nous soutenons que la marque PRAIRIE DOCTOR BRAND donne une description fausse et trompeuse […] Compte tenu de la nature des marchandises comprises dans la demande de la requérante, la plupart des gens tiendraient pour acquis qu’il s’agit de marchandises dont le genre ou la qualité a été mis au point, cautionné, produit ou autorisé par un médecin ou qui ont autrement reçu l’autorisation, le soutien ou l’approbation d’un médecin. 

 

 

Dans la décision Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Company Ltd. (2004), 35 C.P.R. (4th) 507 (C.F. 1re inst.) à la page 514, le juge O’Reilly a exposé ce qui suit :

Lorsqu’une partie d’une marque de commerce proposée est contestable, il convient de se demander s’il demeure possible d’enregistrer la totalité de la marque. Dans la présente affaire, étant donné que JBCL ne peut enregistrer les mots « Spray Engineering », peut-elle enregistrer « Brooks Brooks Spray Engineering »? La réponse dépend de la question de savoir si la partie contestable de la marque de commerce proposée constitue un élément important de l’ensemble et fait de celui-ci une marque qui donne une description fausse et trompeuse. Les parties ne s’entendaient pas sur la question de savoir si la partie contestable de la marque de commerce doit constituer l’élément dominant de celle-ci ou simplement l’une des caractéristiques dominantes. D’après la jurisprudence, le critère applicable est la question de savoir si les mots donnant une description fausse et trompeuse [traduction] « dominent la marque de commerce visée par la demande au point … de faire obstacle à l’enregistrement de celle-ci … » [p. 255] : Chocosuisse Union des Fabricants -- Suisses de Chocolate c. Hiram Walker & Sons Ltd. (1983), 77 C.P.R. (2d) 246 (C.O.M.C.), citant Lake Ontario Cement Ltd. c. Registrar of Trade Marks (1976), 31 C.P.R. (2d) 103 [C.F. 1re inst.].

 

En l’espèce, la requérante ne peut peut-être pas enregistrer DOCTOR à titre de marque de commerce, mais il convient de se demander si elle peut néanmoins enregistrer la marque PRAIRIE DOCTOR BRAND en faisant valoir qu’on ne peut pas dire que « doctor » [Traduction] « domine dans son ensemble la marque de commerce visée par la demande ».

 

Dans la décision Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc. (2001), 11 C.P.R. (4th) 48 (C.F. 1re inst.), confirmée par 18 C.P.R. (4th) 414, le juge McKeown a dit, à la page 52 :

Afin de déterminer si la marque de commerce « Parma » constituait ou non une description fausse et trompeuse en 1971, je dois décider :

[…] si le public canadien serait induit en erreur sur l’origine du produit associée à la marque de commerce et croirait que ce produit provient de l’endroit désigné par le nom géographique utilisé.

Promotions Atlantiques Inc. c. Registraire des marques de commerce) (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.) à la page 186.

En examinant cette question, je dois me mettre à la place d’un consommateur ayant une intelligence et une éducation moyennes, et déterminer ce qu’il (ou elle) penserait s’il (ou si elle) voyait la marque utilisée en contexte.

 

 

Dans Lassonde Inc. c. Pied-Mont Dora Inc. (1996), 72 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.), le président d’alors de la Commission des oppositions aux marques de commerce a indiqué, aux pages 272 et 277 :

Selon le deuxième motif d’opposition, la marque de commerce de la requérante n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, parce que la marque MONT-JUS est une description fausse et trompeuse, en langue anglaise ou française, de la nature ou de la qualité des marchandises de la requérante puisque les poudres et liquides de saveur pour la préparation des boissons non alcoolisées à saveur de fruits de la requérante ne sont pas des jus mais plutôt des boissons à saveur de fruits.

La principale question litigieuse relativement à ce motif est de savoir si la marque de commerce MONT-JUS, prise dans son intégralité, donne une description fausse et trompeuse des poudres et liquides de saveur pour la préparation des boissons non alcoolisées à saveur de fruit. En ce qui concerne un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b), le fardeau légal repose sur la requérante d’établir que sa marque de commerce MONT-JUS est enregistrable. Toutefois, il existe un fardeau initial de la preuve qui repose sur l’opposante de produire des éléments suffisants de preuve qui, s’ils sont acceptés, appuieraient la véracité des allégations selon lesquelles la marque de la requérante donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité de ses marchandises […] En outre, le critère qu’il convient d’appliquer pour déterminer si la marque de commerce de la requérante, prise dans son intégralité, donne une description fausse et trompeuse est le suivant : le grand public au Canada, du point de vue de la première impression, serait-il trompeusement amené à croire que les poudres et liquides de saveur pour la préparation des boissons à saveur de fruit MONT-JUS de la requérante contiennent du jus alors qu’elles n’en contiennent pas (voir T.C. Bright & Co. c. Institut national des appellations d’origine des vins et eaux-de-vie, 9 C.P.R. (3d) 239 (C.F. 1re inst.), aux pages 241 et 242; et Atlantic Promotions Inc. c. Registrar of Trade Marks, 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 188).

[…]

La preuve sur laquelle l’opposante s’est fondée s’adresse au mot JUS et non à la marque de commerce MONT-JUS, considérée dans son intégralité. Même si les définitions indiquent que le mot JUS donne une description trompeuse des marchandises de la requérante, je ne pense pas que la preuve de l’opposante démontre sa prétention voulant que la marque de commerce MONT-JUS, considérée dans son intégralité, est une description fausse et trompeuse, en langue anglaise ou française, des poudres et liquides de saveur pour la préparation des boissons à saveur de fruit. Par conséquent, je suis parvenu à la conclusion que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait et, donc, je rejette le deuxième motif d’opposition.

 

Je dois donc évaluer si le grand public au Canada serait erronément amené à croire que le produit associé à la marque de commerce a été approuvé par un médecin. J’estime que le mot « doctor » ne constitue pas l’élément dominant de la marque de commerce PRAIRIE DOCTOR BRAND; en effet, le mot PRAIRIE y domine tout autant, sinon plus. De plus, je suis convaincue selon la prépondérance de la preuve qu’à la date pertinente, soit le 26 mai 2000, un consommateur canadien d’intelligence et d’instruction moyennes n’aurait pas été amené à croire erronément en voyant la marque PRAIRIE DOCTOR BRAND qu’un médecin était associé aux produits de la requérante. Le fait que les marchandises de la requérante soient composés de fleurs, d’herbes, de racines, etc., ingrédients communément désignés sous l’appellation de « médecine douce », ne fait que diminuer le risque que des membres du public associent à des médecins les marchandises de marque PRAIRIE DOCTOR BRAND.

 

Motif d’opposition fondé sur le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi

Dans la décision WWF-World Wide Fund for Nature c 615334 Alberta Limited (2000), 6 C.P.R. (4th) 247 (C.O.M.C.) à la page 253, le membre Martin de la Commission des oppositions des marques de commerce a examiné le critère applicable en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi eu égard aux décisions judiciaires rendues dans l’affaire Association des Grandes sœurs de l’Ontario c. Grands frères du Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.); conf. (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.) :

   [Traduction] Le critère applicable à l’égard du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce est de savoir si la marque de la requérante est composée de la marque officielle de l’opposant ou lui ressemble à tel point qu’on pourrait les confondre. En d’autres termes, la marque de la requérante est-elle identique ou presque identique à l’une ou l’autre des marques officielles de l’opposant? : voir page 217, décision de première instance dans Grandes sœurs, précitée. Aux pages 218 et 219 de la décision Grandes sœurs, le juge Gibson, de la Section de première instance, a confirmé que pour juger de la ressemblance entre les marques en cause, on pouvait prendre en considération les facteurs énumérés à l’alinéa 6(5)e) de la Loi. Il a ajouté, à la page 218, que le critère devait être appliqué en tenant compte de la première impression et du souvenir imparfait (voir aussi les pages 302 et 303 de l’arrêt Association olympique canadienne c. Techniquip Limited (1999) 3 C.P.R. (4th) 298.)

 

En l’espèce, la marque de la requérante n’est identique à aucune des marques officielles de l’opposante. De plus, bien que la marque PRAIRIE DOCTOR BRAND comprenne la marque officielle DOCTOR de l’opposante, je conclus que la marque de la requérante, considérée dans son ensemble, n’offre qu’une ressemblance limitée avec cette marque officielle dans la présentation, le son ou les idées qu’elle suggère. Par conséquent, la marque de la requérante n’est pas presque identique à l’une des marques de l’opposante. 

 

L’opposante, dans ses observations écrites, fait valoir que le critère relatif à la ressemblance, pour l’application du sous-alinéa 9(1)n)(iii), consiste à déterminer « si la première impression d’une personne ordinaire serait de percevoir une ressemblance telle entre la marque adoptée et la marque officielle qu’elle pourrait vraisemblablement les confondre ». L’opposante soutient de plus que l’élément dominant de la marque de la requérante est le mot DOCTOR; cependant, comme je l’ai déjà dit, j’estime que le mot PRAIRIE y domine au moins autant, si ce n’est davantage, en partie du fait qu’il figure au début, endroit traditionnellement considéré comme dominant dans une marque. [Voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]

 

À mon avis, les différences entre les marques PRAIRIE DOCTOR BRAND et DOCTOR sont plus que suffisantes pour empêcher qu’un consommateur canadien ne confonde PRAIRIE DOCTOR BRAND avec DOCTOR.

 

Pour les motifs énoncés ci-dessus, ce motif d’opposition est rejeté.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’article 10 de la Loi

Pour satisfaire à son fardeau de preuve au regard du motif d’opposition fondé sur l’article 10, l’opposante devait fournir une preuve démontrant que le mot DOCTOR (ou DR.) est devenu connu au Canada dans la pratique commerciale ordinaire et authentique comme désignant le genre et la qualité des services offerts par les médecins et par l’opposante. Je ne suis pas certaine de savoir à quels services l’opposante fait référence. Quoi qu’il en soit, la requérante n’a pas adopté la marque DOCTOR ni DR., et la marque PRAIRIE DOCTOR BRAND ne ressemble pas à DOCTOR ni à DR. à un point tel qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec l’une ou l’autre, selon le critère énoncé à l’article 10. Dès lors, la marque de commerce PRAIRIE DOCTOR BRAND ne contrevient pas à l’article 10 de la Loi.

 

Quant à l’allégation de l’opposante selon laquelle l’article 10 interdit l’adoption et l’emploi de la marque de commerce PRAIRIE DOCTOR BRAND parce que cette marque est susceptible d’induire en erreur en ce qu’elle suggère, à tort, que les marchandises ont été approuvées, autorisées, vendues ou cautionnées par un médecin qualifié, je renvoie à la conclusion que j’ai énoncée plus tôt, à savoir qu’un consommateur canadien d’intelligence et d’instruction moyennes ne serait pas ainsi induit en erreur.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

Il est généralement accepté que la date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est la date du dépôt de l’opposition. [Voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.) à la page 324.]  

 

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif repose en l’occurrence sur l’allégation selon laquelle la marque de commerce de la requérante amènera les membres du public à croire erronément que les marchandises ont été cautionnées par un ou plusieurs membres de la profession médicale. Comme je l’ai expliqué, la preuve n’appuie pas cette prétention. En conséquence, ce motif d’opposition est aussi rejeté.

 

 

Décision

Ayant été déléguée par le registraire des marques de commerce conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par le paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 21 SEPTEMBRE 2005.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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