Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 235

Date de la décision : 2015-12-30

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45

 

 

Blake, Cassels & Graydon LLP

Partie requérante

et

 

Euro-Can Manufacturing Inc.

Propriétaire inscrite

 

 

 



LMC539,956 pour la marque de commerce DOGADE

Enregistrement

[1]               Le 7 février 2014, à la demande de Blake, Cassels & Graydon LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) à Euro-Can Manufacturing Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC539,956 de la marque de commerce DOGADE (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits [Traduction] « aliments et boissons pour chiens ».

[3]               L'avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve établissant que la Marque avait été employée au Canada en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l'enregistrement à un moment quelconque entre le 7 février 2011 et le 7 février 2014. Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               Les définitions d'emploi en liaison avec des produits sont énoncées comme suit aux articles 4(1) et 4(3) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

...

*       4(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des produits ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces produits sont exportés du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces produits.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de M. Mauro Trinchini, président de la Propriétaire, souscrit le 30 avril 2014. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; cependant, seule la Propriétaire était représentée à l'audience qui a été tenue.

La preuve de la Propriétaire

[7]               Dans son affidavit, M. Trinchini atteste que les activités de la Propriétaire consistent à produire des produits pour animaux de compagnie, en mettant l'accent sur les gâteries pour animaux de compagnie naturelles, nutritives et de grande qualité. Il explique que la Propriétaire possède plusieurs marques, dont DOGADE, et que ses produits sont offerts dans tout le Canada et aux États-Unis dans les magasins spécialisés pour animaux de compagnie, les grands établissements de vente au détail et chez d'autres détaillants. En particulier, il souligne que la Propriétaire a un bureau des ventes et de la commercialisation situé au Texas.

[8]               M. Trinchini atteste que, en 2000, la Propriétaire a commencé à annoncer et à vendre des aliments et des boissons pour chiens en liaison avec la Marque. Plus précisément, il affirme que, au cours de la période pertinente, la Propriétaire a employé la Marque en liaison avec [Traduction] « un mélange immunisant pour chiens ».

[9]               M. Trinchini fournit la preuve de deux ventes à l'exportation faites aux États-Unis. Des copies de deux factures qui, atteste M. Trinchini, montrent des ventes de caisses du mélange immunisant pour chiens lié à la Marque faites au cours de la période pertinente sont jointes à la Pièce A de son affidavit. Les factures sont datées du 2/10/2012 et du 1/1/2013. Les deux factures se rapportent à « Dogade Immune Mix 12/case » (Mélange immunisant Dogade 12/caisse) et sont adressées à Creative Marketing Resources, ayant une adresse à Tyler, au Texas.

[10]           Une [Traduction] « copie d'une étiquette incluse avec le produit vendu sous la marque de commerce DOGADE et remise en rapport avec les factures » est jointe comme Pièce B à l'affidavit. L'étiquette est reproduite ci-dessous :

[11]           Je souligne que, bien que la Marque figure avec une liste d'ingrédients, d'autres indications caractéristiques des produits emballés, comme le poids du produit, ne figurent pas sur cette « étiquette ». L'étiquette semble avoir un contour tracé à la main; sans ce contour, l'étiquette semble être un simple imprimé de texte.

[12]           Je souligne également que si M. Trinchini désigne les produits comme un [Traduction] « mélange », on ne sait pas trop comment le mélange est emballé. À cet égard, les factures indiquent que les produits ont été expédiés dans des caisses contenant 12 unités par caisse. Cependant, la nature des unités n'apparaît pas clairement établie, p. ex., sacs, boîtes métalliques ou autres emballages.

Analyse

[13]           Dans ses représentations écrites, soulignant les ingrédients des produits et les instructions figurant sur l'« étiquette » produite en preuve, la Partie requérante soutient que le mélange n'est pas un [Traduction] « aliment » ni une « boisson », mais plutôt un complément alimentaire ou un produit pharmaceutique. À titre subsidiaire, elle fait valoir qu'il n'existe aucune preuve que le mélange est une boisson, les ingrédients et les avertissements figurant sur l'étiquette laissant croire que le mélange est au mieux un aliment, pas une boisson.

[14]           Cependant, je souligne que le terme [Traduction] « aliments » est un terme général et qu'il peut englober des produits qui ne sont pas propres à la consommation sans mesures de précaution. La Propriétaire soutient que [Traduction] « un consommateur ordinaire considérerait que le terme "aliments" englobe au moins des matières solides de tous genres pouvant être ingérées ». Dans ce cas-ci, je conviens avec la Propriétaire qu'un consommateur ordinaire serait d'avis que ce que constituent des [Traduction] « aliments » engloberait les champignons, les petits pois et les autres ingrédients indiqués sur l'étiquette produite en preuve.

[15]           En revanche, je conviens avec la Partie requérante que l'étiquette ne donne aucune indication claire que les produits doivent être considérés comme des [Traduction] « boissons pour chiens ». Dans ses représentations, la Propriétaire désigne le produit comme étant une [Traduction] « poudre » et l'avertissement [Traduction] « retirer si l'animal de compagnie tente d'avaler tout rond », qui figure sur l'étiquette donne à penser qu'une certaine dilution est nécessaire à sa consommation. Cependant, M. Trinchini affirme simplement que la Marque est liée à [Traduction] « un Mélange immunisant aux légumes conçu pour être consommé par les chiens ». En conséquence, j'estime que la preuve est ambiguë quant à savoir si le produit peut être considéré comme une [Traduction] « boisson pour chiens ».

[16]           Par ailleurs, la Partie requérante a insisté sur le fait que les transferts établis ne semblent pas avoir été faits [Traduction] « dans la pratique normale du commerce » aux termes de l'article 4(1) de la Loi. Par exemple, elle souligne que la Propriétaire tient un bureau des ventes et de la commercialisation au Texas et que les factures produites en preuve sont adressées à « Creative Marketing Resources », une société dont le siège est situé au Texas. Ainsi, la Partie requérante laisse entendre que les deux expéditions produites en preuve peuvent s'apparenter à des expéditions de produits promotionnels offerts à une société affiliée.

[17]            Cependant, comme l'a souligné la Propriétaire, un transfert [Traduction] « dans la pratique normale du commerce » n'est pas une exigence prévue à l'article 4(3) de la Loi. Comme l'a fait observer la Cour fédérale :

[Traduction]
…le sens manifeste de l'art. 4(3), pris isolément ou dans le contexte de l'ensemble de l'art. 4 ou de la Loi tout entière, ne mène pas à une absurdité ou à une incompatibilité avec le reste du texte législatif. Cette disposition prévoit qu'une marque de commerce apposée au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, lorsque ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays. Il s'agit là d'un emploi différent de celui que prévoit l'art. 4(1), et d'un emploi qui ne mentionne pas expressément la condition nécessaire à l'emploi au Canada énoncée à l'art. 4(1) que la marque de commerce soit apposée lors du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises dans la pratique normale du commerce. [Molson Canada c Moosehead Breweries Ltd (1990), 32 CPR (3d) 363 (CF 1re inst.), p 371]

[18]           La Cour a ensuite conclu que les ventes établies étaient des ventes faites de bonne foi, malgré le fait que les sociétés étaient affiliées.

[19]           De même, dans l'affaire Parlee McLaws LLP c Molson Canada, 2007 CarswellNat 2251 (COMC), le registraire a conclu que même une opération commerciale à l'exportation unique était suffisante pour répondre aux exigences des articles 4(3) et 45 de la Loi. Au paragraphe 12, le registraire a déclaré ce qui suit :

[Traduction]
Il semble ressortir de la décision Molson c Moosehead (précitée) que, bien qu'il faille démontrer l'existence d'une opération commerciale, le paragraphe 4(3) n'exige pas que la vente en question ait eu lieu dans la pratique normale du commerce. La partie requérante soutient que la société brésilienne étant une filiale de Molson Canada, on ne saurait parler en l'occurrence d'opération commerciale. Elle a tenté de produire des éléments de preuve à l'appui de cette allégation; or, comme seule la propriétaire inscrite de la marque est admise à présenter une preuve dans le cadre de la procédure prévue à l'article 45, ces éléments ont été écartés. En tout état de cause, la propriétaire inscrite a fourni un certificat d'origine, des factures et des bordereaux d'expédition…Tous ces éléments portent à conclure à une transaction commerciale.

[20]           En effet, dans l'affaire Brouillette Kosie c Molson Breweries, a partnership, 2002 CarswellNat 4408 (COMC), le registraire a affirmé ce qui suit aux paragraphes 11 et 12 :

[Traduction]
Je conviens avec la titulaire que, pour prouver l'emploi aux fins du paragraphe 4(3) de la Loi, il lui suffit d'établir ce qui suit :

a) la marque de commerce est mise au Canada,
b) sur les marchandises ou sur les colis qui les contiennent,
c) quand ces marchandises sont exportées du Canada.

Même si, selon la décision Molson c Moosehead, précitée, il appert que les marchandises doivent être expédiées du Canada vers un autre pays dans le cadre d'une opération commerciale (par opposition à un don), le paragraphe 4(3) n'exige pas que l'opération ait lieu « dans la pratique normale du commerce ». Dans la présente affaire, la bière semble avoir été expédiée à l'étranger dans le cadre d'une opération commerciale, puisque, selon les factures, la titulaire a imputé des frais à son client pour chacune des caisses de bière exportées.

[21]           En l'espèce, à la lumière de cette affaire, et en admettant d'emblée les déclarations de M. Trinchini, les produits [Traduction] « mélange immunisant » ont été vendus et expédiés à une entité située au Texas à deux reprises au cours de la période pertinente. Conformément à la jurisprudence peu abondante concernant l'article 4(3) de la Loi, cela est suffisant pour constituer une opération commerciale à l'exportation aux termes de cet article.

[22]           La question qui se pose véritablement en l'espèce est celle de savoir si la preuve suffit à établir que la Marque figurait sur les colis qui contenaient les produits. Contrairement à l'article 4(1) de la Loi, il n'existe aucune disposition exigeant qu'une marque de commerce soit liée « de toute autre manière » aux produits exportés aux termes de l'article 4(3) de la Loi; la marque de commerce doit figurer directement sur les produits ou sur les colis qui contiennent les produits.

[23]           En l'espèce, il n'existe aucune preuve que la Marque figurait directement sur les produits [Traduction] « mélange immunisant ». En conséquence, il incombait à la propriétaire inscrite de fournir une preuve établissant que la marque de commerce en cause figurait sur les colis des produits eux-mêmes. Comme l'a déclaré la Cour fédérale, [Traduction] « il est plus sûr d'indiquer l'emploi de la marque que de l'affirmer » [Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp, 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270, paragraphe 75].

[24]           En l'espèce, bien que M. Trinchini atteste que la Pièce B [Traduction] « est une copie d'une étiquette incluse avec le produit vendu sous la marque de commerce DOGADE », en l'absence de preuve montrant l'étiquette sur le produit, j'estime que sa déclaration constitue une simple allégation.

[25]           À cet égard, je souligne en premier lieu que si l'article 4(1) parle des « colis dans lesquels ces produits sont distribués », l'article 4(3) parle de manière plus étroite des « colis qui les contiennent ». Comme je l'ai déjà souligné, les descriptions de produit figurant dans la facture indiquent « Dogade Immune Mix 12/case » (Mélange immunisant Dogade 12/caisse), mais M. Trinchini ne fournit aucune explication quant à la nature du contenu de chaque caisse. Il affirme seulement que les factures établissent des ventes de [Traduction] « caisses du mélange immunisant pour chiens ». La Propriétaire aurait facilement pu fournir une photographie, par exemple, montrant les emballages unitaires du [Traduction] « mélange immunisant ».

[26]           En l'absence d'une preuve manifeste montrant la Marque apposée sur l'emballage des produits, je ne suis pas disposé à conclure que la Marque figurait sur « les colis qui [...] contiennent [les produits] » de manière à satisfaire aux exigences de l'article 4(3) de la Loi. À cet égard, on ne sait pas avec certitude si la Marque aurait figuré directement sur l'emballage unitaire des produits ou si elle était incluse avec les expéditions sous la forme d'une étiquette temporaire, comme une étiquette d'expédition accompagnant les caisses.

[27]           En fait, M. Trinchini ajoute que l'étiquette de la Pièce B a été [Traduction] « remise en rapport avec les factures »; en l'absence de preuve manifeste, comme une photographie des produits en question, le sens de cette affirmation n'apparaît pas clairement.

[28]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l'enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi. De plus, je ne dispose d'aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque.

Décision

[29]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

______________________________

Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2015-09-27

 

COMPARUTIONS

 

Neil Henderson                                                                        POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Aucune comparution                                                               POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Gowling Lafleur Henderson LLP                                           POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

Blake, Cassels & Graydon LLP                                              POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

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