Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de

Minolta-QMS Inc. à la demande no 1,059,908

produite par Cheng-Lang Tsai en vue de l’enregistrement

de la marque de commerce MAGICOLOR

 

 

I           Actes de procédure

 

 

Le 19 mai 2000, Cheng-Lang Tsai (le requérant) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce MAGICOLOR (la marque) sous le no de demande 1,059,908, fondée sur un emploi projeté en liaison avec des « fils et câbles électriques, nommément fils, câbles et cordons électriques blindés, non blindés et isolés » (les marchandises). La demande a été publiée aux fins de toute opposition éventuelle dans le Journal des marques de commerce du 28 novembre 2001.

 

Minolta-QMS Inc. (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition le 29 avril 2002, dont copie a été transmise au requérant le 14 mai 2002.

 

Les motifs d’opposition suivants ont été invoqués :

 

1) Le requérant n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi), puisque la marque créait de la confusion, à la date de production de la demande, avec la marque de commerce MAGICOLOR de l’opposante, que celle-ci avait employée antérieurement et emploie encore au Canada en liaison avec des imprimantes laser.

 

2) Le requérant n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi puisque la marque créait de la confusion, à la date de production de la demande, avec la marque de commerce MAGICOLOR de l’opposante que celle-ci avait antérieurement fait connaître au Canada, et continue à faire connaître, en liaison avec des imprimantes laser.

 

3) La demande n’est pas conforme à l’alinéa 30e) de la Loi parce que le requérant lui‑même n’a pas l’intention d’employer la marque en liaison avec les marchandises. Un refus devrait donc être opposé à la demande, en application des alinéas 30e) et 38(2)a) de la Loi.

 

4) La demande n’est pas conforme à l’alinéa 30i) de la Loi, puisque le requérant ne pouvait pas être convaincu, à la lumière de l’emploi antérieur de la marque MAGICOLOR et de la révélation du nom au Canada par l’opposante, qu’il avait droit d’employer la marque en liaison avec les marchandises. Un refus devrait donc être opposé à la demande d’enregistrement de la marque en application des alinéas 30i) et 38(2)a) de la Loi.

 

5) La marque du requérant n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas (et n’est pas adaptée à distinguer) les marchandises du requérant de celles de l’opposante. Un refus devrait donc être opposé à la demande d’enregistrement de la marque en application de l’alinéa 38(2)d) de la Loi.

 

Le 14 juin 2002, le requérant a produit une contre-déclaration rejetant chacun des motifs d’opposition décrits ci-dessus et déclarant qu’il conviendrait de retrancher les deux premiers motifs, pour la raison qu’ils sont irrégulièrement plaidés puisque l’opposante a omis de préciser une date de premier emploi antérieur, et une date de révélation du nom, au Canada.

 

L’opposante n’a pas produit d’éléments de preuve principaux, mais a déposé une preuve en réponse à celle présentée par le requérant. Seule l’opposante a produit une argumentation écrite. Aucune audience n’a été tenue.

 

II Éléments de preuve du requérant

 

Le requérant a déposé l’affidavit de Cheng-Lang Tsai, avec les pièces A à G. Il se présente comme le président et le représentant de Hung Hsang Wire MFG Co. Ltd. (Hung), entreprise située à Taïwan, en République de Chine, puis explique l’activité commerciale de Hung, qui englobe la fabrication et la vente de fils, câbles et cordons de tous genres.

 

Il allègue que Hung a donné l’autorisation, par son entremise personnelle, à une autre personne morale (Holiwing Resources Corp. (Holiwing), entreprise taïwanaise) de faire la promotion de produits de cette marque et de les vendre, et qu’il assure le contrôle de la nature et de la qualité des produits qui portent la marque de commerce MAGICOLOR. Un catalogue illustrant les différents produits en vente en liaison avec la marque est versé au dossier (pièce C); il semble être publié par Holiwing, car le nom et l’adresse de cette entreprise figurent sur la couverture arrière. Ce catalogue illustre en fait différents câbles, fils et cordons pour ordinateurs, y compris des câbles de réseau local d’entreprise (RLE), des câbles bus sériel universel (USB) et des fils de souris. Ces produits sont offerts en couleurs, notamment la couleur scintillante, les couleurs individualisées et les compositions à couleurs multiples. Une rallonge de téléphone dans son emballage, portant le nom de la marque, a été également insérée au dossier.

 

La pièce E consiste en des copies de courriels adressés à Holiwing par des clients potentiels au Canada concernant la possibilité de distribuer des produits de cette marque au Canada. Il a produit aussi la copie de l’expéditeur, émise le 12 septembre 2003 par la société des postes de la République de Chine (Taïwan), à titre de preuve de l’envoi postal de produits de cette marque à un client à Richmond (Colombie-Britannique). Enfin, le déposant donne une liste de pays où la marque est soit enregistrée, soit en attente d’enregistrement.

 

III Contre-preuve de l’opposante

 

L’opposante verse deux affidavits de Toshimitsu Taiko, vice-président du marketing de Konica Minolta Printing Solutions U.S.A. Inc. (la nouvelle dénomination sociale de l’opposante), tous deux en date du 1er avril 2004 (je désigne « premier affidavit » celui qui contient sept paragraphes, et « deuxième affidavit » celui qui en contient quatre). M. Taiko fait valoir que l’opposante fabrique et vend dans de nombreux pays, y compris le Canada, une gamme étendue de produits électroniques, notamment des micro-imprimantes vendues sous la marque de commerce MAGICOLOR (paragraphe 3 du premier affidavit).

 

Il explique la nature et l’utilisation du câble RLE, qui raccorde un ordinateur ou un périphérique (par exemple une imprimante) à un réseau d’ordinateurs, puis ajoute que [traduction] « les normes de l’industrie de l’informatique régissent différents aspects des câbles destinés à différentes utilisations informatiques, y compris le raccordement d’un ordinateur ou d’un réseau d’ordinateurs à une imprimante ». Les imprimantes vendues en liaison avec la marque de commerce MAGICOLOR doivent être raccordées à un ordinateur ou à un réseau par un câble de type USB ou RLE (paragraphe 4 du premier affidavit). Il produit toute une série de publicités sur les imprimantes de l’opposante, où figure la marque de commerce MAGICOLOR, pour prouver que des câbles de type USB ou RLE sont nécessaires en vue de raccorder un tel périphérique à un ordinateur ou à un réseau (paragraphe 5 du premier affidavit).

 

L’opposante vend des imprimantes portant la marque de commerce MAGICOLOR depuis au moins mars 2001 au Canada. Le déposant fournit le nombre d’unités vendues au Canada entre mars 2001 et mars 2004, de même que le chiffre d'affaires mensuel au Canada de ces produits à partir de mars 2001 (paragraphe 6 du premier affidavit).

 

Le déposant allègue enfin, sans que la pertinence d’une telle preuve soit discutée à ce stade, que la date de production des enregistrements obtenus par le requérant à l’étranger est l’année 2000, alors que l’opposante a obtenu l’enregistrement de la marque de commerce MAGICOLOR au Mexique et aux États-Unis, outre une marque communautaire, par suite de demandes produites entre 1993 et 1996 (paragraphe 7 du premier affidavit).

 

Dans son deuxième affidavit, le déposant allègue que l’opposante a fait appel à différentes méthodes de promotion de ses produits (publipostages, magazines, catalogues, publicité Internet, annonces à la télévision et à la radio, etc.). Il donne une liste des magazines où ces annonces auraient été publiées et indique en outre que ces magazines sont diffusés au Canada (paragraphe 2 du deuxième affidavit), sans toutefois expliquer comment il a pris connaissance de ce fait. Le lieu de résidence qu’il indique est Mobile County, Alabama (É.-U.) (paragraphe 1 du deuxième affidavit); cela étant, je ne vois pas, en l’absence de preuves supplémentaires, comment il pourrait attester que les magazines nommés dans son affidavit sont diffusés au Canada. Enfin, les magazines répertoriés dans le deuxième affidavit ne sont pas suffisamment connus pour me permettre de prendre connaissance d’office de leur diffusion au Canada [voir Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc., 14 C.I.P.R. 104, à la page 107, Milliken & CO. c. Keystones Industries (1970) Ltd., 12 C.P.R. (3d) 166, à la page 168 et Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd. c. Anheuser-Busch, Inc., 4C.P.R. (3d) 216, à la page 224].

 

IV Le droit

 

Bien que le requérant ait la charge de prouver que sa demande est conforme aux dispositions de l’article 30 de la Loi, l’opposante a le fardeau initial d’établir la véracité des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Après s’être acquitté de ce fardeau initial, le requérant demeure tenu de prouver que les motifs d’opposition particuliers ne doivent pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330, et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293].

 

La date pertinente pour l’examen des différents motifs d’opposition varie d’un motif à l’autre; par ailleurs, la non-conformité aux dispositions de l’article 30 de la Loi doit être appréciée à la date de production de la demande (le 19 mai 2000) [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469 et Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263]. Il convient de déterminer la question de l’admissibilité à l’enregistrement à la date de production de la demande quand cette demande se fonde sur l’emploi projeté [voir le paragraphe 16(3) de la Loi]. Enfin, il est généralement admis que la question du caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé est décidée à la date de production de la déclaration d’opposition (le 29 avril 2002) [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

V Question préliminaire

 

Une première prolongation a été accordée à l’opposante, jusqu’au 14 janvier 2003, pour le dépôt de sa preuve, puis, à la date d’expiration, elle a demandé une deuxième prolongation sans le consentement du requérant. Le mandataire du requérant a signifié au registraire, par une lettre datée du 31 janvier 2003, qu’il s’opposait à cette requête. Le registraire a accordé une prolongation de trois semaines à l’opposante pour qu’elle produise ses preuves, par une lettre en date du 26 février 2003, précisant que cette prolongation était la dernière. Le mandataire de l’opposante a ensuite rédigé une lettre, en date du 19 mars 2003, demandant une autre prolongation d’un mois pour déposer ses preuves, sans le consentement du requérant. La lettre contient l’énoncé suivant [traduction] : « Toutefois, à titre subsidiaire et sous réserve de cette requête, l’opposante fait savoir qu’elle ne présente aucune preuve à l’appui de la présente demande ». Comme on pouvait s’y attendre, le mandataire du requérant a informé le registraire, par lettre datée du 10 avril 2003, qu’il n’avait pas consenti à la dernière demande de l’opposante et qu’il considérait que la preuve du requérant devait être déposée au plus tard le 19 avril 2003; dans cette optique, il a présenté sa propre requête de prolongation de six mois pour déposer sa preuve. Pour conclure, le registraire a publié un avis, en date du 10 juin 2003, accordant la demande de prolongation du requérant. Il est manifeste, à la lumière de sa décision du 26 février 2003, que le registraire n’a pas accordé la demande de prolongation déposée par l’opposante le 19 mars 2003, et qu’il estimait que la déclaration du mandataire de l’opposante dans sa lettre précitée était un avis de conformité aux dispositions du paragraphe 38(7.1) de la Loi, destinée à éviter que l'opposition soit réputée retirée.

 

Pour qu’une déclaration soit considérée comme une contre-preuve régulière, elle doit, selon l’alinéa 43a) du Règlement sur les marques de commerce, se limiter strictement aux matières invoquées dans la preuve du requérant [voir Coca-Cola Ltd. c. Compagnie française de Commerce International Cofci, S.A. (1991), 35 C.P.R. (3d) 406 (C.O.M.C.)]. Il n’est pas loisible à l’opposante de profiter de la possibilité offerte de produire une contre-preuve pour présenter des faits qui auraient figuré dans sa preuve principale, en l’espèce la date alléguée de son premier emploi de la marque de commerce MAGICOLOR en liaison avec des imprimantes laser et la première date à laquelle elle aurait fait connaître cette marque au Canada. Un examen de la contre-preuve produite par l’opposante révèle qu’elle a essayé de remédier aux faiblesses principales engendrées par son omission de déposer les preuves requises pour s’acquitter de sa charge initiale relativement aux motifs 1, 2, 4 et 5 énoncés ci-dessus. Il incombait à l’opposante, pour que ces motifs soient accueillis, d’établir l’emploi antérieur de sa marque de commerce MAGICOLOR ou la révélation de celle‑ci au Canada avant la date de production de la demande ou, au plus tard, à la date de production de sa déclaration d’opposition sur la question du caractère distinctif.

 

Je statue que les textes suivants ne constituent pas une contre-preuve admissible :

-          le paragraphe 3 du premier affidavit;

-          la partie du paragraphe 4 du premier affidavit qui commence par les mots [traduction] « En particulier… » et prend fin avec ce paragraphe;

-          les paragraphes 5 et 6 du premier affidavit;

-          les paragraphes 2 à 4 inclusivement du deuxième affidavit.

 

V Analyse des différents motifs d’opposition

Vu ma décision sur l’admissibilité de la contre-preuve de l’opposante, décrite ci‑dessus, je conclus que l’opposante ne s’est pas acquittée de sa charge initiale relativement aux motifs d’opposition 1, 2, 4 et 5 précités.

 

Touchant le troisième motif d’opposition, l’opposante soutient que la preuve démontre que le requérant n’a pas employé, et ne compte pas employer, la marque en liaison avec les marchandises. L’opposante fait valoir qu’il ressort de la preuve du requérant lui-même que les marchandises portant la marque de commerce en cause sont fabriquées et vendues par Hung, et non par le requérant.

 

Il me faut, pour juger de cet argument, m’en référer au libellé suivant du paragraphe 3 de la demande : [traduction] « Le requérant, de lui-même ou par l’intermédiaire d’un licencié… » (c’est moi qui souligne). Le fait qu’une tierce partie fabrique les marchandises portant la marque en question ne suffit pas en lui-même à démontrer que le requérant n’avait pas l’intention, à la date de production de la demande, d’employer le nom de la marque au Canada en liaison avec la marque. De surcroît, la Cour d’appel fédérale a conclu, dans TGI Friday’s of Minnesota Inc. c. le registraire des marques de commerce, C.A.F., le 22 avril 1999, A-189-81 [publiée dans 241 N.R. 362], que si la preuve démontre que le propriétaire d’une marque de commerce est en même temps le président et l’actionnaire principal de l’entreprise qui utilise la marque en question, cet emploi est effectué en vertu d’une licence verbale (ou d’une entente assimilable à une telle licence) et la marque demeure alors sous le contrôle direct ou indirect du propriétaire de cette marque de commerce. Je rejette donc aussi le troisième motif d’opposition.

 

Dans l’éventualité où je me tromperais sur la question de l’admissibilité de certaines parties du premier affidavit et du deuxième affidavit produits à titre de contre-preuve par l’opposante, je me penche maintenant sur les motifs d’opposition 1, 2, 4 et 5, à la lumière de ces éléments de preuve.

 

Le quatrième motif d’opposition est irrégulièrement plaidé, puisque l’opposante a omis d’alléguer que l’emploi de la marque par le requérant en liaison avec les marchandises créerait de la confusion avec sa marque de commerce MAGICOLOR. De plus, le seul fait que le requérant savait que l’opposante employait la marque de commerce MAGICOLOR ne lui aurait pas interdit de faire en toute sincérité la déclaration, dans sa demande, prescrite par l’alinéa 30i) de la Loi. J’aurais donc de toute façon rejeté ce motif.

 

L’opposante devait, pour que le premier motif d’opposition soit accueilli, démontrer que la marque de commerce MAGICOLOR était employée au Canada en liaison avec des imprimantes laser avant la date de production de la demande (le 19 mai 2000), ainsi que prouver qu’elle n’avait pas renoncé à cet emploi à la date d’annonce de la demande (le 28 novembre 2001). Or la preuve produite par l’opposante ne démontre pas un tel emploi antérieur. Le déposant déclare, au paragraphe 6 du premier affidavit :

 

[traduction]

« … La pièce 6 de mon présent affidavit est une liste des ventes d’imprimantes Konika Magicolor au Canada, en ordre de numéro de modèle d’imprimante informatique « Magicolor », entre mars 2001 et mars 2004 » (c’est moi qui souligne).

 

Rien ne démontre l’emploi par l’opposante de la marque de commerce MAGICOLOR en liaison avec des imprimantes laser au Canada avant le 19 mai 2000, au sens du paragraphe 4(1) de la Loi; par conséquent, et indépendamment de ma décision sur l’admissibilité d’une telle preuve, j’aurais rejeté ce motif d’opposition lui aussi.

 

De même que pour le premier motif d’opposition, l’opposante devait prouver pour le deuxième motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) que sa marque de commerce MAGICOLOR était connue au Canada avant la date de production de la demande, et qu’elle n’avait pas abandonné cette marque à la date de l’annonce de la présente demande. La pièce G du premier affidavit – une copie papier, produite à l’interne, d’une liste de marques de commerce enregistrées à l’étranger – est le seul élément de preuve antérieur à la date de production de la demande, et ce document ne prouve pas l’enregistrement de la marque de commerce MAGICOLOR dans les pays inscrits sur cette liste, aux différentes dates qui y sont mentionnées. Même si j’admettais un tel document en preuve de ces enregistrements à l’étranger, il ne démontre aucunement que la marque était connue au Canada à une date quelconque, y compris antérieurement à la date de production de la présente demande. J’aurais donc rejeté le deuxième motif d’opposition quelle que soit ma décision sur l’admissibilité de la contre-preuve de l’opposante.

 

Il nous reste un cinquième motif d’opposition, soit le caractère distinctif de la marque. On pourrait considérer que la présentation du motif d’opposition, dans sa rédaction actuelle, est insuffisante (par. 38(3) de la Loi), mais la Cour d’appel fédérale a conclu, dans Novopharm Ltd c. AstraZeneca AB et al, 21 C.P.R. (4th) 289, qu’il est possible de remédier à une telle insuffisance au stade de la preuve si le requérant a omis de présenter le fait au moment du dépôt de la déclaration d’opposition. Si j’avais accepté la preuve de l’opposante à titre de contre-preuve admissible, cela aurait démontré que l’opposante s’appuyait sur le caractère non distinctif de la marque du requérant pour établir que celle-ci créerait de la confusion avec la marque de commerce MAGICOLOR de l’opposante employée précédemment au Canada en liaison avec des imprimantes laser.

 

Si la preuve versée par l’opposante avait été admissible, elle aurait démontré l’emploi de la marque de commerce MAGICOLOR au Canada en liaison avec des imprimantes laser depuis au moins avril 2001. La pièce 7 jointe au premier affidavit, qui résume les ventes mensuelles de ces marchandises par l’opposante, montre que celle-ci avait vendu, entre avril 2001 et mai 2002, environ 1 500 imprimantes laser au Canada en liaison avec la marque de commerce MAGICOLOR. L’opposante aurait dans ce cas satisfait à sa charge initiale de prouver que sa marque était suffisamment connue au Canada à la date pertinente, et il aurait alors incombé au requérant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la marque distingue (ou est adaptée à distinguer) les marchandises de celles de l’opposante [voir Muffin Houses Incrporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985) 4 C.P.R. (3d) 272]. La question consisterait dans ce cas à peser les risques de confusion entre la marque et la marque de commerce MAGICOLOR de l’opposante.

 

Le critère qu’il convient d’appliquer en matière de confusion, et qui est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(5) énumère des facteurs dont le registraire doit tenir compte, comme le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle ils ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. Il a été démontré que cette liste n’est pas complète et qu’il n’est pas obligatoire d’accorder le même poids à chaque facteur [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

La marque est un mot inventé, qui présente un certain caractère distinctif inhérent quand on l’emploie en liaison avec les marchandises. La marque de commerce MAGICOLOR possède ce caractère distinctif inhérent au même degré. L’opposante met des imprimantes laser sur le marché canadien depuis plus longtemps que le requérant y propose ses marchandises. L’évidence prouve qu’un chevauchement est possible dans la nature de leurs commerces, puisque les câbles USB et RLE sont des accessoires employés pour raccorder un ordinateur aux imprimantes laser de l’opposante. Pour conclure, la marque étant identique à la marque de commerce de l’opposante, la nature des marchandises et de leurs voies commerciales acquièrent une importance plus grande que les autres facteurs.

 

Si les preuves avaient été correctement présentées, j’en serais arrivé à la conclusion que le requérant n’avait pas satisfait à sa charge de prouver que sa marque, selon la prépondérance des probabilités, était distinctive à la date de production de la déclaration d’opposition, à la lumière de la probabilité de confusion entre la marque et la marque de commerce MAGICOLOR de l’opposante.

 

VI Conclusion

 

En considération de ma conclusion antérieure sur l’admissibilité de la preuve déposée par l’opposante, et du fait que celle-ci n’a pas satisfait à sa charge initiale par rapport aux motifs d’opposition soulevés, et conformément à l’autorité qui m’est déléguée par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je rejette l’opposition produite par l’opposante contre la demande d’enregistrement de la marque par le requérant, le tout en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC) CE 7e JOUR DE SEPTEMBRE 2005.

 

Jean Carrière,

Membre de la Commission des oppositions des marques de commerce

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