Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

DANS LAFFAIRE DUNE OPPOSITION par

LOréal à la demande denregistrement no 718,606 de

la marque THE CORRECTORS déposée par Wella Canada Inc.

 

 

Le 10 décembre 1992, la requérante, la société Wella Canada Inc., a déposé une demande d’enregistrement de la marque THE CORRECTORS fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec

produits de soins capillaires, nommément colorants et décolorants capillaires, bases de pigment et lotions de nuançage activée par la chaleur

 

La demande susmentionnée a été annoncée pour fin d’opposition, le 14 septembre 1994, et a fait l’objet d’une opposition par L’Oréal, le 29 décembre 1994. Une copie de la déclaration d’opposition a été envoyée à la requérante, le 21 avril 1995. Cette dernière a répliqué en déposant et en signifiant une contre‑déclaration.

 

Les trois premiers motifs d’opposition, fondés sur l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, sont les suivants : la requérante a employé la marque visée par la demande avant de déposer la demande en question; sinon ou aussi, la requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la marque visée par la demande; et la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce visée par la demande. Suivant le quatrième et le cinquième motif d’opposition reposant sur le paragraphe 12(1) de la Loi, l’opposante prétend que la marque visée par la demande n’est pas enregistrable parce que, soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la qualité des marchandises de la requérante; et que la marque visée par la demande crée de la confusion avec plusieurs marques de commerce déposées, nommément, (i) COLORSETS, à l’égard d’eaux de Cologne et de parfums enregistrés au nom de Liz Claibourne Inc., (ii) NIGHT CORRECTOR, à l’égard de crèmes faciales enregistrées au nom de Mira Linder Inc. et (iii) COLOR TRESS, à l’égard de colorants capillaires, de décolorants et du peroxyde enregistrés au nom de Unilever Plc.

 

Le sixième motif d’opposition est quelque peu nébuleux, en ce que l’opposant soutient que la requérante n’a pas le droit d’enregistrer la marque visée par la demande en raison des arguments antérieurs. Néanmoins, le sixième motif renvoie expressément au paragraphe 16(3) de la Loi, qui traite de la question du droit à l’enregistrement et se lit comme suit :

 

 

 

 

 

 


Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n'ait créé de la confusion :

 

a)    soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b)    soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c)    soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

 

Les arguments concernant le sixième motif d’opposition ne font état d’aucune marque de commerce, demande de marque de commerce ou nom commercial; c’est là une raison suffisante pour conclure qu’il n’a pas été satisfait aux exigences de l’alinéa 38(3)a) de la Loi, aux termes duquel un motif d’opposition doit comporter suffisamment de détails pour permettre à la requérante d’y répondre. En conséquence, le sixième motif d’opposition est rejeté.

 

Dans son dernier motif d’opposition, L’Oréal affirme que la marque visée par la demande  ne permet pas de distinguer les marchandises de la requérante pour les raisons suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


La preuve de l’opposante est constituée de copies certifiées conformes des trois enregistrements de marques de commerce de tiers mentionnés dans la déclaration d’opposition; la preuve est également constituée de l’affidavit de Jacques Labrèche, lequel ne sert qu’à présenter en preuve des définitions du mot « corrector » relevées dans plusieurs dictionnaires généraux. La requérante a choisi de ne pas déposer de preuve. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit et s’étaient fait représenter à une audience.

 

En ce qui concerne les trois premiers motifs d’opposition, c’est la requérante qui a la charge de démontrer que sa demande est conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce. Cependant, l’opposante a un fardeau de présentation initial au sujet de ses allégations : voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al v. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, pp. 329-330. Pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe en ce qui concerne une question particulière, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve admissibles en fonction desquels il serait raisonnablement possible de conclure que les faits allégués à l’appui de cette question existent effectivement. L’opposante n’ayant soumis aucun élément de preuve à l’appui de ses prétentions, elle n’a donc pas réussi à s’acquitter du fardeau de présentation qui lui incombait au sujet des motifs d’opposition ayant trait à l’article 30 de la Loi, motifs que j’ai rejetés en conséquence. De même, l’opposante n’a soumis aucun élément de preuve à l’appui du dernier motif d’opposition, qui est donc lui aussi rejeté.

 


Dans son cinquième motif d’opposition, L’Oréal allègue que la marque visée par la demande crée de la confusion avec plusieurs marques de commerce déposées de tiers, nommément COLORSETS, à l’égard d’eaux de Cologne et de parfums; NIGHT CORRECTOR, à l’égard de crèmes faciales; et COLOR TRESS, à l’égard de colorants capillaires, de décolorants et du peroxyde. C’est la requérante qui a le fardeau de prouver qu’il n’y aurait aucun risque raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2), entre la marque THE CORRECTORS visée par la demande et les marques de tiers. Pour la requérante, ce fardeau de la preuve signifie, s’il est impossible d’en venir à une conclusion précise une fois soumis tous les éléments de preuve, que la question doit alors être tranchée au détriment de la requérante : voir John Labatt Ltd. v. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R. (3d) 293, pp. 297‑298 (SPICFC). Le critère à appliquer en ce qui concerne la question de la confusion est celui de l’impression initiale et d’un souvenir imparfait. Les facteurs devant être pris en considération pour déterminer si deux marques portent à confusion sont exposés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive, et tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte. Cependant, les facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids, et l’importance qu’il faut accorder à chacun d’eux dépend des circonstances : voir Gainers Inc. v. Tammy L. Marchildon and The Registrar of Trade‑marks (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (SPICFC). Le degré de ressemblance entre les marques en cause est habituellement la considération la plus importante, surtout en l’absence d’éléments de preuve concernant les autres facteurs. En l’espèce, il y a peu de ressemblance entre les marques COLORSETS ou COLOR TRESS et la marque THE CORRECTORS visée par la demande. En conséquence, je conclus qu’il n’y aurait aucun risque raisonnable de confusion entre la marque visée par la demande et les marques de tiers susmentionnées. En ce qui concerne la marque NIGHT CORRECTOR, je souscris aux arguments de la requérante, au paragraphe 23 de son plaidoyer écrit, selon lesquels :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour ce qui est du dernier motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi, il convient de déterminer si la marque THE CORRECTORS donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des colorants capillaires, des décolorants, des bases de pigments et des lotions de nuançage. Cette question doit être tranchée du point de vue de celui qui emploie couramment les marchandises, en considérant la marque dans sa globalité ainsi que l’impression initiale crée par celle‑ci, plutôt qu’en analysant et en disséquant la marque en détail : voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. le registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25, pp. 27-28 (SPICFC); Les Promotions Atlantiques Inc. c. le registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183, p. 188 (SPICFC). La date pertinente pour examiner les circonstances relatives à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est la date de ma décision : voir Lubrication Engineers, Inc. c. le Conseil canadien des ingénieurs (1992) 41 C.P.R. (3d) 234 (CAF). 

 

C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que sa marque ne donne pas une description claire ni une description fausse et trompeuse. Habituellement, l’opposante a la charge de produire suffisamment d’éléments de preuve qui, s’ils sont jugés plausibles, étayeraient son allégation selon laquelle la marque visée par la demande va à l’encontre des dispositions de l’alinéa 12(1)b). Toutefois, une opposante n’a pas nécessairement à produire d’éléments de preuve dans un cas tel que celui‑ci lorsque l’argument juridique de l’opposante est entièrement fondé sur le sens courant de mots. Pour la requérante, ce fardeau de la preuve signifie, s’il est impossible d’en venir à une conclusion précise une fois soumis tous les éléments de preuve, que la question doit alors être tranchée au détriment de la requérante : voir Joseph E. Seagram & Sons v. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325, pp. 329-330 (COMC); John Labatt Ltd. v. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, pp. 297-300 (SPICFC).

 


À la lecture des définitions du dictionnaire fournies par M. Labrèche, je conclus que le mot « corrector » désigne une personne qui corrige, c’est‑à‑dire quelqu’un qui relève des erreurs ou des fautes, par exemple, un critique, un réviseur, un correcteur d’épreuve. On peut donc accorder du crédit à la prétention de la requérante selon laquelle la marque visée par la demande est composée du mot  THE afin de personnifier le concept de THE CORRECTORS (les correcteurs). À mon avis, la marque visée par la demande, considérée de façon globale et d’après l’impression initiale qu’elle laisse, serait perçue comme une formule élogieuse qui sous‑entend que les produits de la requérante peuvent remédier à des problèmes capillaires ou améliorer la santé des cheveux. Bien sûr, une marque peut être suggestive sans être clairement descriptive. Il s’ensuit donc que la marque visée par la demande ne peut donner une description fausse et trompeuse : voir  Bonus Foods Ltd. v. Essex Packers Ltd. (1964), 43 C.P.R. 165 p. 178 (Ex. C.).

 

Compte tenu de ce qui précède, l’opposition formée par l’opposante est rejetée.

 

FAIT À HULL (QUÉBEC), CE   5ième   JOUR DE NOVEMBRE 1997.

 

 

 

 

 

Myer Herzig

Membre de la Commission d’opposition

             des marques de commerce

 

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