Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 86

Date de la décision : 2015-05-13

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Advance Magazine Publishers, Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,519,424 pour la marque de commerce Banff Lake Louise Tourism Bureau.

Dossier

[1]        Le 16 mars 2011, Banff Lake Louise Tourism Bureau a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce BON APPÉTIT BANFF, sur la base d'un emploi projeté au Canada, en liaison avec les services suivants :

[Traduction] Promotion d'événements auprès des visiteurs par de la publicité à la radio et à la télévision ainsi que par la distribution de matériel publicitaire imprimé et de cyberlettres; promotion des marchandises et des services de membres, nommément services d'hébergement, restaurants, magasins, circuits touristiques et centres artistiques et sportifs par de la publicité à la radio et à la télévision ainsi que par la distribution de matériel publicitaire imprimé et de cyberlettres; exploitation d'un site Web de promotion des événements, des produits et des services de tiers; diffusion d'information sur des événements par courriel, par téléphone ou en personne.

[2]        La demande en cause a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 décembre 2011, et Advance Magazine Publishers, Inc. s'y est opposé le 7 janvier 2012. Le 21 février 2012, le registraire a transmis à la Requérante une copie de la déclaration d'opposition, conformément aux dispositions de l'article 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13. En réponse, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d'opposition. L'Opposante a, par la suite, demandé l'autorisation de produire une déclaration d'opposition modifiée. La Commission a accepté la demande de l'Opposante par voie d'une décision datée du 24 juillet 2013, dans laquelle la Requérante était également autorisée à produire une contre-déclaration modifiée.

[3]        La preuve de l'Opposante est constituée de l'affidavit d'Elenita Anastacio. La preuve de la Requérante est constituée des affidavits d'Isabelle Gagné et de Stuart Back. La Requérante a subséquemment demandé l'autorisation de produire un deuxième affidavit de Stuart Back comme preuve supplémentaire, et cette autorisation lui a été accordée : voir la décision de la Commission du 21 mars 2014. Les déposants Gagné et Back ont été contre-interrogés au sujet de leurs affidavits. La transcription de leurs contre-interrogatoires fait partie de la preuve au dossier. Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit, mais les deux parties étaient représentées à l'audience qui a été tenue le 8 janvier 2014.

Déclaration d'opposition

BON APPETIT DESIGN

[4]        La Requérante allègue qu'elle est la propriétaire du mot servant de marque BON APPÉTIT (enregistrement no LMC576328) et de la marque BON APPÉTIT & Dessin (enregistrement no LMC221520), reproduits ci-dessous :

Pour les besoins des présentes procédures, je vais considérer le dessin susmentionné comme étant une variante mineure du mot servant de marque et comme étant essentiellement identique à celui-ci.

[5]        Ces services sont couverts par les enregistrements de l'Opposante, lesquels sont présentés ci-dessous :

[Traduction]

Enregistrement no LMC576328

Magazines et publications en ligne distribués sous forme électronique au moyen de l’Internet; exploitation d’un site Web de l’Internet qui permet aux consommateurs de souscrire à des magazines de consommateurs et permet aux annonceurs de promouvoir leurs biens et services au moyen de l’Internet.

Enregistrement no LMC221520

Publications, nommément un magazine.

[6]        Les allégations de l'Opposante contenues dans la déclaration d'opposition au sujet de ses marques déposées sont présentées ci-dessous :

Les enregistrements BON APPÉTIT de l'Opposante ont été employés par l'Opposante de façon considérable et continue au Canada depuis au moins les dates de premier emploi alléguées dans les enregistrements et à ce jour, et ces marques sont très bien connues et célèbres au Canada en liaison avec les marchandises et les services pour lesquels elles ont été enregistrées et marchandises et services connexes. Ces dates d'emploi et les dates de production des demandes remontent bien avant la date production de la demande de la Requérante. Dans le cas de la marque BON APPÉTIT en soi, elle est employée de façon considérable et continue depuis bien plus de 40 ans au Canada et ailleurs…

[7]        L'Opposante allègue aussi qu'elle a produit des demandes d'enregistrement pour les marques BON APPÉTIT (demande no 1521530) et BON APPÉTIT (demande no 1419418) couvrant les produits et services suivants :

[Traduction]

Demande no 1521530

services éducatifs, nommément tenue de classes, séminaires, conférences et ateliers, en ligne et en personne, dans le domaine de la préparation d'aliments et de boissons et des arts culinaires, et distribution de matériel pédagogique connexe.

Demande no 1419418

articles de papeterie, nommément papier à lettres, agendas, calendriers, cartes de correspondance ... enveloppes, cartes de correspondance et papier à lettres imprimés sur mesure.

[8]        Différents motifs d'opposition sont invoqués, dont les suivants :

(1) la marque visée par la demande ne peut pas être enregistrée au titre de l'alinéa 12(1)d), puisqu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l'Opposante;

(2) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement au titre des alinéas 16(3)a) et 16(3)b), parce que la marque visée par la demande crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l'Opposante ainsi qu'avec les demandes susmentionnées de l'Opposante, respectivement;

(3) la marque visée par la demande n'est pas distinctive (probablement au titre de l'article 2);

(4) la Requérante ne peut pas avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer la marque visée par la demande au titre de l'alinéa 30i), parce qu'elle était au courant des marques de commerce de l'Opposante au moment où elle a produit sa demande;

(5) la marque de commerce visée par l'opposition est contraire aux articles 22, 30 et 50 de la Loi sur les marques de commerce.

[9]        Selon ce que je comprends, au point (5) ci-dessus, l'Opposante allègue que la Requérante contrevient à l'alinéa 30i) parce que l'emploi qu'a fait la Requérante de la marque visée par la demande réduirait la valeur des marques de commerce déposées de l'Opposante (ce qu'interdit l'article 22). En outre, en invoquant l'article 50, je suppose que l'Opposante est d'avis qu'il existe peut-être des problèmes liés à l'octroi de licences pour la marque visée par la demande, bien que ces problèmes ne soient pas abordés dans le cadre des présentes procédures.

[10]      Avant d'évaluer les motifs d'opposition, je vais d'abord revoir la preuve au dossier.

Preuve de l'Opposante

Elenita Anastacio


[11]      Mme Anastacio atteste qu'elle est recherchiste en marques de commerce à l'emploi du cabinet qui représente l'Opposante. Son affidavit sert à présenter en preuve des documents à titre de pièce, nommément des détails concernant les marques de commerce sur lesquelles l'Opposante s'appuie dans le cadre des présentes procédures, et une copie du logo reproduit ci-dessous (logo BON APPÉTIT BANFF) lequel apparaît sur le site Web de la Requérante :

Dans l'image du logo ci-dessus, le mot BANFF situé sous la portion « pétit » n'apparaît pas de façon évidente.

Preuve de la Requérante

Stuart Back

[12]      M. Black atteste qu'il est le directeur des services de villégiature pour la Requérante. La Requérante a été constituée en 1992 en tant que coopérative de marketing privée à but non lucratif pour la ville de Banff, Lake Louise et le Parc national du Canada Banff. Le principal objectif de la Requérante est d'attirer des touristes à l'année. La Requérante englobe environ 800 entreprises membres représentant divers secteurs d'activités de la ville de Banff et du Parc national du Canada Banff ainsi que certains membres à l'extérieur du Parc. Le mandat de la Requérante est décrit au paragraphe 4 de l'affidavit de M. Back.

[Traduction] La mission de BLLT [la Requérante] est d'entreprendre des activités de marketing pour stimuler le tourisme dans la ville de Banff, la communauté de Lake Louise et le Parc national du Canada Banff, y compris le retour de visiteurs, ce qui génère des revenus pour ses membres. BLLT a pour mandat d'exploiter un organisme de marketing touristique pour promouvoir des lieux, des services, des produits et des attractions dans la ville de Banff, la communauté de Lake Louise et le Parc national du Canada Banff. L'objectif est d'établir et de maintenir un organisme touristique composé de membres pour rehausser la position de Banff, de Lake Louise et du Parc national du Canada Banff en tant que destination de villégiature en montagne de premier choix à l'année; coordonner les efforts déployés par les entreprises privées, les organismes du secteur public et les groupes communautaires qui démontrent un intérêt pour la commercialisation et le développement du tourisme à Banff, à Lake Louise et au Parc national du Canada Banff; accroître et améliorer l'expérience des visiteurs à Banff, à Lake Louise et au Parc national du Canada Banff; soutenir les intérêts de l'industrie touristique pour Banff, Lake Louise et le Parc national du Canada Banff; et encourager l'adoption de valeurs touristiques axées sur le patrimoine par l'industrie touristique à Banff, à Lake Louise et au Parc national du Canada Banff.

[13]      La Requérante est propriétaire du mot servant de marque CLASSICAL BANFF, ainsi que des marques verbales et figuratives reproduites ci-dessous :

Banff Lake Louise: The World's Finest National Park & Design Banff Lake Louise BANFF NATIONAL PARK & DESIGN CLASSICAL BANFF & DESIGN

Les marques de commerce déposées susmentionnées de la Requérante couvrent essentiellement les mêmes services que ceux énoncés dans la demande.

[14]      M. Back est responsable d'organiser et de promouvoir un événement particulier appelé BON APPÉTIT BANFF. Les détails de l'événement sont indiqués au paragraphe 10 de son affidavit ainsi qu'aux pages 5 et 6 de la transcription de son contre-interrogatoire :

Paragraphe 10.

[Traduction] L'événement BON APÉTIT BANF a lieu chaque année et a débuté en novembre 2011. Environ 20 restaurants locaux de Banff y participent et offrent des menus spéciaux 3 services à prix fixe aux visiteurs qui s'y rendent. L'événement a pour but de générer de nouvelles possibilités d'affaires dans une période où le nombre de visiteurs à Banff est moins important. Les participants utilisent des produits locaux et tentent d'offrir une expérience unique et différente par rapport aux autres périodes de l'année. L'événement se tient aux alentours du 15 au 25 novembre chaque année et attire principalement des clients du marché régional de BLLT (dans un rayon d'environ deux heures de route de Banff). En 2011, plus de 3 000 clients ont participé à cet événement ...

 

Contre-interrogatoire

[Traduction] Chaque restaurant participant offre une expérience simple pour le consommateur; chaque restaurant participant produit un menu 3 services offert à l'un des prix établis, selon une échelle de prix; et donc, pour le dîner, on se rend au restaurant et on choisit le menu 3 services et on sait quel prix sera exigé. Les menus sont spécialement préparés pour le festival, mais au fond, vous vous rendez au restaurant et vous prenez simplement un repas 3 services.

[15]      Les membres de la Requérante qui participent à l'événement BON APPÉTIT BANFF sont tenus de suivre certaines lignes directrices (en pièce A du deuxième affidavit de M. Back) établies par la Requérante. Les membres doivent accepter les critères et les lignes directrices lorsqu'ils remplissent le formulaire d'adhésion à titre de membre (joint en pièce B). Certains critères énoncés dans la pièce A sont présentés ci-dessous :

[Traduction]

Dates :

         Le jeudi 14 novembre — Le dimanche 24 novembre

 

Échelle de prix :

         25 $, 35 $ ou 45 $

         Souplesse des choix pour les prix en milieu de semaine et la fin de semaine.

 

Format :

         Offre de plats uniques au menu ou de choix de plats qui ne sont pas actuellement offerts.

         Prix fixe, en fonction des éléments susmentionnés.

         Menu 3 services, avec trois options par service.

 

Critères et lignes directrices :

         Les membres offrent un menu trois (3) services avec trois options par service, selon un prix fixe de 25 $, 35 $ ou 45 $*.

*Souplesse des choix entre ces prix pour le milieu de semaine et la fin de semaine. **Les boissons et le pourboire s'ajoutent aux prix susmentionnés.

         Chaque service doit comporter au moins un élément unique du menu qui n'est pas actuellement offert.

         Les éléments du menu doivent comporter et mettre en valeur des produits locaux ou régionaux.

         Les membres acceptent de faire la promotion du Festival et des menus spéciaux auprès des clients de leur restaurant. L'utilisation particulière du nom et du logo « Bon Appétit Banff » dans les promotions doit être d'abord acceptée par BLLT.

         Les membres accepteront d'utiliser la documentation promotionnelle et les articles de marque « Bon Appétit Banff » fournis par BLLT dans leur établissement, plus particulièrement sur les menus et les porte-facture.

         Les membres acceptent de présenter des menus « Bon Appétit Banff » pendant toute la période du Festival, soit 10 jours.

         Les membres acceptent de fournir à BLLT leur contenu pour le site Web du Festival, y compris les menus du Festival, au moins trois semaines avant la tenue de l'événement.

         La vente en ligne et la vente sur place seront possibles.

         Les membres acceptent de fournir à BLLT un rapport de suivi après l'événement.

[16]      À mon avis, les exigences susmentionnées, imposées aux membres participants, suffisent pour établir que la Requérante exerce un contrôle sur la nature des services connus sous le nom BON APPÉTIT BANFF.

[17]      La campagne de marketing pour BON APPÉTIT BANFF se fait presque exclusivement en Alberta, en ligne, dans les médias imprimés, à la radio, à la télévision, par publipostage et par des publicités à l'extérieur, dont certains exemples sont joints en pièces G, H et I de l'affidavit de M. Back.

Isabelle Gagné

[18]      Mme Gagné atteste qu'elle est une technicienne juridique du cabinet représentant la Requérante. À la fin de 2012, elle a effectué une recherche dans le registre des marques de commerce pour y trouver des marques de commerce en vigueur contenant le terme « Bon Appétit ». Il s'agissait d'une recherche de grande portée qui n'était pas limitée à une catégorie particulière de produits ou de services. Les résultats de la recherche, joints en pièce A de son affidavit, révèlent douze marques employées en liaison avec des produits ou des services relatifs à des produits alimentaires, à des articles de cuisine, à des publications et à des épices.

[19]      Des douze marques repérées, quatre appartiennent à l'Opposante et une autre est visée par la demande. Parmi les sept autres marques, je considère que trois sont considérablement différentes du mot servant de marque BON APPÉTIT. Les quatre autres marques appartiennent à des tiers. L'affidavit de Mme Gagné avait probablement pour but de démontrer que la marque BON APPÉTIT est employée fréquemment par différents commerçants en liaison avec des produits et des services relatifs à des produits alimentaires, à des articles de cuisine, à des publications et à des épices. Cependant, la preuve de Mme Gagné ne remplit pas cet objectif parce qu'un trop petit nombre de marques de tiers ont été repérées dans le registre des marques de commerce.

[20]      La pièce B jointe à l'affidavit de Mme Gagné contient des définitions du terme « bon appétit » tirées d'un dictionnaire en ligne. Le sens littéral en anglais est « good appetite », mais la connotation de cette expression française est que l'on souhaite à la personne à qui l'on s'adresse de « profiter de son repas ».

Évaluation des motifs d'opposition

Alinéa 30i) et connaissance des marques de l'Opposante

[21]      Le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i) est fondé sur l'allégation selon laquelle la Requérante était au courant des marques de l'Opposante. Le motif n'est pas dûment fondé et il est donc refusé. À cet égard, pour corroborer un motif d’opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i), il faut établir que la Requérante a agi de mauvaise foi ou de façon frauduleuse ou encore qu’elle contrevient à une loi fédérale : voir, à titre d'exemple, Sapodilla Co Ltd c BristolMyers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la page 155 et Canada Post Corporation c Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst).

[22]      Même si la Requérante était, ou aurait dû être, au courant des marques de l'Opposante, cela n'empêche pas en soi la Requérante de prononcer sincèrement et précisément la déclaration prévue à l'alinéa 30i), à savoir que la Requérante était convaincue qu'elle avait le droit d'employer la marque : voir Lorillard, Inc c Fabriques de Tabac Reunies S.A.(1990), 30 CPR(3d) 406 à la page 408 (COMC); Taverniti S.A.R.L. c D.G.G.M. Britton Holdings Inc (1986), 8 CPR(3d) 400 aux pages 404 et 405 (COMC). En l'espèce, l'Opposante n'a pas allégué suffisamment de faits pour invoquer un motif d'opposition au titre de l'alinéa 30i).

Alinéa 30i) et diminution de la valeur des marques de l'Opposante

[23]      En ce qui concerne l'allégation de l'Opposante selon laquelle la marque visée par la demande « est contraire aux articles 22, 30 ... ni le registraire, ni la Cour fédérale n’ont décidé si un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) et soulevant la violation de l’article 22 constitue un motif d’opposition valable. Même si j’estimais ce motif d’opposition valide, il ne pourrait nullement être retenu, puisque l’Opposante n’a fourni aucune preuve étayant la probabilité d’une diminution de la valeur de l’achalandage au soutien de l’allégation de violation de l’article 22 [voir Euromed Restaurant Limited c Trilogy Properties Corporation, 2012 COMC 19 (CanLII) aux paragraphes 9 à 13. Par conséquent, le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i) et de l'article 22 est rejeté.

Article 50

[24]      L'allégation selon laquelle la marque visée par la demande « est contraire à » l'article 50 est un peu vague. L'Opposante allègue probablement que le caractère distinctif de la marque visée par la demande a subi une incidence négative en raison d'un octroi de licence inadéquat. Bien que les problèmes soulevés en vertu de l'article 50 puissent corroborer d'autres motifs d'opposition, cet article ne peut être invoqué au titre d'un motif d’opposition.

Autres motifs

[25]      La question déterminante relativement aux autres motifs est celle de savoir si la marque BON APPÉTIT BANFF visée par la demande crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques BON APPÉTIT de l'Opposante. Les dates pertinentes pour l'appréciation de la question de la confusion sont les suivantes : la date de production de la demande (16 mars 2011) eu égard aux motifs d'opposition invoqués en vertu de l'article 16; la date de production de la déclaration d'opposition (7 janvier 2012) eu égard à l'allégation d'absence de caractère distinctif; et la date de ma décision eu égard au motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d). Pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d'opposition, voir American Retired Persons c Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198, aux pages 206 à 209 (CF 1re inst).

 [26]     Avant de déterminer si la marque BON APPÉTIT BANFF visée par la demande crée de la confusion avec la marque BON APPÉTIT de l'Opposante, je vais revoir le fardeau de preuve qui incombe à l'Opposante, le fardeau ultime qui incombe à la Requérante et la signification de la notion de confusion dans le contexte de la Loi sur les marques de commerce.

Fardeau de preuve et fardeau ultime

[27]      Comme dans les instances de droit civil, (i) l'Opposante est tenue de corroborer les allégations qui figurent dans la déclaration d'opposition et (ii) la Requérante a l'obligation démontrer le bien-fondé de sa cause.

[28]      En ce qui a trait au point (i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l'Opposante doit s'acquitter du fardeau de prouver les faits sur lesquels elle appuie les allégations qu'elle plaide dans la déclaration d'opposition; voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293 à 298 (CF 1re inst). La présence d'un fardeau de preuve pour l'Opposante à l’égard d’une question donnée signifie que, pour que la question soit étudiée, la preuve doit être suffisante pour qu’il soit possible de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ladite question. Quant au point (ii) susmentionné, c'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, comme l'invoque l'Opposante dans la déclaration d'opposition (concernant les allégations pour lesquelles l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait qu'un fardeau ultime incombe à la Requérante signifie que s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la Requérante.

Signification de la confusion

[29]      Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, reproduit ci-dessous :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ... liés à ces marques de commerce sont fabriqués ... ou que les services liés à ces marques sont ... exécutés par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non ... de la même catégorie générale.

[30]      Par conséquent, le paragraphe 6(2) ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais une confusion qui porterait à croire que les produits ou les services d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question que soulève le paragraphe 6(2) est celle de savoir si les acheteurs des services de la Requérante (c.-à-d., un repas à prix fixe dans un restaurant), offerts sous la marque BON APPÉTIT BANFF, croiraient que ces services sont offerts par l'Opposante, ou que la Requérante est autorisée ou licenciée par l'Opposante qui offre des publications sous la marque BON APPÉTIT. C'est à la requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s'applique en matière civile, qu'il n'y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

Le test en matière de confusion

[31]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l'espèce, y compris » celles expressément énoncées aux alinéas 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. De plus, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids, car le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux varie selon les circonstances : voir Gainers Inc c Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst). Cependant, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5).

Examen des facteurs énoncés au paragraphe 6(5)

Facteurs 1 et 2 – Caractère distinctif inhérent et caractère distinctif acquis; période d'usage

[32]      La marque BON APPÉTIT de l'Opposante possède un caractère distinctif inhérent assez faible puisqu'il s'agit d'une phrase courante composée de deux mots de la langue française. La marque visée par la demande possède également un caractère distinctif inhérent assez faible puisque le dernier élément BANFF est un endroit géographique bien connu au Canada et donc, n'ajoute qu'un faible caractère distinctif à la marque dans son ensemble. En outre, la marque visée par la demande est suggestive du service de promotion en restauration offert par la Requérante. L'Opposante n'a fourni aucune preuve d'emploi de sa marque et donc, n'a établi aucun caractère distinctif acquis pour sa marque. Pour sa part, la Requérante a fourni une preuve d'emploi de la marque visée par la demande, quoique pour de brèves périodes (10 jours consécutifs), annuellement. Au vu de la preuve produite par M. Back, je suis prêt à estimer que la marque visée par la demande a acquis une certaine réputation, limitée à la région de Banff, malgré l'absence d'indicateurs quantitatifs de la portée de l'emploi de la marque visée par la demande. Le premier facteur, qui réunit les caractères distinctifs et inhérents des marques en cause, s'applique donc en faveur de la Requérante, du moins dans une certaine mesure, en raison du caractère distinctif acquis de la marque visée par la demande.

[33]      Dans le même ordre d'idées, comme l'Opposante n'a pas démontré l'emploi de sa marque BON APPÉTIT et que la Requérante a démontré un certain emploi limité de sa marque depuis 2011, le deuxième facteur s'applique aussi en faveur de la Requérante, du moins dans une certaine mesure.

[34]      L'Opposante a fait valoir à l'audience que je devrais considérer que sa marque a acquis un caractère distinctif inhérent élevé, parce que la Requérante, par l'entremise de son avocat, n'a pas permis aux déposants Gagné et Back de répondre à certaines questions qui leur ont été posées lors du contre-interrogatoire..

Gagné

Avez-vous déjà lu le magazine Bon Appétit de l'Opposante? Si vous connaissez le magazine, le magazine Bon Appétit de l'Opposante, depuis combien de temps le connaissez-vous? Connaissez-vous d'autres personnes qui l'ont lu? Vous y êtes-vous déjà abonnée? L'avez-vous déjà acheté?

 

Back

Connaissez-vous le magazine Bon Appétit publié par Advance Magazine Publishing Inc.? Dans l'affirmative, depuis combien de temps connaissez-vous ce magazine et l'avez-vous vu dans les kiosques à journaux? Connaissez-vous d'autres personnes qui ont lu le magazine Bon Appétit? Et la même série de questions relativement au site Web de Bon Appétit qu'exploite Advance Magazine Publishers.

[35]      Lors du contre-interrogatoire, l'avocat de la Requérante a déclaré que les déposants Gagné et Back répondraient aux questions portant sur la preuve au dossier, mais pas aux questions relatives à leur témoignage par affidavit. Comme aucun des deux déposants n'a fait référence à la marque de l'Opposante, l'avocat de la Requérante s'est opposé aux questions susmentionnées. Par conséquent, aucune réponse n'a été donnée.

[36]      À l'audience, l'avocat de l'Opposante a soutenu qu'il était possible de tirer une « inférence négative » contre la Requérante parce que celle-ci n'a pas permis à ses déposants de répondre aux questions susmentionnées. L'intention au contre-interrogatoire était probablement de démontrer que, si les déposants Gagné et Back connaissaient la marque de l'Opposante, c'est que celle-ci avait acquis un caractère distinctif inhérent élevé

[37]      Je suis d'accord avec la position prise par l'avocat de la Requérante lors du contre-interrogatoire. Même si l'avocat de l'Opposante peut déborder le cadre des affidavits Gagné et Back dans le contre-interrogatoire, l'avocat de l'Opposante était limité aux questions qui permettent de trancher la question à l'égard de laquelle les affidavits ont été déposés : voir Weight Watchers International Inc c Weight Watchers of Ontario Ltd (No. 2) (1972), 6 CPR (2d) 169 (CF 1re inst) aux pages 171-172. En l'espèce, aucun des affidavits ne fait référence à la marque de l'Opposante.

 

[38]      Même si j'étais prêt à titrer l'inférence selon laquelle les déposants Gagné et Back étaient au courant de la marque de l'Opposante, je ne serais pas prêt à extrapoler une telle conclusion jusqu'à inférer que la marque de l'Opposante est bien connue. Étant donné la portée limitée de la preuve produite par les déposants Gagné et Back, il revient à l'Opposante de fournir sa propre preuve concernant le caractère distinctif acquis de la marque de l'Opposante plutôt que de tenter d'obtenir une telle preuve par un contre-interrogatoire : voir Ottawa Athletic Club Inc c Athletic Club Group Inc, 2014 CF 672 (CanLII) au paragraphe 160.

Facteurs 3 et 4 – Nature des services et du commerce des parties

[39]      La nature des services et du commerce des parties est différente. À cet égard, l'Opposante publie un magazine, alors que la Requérante fait la promotion du tourisme dans la région de Banff. Les troisième et quatrième facteurs favorisent donc la Requérante.

Facteur 5 – Degré de ressemblance

[40]      Bien que les marques doivent être étudiées globalement pour en déterminer le degré de ressemblance, le premier élément d'une marque est souvent considéré comme plus important aux fins de la distinction : voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re Inst.). De plus, la Requérante a intégré l'ensemble de la marque BON APPÉTIT de l'Opposante comme première partie de la marque visée par la demande. Par conséquent, j'estime que les marques en cause se ressemblent plus qu'elles sont différentes, malgré l'élément BANFF, qui constitue le suffixe de la marque visée par la demande. Cependant, il y a d'autres considérations qui atténuent l'avantage conféré à l'Opposante, en raison des premiers éléments des marques en cause, lesquels sont identiques. Dans un cas, des différences comparativement faibles peuvent suffire à distinguer des marques « faibles », c’est-à-dire distinguer des marques aux caractères distinctifs inhérents faibles : voir GSW Ltd c Great West Steel Industries Ltd (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF 1re inst), particulièrement lorsque l'Opposante n'a présenté aucune preuve de caractère distinctif inhérent acquis. À cet égard, il faut démontrer un caractère distinctif acquis pour que la marque de l'Opposante puisse obtenir une protection plus large, c.-à-d. débordant du cadre des produits ou services particuliers offerts par l'Opposante sous sa marque.

Jurisprudence

[41]      Je me suis également inspiré d'une récente décision de cette Commission, Breville Pty Limited c Keuring Green Mountain, Inc, 2014 COMC 248 (CanLII). Dans Breville, le propriétaire des marques YOUBREW et BREW IQ s'opposait à la marque MYBREW visée par la demande pour emploi en liaison avec des appareils d'infusion électriques. La Commission a également fait remarquer ce qui suit :

[Traduction]
[27]
   Examinant le degré de ressemblance, la Cour suprême du Canada écrit, dans l’arrêt Masterpiece, supra, que la ressemblance est définie en tant que rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques ou similaires (para 62) et que, pour mesurer le degré de ressemblance, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects d’une marque de commerce est particulièrement frappant ou unique (para 64). En l’espèce, il n’y a rien de frappant ou d’unique dans le mot BREW considérant que les marchandises de chaque partie sont liées aux appareils d'infusion et aux produits avec lesquels ils sont employés [voir, par exemple, Molson Companies Ltd c John Labatt Ltd (1994), 58 CPR (3d) 527 (CAF)]. De même, le préfixe des marques des parties (un pronom personnel) n'est pas particulièrement frappant ou unique, étant donné que les consommateurs utilisent souvent des appareils d'infusion pour se préparer des boissons pour eux-mêmes.

 

[28]   Les marques de commerce des parties se ressemblent donc dans une certaine mesure dans la présentation et le son puisqu'elles partagent le suffixe BREW. Tandis que les marques de commerce des parties YOUBREW et MYBREW suggèrent la même idée, un infuseur qui permet de personnaliser des produits infusés, il ne peut y avoir de monopole dans ce genre d'idée [American Assn of Retired Persons c Canadian Assn. of Retired Persons/Assoc Canadienne des Individus Retraités (1998), 84 CPR (3d) 198 para 34 (CF 1re inst)]. (Je souligne.)

[42]      De la même façon, en l'espèce, les marques des parties se ressemblent sur le plan de la présentation, du son et des idées suggérées, puisqu'elles contiennent toutes deux la phrase BON APPÉTIT. Cependant, il n'y a rien de particulièrement frappant ou unique dans la phrase BON APPÉTIT et il ne peut y avoir de monopole sur l'idée de profiter d'un repas. En outre, bien que la première partie d'une marque soit la plus importante, le suffixe de la marque visée par la demande, soit l'élément BANFF, contribue néanmoins à la différence entre la marque visée par la demande et la marque de l'Opposante sur le plan visuel, dans le son et dans les idées suggérées.

[43]      Eu égard à la discussion ci-dessus au sujet des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) et de la jurisprudence susmentionnée, j'estime que la prépondérance des probabilités relativement à la question de confusion penche légèrement en faveur de la Requérante, nonobstant la ressemblance entre les marques des parties.

La décision

[44]      Compte tenu de ce qui précède, l'opposition produite à l'encontre de la marque BON APPÉTIT BANFF est rejetée. [42]     La présente décision est rendue dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

[45]      J'ajouterais que si l'Opposante avait produit une preuve pour corroborer les allégations contenues dans la déclaration d'opposition (voir le paragraphe 6 ci-dessus), c'est-à-dire une preuve établissant que son magazine avait acquis une réputation considérable (et de plus, que le magazine porte sur l'alimentation et la restauration), alors le résultat de cette procédure se serait donc probablement appliqué en faveur de l'Opposante.

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Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

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