Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

PAR l’Institut National des Appellations

D’Origine à la demande D’enregistrement

No. 877,189 pour la marque de commerce

SAVEUR DE PROVENCE, propriété de

Vincor (Québec) Inc.

 

 

Dumont Vins & Spiritueux Inc, l’ayant droit de Vincor (Québec) Inc (la «Requérante»), a déposé le 14 avril 1998 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce SAVEUR DE PROVENCE ( la «Marque») en liaison avec des vins de la Provence, fondée sur un emploi projeté. La Requérante s’est désistée de l’usage exclusif  du mot PROVENCE en dehors de la marque de commerce. Elle fut publiée dans le journal des marques de commerce le 1er septembre 1999.

 

L’Institut National des Appellations D’Origine (l’«Opposante») a déposé une déclaration d’opposition le 15 octobre 1999 aux motifs que :

 

a)      la Marque n’est pas enregistrable  parce que contrairement aux dispositions de l’article 12 (1) (b) de la loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c T-13, (la «loi») elle donne, sous une forme graphique, écrite ou sonore, une description claire ou fausse et trompeuse en langue française ou anglaise de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles on projette de l’employer ou des conditions de leur production ou des personnes qui les produisent ou du lieu d’origine de ces marchandises.

 

b)       la Marque n’est pas enregistrable parce que contrairement aux dispositions de l’article 12 (1) (e) et 10 de la loi, elle ressemble de façon telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec les appellations d’origine contrôlées françaises Côtes de Provence, Coteaux d’Aix-en-Provence et Les Baux-de-Provence qui concernent des marchandises de la même catégorie générale que celles visées par la demande d’enregistrement, lesquelles appellations d’origine contrôlées sont devenues reconnues au Canada comme désignant le genre, la qualité, la valeur ou le lieu d’origine des marchandises en liaison avec lesquelles ces appellations sont utilisées.

 

c)      La Marque qui fait l’objet de la demande d’enregistrement numéro 877,189 n’est pas distinctive en ce qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles on se propose de l’employer des marchandises d’autres propriétaires et ce notamment, pour les raisons précédemment mentionnées.

 

La Requérante a produit une contre-déclaration d’opposition dans laquelle elle nie essentiellement les allégations contenues dans la déclaration d’opposition ajoutant que le mot PROVENCE est une composante de dix (10) marques de commerce apparaissant au registre canadien des marques de commerce et n’a donc pas été considéré comme étant contraire aux sous-alinéas 12(1)(b) et (e), à l’article 10 et à l’article 2 de la loi en ce qui a trait auxdits enregistrements. Aucun certificat d’enregistrement n’a été produit au dossier pour soutenir cet allégué.

 

Il faut comprendre de la preuve plus amplement détaillée ci-après qu’une appellation d’origine contrôlée d’un vin est une désignation qui ne peut être employée, en vertu des lois françaises, qu’en liaison avec des vins originaires d’une région de la France, dont les caractéristiques et les conditions de production sont définies par décret.

 

La preuve de l’Opposante comprend les affidavits de Marie-Claude Dupont auquel y est joint les pièces MCD-1à MCD-29, Karen Fiona MacDonald avec le pièces KFM-1 à KFM-44, Ziad J. Katul incluant les pièces A à N et celui de Jacques Janelle incluant la pièce JJ-1. Aucun de ces affiants n’a été contre-interrogé. La Requérante n’a déposé aucun élément de preuve au dossier. Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit et aucune des parties n’a requis une audition.

 

M. Jacques Janelle occupe le poste d’analyste au service de la recherche commerciale chez la Société des alcools du Québec («SAQ») depuis 24 ans. Il a procédé à une recherche, à la demande des agents de l’Opposante, sur les ventes dans les succursales de la SAQ  des vins d’appellations d’origine contrôlées «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». Selon ce rapport, produit comme pièce JJ-1, les ventes au Québec des vins portant ces appellations sont passées de plus de deux (2) millions de dollars en 1995-1996 à plus quatre (4) millions de dollars en 1999-2000.

 

Mme Marie-Claude Dupont est adjointe juridique à Montréal chez les agents de l’Opposante. Suite aux instructions qu’elle a reçues, elle a d’abord consulté la bibliothèque de la faculté des lettres et sciences humaines de l’université de Montréal. Elle a produit comme pièce MCD-1 des extraits de dictionnaires dans lesquels le mot PROVENCE  est défini comme étant une région du sud-est de la France. Elle a également visité une des succursales de la librairie Renaud Bray où elle s’est procurée le «Guide vert Michelin» sur la France. On y retrouve aux pages pertinentes produites sous la cote MCD-2 une carte de la France sur laquelle est identifiée, dans la partie sud-est, la région de la Provence. Elle a par la suite visitée la Maison de la France à Montréal et s’est procurée des documents sur la région de la Provence. Les pages pertinentes de ces documents ont été produites comme pièce MCD-3 à MCD-5 au soutien de son affidavit.

 

Elle s’est également rendue à la Bibliothèque de la ville de Montréal pour consulter des magazines contenant des références à la région de la Provence. Des extraits de trois (3) magazines sont annexés à son affidavit comme pièce MCD-6 à MCD-8. Elle a visité une seconde succursale de la libraire Renaud Bray pour obtenir une liste des publications traitant de la Provence. Cette liste, pièce MCD-9 fait référence à 264 items, livres, disques lasers, calendriers ou albums photos. Elle s’est procurée au même endroit deux de ces titres dans lesquels on y mentionne les appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Baux-de-Provence» pour désigner des vins produits dans la région de la Provence. Les extraits pertinents ont été produits comme pièces MCD-10 et MCD-11.

 

Elle a visité la librairie Indigo pour se procurer une liste ( pièce MCD-12) de tous les produits traitant de la Provence. Cette liste comprend 195 items. Elle s’est procurée trois titres où il est question de la région de la Provence et comprenant la mention Côtes de Provence comme appellation contrôlée et des références à Coteaux-d’Aix et Baux-de-Provence. Les extraits pertinents de ces ouvrages sont annexés comme pièces MCD13 à MCD16. D’autre part, elle a effectué des recherches via l’Internet en utilisant l’engin de recherche Alta Vista. L’inscription du mot Provence a permis d’identifier plus de 200 sites sur cette région. La pièce MCD-17 constitue des exemples d’extraits pertinents de ces sites.

 

Elle a acheté le guide Les Vins de France (extraits produits comme pièce MCD-19) qui contient une section sur les vins d’appellations d’origine Côtes de Provence et Coteaux d’Aix-en-Provence. Elle a également visité une des succursales de la  Société des alcools du Québec (SAQ) et a constaté la présence d’une étiquette portant le mot Provence sur un présentoir. Elle a trouvé dans cette section plusieurs vins d’appellations d’origine contrôlées «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence» et des photographies des bouteilles offertes pour la vente ont été produite comme pièce MCD-20. Elle s’est rendue à la Bibliothèque Nationale du Québec pour consulter diverses publications québécoises et guides de vins contenant de l’information sur les vins d’appellations d’origine contrôlées «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». Plus de vingt-cinq (25) extraits de publications ont été annexés à son affidavit comme pièces MCD-21à MCD-28.

 

Elle a finalement reçu d’une représentante de l’Opposante une copie des décrets français définissant les appellations d’origine contrôlées «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence» et l’article L 641-3 du code rural français (produits en liasse comme pièce MCD-29) prévoyant que chaque appellation d’origine contrôlée est définie par un décret.

 

Karen Fiona MacDonald est une étudiante à l’emploi, à Vancouver, de la firme d’agents représentant l’Opposante. Elle devait trouver de l’information sur l’emploi du mot PROVENCE pour identifier une région de la France, connue des canadiens, et également connue de ces derniers pour ses vins. Elle a également fait des recherches sur les appellations d’origine contrôlées «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence».

 

Elle a visité la principale succursale de la bibliothèque de Vancouver pour y trouver des ouvrages comportant des extraits sur la Provence. De tels extraits sont produits comme pièces KFM-1 à KFM-5 à son affidavit. Ces extraits sont tirés de différents ouvrages traitant de la cuisine française, les vins d’Europe et de France dans lesquels on y retrouve des références à la région de la Provence et des vins d’appellations d’origine contrôlées «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence».

 

Elle s’est rendue à une succursale de la British Columbia Liquor Store («BCLS») pour consulter la section réservée aux vins français. Elle y a trouvé des bouteilles de quatre (4) différents vins portant l’appellation d’origine contrôlée «Côtes de Provence». Une photographie illustrant ces bouteilles a été produite comme pièce KFM-6. Elle a visité une seconde succursale de la BCLS où elle s’est procuré un guide des vins contenant une liste de vins provenant de la Provence et disponible dans les succursales de la BCLS (pièce KFM-7). Elle s’est présentée dans une succursale de la librairie  Chapters où elle a fait l’acquisition de six (6) livres traitant de la région de la Provence. Les extraits pertinents décrivant cette région et traitant des vins d’appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence» constituent les pièces KFM-9 à KFM-15.

 

Elle a visité à nouveau la Bibliothèque de la ville de Vancouver pour y consulter des guides de voyage sur la France. Elle a produit des extraits pertinents de neuf (9) de ces guides (pièces KFM-16 à KFM-24) traitant de la région de la Provence et de ses vins d’appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». Elle a par la suite demandé à un préposé de la bibliothèque de lui fournir un relevé de la fréquence d’emprunts de ces livres par les usagers de cette bibliothèque. Au total, ces livres ont fait l’objet de plus de 1300 prêts aux usagers entre mai 1990 et novembre 2000. Elle a également demandé au préposé la même information en rapport aux livres et vidéocassettes intitulés «A Year in Provence» et «Toujours Provence» durant la même période. Ces livres et vidéocassettes ont été empruntés à plus de 7,000 occasions durant cette période. Elle a retracé deux articles parus dans le quotidien Vancouver Sun sur la Provence et Aix-en-Provence (pièces KFM-34 et 35).

 

Elle s’est également rendu chez Marquis Wine Cellar pour y trouver deux vins portant l’ appellation d’origine  contrôlée «Côtes de Provence». Des photos de ces bouteilles sont en annexe comme pièce KFM-25 de son affidavit.

 

Elle a effectué par la suite une recherche via Internet pour consulter des sites sur la région de la Provence. Elle a produit plusieurs extraits pertinents de ces sites (pièces KFM-26 à KFM-32) où le mot Provence identifie une région de la France. Les extraits produits contiennent également des références aux vins d’appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». Elle a aussi consulté le site web de la BCLB où elle a trouvé un article intitulé ‘About Côtes de Provence’( pièce KFM-33).

 

Elle a visité une seconde succursale de la librairie Chapters pour y trouver six revues contenant des articles sur la région de la Provence et les vins d’appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». Les extraits pertinents de ces articles sont annexés à son affidavit comme pièces KFM-36 à KFM-42.

 

Elle a obtenu de la BCLB un relevé informatique indiquant le total des ventes, en unités, des vins de la région de Provence pour les années 1998, 1999 et 2000. Ces chiffres démontrent des ventes, pendant cette période, de plus de 30,000 bouteilles de vin provenant de la région de Provence. Elle a également produit comme pièce KFM-44 une copie des extraits pertinents du BC Liquor Store Product Guide, édition de décembre 2000, qui comporte une section FRANCE-PROVENCE contenant une description de onze (11) différents vins de cette région.

 

M. Ziad J. Katul est un étudiant à l’emploi de la firme d’agents de l’Opposante à Ottawa. Il a d’abord visité deux succursales de la Liquor Control Board of Ontario («LCBO») et s’est procuré quatre (4) différents vins d’appellations d’origine contrôlées «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Côtes de Provence». Les étiquettes de ces bouteilles ont été produites comme pièce A à son affidavit. Il a consulté la bibliothèque de la ville d’Ottawa pour trouver des ouvrages portant sur la région de la Provence et «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». Il a trouvé trois (3) livres dans la section sur les voyages et a produit les extraits pertinents comme pièce C à son affidavit. Il a repéré une douzaine de livres sur les vins ( extraits pertinents produits comme pièce D) contenant des références sur la région de Provence ou sur les vins d’appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». Il a également trouvé dans la section ‘nourriture et cuisiner’ neuf (9) ouvrages, dans la section ‘encyclopédie’ neuf (9) titres et dans la section ‘dictionnaires’ six (6) dictionnaires ayant tous des références ( pièce E, F et G respectivement à son affidavit) à la région de Provence et aux vins d’appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence».

 

Lors d’une deuxième visite à cette bibliothèque il a consulté des  banques de références sur disques CD-ROM pour trouver des articles de journaux ou de revues portant sur la région de la Provence ou des vins de cette région. Il a ainsi produit comme pièce J à son affidavit vingt (20) extraits de différents articles traitant de ces sujets tirés de la banque de données Canadian Business and Current Affairs. Il a également trouvé trente-cinq (35) articles ( extraits pertinents produits sous la cote L) à partir de la banque de données Canadian NewDisc, traitant de la région de la Provence et\ou des vins d’appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». De la banque de données Globe and Mail Plus 1991-1999 il a produit cinq extraits d’articles ( pièce N à son affidavit) traitant de ces sujets.

 

Il a finalement visité une succursale de la librairie Chapters afin d’y trouver des livres sur la région de la Provence et\ou des vins d’appellations d’origine «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence». Il a ainsi fourni une liste de quarante-quatre (44) livres traitant de l’un de ces sujets ( paragraphe 18 de son affidavit).

 

La date pertinente pour déterminer si la Marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’article 12(1)(b) de la loi est la date de la décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c Wickes/Simmons Bedding Ltd.(1991),37 C.P.R. (3d) 413 (CAF)] et il en est de même en ce qui concerne l’analyse de la prohibition prévue aux articles 10 et 12(1)(e) de la loi [ voir Allied Corp. v. Canadian Olympic Association (1989), 28 C.P.R. (3d) 161 et Canadian Olympic Association v. Olympus Optical Company Limited (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 ].

 

Dans le cadre de procédures en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’Opposante doit présenter suffisamment de preuve concernant les motifs d’opposition sur lesquelles elle se fonde de telle sorte qu’il est apparent qu’il existe des faits qui supportent les motifs d’opposition. Si cette tâche est accomplie, le fardeau de preuve se déplace vers la Requérante qui devra convaincre le registraire que les motifs d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de sa marque de commerce ( Joseph Seagram & Sons Ltd. v. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325).

 

Toute la  preuve volumineuse de l’Opposante, résumée ci-haut, est non contredite par la Requérante et me permet de conclure que le consommateur canadien moyen associe le mot PROVENCE à une région de la France, qu’il reconnaît cette région pour ses vins et qu’il connaît les appellations d’origine contrôlées «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence».

 

La Requérante a allégué dans sa contre-déclaration d’opposition l’existence de dix (10) marques de commerce au registre comportant le mot PROVENCE. De cette liste, une seule aurait été enregistrée en liaison avec des vins. Il n’y a cependant aucune preuve que ces marques sont employées au Canada. Ce nombre est nettement insuffisant pour me permettre d’inférer que ce mot est largement employé dans le marché en liaison avec des vins [voir Scott Paper Co. V. Wyant & Co. (1995), 61 C.P.R. (3d) 546, Welch Foods Inc. v. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 and T. Eaton Co. v. Viking GmbH& Co. (1998), 86 C.P.R. (3d) 382] ou qu’il n’est pas considéré comme étant contraire aux sous-alinéas 12(1)(b) et 12(10(e)et aux articles 10 et 2 de la loi comme voudrait bien le prétendre l’Opposante. D’ailleurs elle n’a déposé aucun plaidoyer écrit et n’a pas requis une audition pour étayer ces prétentions.

 

Le premier motif d’opposition est fondé sur l’article 12(1)(b) de la loi. Le test pour déterminer si la Marque donne une description claire du lieu d’origine des marchandises en est un de première impression. Il ne faut pas procéder à une analyse critique de chaque mot de la Marque. [ ref. G.W.G. Ltd.v. Registrar of Trade Marks, (1981), 55 C.P.R. (2d) 1 et Oshawa Group Ltd. v. Registrar of Trade Marks, (1980), 46 C.P.R. (2d) 145]. En appliquant ce test j’arrive à la conclusion que la Marque est descriptive du lieu d’origine des marchandises, soit la Provence. J’accueille donc ce motif d’opposition mais je procéderai toutefois à l’analyse des autres motifs d’opposition.

 

Le second motif est fondé essentiellement sur l’article 10 de la loi. L’Opposante prétend que la Requérante ne peut adopter la Marque puisqu’elle ressemble de façon telle qu’on puisse vraisemblablement la confondre avec les appellations d’origine contrôlées françaises des vins «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence» qui sont devenues reconnues au Canada comme désignant le genre, la qualité, la valeur ou le lieu d’origine des vins portant ces appellations.

 

Je fais mien les propos de M. Partington, alors président de cette commission, sur la qualification juridique des appellations d’origine contrôlées françaises dans l’affaire de Institut National des Appellations D’Origine des vins et eaux-de-vie v. T.G.Bright & Co. Ltd, (1986) 14 C.P.R. (3d) 197:

«Having regard to s. 25 of the Trade Marks Act, I am of the view that it is at least arguable that the appellation of origin Entre-Deux-Mers could be characterized as an unregistered certification mark descriptive of the place of origin of certain wines emanating from France. In any event, I do not consider that the words "Entre-Deux-Mers" need qualify as a trade mark in order to be relied upon by the opponent in challenging the distinctiveness of the applicant's trade mark ENTRE DEUX LACS.»

 

Il est important de noter que le Législateur n’a pas employé à l’article 10 de la loi le terme «confusion» mais plutôt les mots «ressemblance…telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre». Il s’agit de l’une des circonstances mentionnées à l’article 6(5) de la loi et employée pour déterminer s’il y a risque de confusion entre des marques de commerces ou noms commerciaux. Ainsi, puisque l’article 10 est soulevé comme motif d’opposition, il faut déterminer s’il existe une telle ressemblance entre la Marque et ces appellations d’origine contrôlées qu’il serait vraisemblable de les confondre. Le langage de l’article 10 est similaire à celui de l’article 9 de la loi et je peux donc me référer au test élaboré dans l’arrêt The Queen v. Kruger (1978), 48 C.P.R. (2d) 135, à la page 139,et formuler par analogie la question suivante: une personne familière avec les appellations d’origine contrôlées de l’Opposante ou l’une d’entre-elles mais ayant une mémoire imparfaite pourrait-elle confondre la Marque avec ces dernières? La Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve de me démontrer, sur la base de la balance des probabilités [voir Christian Dior, S.A. v. Dion Neckwear Ltd [2002]3 C.F.405] qu’en appliquant ce test la Marque ne pourrait être confondue avec chacune des appellations d’origine contrôlées de l’Opposante. Le second moyen d’opposition est donc également accueillie.

L’’Opposante soulève comme troisième motif d’opposition l’absence de caractère distinctif de la Marque. Puisque j’ai conclu auparavant que la Marque est descriptive de l’origine des marchandises à l’égard desquelles on projette de l’employer et qu’elle ressemble à chacune des appellations d’origines contrôlées de l’Opposante ci-haut énumérées et reconnues au Canada comme désignant le genre, la qualité et l’origine des vins portant ces appellations, je me dois de conclure également que la Marque, à la date de dépôt de l’opposition (le 15 octobre 1999) [voir Park Avenue Furniture Corp. v. Wickes/Simmons Bedding Ltd.(1991),37 C.P.R. (3d)413 (CAF)], n’était pas distinctive au sens de l’article 2 de la loi en ce qu’elle n’était pas adaptée à distinguer les vins de la Requérante des autres vins provenant de la région de la Provence ni des vins d’appellations d’origine contrôlées «Côtes de Provence», «Coteaux d’Aix-en-Provence» et «Les Baux-de-Provence».

 

En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la loi, je maintiens l’Opposition de l’Opposante et je rejette donc la demande d’enregistrement de la Requérante pour la marque SAVEUR DE PROVENCE, le tout selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

DATÉ À MONTRÉAL, QUÉBEC, CE 4ième JOUR DE SEPTEMBRE 2003.

 

 

 

Jean Carrière

Commissaire aux oppositions

 

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