Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                               THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 27

Date de la décision : 2013-01-23

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de l’Association canadienne du médicament générique à la demande no 1,244,118 produite par Pfizer Products Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce MISCELLANEOUS THREE DIMENSIONAL DESIGN.

 

 

Historique du dossier

 

[1]               Le 19 janvier 2005, Pfizer Products Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce VIAGRA TABLET DESIGN, modifiée par la suite au nom de MISCELLANEOUS THREE DIMENSIONAL DESIGN basée sur un emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que mars 1999 en liaison avec une préparation pharmaceutique pour le traitement de la dysfonction sexuelle (les Marchandises). Le dessin et la description dans la demande sont indiqués ci-dessous :

 

 

 

La couleur est revendiquée comme une caractéristique de la marque de commerce. La marque de commerce est en bleu sur toute la surface visible du comprimé illustré dans le dessin ci-joint. La figure 1 illustre la vue d’en haut et de côté du comprimé. La figure 2 illustre la vue d’une extrémité du comprimé. La figure 3 illustre la vue de côté du comprimé. La figure 4 illustre la vue d’en bas ou d’en haut du comprimé. Les désignations fig. 1, fig. 2, fig. 3 et fig. 4 ne font pas partie de la marque de commerce.

 

[2]               Le 29 avril 2005, une procédure a été émise et l’examinateur a demandé que la Requérante modifie le dessin pour montrer le comprimé entièrement en lignes pointillées et retirer la déclaration « la couleur est revendiquée comme une caractéristique de la marque de commerce ». La Requérante a répondu en modifiant le dessin et la description comme indiqué ci-dessous (la Marque) :

MISCELLANEOUS THREE DIMENSIONAL DESIGN

La marque de commerce est en bleu sur toute la surface visible du comprimé illustré dans le dessin ci-joint. La figure 1 illustre la vue d’en haut et de côté du comprimé. La figure 2 illustre la vue d’une extrémité du comprimé. La figure 3 illustre la vue de côté du comprimé. La figure 4 illustre la vue d’en bas ou d’en haut du comprimé. Les désignations Fig. 1, Fig. 2, Fig. 3 et Fig 4 ne font pas partie de la marque de commerce.

 

[3]               La demande a été publiée aux fins d’opposition le 5 octobre 2005 dans le Journal des marques de commerce :

 

[4]               Un erratum a été publié le 17 mai 2006.

 

[5]               L’Association canadienne du médicament générique (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition pour la demande d’enregistrement le 6 mars 2006 selon les alinéas 38(2)(a), 38(2)(b) et 38(2)(d) de la Loi sur les marques de commerce, RSC 1985, c T-13 (la Loi). Une déclaration d’opposition modifiée a été produite le 21 avril 2006 et acceptée le 7 novembre 2006. Les motifs d’opposition de l’Opposante sont reproduits en entier à l’annexe 1.

 

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle a nié tous les motifs d’opposition.

 

[7]               L’Opposante a produit comme preuve les affidavits de la Dre Shawna Perlin, de Cathy Conroy et de Deborah Kall. La Requérante a produit comme preuve les affidavits du Dr Ronald Weiss, de Marie Berry, de Tiffany Trunko, de Marc Charbonneau, de la Dre Ruth Corbin et de Sharon Elliott. L’Opposante a produit en contre-preuve les affidavits de Julie Tam, du DHoward Shiffman, de Laura Furdas, de Deborah Zak, de Paula Rembach et du Dr Alain D’Astous. Chacun de ces souscripteurs a été contre-interrogé et les transcriptions ont été produites.

 

[8]               Les deux parties ont déposé des observations écrites détaillées et une audience a eu lieu du 22 au 24 mai 2012, au cours de laquelle les deux parties étaient représentées.

 

Décision préliminaire lors de l’audience

 

[9]               Au début de la seconde journée d’audience, l’Opposante a présenté une demande écrite afin que je me retire de cette affaire pour éviter une crainte raisonnable de partialité. À cet égard, l’identité du membre de la Commission des oppositions aux marques de commerce affecté à une décision d’opposition n’est généralement révélée qu’au début du processus d’audition. Les parties ont eu l’occasion, au début de la troisième journée du processus, de présenter des requêtes. Bien que j’aie averti les parties, en tout début, que j’entendrais chacune d’elles pendant 15 minutes et que je rendrais ensuite ma décision, j’ai effectivement accordé un délai supplémentaire aux parties et j’ai ajourné l’audience pendant environ 45 minutes pour y réfléchir. À mon retour à l’audience, j’ai refusé de me retirer et j’ai indiqué que j’expliquerais mes raisons lors de la décision finale.

 

Exposé des faits

[10]           La Requérante dans cette affaire était représentée par Gowlings (bureau d’Ottawa) à partir de la production de la demande jusqu’au 3 avril 2012, alors que la représentation a été transférée à Torys. J’ai travaillé pour Gowlings (bureau de Toronto) comme étudiante d’été (2003), stagiaire en droit (2004-2005) et associée (2005 – 3 juin 2011). Lors de mon emploi, je n’ai jamais pris part à ce dossier ni à ses demandes ou oppositions connexes (demandes nos 883,144; 883,145; 886,243; 1,090,313; 1,090,326; 1,090,327; 1,090,328 ou 1,090,329). De plus, comme je l’ai expliqué aux parties, lors de mon emploi, je n’ai participé qu’à deux demandes liées à la couleur/forme/taille dans le domaine pharmaceutique. Cette participation s’est faite à titre d’avocate subalterne sous la supervision de juristes seniors.

 

[11]           Avec la permission du président de la Commission, je confirme avoir échangé avec ce dernier sur le caractère approprié de ce processus d’audience, compte tenu de mon emploi antérieur et de la nécessité d’une divulgation préalable avant la tenue de l’audience. J’ai décidé qu’aucune divulgation préalable n’était requise, car j’avais déjà été affectée à des dossiers de Gowlings par le passé (autre qu’à Toronto) et mon affectation était conforme aux pratiques de la Commission des oppositions aux marques de commerce concernant les conflits d’intérêts des membres de la Commission.

 

Positions des Parties

[12]           L’Opposante a soutenu que mon emploi auprès de Gowlings (bureau de Toronto) soulève une crainte raisonnable de partialité. L’allégation de crainte raisonnable de partialité de l’Opposante semble fondée sur trois faits, nommément, (1) mon emploi antérieur auprès de Gowlings soulève une crainte raisonnable de partialité; (2) le fait que Gowlings ait représenté des personnes ayant produit des demandes d’enregistrement de couleur/forme/taille soulève une crainte raisonnable de partialité, et (3) le fait que la Requérante ait changé d’agents avant la tenue de l’audience résulte de la divulgation préalable de mon identité à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

 

[13]           La Requérante a indiqué que cela ne prendrait pas une « position forte » à la demande de récusation, mais a convenu que la décision me revenait. Cependant, la Requérante m’a accordé des pouvoirs et de brefs arguments indiquant qu’il n’existait aucune crainte raisonnable de partialité. La Requérante a également soulevé la question de délai potentiel des procédures si un autre membre de la Commission des oppositions devait être affecté à l’audience. Je n’ai cependant pas tenu compte de ce délai dans ma décision, car il ne s’agit pas d’une circonstance pertinente.

 

Raisons de la décision préliminaire

[14]           J’aborderai tout d’abord l’allégation de l’Opposante selon laquelle l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a préalablement divulgué à la Requérante ou à son conseiller que j’étais le membre affecté à cette affaire avant le transfert de représentation à Torys. Une telle divulgation contreviendrait directement à la politique de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. En l’absence de toute preuve d’une telle divulgation, et comme il n’est pas inhabituel pour une partie de changer de consultant en cours de procédure, je ne peux conclure que la première raison de l’Opposante pour demander ma récusation est crédible.

 

[15]           La question est de déterminer si l’Opposante a démontré qu’il existe une crainte raisonnable de partialité si je juge cette affaire. Il ne s’agit pas d’un test subjectif, ni d’une question, à savoir si la partie alléguant la partialité est réellement préoccupée. Il faut plutôt se demander :

à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste. [Committee for Justice and Liberty c. l’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS de 369 à 394]

 

[16]           Deuxièmement, avant de se joindre à la Commission des oppositions aux marques de commerce, les membres possèdent une expertise de la loi sur les marques de commerce. L’une des façons d’acquérir cette expertise est par le biais de la pratique. On s’attend des membres qu’ils rendent justice avec impartialité dans le cadre d’affaires mettant en cause des positions qu’ils pourraient eux-mêmes avoir soutenues par le passé. Une telle défense n’entraîne pas une crainte raisonnable de partialité [Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Novopharm Ltd (2006), 54 CPR (4th) 151 aux paragr. 23-24 (CF)].

 

[17]           Troisièmement, je ne considère pas que mon emploi antérieur auprès d’un autre bureau du conseiller précédent de la Requérante entraîne une crainte raisonnable de partialité. J’ai été à l’emploi d’un bureau différent de Gowlings à titre d’associée plutôt que de partenaire de la firme. Au moment de l’audience, plus de onze mois s’étaient écoulés depuis la fin de mon emploi. Aucun lien financier ou personnel avec la firme, ses partenaires, clients ou employés ne s’est poursuivi après la fin de mon emploi. Finalement, ma décision de ne pas me récuser a été influencée par le fait que la loi précise clairement que les décideurs doivent résister à l’envie de se retirer face à une requête en révocation, car il est de leur devoir d’entendre les affaires qui leur ont été confiées.

 

 

Fardeau de la preuve

[18]           Lors d’une opposition, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 CPR (3d) 293 (CFPI)].

 

Dates pertinentes

[19]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         alinéas 38(2)(a)/30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), à la page 475], cependant, lorsqu’une demande est modifiée après sa production, il faut tenir compte de la modification [Ipex Inc. c. Royal Group Inc. (2009), 77 CPR (4th) 297 (COMC) au paragr. 34]

         alinéas 38(2)(b)/12(1)(b) – la date de production de la demande [Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp. (2003), 28 CPR (4th) 60 au paragr. 26 (CFPI)];

         alinéas 38(2)(b)/12(1)(e) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 CPR (3d) 413 à 424 (CAF)];

         alinéas 38(2)(d)/2 – la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 CPR (4th) 317 à 324-325 (CF)].

 

Preuve – Questions préliminaires

 

Admissibilité de l’affidavit de Sharon Elliott

 

[20]           L’Opposante s’est prononcée contre l’affidavit de Sharon Elliott (argument écrit de l’Opposante, section 5.1). Mme Elliott joint 18 affidavits et transcriptions de contre-interrogatoires produits dans les oppositions aux demandes nos 883,145, 886,243 et 883,144 pour la marque VIAGRA BLUE TABLET DESIGN (pour les comprimés de 25, 50 et 100 mg respectivement). Dans son argument écrit, la Requérante déclare que les affidavits ne sont pas pris en compte pour la vérité de leur contenu (plaidoyer écrit de la Requérante, paragr. 13). Dans cette perspective, à l’exception de l’accord de licence de 1986 joint à la pièce 5 de l’affidavit de Mme Elliott dont il est question au paragraphe 45 ci-dessous, je ne me suis pas appuyée sur les pièces de l’affidavit de Mme Elliott.

 

Contre-preuve

[21]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante s’est opposée à la contre-preuve en soutenant qu’elle n’était pas appropriée (paragraphes 92-96). Lors de l’audience, la Requérante a indiqué qu’elle se prononçait contre les affidavits du Dr Howard Shiffman, de Laura Furdas et de Julie Tam. L’article 43 du Règlement sur les marques de commerce, SOR/96-195 (le Règlement), exige que la preuve se limite strictement aux matières servant de réponse. Une opposante qui n’est pas certaine que sa preuve constitue une réponse adéquate peut demander la permission de produire des preuves supplémentaires [voir art. 44 du Règlement]. Je note qu’aucune demande n’a été faite par l’Opposante.

 

[22]           Dans Halford c. Seed Hawk Inc. (2003), 24 CPR (4th) 220 (CFPI) aux paragraphes 14-15, le juge Pelletier fournit les directives suivantes à propos de ce qui constitue une preuve de réponse adéquate :

 

(i)

La preuve qui sert uniquement à corroborer une preuve déjà soumise au tribunal n’est pas admissible.

(ii)

La preuve qui porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre-interrogatoire et qui aurait dû faire partie de la preuve principale du demandeur n’est pas admissible. Toute autre nouvelle question qui se rapporte à une des questions en litige et qui ne vise pas uniquement à contredire un des témoins de la défense est admissible.

(iii)

La preuve qui sert uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale n’est pas admissible.

(iv)

Le tribunal acceptera d’examiner la preuve qui est exclue parce qu’elle aurait dû être présentée dans le cadre de la preuve principale, pour déterminer s’il doit admettre cette preuve...

 

[23]           Concernant l’affidavit du Dr Howard Shiffman, je conclus que les paragraphes 1 à 28 constituent une preuve de réponse adéquate. Ces paragraphes décrivent les antécédents et le mandat du Dr Shiffman (paragraphes 1 à 16) et la preuve à savoir si la « petite pilule bleue » et/ou la « petite pilule bleue en forme de diamant » sont synonymes de VIAGRA (paragraphes 17 à 28). Je constate que ces paragraphes répondent directement à la preuve du Dr Weiss concernant l’emploi de la « petite pilule bleue » par les patients et les médecins. Les paragraphes 29 à 61 sont une réfutation de la preuve présentée par la Requérante et auraient pu être présentés dans le cadre de la preuve de l’Opposante; ils ne sont donc pas admissibles. Le paragraphe 62 ne répond à aucune preuve présentée par le Dr Weiss et il n’est donc pas admissible.

 

[24]           Concernant l’affidavit de Laura Furdas, je constate que les paragraphes 1 à 10, 21 à 32 et 64 à 69 constituent une preuve de réponse adéquate. Ces paragraphes décrivent les antécédents et le mandat de Laura Furdas (paragraphes 1 à 10), la preuve d’emploi de la « petite pilule bleue » et de la « petite pilule bleue en forme de diamant » (paragraphes 21 à 32 et 67 à 69) ainsi que le transfert de brevets de VIAGRA à un autre médicament pour la dysfonction érectile (paragraphes 64 à 66). Le reste des paragraphes ne sont pas admissibles, car ils ne font que réfuter la preuve de la Requérante et auraient pu être présentés dans le cadre de la preuve de l’Opposante et/ou ne font que confirmer la preuve de Cathy Conroy.

 

[25]           Je constate que l’affidavit de Julie Tam est une preuve de réponse adéquate, car il répond directement à une question soulevée dans le contre-interrogatoire de la Dre Ruth Corbin. L’objection de la Requérante selon laquelle l’affidavit n’est pas admissible, car il va à l’encontre de la décision dans Browne c. Dunn (1893) 6 R 67 (UK HL) qu’un contre-interrogateur avise un témoin de son intention d’utiliser une preuve intrinsèque pour attaquer sa crédibilité (voir John Sopinka, Sidney N. Lederman et Alan W. Bryant, The Law of Evidence, 2e éd., 1999, §16.146) est abordée au paragraphe 30 ci-dessous.

 

Preuve d’expert

[26]           Dans le cadre de sa preuve concernant la question du caractère distinctif, la Requérante a produit l’affidavit de la Dre Ruth Corbin, experte en sondages. Son affidavit comprenait un affidavit antérieur qu’elle avait souscrit dans les oppositions aux demandes nos 883,145, 886,243 et 883,144 pour VIAGRA BLUE TABLET DESIGN (pour les comprimés de 25, 50 et 100 mg respectivement). L’affidavit produit dans les affaires précédentes comprend un sondage mené auprès de pharmaciens en 2002. Pour être admissible, la preuve d’expert doit respecter les quatre critères précisés dans R c. Mohan, [1994] 2 SCR 9 (CSC) :

• la pertinence;

• la nécessité d’aider le juge des faits;

• l’absence de toute règle d’exclusion;

• la qualification suffisante de l’expert.

 

[27]           Je ne considère pas que la preuve de la Dre Ruth Corbin est pertinente à l’évaluation du caractère distinctif à la date pertinente du 6 mars 2006. Le sondage auprès des pharmaciens a été mené entre le 9 septembre et le 8 octobre 2002 (pièce B, page estampillée 1716). Le sondage consistait à montrer à 402 pharmaciens, huit produits pharmaceutiques, y compris le VIAGRA, dont les marques avaient été enlevées (pièce B, pages estampillées 1717-1718). Pour chaque produit pharmaceutique, on demandait aux répondants d’indiquer s’il avait été fabriqué par une compagnie ou plus d’une compagnie (pièce B, pages estampillées 1718-1719). Le sondage a pour but de prouver que la couleur, la forme et la taille du VIAGRA sont reconnues par plus des trois quarts des pharmaciens comme indiquant une seule source de fabrication (pièce B, page estampillée 1713).  

 

[28]           Dans son contre-interrogatoire, la Dre Corbin indique que les résultats de 2002 sont pertinents pour 2006, car son expérience des produits bien mis en marché indique que la connaissance augmenterait à mesure qu’un produit s’enracine (Qs 20-23, 38) et ce serait le cas, même si une autre pilule bleue en forme de diamant avait été introduite (Qs 43-45). Les réponses de la Dre Corbin aux Qs 27-33 semblent indiquer que les déclarations de la Dre Corbin au sujet du caractère distinctif en 2006 pourraient se limiter au caractère distinctif du VIAGRA concernant des médicaments qui traitent la dysfonction érectile. Cependant, le marché pertinent est tous les produits pharmaceutiques [Novopharm Ltd c. Pharma (2005), 48 CPR (4th) 455 (COMC) à la page 468]. Les portions pertinentes du contre-interrogatoire de la Dre Corbin sont précisées ci-dessous.

 

Q20

Et avez-vous déjà demandé s’il devrait y avoir un sondage pour cette procédure, ou y a-t-il eu des discussions concernant tout type de sondage autre que celui que vous avez souscrit – ou ajouté à votre affidavit?

 

 

J’aurais considéré un tel conseil et conclu qu’un nouveau sondage n’aurait pas été nécessaire dans le cadre de cette procédure.

 

Q21

… Et pourquoi donc?

 

 

Il faudrait s’attendre que les résultats du sondage sur la connaissance du Viagra soient les mêmes ou meilleurs une année après avoir réalisé ce sondage.

 

Q22

… Et combien de temps après, un an, deux ans, trois ans, quatre ans? Est-ce que cela a une importance?

 

 

Plus vous donnez de temps au Viagra pour faire de la promotion et se faire connaître, on peut présumer que plus le produit deviendra connu.

 

Q23

… Et vous êtes convaincue de cela?

 

 

Mon expérience de spécialiste en marketing m’a permis d’en arriver à cette conclusion plusieurs fois à propos de produits bien connus sur le marché.

 

Q27

Et êtes-vous au courant si, depuis ce temps, une autre pilule bleue a été introduite sur le marché pharmaceutique au Canada?

 

 

On m’a indiqué qu’aucune pilule bleue n’avait été introduite avec ces indications, ce qui serait pertinent au caractère distinctif du Viagra dans sa section.

 

Q28

… quelles sont les indications?

 

 

Les indications que l’on trouve pour ce produit pharmaceutique particulier, le citrate de sildénafil.

 

Q29

Et quelles sont ces indications? Le savez-vous?

 

 

Je sais que son indication première est pour la dysfonction érectile.

 

Q30

… Et qui vous a dit que depuis octobre 2002, aucune autre pilule bleue n’avait été introduite au Canada pour la dysfonction érectile?

 

 

J’ai demandé à M. Smith d’obtenir cette information pour moi, ou de m’en informer, et c’est ce qu’il a fait.

 

Q33

… Avez-vous demandé à M. Smith si une pilule bleue avait été introduite au Canada pour une indication autre que la dysfonction érectile?

 

 

Je ne lui ai pas demandé cela.

 

Q34

Et est-ce que cela a une importance quant à votre conclusion que le comprimé de Viagra serait encore distinctif des années plus tard?

 

 

Mes conclusions quant à ce sondage n’ont pas changé.

 

Q35

Non, non, mais vous en êtes venue à une nouvelle conclusion… Votre nouvelle conclusion est que ce sondage serait aussi valide qu’il ne l’était en 2002, en 2003, 2004, 2005, 2006, car, autant que vous le sachiez, plus le Viagra est sur le marché, plus il est ancré dans l’esprit des consommateurs, plus il devient distinctif; n’est-ce pas là votre preuve?

 

 

… Non seulement est-ce ma preuve, mais je note que dans le précédent sondage, nous avions inclus des pilules qui étaient bleues; cette possibilité a déjà été prise en compte.

 

Q36

D’accord. Alors je ---

 

 

… comme conditions de contrôle. Il comporterait seulement la couleur bleue, indépendamment de la combinaison de taille, de forme et de couleur comme condition de contrôle.

 

Q38

… Alors, dans ce cas particulier, plus vous vous éloignez de la date où a eu lieu le sondage, plus les – êtes-vous en train de dire que les résultats sont même – seraient même plus concluants si vous aviez mené le sondage aujourd’hui, les résultats

 

 

Je ne dis pas cela pour aujourd’hui, je parle d’une date qui aurait été quatre ou cinq ans après cette étude, les résultats quant à la connaissance du produit n’auraient pas changé de façon appréciable.

 

Q39

… Et vous faites cela sur le principe que M. Smith vous a indiqué que depuis 2002, aucun médicament bleu contre la dysfonction érectile n’a été introduit sur le marché?

 

 

Certainement pas sur ce principe-là, et ce n’est pas ce que j’ai dit. En fait, j’ai mentionné récemment qu’il s’avère que, si vous regardez le rapport initial, nous avons conclu bleu, et votre question devient hors de propos. Nous avons déjà inclus le contrôle pour la couleur uniquement et nous parlons dans cette étude de la combinaison de la taille, la forme et la couleur.

 

Q43

… Et êtes-vous au courant si une pilule bleue en forme de diamant a été introduite à la suite de ce sondage… pour toute indication autre que la dysfonction érectile?

 

 

Bien que la réponse soit non, cela ne changerait certainement pas mes conclusions à partir de cette étude.

 

Q45

Et s’il y avait un autre comprimé bleu en forme de diamant en tant qu’antibiotique, cela ne changerait pas vos conclusions concernant les résultats de cette étude?

 

 

Comme je l’ai mentionné, cette étude concerne la combinaison unique d’une taille, d’une forme et d’une couleur, et c’est sur cela que mes conclusions sont fondées.

 

[29]           Je ne considère pas les réponses de la Dre Corbin lors du contre-interrogatoire cohérentes avec ma compréhension du sondage, car elle soutient que même si une autre pilule bleue en forme de diamant avait été introduite entre 2002 et 2006, le caractère distinctif de la Marque aurait été le même ou accru. La Requérante soutient que l’Opposante devrait avoir l’obligation de prouver qu’une telle pilule avait été introduite. Je ne suis pas d’accord. La Requérante doit prouver que sa preuve d’expert est pertinente en démontrant que toutes les circonstances et tous les contrôles nécessaires ont été pris en compte et que la preuve s’applique à la date pertinente. Pour les raisons précisées ci-dessus, je conclus que la preuve d’opinion de la Dre Corbin n’a aucune pertinence pour déterminer la question du caractère distinctif à la date pertinente et qu’elle n’est pas admissible. Compte tenu de ma conclusion, je ne suis pas tenue de me pencher sur les autres objections de l’Opposante à la preuve de la Dre Corbin.

 

[30]           Comme j’ai déclaré la preuve de la Dre Corbin non admissible, je n’ai pas à tenir compte des affidavits du Dr Alain d’Astous ou de Julie Tam [Rollerblade, Inc. c. Skate Jeans Inc. (2001), 14 CPR (4th) 375 à 378 (COMC)]. Si ma conclusion quant à l’affidavit de la Dre Corbin était erronée, je n’aurais tout de même pas tenu compte de l’affidavit du Dr d’Astous. Le Dr d’Astous fonde les conclusions de son affidavit sur des principes de reconnaissance de brevet, une partie de la psychologie cognitive. Dans son contre-interrogatoire, le Dr d’Astous explique que ce qui se trouve dans son affidavit est son opinion « fondée sur des antécédents théoriques, car cette opinion se fonde sur ma connaissance de la psychologie, des processus mentaux et de la documentation scientifique dans ce domaine » (Q69). Cependant, je ne considère pas le Dr d’Astous comme un expert qualifié dans ce domaine. Je note que le Dr d’Astous n’est pas un psychologue de la cognition et a déclaré lors du contre-interrogatoire que bien qu’il ait rédigé un manuel dans lequel il discute d’heuristique, il n’inclut aucun extrait de ce manuel, étant donné que le texte de Kannerman et Tversky (en pièce jointe) est plus crédible (Q200 à 221). En ce qui concerne l’affidavit de Julie Tam, j’aurais déclaré la preuve de Mme Tam admissible, car la règle Browne c. Dunn n’est pas enfreinte. La lettre jointe à l’affidavit de Mme Tam et signée par la Dre Corbin a été ajoutée à son contre-interrogatoire (voir Q1, pièce 5 au contre-interrogatoire de la Dre Corbin; et à la page 669 de l’interrogatoire de la Dre Corbin le 25 juin 2003, à la pièce C de l’affidavit de la Dre Corbin). Bien que la Dre Corbin n’ait pas authentifié la lettre, la protection dans Browne c. Dunn n’est pas requise puisque la lettre a été mise au déposant.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 38(2)(a)

 

[31]           L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme aux alinéas 30(a), 30(b), 30(h) et 30(i) de la Loi.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(a)

[32]           L’Opposante soutient que la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30(a) de la Loi. L’alinéa 30(a) de la Loi exige qu’une demande contienne une déclaration en termes commerciaux ordinaires des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles la marque a été employée.

 

[33]           L’Opposante soutient que les Marchandises ne sont pas en termes commerciaux ordinaires puisque la dysfonction sexuelle comprend un vaste éventail de maladies, y compris la dysfonction érectile, l’éjaculation précoce, l’éjaculation retardée et une baisse de libido (plaidoyer écrit de l’Opposante, paragraphes 272-273). Bien que les Marchandises aient pu être définies plus spécifiquement comme du « citrate de sildénafil », un tel degré de spécificité n’est pas requis. L’Énoncé de pratique du Bureau des marques de commerce sur le respect de l’alinéa 30(a) de la Loi sur les marques de commerce – produits pharmaceutiques (daté du 6 août 2003) permet aux requérants de nommer un type de maladie dont le type est propre à une région particulière du corps. Par exemple, l’Énoncé de pratique ci-dessus indique que les « préparations pharmaceutiques pour le traitement de maladies génito-urinaires, nommément, … maladies transmises sexuellement… » est acceptable. La demande en l’objet est conforme à l’Énoncé de pratique susmentionné et est en termes commerciaux ordinaires. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b)

[34]           L’alinéa 30(b) de la Loi requiert, pour une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à partir de laquelle la requérante ou ses prédécesseurs en titre nommés, le cas échéant, l’ont employée. L’alinéa 30(b) exige qu’il y ait un emploi continu de la marque visée par la demande dans la pratique normale du commerce à partir de la date revendiquée jusqu’à la date de production de la demande [Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. Labatt Brewing Co (1996), 67 CPR (3d) 258 (CFPI) aux pages 261-262]. Le paragraphe 4(1) de la Loi précise les exigences d’emploi d’une marque de commerce pour des marchandises :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

Dans Syntex Inc c. Apotex Inc. (1984), 1 CPR (3d) 145 (CAF) à la page 151, le juge Stone explique que le point critique dans le temps est le moment du transfert :

Une marque de commerce est réputée avoir été employée si, au moment où la propriété ou la possession des marchandises a été transférée, dans la pratique normale du commerce, elle est « affichée sur les marchandises-mêmes ou sur les emballages dans lesquels elles sont distribuées ». La marque peut donc être portée directement à l’attention du destinataire du transfert, ce qui constitue le point critique dans le temps. Dans le même ordre d’idées, pour qu’il y ait emploi déclaré, un avis de toute autre manière d’association est susceptible d’être donné au même moment précis.

 

[35]           L’Opposante soutient que la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30(b), car la Marque n’a pas été employée en vertu de l’article 4 depuis mars 1999 pour les raisons suivantes :

  • la Marque n’est pas visible au moment du transfert et aucun avis d’association n’est donné;
  • la marque employée, qui présente l’apparence complète du comprimé y compris les signes, n’est pas la Marque;
  • les Marchandises sont séparées en deux plus petits comprimés de forme triangulaire (consulter le paragraphe 40) de sorte que la Marque n’a pas été employée;
  • la Marque n’a pas été employée depuis la date de revendication (mars 1999);
  • il y a eu octroi impropre de licence de sorte que la Requérante n’a pas employé la Marque.

 

[36]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande d’enregistrement satisfait aux exigences de l’article 30 de la Loi. Il incombe à l’Opposante de présenter une preuve suffisante permettant raisonnablement de conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [John Labatt Ltd., supra]. Le fardeau de l’Opposante est toutefois plus léger en ce qui concerne l’alinéa 30(b) de la Loi, car les faits appuyant l’emploi de la Marque sont particulièrement connus de la Requérante [Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC) à la page 89]. Bien que l’Opposante puisse se fier à la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau en lien avec ce motif, si elle procède ainsi, elle doit démontrer que la preuve de la Requérante est « manifestement » contraire aux revendications de la Requérante précisées dans la demande [York Barbell Holdings Ltd c. ICON Health & Fitness Inc. (2001), 13 CPR (4th) 156 à 162 (COMC)].

 

Visibilité et avis d’association au moment du transfert

[37]           La preuve de Marc Charbonneau, chargé de projet principal pour le VIAGRA, est que depuis 1999, plus de 2 millions d’échantillons ont été distribués aux patients (paragraphe 21). Les échantillons sont distribués dans une boîte qui fournit de l’information aux patients sur l’utilisation du VIAGRA (pièce C-2). Dans son contre-interrogatoire, M. Charbonneau explique que les échantillons sont donnés aux médecins qui les distribuent ensuite aux patients (Qs 191-192). La Dre Perlin, médecin de famille, explique que si elle possède effectivement des échantillons de VIAGRA, les patients retireront le médicament de la boîte lorsque les échantillons leur seront remis.

Q110

Et vous avez mentionné, et je ne pense pas que c’était clair, lorsqu’ils ont retiré l’insertion de l’emballage du produit, vous avez dit que vos patients le jettent. À quoi faisiez-vous référence?

 

 

Eh bien, parfois dans mon cabinet, si j’ai des échantillons, je vais leur donner un lot d’échantillon. Et la plupart du temps, ils vont jeter la boîte, ils ne veulent pas traîner une boîte, ils trouvent cela encombrant, particulièrement les hommes, ils n’ont pas de sac à main ni rien; ils vont donc seulement prendre le médicament et le mettre dans leur poche ou leur veston, ou quelque chose comme ça…

 

Q111

J’essaie juste de comprendre le mot « jettent ». Lorsque vous utilisez le mot « jettent », ce n’est pas clair…

 

 

Ils les prennent et les jettent dans les vidanges… parce qu’ils ne veulent pas transporter tous ces trucs.

 

Q112

… Alors êtes-vous en train de me dire que c’est ce que vous avez vu vos patients faire?

 

Oui.

 

[38]           En autant que les échantillons sont remis en prévision de commandes et de ventes, la fourniture d’échantillons s’inscrit dans la pratique normale du commerce [CBM Kabushiki Kaisha c. Lin Trading Co Ltd (1985), 5 CPR (3d) 27 (COMC) aux pages 31-33]. Comme l’a indiqué la Dre Perlin, lorsque des échantillons sont remis, les patients « jetteront la boîte, ils ne veulent pas traîner une boîte, ils trouvent cela encombrant, particulièrement les hommes », mettront le médicament dans leur poche ou leur veston et jetteront la boîte; je conclus qu’au moins certains patients qui reçoivent des échantillons auraient vu la Marque lors du transfert. Comme j’ai découvert que certains patients recevant des échantillons ont vu la Marque, je n’ai pas à conclure si les patients qui reçoivent une ordonnance de VIAGRA pour la première fois se font montrer les comprimés par leur pharmacien. À ce titre, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) s’appuyant sur le fait que la Marque n’est pas visible au moment du transfert ou sur le fait qu’aucun avis d’association n’a été émis ne peut être accepté.

 

Emploi de la Marque visée par la demande

[39]           L’Opposante soutient que la Marque n’a pas été employée, car les comprimés vendus par la Requérante ont toujours affiché les dessins « Pfizer » sur l’un des côtés et « VGR 25 », « VGR 50 » ou « VGR 100 » sur l’autre côté. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) qui s’appuie sur le fait que les comprimés ont des dessins ne peut être accueilli, puisqu’un membre du public pourrait, lors de la première impression, percevoir l’emploi du comprimé comme étant également un emploi de la Marque-même puisque les dessins sont mineurs [Novopharm c. Burroughs Wellcome Inc. (1993), 52 CPR (3d) 263 à 269 (COMC)]. 

 

Séparation des comprimés

[40]           Bien qu’il y ait des preuves que certains patients séparent leurs comprimés (consulter, par exemple, l’affidavit de Cathy Conroy, pharmacienne, au paragraphe 9), aucune preuve n’indique que cette pratique est généralisée ou qu’elle se produit lors du transfert. À ce titre, un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) s’appuyant sur la séparation des comprimés ne peut être retenu.

 

Emploi depuis la date revendiquée

[41]           Aucune preuve n’appuie le motif d’opposition fondé sur l’allégation selon laquelle la Marque n’a pas été employée depuis mars 1999. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial et un motif d’opposition fondé sur le non-emploi de la Marque depuis mars 1999 ne peut être retenu.

Obtention de licence

[42]           L’Opposante soutient que les Marchandises sont fabriquées par Pfizer Canada Inc. sans permis adéquat de la part de la Requérante, de sorte que la Marque n’a pas été employée par la Requérante depuis mars 1999.

 

[43]           Tiffany Trunko, conseillère générale adjointe – Marques de commerce de Pfizer Inc. et responsable du service Marques de commerce mondiales de Pfizer fournit les preuves suivantes dans son affidavit et son contre-interrogatoire :

  • Pfizer Products Inc. et Pfizer Canada Inc. sont des filiales à part entière de Pfizer Inc. et font partie du Groupe d’entreprises Pfizer (paragr. 2).
  • Le VIAGRA est vendu au Canada sous licence par Pfizer Canada Inc. (paragr. 2).
  • La licence couvre toutes les marques de commerce applicables aux comprimés de VIAGRA y compris la marque de commerce VIAGRA, la marque de commerce PFIZER et le « comprimé bleu en forme de diamant comprimé tridimensionnel » (Qs 107-110). Pfizer Canada Inc. détient la licence pour ces marques de commerce et cette licence comporte un contrôle de la qualité rigoureux pour l’emploi de la marque sur les produits ou en lien avec les produits, et la qualité des produits-mêmes (Qs 112-115).
  • Lors du contre-interrogatoire, Mme Trunko fournit les réponses suivantes aux questions sur la licence de la marque de commerce spécifique en place :

Q119

Concernant la demande pour la marque de commerce en question, y a-t-il un contrat de licence en vigueur?

 

 

Oui. Concernant la marque de commerce du diamant bleu de Viagra, oui.

 

Q120

Mais il n’est pas joint à votre affidavit ici?

 

 

En effet, il n’est pas joint.

 

Q122

[Les modalités] de ce contrat de licence pour la marque de commerce spécifique?

 

 

Certainement. Elles concernent l’obtention de la licence pour la marque de commerce par Pfizer Canada Inc. et les paramètres selon lesquels ils emploient la marque en lien avec le produit qu’ils vendent.

 

Q123

Et quels sont ces paramètres?

 

 

Comme pour toute licence de marque de commerce, période d’emploi, contrôle de la qualité, droits lors de la cessation, manquements. Il y en a d’autres.

 

Q124

OK. Quelle est la période dont bénéficient les requérantes dans ce contrat de licence?

 

 

La, pour cette marque de commerce particulière de comprimé bleu en diamant pour le Viagra, la période, le minimum est – au moins la période au cours de laquelle le produit a été vendu au Canada.

 

Q125

Quand le contrat est-il entré en vigueur et quand vient-il à échéance?

 

 

Il y a un contrat à partir de 1986 qui couvre ce produit et – un contrat supplémentaire a remplacé ce contrat et est entré en vigueur en 2006.

 

Q127

Lorsque vous dites le contrat de 1986 – qui est entré en vigueur en 1986, est-ce que cela concerne la couleur, la forme et la taille du comprimé de Viagra?

 

 

Le contrat de licence de la marque de commerce de 1986 a été signé bien avant l’existence de cette marque de commerce. Il s’agit d’un contrat entre Pfizer Inc. et Pfizer Canada. Et au fil du temps – il comporte une vaste gamme de marques de commerce, et au fil du temps, il en est venu à comprendre des marques qui sont apparues après la date de signature, la date effective de la licence. Le contrat en est venu à comprendre des marques mises au point plus tard par Pfizer, y compris celles concernant le Viagra.

 

Q128

Lorsque vous avez dit que le contrat était entre Inc. et Canada, Pfizer Inc.

 

 

Il y a un contrat de 1986 entre Pfizer Inc. et Pfizer Canada Inc.

 

Q131

Merci.

 

 

Il y a un contrat séparé, que j’ai mentionné directement entre Pfizer Products Inc. et Pfizer Canada Inc., daté de 2006. Et il y a d’autres contrats en lien avec le document de 1986.

 

  • Lors du réexamen (Qs 497-505) et du contre-interrogatoire sur les questions du réexamen (Qs 506-510), Mme Trunko a fourni d’autres renseignements concernant les contrats de licence.

Q502

Vous avez mentionné un contrat en 1986 avec Pfizer Canada et Pfizer Inc.; pouvez-vous nous expliquer, le cas échéant, le rôle de Pfizer Products dans ce contrat?

 

 

Le contrat de licence de la marque de commerce de 1986 entre Pfizer Inc et Pfizer Canada Inc. a évolué de telle sorte que Pfizer Products Inc., qui n’existait pas en 1986, a pris la place de Pfizer Inc. comme détenteur de la licence. Et par la suite, un grand nombre de ces mêmes marques sous licence ont fait l’objet d’un contrat en 2006, directement de Pfizer Products Inc. à Pfizer Canada Inc.

 

Q510

Oui. Nous vous avons demandé de produire les contrats de licence pertinents à ce moment?

 

 

(conseillère) … Nous tiendrons compte de cela.

 

[44]           L’Opposante s’est objectée à la Question 502 lors du contre-interrogatoire, précisant qu’elle était inadéquate puisque « un réexamen vise à clarifier une réponse ambigüe qui n’est pas claire et non à soulever d’autres points et demander aux témoins de discuter de sujets ». La loi sur les réexamens est expliquée par Watt JA dans R c. Candir (2009), 257 CAO 119 (CAO) au paragr. 148 :

Il est fondamental que la portée admissible du réexamen soit liée à son but et à la matière sur laquelle le témoin a été contre-interrogé. Le but du réexamen est principalement de reprendre et de réexpliquer les faits. On offre au témoin l’occasion, par des questions posées par l’examinateur qui a convoqué le témoin en premier lieu, d’expliquer, de clarifier ou de qualifier les réponses données lors du contre-interrogatoire qui sont considérées comme dommageables pour l’affaire de l’examinateur. Ce dernier n’a pas le droit d’introduire de nouveaux sujets de réexamen, des sujets qui auraient dû être couverts, si possible, lors de l’examen principal du témoin.

 

Je conclus que le réexamen a été adéquat car il a permis au témoin d’expliquer une réponse concernant le contrat de 1986. Aucun autre sujet n’a été soulevé.

 

[45]           L’Opposante demande également que je tire une conclusion défavorable car ni le contrat de licence de 1986, ni celui de 2006 n’ont été produits. Je note que l’accord de 1986 a été joint à l’affidavit de Sharon Elliot produit dans cette demande et le conseiller de la Requérante a porté cela à l’attention du conseiller de l’Opposante (voir Q1 du contre-interrogatoire de Marc Charbonneau). Concernant l’accord de 2006, sa considération n’est pas pertinente aux fins de l’alinéa 30(b) car il est survenu après la date pertinente du 19 janvier 2005, la date de production de la demande.

 

[46]           Bien que la preuve de la Requérante relativement à l’attribution de la licence pour la Marque aurait pu être plus claire, la preuve de Mme Trunko selon laquelle le contrat de 1986 a évolué pour couvrir plusieurs marques, que la Requérante a remplacé la détentrice de la licence et que la licence de la Requérante a régi toutes les marques de commerce employées dans la vente du VIAGRA depuis qu’il est vendu au Canada n’est pas clairement incohérente avec la revendication d’emploi de la Requérante depuis mars 1999. À ce titre, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial et le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) s’appuyant sur le défaut de la Requérante d’obtenir une licence adéquate pour la Marque est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(h)

 

[47]           L’alinéa 30(h) de la Loi énonce qu’une demande doit comporter, « ...sauf si la demande ne vise que l’enregistrement d’un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque. » Dans Apotex Inc c. Monsanto Canada Inc. (2000), 6 CPR (4th) 26 (CFPI), le juge Rouleau discute des exigences de l’alinéa 30(h) aux pages 31-32 :

D’abord, l’alinéa 30(h) de la Loi sur les marques de commerce énonce qu’une demande de marque de commerce doit contenir un dessin de la marque de commerce et le nombre de représentations exactes de la marque qui est prescrit. Il incombe à la partie qui demande l’enregistrement d’une marque de prouver qu’elle respecte cette exigence. Le dessin présenté doit être une représentation significative de la marque de la partie requérante dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande et doit permettre de déterminer les limites tridimensionnelles du comprimé sur lequel la couleur est appliquée. Ces exigences législatives sont fondées sur le principe selon lequel l’enregistrement d’une marque de commerce constitue un monopole et que la portée de cet enregistrement doit donc être précise.

 

[48]           L’Opposante soutient que la Requérante ne respecte pas l’alinéa 30(h) de la Loi pour les raisons suivantes :

          le dessin n’est pas précis, car la marque de commerce telle qu’employée comporte des dessins (paragr. (3)(d)(i) et (3)(d)(x) de la Déclaration d’opposition);

          aucune nuance spécifique de bleu n’est spécifiée et la Marque couvre une vaste gamme de couleurs (paragr. (3)(d)(vii) et (3)(d)(xi) de la Déclaration d’opposition);

          les comprimés de 50 et 100 mg peuvent être séparés par les consommateurs, faisant en sorte que le comprimé prenne la forme d’un triangle (paragr. (3)(d)(xii) de la Déclaration d’opposition);

          le dessin et la description ne réussissent pas à définir si la marque est bidimensionnelle ou tridimensionnelle, peuvent afficher un signe distinctif, consister en une couleur et forme ou en une couleur, forme et taille, couvrir toutes les tailles et toutes les formes, permettre aux marchandises connexes d’être dans une variété de tailles et de formes. De plus, il n’est pas précisé si les lignes pleines du dessin apparaissent sur le comprimé et, s’il est tridimensionnel, aucun avis de l’objet tridimensionnel n’est offert (paragr. (3)(d)(ii), (3)(d)(iii), (3)(d)(iv), (3)(d)(vi), (3)(d)(ix), (3)(d)(x) et (3)(d)(viii) de la Déclaration d’opposition).

L’allégation de l’Opposante selon laquelle le dessin affiche un signe distinctif (paragr. (3)(d)(v)) sera abordée dans la section traitant du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)(b).

 

Enjeu concernant les dessins 

[49]           L’Opposante soutient que la Marque ne contient aucun dessin précis, car la Marque telle qu’employée contient les dessins sur le comprimé. Les dessins sont mineurs, avec « Pfizer » et « VGR 25 », « VGR 50 » ou « VGR 100 » (selon la dose) légèrement incrustés sur le dessus et le dessous des comprimés de VIAGRA. Ces dessins ne seraient pas considérés par les consommateurs comme faisant partie de la Marque [Novopharm c. Burroughs Welcome, supra]. De plus, il a déjà été déterminé qu’il est impossible de produire une demande pour la présentation d’un comprimé sans incorporer les signes sur la capsule [Novopharm Ltd c. Eli Lilly and Company (2004), 45 CPR (4th) 254 (COMC), à la page 282]. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(h) s’appuyant sur les dessins présents sur le comprimé de VIAGRA est rejeté.

 

Enjeu concernant la couleur

[50]           L’Opposante soutient qu’aucune nuance de bleu n’est spécifiée et que la Marque couvre une vaste gamme de couleurs que les consommateurs ne peuvent différencier. Bien que la Requérante aurait pu être plus spécifique dans la description de la couleur bleue (en joignant soit un champ de teintes, soit une référence à une teinte spécifique à partir d’un système d’identification de la couleur), rien n’exige de décrire plus précisément la couleur « bleue » [Novopharm Ltd c. Pfizer Products Inc, 2009 CarswellNat 4119 (COMC) au paragr. 23]. De plus, l’article 28 du Règlement stipule que la couleur d’une marque de commerce doit être décrite et fournit une liste de couleurs, y compris le bleu, qui peut être indiqué. Ce fait appuie les allégations de la Requérante selon lesquelles il n’est pas requis de spécifier davantage la couleur bleue. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(h) s’appuyant sur la non-spécification d’une teinte particulière de bleu est rejeté.

 

Séparation du comprimé

[51]           L’Opposante soutient que, dans la pratique normale du commerce, les consommateurs séparent les comprimés de 100 mg de VIAGRA de sorte que le dessin n’est pas représentatif de la forme du comprimé. Bien que la preuve indique que certains consommateurs peuvent séparer leurs comprimés après l’achat, cela ne peut entraîner le non-respect de l’alinéa 30(h), puisque le dessin affiche la Marque telle qu’employée.

 

Dessin imprécis

[52]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas représentée avec précision et ne respecte pas les exigences de l’alinéa 30(h) de la Loi au motif que le dessin et la description ne définissent pas la Marque comme étant bidimensionnelle ou tridimensionnelle et, si elle est tridimensionnelle, ils n’affichent pas l’objet en lignes pointillées, ne montrent pas si la Marque consiste en une couleur et une forme ou en une couleur, une forme et une taille, et ne limitent pas le monopole visé par la demande, car la Marque semble couvrir toutes les tailles et une gamme de formes. L’Opposante soutient également qu’il n’est pas précisé si les lignes pleines du dessin apparaissent sur le comprimé.

[53]           Le dessin et la description (tels que modifiés) sont reproduits ci-dessous :

 

 

[54]           L’Opposante soutient d’abord que le dessin et la description peuvent indiquer une marque de commerce bidimensionnelle ou tridimensionnelle et couvrir toutes les formes. Je ne constate aucune telle ambiguïté, car le dessin et la description indiquent clairement que la couleur revendiquée sera appliquée aux six côtés d’un comprimé tridimensionnel en forme de diamant comportant une largeur, une hauteur et une profondeur contrairement à une figure bidimensionnelle ne comportant pas de profondeur. De plus, la Requérante s’est conformée à l’Énoncé de pratique de l’Office de la propriété intellectuelle sur les marques à trois dimensions (2000-12-06) qui stipule que pour une marque tridimensionnelle, la demande doit inclure une description de la marque indiquant clairement que la marque de commerce demandée est une marque à trois dimensions. Dans ce cas, la description « toute la surface visible du comprimé indiqué sur les dessins en pièces jointes » l’indique. 

 

[55]           Concernant la taille des comprimés, bien que la preuve démontre que la taille des comprimés de VIAGRA augmente légèrement selon la dose, rien n’exige que la Requérante limite la Marque revendiquée à une taille spécifique [Simpson Strong-Tie Company, Inc c. Peak Innovations Inc (2009), 79 CPR (4th) 79 (CFPI) au paragr. 65].

 

[56]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la demande respecte l’alinéa 30(h), car elle comporte une représentation significative de la Marque. Le dessin et la description « la couleur bleue appliquée à toute la surface visible du comprimé indiqué sur le dessin ci-joint » indiquent que la Marque est la couleur bleue telle qu’appliquée à la surface visible du comprimé plutôt que le comprimé lui-même. Les limites de la Marque sont clairement définies par le dessin et la description. Finalement, je note qu’il n’est pas fatal à la demande que le dessin comporte tant des lignes pointillées que pleines [Novopharm Ltd c. Pfizer Products Inc.; supra au paragr. 27] ou que la description ne comprenne aucun avis, car les avis créent souvent de l’ambiguïté [Novopharm Ltd. c. Astra AB (2000), 6 CPR (4th) 16 au paragr. 8; Novopharm Ltd. c. Pfizer Products Inc.; 2009 CarswellNat 4120 (COMC) au paragr. 30 (Novopharm Ltd. c. Pfizer Products (no  2))].Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(h) s’appuyant sur l’allégation selon laquelle le dessin est imprécis est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i)

 

[57]           L’Opposante soutient que la demande ne respecte pas l’alinéa 30(i), car la Requérante ne pouvait être persuadée d’avoir le droit d’enregistrer la Marque puisque : (i) la Requérante connaît l’existence d’autres pilules d’apparences semblables; (ii) les consommateurs ne considèrent pas la couleur ou la forme d’un produit pharmaceutique comme une marque de commerce; (iii) l’enregistrement de la Marque limiterait déraisonnablement le développement de l’industrie pharmaceutique au Canada en excluant une version générique du VIAGRA avec la même couleur/forme/taille et (iv) la Requérante a obtenu un enregistrement industriel indiquant que l’apparence du comprimé est uniquement décorative.

 

[58]           Lorsqu’une requérante a fourni l’énoncé requis par l’alinéa 30(i), un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) ne devrait être accepté que dans des cas exceptionnels tels que lorsqu’il y a preuve de mauvaise foi de la part de la requérante [Sapodilla Co Ltd. c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la page 155] ou dans le cas du non-respect prima facie d’une loi fédérale telle que la Loi sur le droit d’auteur RSC 1985, c C-42, la Loi sur les aliments et drogues, RSC 1985, c F-27 ou la Loi sur la Société canadienne des postes, RSC 1985, c C-10 [Interactiv Design Pty Ltd c. Grafton-Fraser Inc (1998), 87 CPR (3d) 537 (COMC) aux pages 542-543]. 

 

[59]           Comme preuve en appui à ce motif d’opposition, l’Opposante a présenté l’historique du dossier de cette demande à la pièce A de l’affidavit de Mme Kall. Dans l’historique du dossier, il y a une copie de l’affidavit de Jennifer McKay (associée de l’agent de la Requérante à cette époque) daté du 31 mars 2005 dans lequel Mme McKay déclare ce qui suit :

paragr. 6

De plus, la Requérante détient actuellement trois brevets canadiens en lien avec le sujet de la demande, nommément les brevets numéros 2,163,446; 2,044,748 et 2,262,268. Lorsque des brevets canadiens expirent ou lorsque des fabricants de produits génériques entrent sur le marché, la pratique normale veut que les compagnies pharmaceutiques de génériques copient la présentation du détenteur de la marque. Il importe que les droits de la Requérante sur l’objet de la demande soient rigoureusement établis avant l’expiration des brevets susmentionnés ou avant l’entrée sur le marché des fabricants de génériques.

paragr. 7

À ce sujet, les fabricants de génériques ont déjà tenté de percer le marché, malgré les brevets, en produisant une demande d’approbation réglementaire et en alléguant que les brevets sont invalides ou ne seraient pas violés. Par conséquent, la protection efficace d’un brevet peut être moindre que la date d’expiration réelle [sic] du brevet. À ce titre, les droits de la Requérante seront compromis, à moins que cette demande ne soit accélérée.

 

[60]           L’Opposante soutient que cette preuve ne suffit pas pour que l’Opposante s’acquitte de son fardeau puisqu’elle indique que la demande en l’espèce vise à compléter la protection du brevet. L’affidavit de Jennifer McKay, cependant, ne peut permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau initial puisque la jurisprudence établit qu’une marque qui consiste en une couleur appliquée à la surface d’un comprimé peut constituer une marque de commerce [voir, par exemple, Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (registraire des marques de commerce), [1987] 2 CF 633 (CFPI)]. Il en est de même lorsque le comprimé fait également l’objet d’une protection par brevet lorsque le brevet ne dicte pas la forme du comprimé [Novopharm Ltd. c. Pfizer Products Inc., supra au paragr. 51]. Une telle preuve n’est pas présente ici. Comme la demande comporte la déclaration requise et qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi ni d’autres circonstances exceptionnelles qui sous-tendent les allégations de l’Opposante, le motif fondé sur l’alinéa 30(i) est rejeté.

 

Article 30 et article 2 de la Loi

[61]           Dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’article 30, l’Opposante a soutenu que la Marque n’est pas une marque de commerce au sens de l’article 2 de la Loi, puisque la Marque ne peut être utilisée pour distinguer les Marchandises de la Requérante de celles des autres. La définition d’une marque de commerce au sens de l’article 2 de la Loi est la suivante :

marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres.

 

[62]           M. Charbonneau explique que la forme de diamant bleu a été choisie pour son apparence unique parmi les produits pharmaceutiques (paragr. 9) et que la Requérante s’est engagée dans d’intenses activités de commercialisation pour le VIAGRA pour instruire le public et établir une identité de marque relativement à la Marque (paragr. 16). La preuve de publicité, qui apparaît dans l’affidavit de Marc Charbonneau et qui est décrite ci-dessous, est destinée aux médecins, pharmaciens et patients, et elle comprend avec constance des descriptions de la Marque : 

  • Du matériel et des échantillons sont fournis aux professionnels de la santé pour qu’ils les distribuent aux patients. Par exemple, dès 2001, des milliers de copies du Feuillet d’optimisation du traitement ont été fournies aux médecins (pièce C-13), à partir de ce feuillet, une page contenant de l’information sur le VIAGRA peut être découpée et remise au patient. Cette page comprend le site Web www.viagra.ca et le numéro sans frais que les patients peuvent composer pour obtenir plus d’information (paragr. 35). Plus de 2 000 appels ont été reçus à la ligne d’aide depuis 2003 et plus de 150 000 pages du site Web ont été consultées entre 2004 et 2006 (paragr. 36). Depuis 1999, plus de 2 millions d’échantillons de VIAGRA ont été distribués aux patients (paragr. 21).
  • En 2006, approximativement 110 représentants des ventes à travers le Canada faisaient la promotion du VIAGRA (paragr. 3; Qs 71, 74-76). Ces représentants des ventes visitent des professionnels des soins de santé et leur offrent des « argumentaires » qui sont des outils fournissant des renseignements sur la dysfonction érectile et sur la façon d’optimiser le traitement avec du VIAGRA (Q153-154). La pièce D fournit des exemples de tel matériel distribué aux professionnels de la santé (pièces D1-D73).
  • Depuis 2001, des publicités télévisées du VIAGRA ont été mises en onde au Canada (pièces E-4 – E-11, Q328). M. Charbonneau indique que la série de publicités Bleep de 2005 (pièces E-7 – E-8) a reçu plus de 3 000 points d’exposition bruts, ce qui correspond à 30 % d’un auditoire cible ayant été exposé à la publicité (paragr. 118, 122). Bien qu’une telle preuve relève du ouï-dire, je suis disposée à y accorder un certain poids, car il semble qu’une telle information serait fournie à la Requérante dans la pratique normale (Qs 330-336) [Miller Brewing Co c. Labatt Brewing Co (1991), 36 CPR (3d) 400 à 406 (COMC)].
  • Depuis 2001, une publicité imprimée est apparue dans les revues Time, Sports Illustrated, Macleans et dans le Toronto Star (paragr. 132 et 134). Je prends connaissance d’office que le Toronto Star est largement distribué dans la région de Toronto et les autres publications sont distribuées au Canada [Milliken & Co. c. Keystone Industries (1970) Ltd. (1986), 12 CPR (3d) 166 (COMC) aux pages 168-169].

 

[63]           Aucune preuve au dossier n’indique que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque comme marque de commerce. La preuve de l’Opposante concerne la capacité de la Marque à distinguer les Marchandises plutôt que l’intention de la Requérante relativement à la Marque. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial et le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)(b)

 

La Marque n’est pas enregistrable, car elle constitue un caractère distinctif

 

[64]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable, car elle constitue un caractère distinctif dirigé vers la forme des Marchandises, ces dernières étant d’une couleur particulière. Bien que des arguments appuient une telle interprétation de la Loi, la Cour fédérale et le registraire ont soutenu qu’une couleur particulière appliquée à une forme particulière de comprimé constitue l’objet adéquat d’une marque de commerce et non un caractère distinctif [voir, par exemple, Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (registraire des marques de commerce) (1987), 14 CPR (3d) 432 (CFPI); Novopharm Ltd c. Purdue, supra à la page 475; Novopharm Ltd. c. Pfizer Products Inc., supra à la page 29]. Dans le cadre de ses présentations en vertu de ce motif d’opposition, l’Opposante soutient que la Marque aurait dû être évaluée en examen et opposition en tant que caractère distinctif (déclaration écrite de l’Opposante, paragr. 419), car (comme inscrit au dossier) le dessin était fait à partir de lignes pleines et la description n’a pas rendu une ordonnance concernant le comprimé. Comme discuté précédemment, comme la Requérante a modifié le dessin et la description par la suite, la demande n’a pas à être évaluée en tant que caractère distinctif puisque la demande doit être évaluée telle que modifiée [Ipex Inc. c. Royal Group Inc. au paragr. 34]. Par conséquent, la demande n’est pas contraire à l’alinéa 38(2)(b) au motif que la Marque est un caractère distinctif.

 

La demande va à l’encontre de l’alinéa 12(1)(b)

[65]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)(b) de la Loi. L’alinéa 12(1)(b) interdit l’enregistrement d’une marque de commerce qui est clairement descriptive ou qui est faussement descriptive et trompeuse, en anglais ou en français, du caractère ou de la qualité des marchandises ou des services avec lesquels elle est employée ou proposée pour emploi. Comme rien n’indique que la Marque est clairement descriptive ou faussement descriptive et trompeuse dans la langue anglaise ou française d’une caractéristique ou d’une qualité des Marchandises, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve et ce motif d’opposition est rejeté.

 

La demande est contraire à l’alinéa Section 12(1)(e)

 

[66]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)(e) de la Loi, car elle est interdite par l’article 10 de la Loi puisque la Marque est reconnue par les patients comme désignant un type de médicament et par les pharmaciens et autres professionnels de la santé comme désignant la sorte et la quantité des Marchandises. L’article 10 interdit l’adoption de marques qui, dans la pratique courante du commerce, sont devenues connues au Canada pour désigner le type, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine et la date de production des marchandises.

 

[67]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante doit démontrer que la Marque (ou toute autre marque « ressemblant tellement à la marque qu’on pourrait les confondre ») a été employée dans une large mesure au Canada avant la date pertinente pour désigner un type de médicament, et que la Marque avait une définition ou une signification acceptée dans l’industrie [Producteurs Laitiers du Canada c. Republic of Cyprus (Ministry of Commerce, Industry & Tourism) (2010), 84 CPR (4th) 421 (CF) au paragr. 54; confirmé par (2011), 93 CPR (4th) 255 (CAF)].

 

[68]           L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve, car rien n’indique que la Marque avait une signification acceptée dans l’industrie pharmaceutique comme désignant les Marchandises plutôt que suggérant la marque VIAGRA expressément. À ce titre, ce motif d’opposition est rejeté.

 

La demande doit être refusée, car elle n’a pas fait l’objet d’un nouvel avis de publication

[69]           L’Opposante soutient que le défaut d’avoir présenté un nouvel avis de publication pour corriger une erreur dans la demande initiale signifie que la demande doit être refusée. La demande telle qu’annoncée comprenait la déclaration « la couleur est revendiquée comme caractéristique de la Marque » qui avait été supprimée lors de la poursuite. Le registraire a par la suite publié un erratum le 17 mai 2006.

 

[70]           L’article 16 du Règlement stipule que chaque publication doit préciser la marque de commerce revendiquée. Bien que le texte de l’article 16 soit obligatoire, cela ne signifie pas que toute erreur, omission ou tout oubli dans une publication la rend nulle [Enterprise Car & Truck Rentals Ltd. c. Enterprise Rent-A-Car Co (2000), 7 CPR (4th) 368 (COMC) at 373]. La Cour d’appel fédérale dans McDonald’s Corp c. registraire des marques de commerce (1989), 24 CPR (3d) 463 (CAF) à la page 466 explique les circonstances dans lesquelles une re-publication semble être requise :

L’interdiction de modifications après publication précisée à l’article 37 doit être interprétée à la lumière de la raison de la publication. Elle vise à aviser le public dont les intérêts pourraient être affectés par l’enregistrement. Il ne s’agit pas des personnes qui ont procédé à une opposition, comme les présents appelants, dont les droits pourraient être injustement enfreints par l’acceptation des modifications telles que requises par Hardee. Ces personnes sont impliquées et comme c’est le cas ici, elles auront la chance de s’opposer à la demande telle que modifiée. Il s’agit plutôt des personnes qui ont considéré la demande telle que publiée et qui ont décidé qu’ils n’avaient aucun motif de s’y opposer. Ils auraient pu décider autrement s’ils avaient été informés du vrai motif sur lequel la demande serait ultimement traitée. La législation ne prévoit qu’une publication par demande.

 

[71]           L’Opposante soutient que le fait que la déclaration supprimée « la couleur est revendiquée comme caractéristique de la Marque » apparaisse dans la publication signifie que la demande a dû faire l’objet d’une seconde publication. Comme la Cour fédérale dans Novopharm Ltd c. Bayer Inc. (1999), 3 CPR (4th) 305 (CFPI) au paragr. 21 a indiqué que la couleur constitue une caractéristique des marques de commerce qui concerne la couleur telle qu’appliquée aux comprimés d’une forme et d’une taille particulières, et que la couleur bleue peut être considérée comme l’une des caractéristiques de la Marque, une seconde publication n’était pas requise. L’erreur dans la publication ne peut être considérée comme ayant eu un impact sur l’évaluation de la demande par des opposants potentiels, car la couleur bleue est une caractéristique de la Marque. La publication d’un erratum suffisait dans ce cas. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)(b) s’appuyant sur le défaut de la demande de faire l’objet d’une seconde publication est rejeté. Comme j’ai conclu que la publication d’un erratum suffisait dans ce cas, je n’ai pas à déterminer si le défaut d’une demande de faire l’objet d’une seconde publication constitue un motif d’opposition valide. 

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)(d)

 

[72]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas distinctive pour les raisons suivantes :

          La Marque ne distingue pas les Marchandises de celles des autres prescrites et utilisées au Canada (Déclaration d’opposition, paragr. (5)(a)).

          La Marque ne distingue pas les Marchandises d’autres pilules de forme similaire telles que VIGREX, VEEGA et SILAGRA pour le traitement de la dysfonction sexuelle (Déclaration d’opposition, paragr. (5)(c)).

          En l’absence des dessins PFIZER et VGR 25, VGR 50 et VGR 100, la couleur et la forme ne distinguent pas les Marchandises (Déclaration d’opposition, paragr. (5)(d)).

          L’apparence des comprimés est employée pour indiquer le dosage et/ou l’effet thérapeutique et non la source (Déclaration d’opposition, paragr. (5)(e)). De plus, les consommateurs sont prédisposés à des produits pharmaceutiques provenant de différentes sources ayant une apparence similaire (Déclaration d’opposition, paragr. (5)(i)).  

          Comme la Requérante détient des brevets pour les Marchandises, la Requérante détient les droits exclusifs et comme nul autre n’a le droit de fabriquer et de vendre les Marchandises, la Marque ne peut distinguer les Marchandises de la Requérante des marchandises des autres (Déclaration d’opposition, paragr. (5)(f)).

          La Requérante ne peut se fier à son monopole de brevet pour les Marchandises afin d’établir le caractère distinctif de la Marque visée par la demande qui est simplement l’apparence alléguée des Marchandises; la Requérante ne peut pas non plus tenter de prolonger son monopole en inférant un caractère distinctif (Déclaration d’opposition, paragr. 5(g)(h)).

          La Requérante n’a pas correctement octroyé une licence pour la marque aux autres utilisateurs, y compris Pfizer Canada Inc., conformément à l’article 50 de la Loi (Déclaration d’opposition, paragr. (5)(h)).

Chacune des allégations de l’Opposante sera examinée ci-dessous, bien que pas nécessairement dans l’ordre où elles apparaissent.

 

[73]           La date pertinente pour évaluer le caractère non distinctif de la marque est la date de production de la déclaration d’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., supra]. Par conséquent, la date pertinente dans cette procédure est le 6 mars 2006, date où la déclaration d’opposition initiale a été produite [2076631 Ontario Ltd. c. 2169-5762 Quebec Inc.; 2011 CarswellNat 2643 (COMC) au paragr. 91].

 

Pilules de VIGEX, VEEGA et SILAGRA

 

[74]           Comme aucune preuve de la couleur, de la forme ou de la taille des pilules de VIGEX, VEEGA ou SILAGRA ou de leur disponibilité au Canada n’a été fournie, le motif d’opposition de l’Opposante fondé sur le caractère distinctif ne peut être accueilli en s’appuyant sur cette allégation.

 

Brevets liés au VIAGRA

[75]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas distinctive, car la Requérante détient les droits exclusifs relativement aux Marchandises, la Marque ne peut distinguer les Marchandises de la Requérante et, de plus, la Requérante ne peut se fier à son monopole de brevet pour établir le caractère distinctif. J’adopte les commentaires du président Carreau qui, dans Novopharm Ltd. c. Pfizer Products Inc., supra au paragr. 51, déclare : 

Un brevet associé à un médicament ne constitue pas une entrave à l’enregistrement d’une marque de commerce pour la couleur et la forme du comprimé lorsque le brevet n’impose pas la forme du comprimé [Apotex Inc. c. Searle Canada Inc. (1997), 85 CPR (3d) 104 (COMC)]. De plus, je ne connais aucune décision qui permette d’affirmer que le caractère distinctif ne peut être acquis pendant une période de monopole de brevet [Thomas & Betts Ltd. c. Panduit Corp (2000), 4 CPR (4th) 498 (CAF) à la page 505].

 

[76]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif ne peut être accueilli sur la base que la Requérante a obtenu une protection des brevets pour les Marchandises.

 

L’apparence indique les effets thérapeutiques et le dosage, et non la source

[77]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas distinctive, car « l’apparence des comprimés est utilisée pour indiquer le dosage et/ou les effets thérapeutiques et non la source ». En d’autres mots, les patients, les pharmaciens et les médecins identifient la Marque à l’aide d’un comprimé qui traite la dysfonction sexuelle. S’agissant des pharmaciens, la preuve de Mme Conroy est que la couleur d’un médicament peut contribuer à éviter les erreurs de distribution (paragr. 28). S’agissant des médecins, la preuve de la Dre Perlin est qu’elle ne se « fierait jamais à la couleur, à la forme ou à la taille d’une drogue pour déterminer le type de médicaments qu’elle contient » (paragr. 13). Aucune des preuves de ces déposants n’appuie l’allégation selon laquelle les médecins ou les pharmaciens utilisent l’aspect pour indiquer le dosage et/ou l’effet thérapeutique. S’agissant des patients, ils semblent associer la Marque avec le VIAGRA-même en plus du dosage ou de l’effet thérapeutique. La Dre Perlin fournit la preuve suivante dans son contre-interrogatoire :

Q62

Et est-il juste d’affirmer que lorsqu’un patient procède à ce… nous pouvons peut-être appeler cela un rituel de peser sur le comprimé et voir l’autre côté de l’emballage-coque qui affiche le symbole Pfizer et le symbole Viagra, il pourrait faire une association entre ce comprimé bleu en forme de diamant et les mots?

 

 

Je crois qu’ils associent la pilule avec « Super, c’est du Viagra et je vais prendre ce comprimé et grâce à lui, j’aurai une érection et j’aurai du bon sexe. »

Mais ça ne va pas être… pour dire aussi qu’ils vont l’associer à Pfizer est réellement… Je n’ai jamais entendu, avec cette drogue ou toute autre drogue, jamais entendu quiconque me dire « C’est une drogue super, fabriquée par tel ou tel ou tel ». Ils diront « Viagra a fonctionné pour moi »…

 

Bien que Mme Conroy ait fourni la preuve que les patients associent généralement l’aspect des pilules avec le type de médicaments et n’associent pas l’aspect avec une marque ou un fabricant en particulier (paragr. 34), sa preuve concerne les médicaments en général et non les comprimés de VIAGRA en particulier. S’agissant de la preuve de la Dre Perlin selon laquelle « les patients sont plus à l’aise avec un produit interchangeable dont l’aspect est similaire au premier produit disponible », encore une fois, cette preuve concerne les produits pharmaceutiques en général. De plus, la question à savoir si un produit générique devrait avoir le même aspect que celui d’un produit de marque pour éviter tout malentendu de la part du patient n’est pas une question sur laquelle le registraire a le pouvoir de se pencher [Novopharm Ltd. c. Eli Lilly & Co. (2004), 45 CPR (4th) 177 (COMC) au paragr. 34]. 

 

[78]           Compte tenu de la preuve de Mme Conroy et de la Dre Perlin ci-dessus, je ne peux conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve concernant ce motif d’opposition.

 

La couleur, forme et taille de la Marque ne la distinguent pas des autres pilules

[79]           L’Opposante soutient que la Marque ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les Marchandises de celles des autres et en l’absence des dessins PFIZER et VGR 25, VGR 50 et VGR 100, la couleur et la forme ne distinguent pas et ne peuvent distinguer les Marchandises.

[80]           La preuve de l’Opposante précisée ci-dessous est suffisante pour qu’elle s’acquitte de son fardeau de preuve :

  • L’apparence de médicaments de forme similaire dans la section d’identification de produit du Compendium des produits et des spécialités pharmaceutiques (CPS) de 2005 et 2006 y compris : MONOPRIL (10 mg); CARDURA-4 et 3TC (affidavit de Deborah Kall, pièces H-K).
  • L’apparence de médicaments bleus dans la section d’identification de produit du CPS de 2005 et 2006 y compris : BENYLYN 1 COLD AND FLU; SYNTHROID (137μg); ASPIRINE (enrobé 81 mg); WELLBUTRIN SR (100 mg); PROSCAR (5 mg); REQUIP (5 mg); ZOVIRAX (200 mg); IMOVANE (7.5 mg); ANSAID (100 mg); SINEMET (100 mg/10mg); SIMPLY SLEEP (25 mg); PAXIL (30 mg); TYLENOL RHUME EXTRA FORT (Nuit); VIRACEPT (250 mg); VALTREX (500 mg) et TYLENOL Douleurs et courbatures; DETROL LA (4 mg); XENICAL (120 mg); CARDIZEM (240 mg) REYATAZ (200 mg) et DALACIN (300 mg) (affidavit de Deborah Kall, pièces H-K).
  • La preuve de Cathy Conroy, pharmacienne qui exerce sa profession depuis 26 ans et travaille actuellement à Mississauga, Ontario selon laquelle elle a distribué au moins ce qui suit des médicaments énumérés ci-dessus : ZOVIRAX (200 mg); ANSAID (100 mg); PAXIL (30 mg); VALTREX (500 mg) et vendu TYLENOL DOULEURS ET COURBATURES (affidavit de Cathy Conroy, pièce A, paragr. 16; contre-interrogatoire de Cathy Conroy, Q39).
  • L’affidavit de Paula Rembach, analyste de recherche de l’Opposante, qui fournit des données de l’IMS. Je note que l’IMS pour 2005 indique au-delà de 10 000 ordonnances pour au moins ce qui suit : 3TC; CARDURA-4 et DETROL LA (pièce C).
  • Bien que l’Opposante ait également soutenu que l’ordonnance et la distribution d’yohimbine, un médicament utilisé pour traiter la dysfonction érectile, appuie son allégation de caractère non distinctif, je n’arrive pas à cette conclusion. La preuve en est que depuis l’introduction du VIAGRA, l’yohimbine est distribuée très rarement (Cathy Conroy, Q101; Marie Berry Q254). De plus, la Dre Perlin confirme que bien qu’elle ait entendu parler de l’yohimbine, elle n’en sait pas plus sur le sujet et ne la prescrit pas (Qs 30-31).

 

S’agissant de la preuve du CPS, l’existence d’un nombre relativement élevé de pilules bleues et/ou de pilules à côtés multiples dans le CPS de 2005 et 2006 me permet de conclure qu’au moins certains de ces produits pharmaceutiques ont été mis en marché de façon active au Canada à la date pertinente.

 

[81]           Comme l’Opposante s’est acquittée de sa charge, la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa Marque est adaptée pour distinguer ou distingue ses Marchandises de celles des autres à travers le Canada. Par conséquent, la Requérante doit établir qu’à la date pertinente, selon la prépondérance des probabilités, la Marque distinguait les Marchandises de la Requérante des marchandises des autres. Dans Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1985), 7 CPR (3d) 254 (CFPI) à la page 270, le Tribunal a statué que pour qu’une marque distingue des marchandises, trois conditions doivent être respectées : (1) une marque et un produit (ou une marchandise) doivent être associés; (2) le « propriétaire » doit utiliser cette association entre la marque et son produit et doit fabriquer et vendre son produit; (3) cette association doit permettre au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui des autres. De plus, il incombe à la Requérante de démontrer que les médecins, pharmaciens et patients [Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., supra au paragr. 73] la reconnaissent comme une Marque et non seulement comme un élément décoratif ou fonctionnel du produit [Novopharm Ltd. c. Astra AB (2000), 6 CPR (4th) 101 à (COMC) à 112]. La Cour d’appel fédérale a également confirmé que pour être distinctive, les consommateurs doivent lier ou associer la marque de commerce à la source des Marchandises [Apotex Inc. c. Canada (registraire des marques de commerce) (2010), 91 CPR (4th) 320 (CAF) au paragr. 7].

 

Utilisation par la Requérante

[82]           L’emballage des comprimés de VIAGRA joint à l’affidavit de Marc Charbonneau indique que le VIAGRA est une marque de commerce de Pfizer Products Inc. dont la licence a été octroyée à Pfizer Canada Inc. (pièce A-1-A-4). Comme l’emballage ne fait pas référence à la Marque, on ne peut présumer que la Marque est utilisée sous licence conformément au paragraphe 50(2) de la Loi.

 

[83]           L’Opposante allègue que la preuve de la Requérante n’appuie pas la conclusion que l’emploi de la Marque par Pfizer Canada Inc. s’applique à la Requérante. Mme Trunko fournit la preuve suivante concernant la licence entre la Requérante et Pfizer Canada Inc. :

Q119

S’agissant de la demande pour la marque de commerce en question, un contrat de licence est-il en vigueur?

 

 

Oui. S’agissant de la marque de commerce du diamant bleu de Viagra, oui.

 

Q124

OK. Quelle est la période dont bénéficient les requérantes dans ce contrat de licence?

 

 

La, pour cette marque de commerce particulière de comprimé bleu en diamant pour le Viagra, la période, le minimum est – au moins la période au cours de laquelle le produit a été vendu au Canada.

 

Q125

Quand le contrat est-il entré en vigueur et quand vient-il à échéance?

 

 

Il y a un contrat à partir de 1986 qui couvre ce produit et – un contrat supplémentaire a remplacé ce contrat et est entré en vigueur en 2006.

 

Q127

Lorsque vous dites le contrat de 1986 – qui est entré en vigueur en 1986, est-ce que cela concerne la couleur, la forme et la taille du comprimé de Viagra?

 

 

Le contrat de licence de la marque de commerce de 1986 a été signé bien avant l’existence de cette marque de commerce. Il s’agit d’un contrat entre Pfizer Inc. et Pfizer Canada. Et au fil du temps – il comporte une vaste gamme de marques de commerce, et au fil du temps, il en est venu à comprendre des marques qui sont apparues après la date de signature, la date d’entrée en vigueur de la licence. Le contrat en est venu à comprendre des marques mises au point plus tard par Pfizer, y compris celles concernant le Viagra.

 

Q128

Lorsque vous avez dit que le contrat était entre Inc. et Canada, Pfizer Inc.

 

Il y a un contrat de 1986 entre Pfizer Inc. et Pfizer Canada Inc.

 

Q131

Merci.

 

 

Il y a un contrat séparé, que j’ai mentionné directement entre Pfizer Products Inc et Pfizer Canada Inc., daté de 2006. Et il y a d’autres contrats en lien avec le document de 1986.

 

Lors du réexamen (Qs 497-505) et du contre-interrogatoire sur les questions du réexamen (Qs 506-510), Mme Trunko a fourni d’autres renseignements concernant les contrats de licence.

Q502

Vous avez mentionné un contrat en 1986 avec Pfizer Canada et Pfizer Inc.; pouvez-vous nous expliquer, le cas échéant, le rôle de Pfizer Products dans ce contrat?

 

Le contrat de licence de la marque de commerce de 1986 entre Pfizer Inc. et Pfizer Canada Inc. a évolué de telle sorte que Pfizer Products Inc., qui n’existait pas en 1986, a pris la place de Pfizer Inc. comme détenteur de la licence. Et par la suite, un grand nombre de ces mêmes marques sous licence ont fait l’objet d’un contrat en 2006, directement de Pfizer Products Inc. à Pfizer Canada Inc.

Q510

Oui. Nous vous avons demandé de produire les contrats de licence pertinents à ce moment?

 

(Conseillère) … Nous tiendrons compte de cela.

 

[84]           Je considère, d’après le témoignage de Mme Trunko ci-dessus et aux Qs 112-115, que la licence octroyée à Pfizer Canada Inc. comprend un contrôle de la qualité de l’emploi de la marque sur les marchandises ou en liaison avec ces dernières et de la qualité des produits mêmes, contrôle qui suffit à appuyer la conclusion que l’emploi s’applique à la Requérante en vertu de l’article 50 de la Loi. Si l’Opposante voulait confirmer d’autres détails à propos de la licence, elle aurait pu poser d’autres questions lors du contre-interrogatoire. Enfin, bien que le contrat de licence de 2006 n’ait pas été produit, cela n’entraîne pas la conclusion défavorable qu’aucune licence n’était en place. La conclusion à tirer est plutôt qu’il n’y avait aucun contrat de licence écrit en place. Comme aucune exigence ne précise de mettre en place une licence par écrit, ce point n’est pas déterminant.

 

Les ventes de VIAGRA s’appliquent à la Requérante

[85]           Une quantité considérable de VIAGRA a été vendue depuis son lancement au Canada en mars 1999 (affidavit Charbonneau, paragr. 14). En date de 2006, le total des ventes au Canada avait dépassé 470 M$ alors que les ventes annuelles en 2005 et 2006 dépassaient les 60 M$ (affidavit Charbonneau, paragr. 15). Cette information vérifiée sur les ventes a été obtenue de l’IMS et est largement utilisée dans l’industrie pharmaceutique au Canada (affidavit Charbonneau, paragr. 15). Je note qu’autant en 2005 qu’en 2006, plus de 850 000 ordonnances ont été remplies pour du VIAGRA (affidavit Rembach, pièce C). Comme tant les déposants de la Requérante que de l’Opposante ont indiqué les données de l’IMS comme référence (nommément Marc Charbonneau et Paula Rembach) et expliqué comment elles étaient recueillies, je conviens de leur admissibilité en tant qu’exception à la règle générale contre les ouï-dire. Cependant, « des chiffres de ventes impressionnants à eux seuls ne permettent pas à une requérante de s’acquitter de sa charge de prouver le caractère distinctif d’une marque de commerce » [Novopharm Ltd. c. Astra AB (2000), 6 CPR (4th) 16 (CFPI) à 25 confirmée par (2001), 15 CPR (4th) 327 (CAF)].

 

La Marque doit être distinctive parmi les patients, les médecins et les pharmaciens

[86]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, la Requérante doit démontrer que sa Marque est distinctive parmi les patients, les médecins et les pharmaciens.

 

Patients

[87]           Le seul témoin qui peut indiquer qu’il a pris du VIAGRA est Marc Charbonneau et comme il est le gestionnaire de la marque pour cette drogue, il n’est pas représentatif des patients en général.

 

[88]           La seule autre preuve dont je dispose en ce qui concerne les patients en général provient des pharmaciens et des médecins qui commentent sur leur perception de ce que pensent les patients. J’accorde un poids limité à la preuve de la Dre Perlin, de Cathy Conroy et de Laura Furdas en ce qui concerne leur perception de l’association que les patients font avec les médicaments en général (par exemple, le fait de les associer avec une fonction) (voir, à titre d’exemple, l’affidavit Perlin, paragr. 21; l’affidavit Conroy, paragr. 34, Q 49; l’affidavit Furdas, paragr. 27), puisque cette preuve concerne les médicaments en général et aucune preuve n’indique que les médicaments reçoivent en général la publicité ou ont la popularité que le VIAGRA a.

 

[89]           La preuve de M. Charbonneau est que le VIAGRA a fait l’objet d’une vaste campagne de commercialisation qui a renseigné le public et établi l’identité de la marque s’agissant de la Marque (paragr. 16). La preuve de M. Charbonneau, en combinaison avec les ventes considérables de VIAGRA, indique que les patients ont été grandement exposés à la Marque ou aux représentations de la Marque :

  • La boîte dans laquelle est vendu le VIAGRA affiche clairement le nom de marque du médicament et de son fabricant (pièces A1, A4). Elle comporte également une représentation de la Marque sous forme de diamant bleu, affichée sur l’emballage.  
  • Depuis 1999, plus de 2 millions d’échantillons de VIAGRA ont été distribués aux patients (paragr. 21). Les boîtes dans lesquelles les échantillons sont fournis affichent une représentation de la Marque (pièce C-2).
  • Depuis 2001, des publicités télévisées de VIAGRA ont été diffusées au Canada (pièces E-5 – E-11, Q328). M. Charbonneau indique que la série de commerciaux Bleep de 2005 (pièces E-7 – E-8) a reçu plus de 3 000 points d’exposition bruts, ce qui correspond à 30 % d’un auditoire cible ayant été exposé à la publicité (paragr. 118, 122).
  • Depuis 2001, une publicité imprimée est apparue dans les revues Time, Sports Illustrated, Macleans et dans le Toronto Star (paragr. 132 et 134).

 

[90]           Ma conclusion selon laquelle un grand nombre de patients ont été exposés à de la publicité concorde avec la preuve du Dr Shiffman qui déclare dans son contre-interrogatoire qu’il croit qu’il y a eu une importante campagne publicitaire entourant le VIAGRA entre son lancement et 2006 et que les patients étaient plus que susceptibles d’avoir été exposés à cette publicité (Qs 93-95). De plus, il semble qu’il a été fait référence au VIAGRA ou que le VIAGRA a été compris comme une « petite pilule bleue » par au moins certains patients, suggérant ainsi que la Marque a une réputation au moins auprès de certains consommateurs (affidavit Berry, paragr. 18-19; affidavit Weiss, paragr. 15, 19; affidavit Furdas, paragr. 28, affidavit Shiffman, paragr. 21). Je considère la preuve de Mme Berry crédible sur ce point, car l’un des déposants de l’Opposante, Cathy Conroy, déclare également que les patients ne diront pas le nom VIAGRA, car ils sont légèrement embarrassés de prendre un médicament pour la dysfonction érectile (affidavit Conroy, paragr. 32). Je n’accueille pas favorablement la preuve de Mme Furdas ou du Dr Shiffman selon laquelle les patients qui mentionnent la « petite pilule bleue » faisaient référence à la fonction du VIAGRA, car rien n’indique que les patients ont été éduqués de façon à croire que la « petite pilule bleue » fait référence à un médicament qui traite la dysfonction érectile en général. Aucune indication ne vient non plus expliquer pourquoi cela se produirait relativement à la Marque. Bien qu’elle ne constitue pas un emploi de la marque, la preuve de publicité et de réputation discutée ci-dessus peut résulter en une augmentation de son caractère distinctif [Bojangles' International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF) au paragr. 29].

 

[91]           Lorsque questionné à propos de l’association qu’aurait un consommateur prenant du VIAGRA, la Dre Perlin explique qu’il y a un lien entre l’apparence du VIAGRA et la drogue même : « Je crois qu’ils associent la pilule avec « Super, c’est du Viagra et je vais prendre ce comprimé et grâce à lui, j’aurai une érection et j’aurai du bon sexe. » (Q 62). Je constate que la preuve de la Dre Perlin sur ce point démontre que les patients associent la Marque et les Marchandises, car la Dre Perlin déclare qu’ils les associent à la marque VIAGRA contrairement au fait de déclarer que les patients les associent également aux médicaments contre la dysfonction érectile en général. La preuve de la Dre Perlin semble également concorder avec la preuve de Marie Berry (paragr. 19) et du Dr Ronald Weiss (paragr. 19, Q127). Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Marque est distinctive parmi les patients.

 

Pharmaciens

[92]           Les preuves des pharmaciennes Cathy Conroy, Laura Furdas et Marie Berry indiquent toutes qu’elles sont familières avec l’apparence du VIAGRA, qu’elles le reconnaissent et savent qu’il est fabriqué par une seule et unique source (affidavit Berry, paragr  9; contre-interrogatoire Furdas, Qs193-194, 220; contre-interrogatoire Conroy, Qs 9, 138). Bien qu’il soit évident, à partir de la preuve, que les pharmaciens n’identifieraient pas le médicament par référence à la couleur, la forme et la taille uniquement (voir, à titre d’exemple, les paragr. 28-29 de l’affidavit Conroy), cela n’est pas fatal à la demande en soi [Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., supra au paragr. 79]. Dans Apotex c. registraire des marques de commerce (2010), 81 CPR (4th) 459 (CF) affirmé par 91 CPR (4th) 320 (CF), le juge Barnes déclare que le fait qu’un dessin est unique, tel que la Marque, et est reconnu comme tel, ne suffit pas à lui attribuer un caractère distinctif (au paragr. 13). Il déclare également que l’apparence fournit une base incertaine pour tirer des conclusions au sujet de l’identité ou de la source d’un produit et que pour un professionnel, le nom de marque et l’étiquette auront presque toujours préséance sur l’apparence du produit pour en identifier la source (paragr. 26). Finalement, lors de l’évaluation de la preuve dont il disposait, le juge Barnes a évalué si la couleur et la forme étaient les « caractéristiques principales » grâce auxquelles les marchandises, dans ce cas, étaient distinguées des autres ou grâce auxquelles les acheteurs font leur choix (paragr. 34). En confirmant cette décision, la Cour d’appel fédérale a confirmé que ce qui importe, c’est que les pharmaciens relient la marque de commerce à leurs choix de distribution [Apotex Inc. c. Canada (registre des marques de commerce)(CAF), supra au paragr. 7].

 

[93]           Dans la présente opposition, je ne considère pas que la preuve est suffisante pour que la Requérante s’acquitte de son fardeau de preuve visant à démontrer que les pharmaciens emploient la Marque comme l’une des caractéristiques principales selon lesquelles les comprimés de VIAGRA se distinguent des Marchandises des autres. Il semble plutôt que le DIN, le nom de la drogue et le dosage, et le CUP sur la boîte de carton sont utilisés lors du processus de distribution (affidavit Conroy, paragr. 24). De plus, d’après le contre-interrogatoire de Mme Berry, il semble très peu probable que les pharmaciens utilisent l’apparence du VIAGRA pour le distinguer ou le différencier d’autres produits.

Q575

Et dans quelles circonstances un pharmacien utilise-t-il l’apparence du Viagra pour le distinguer ou le différencier d’autres produits?

 

Lorsqu’il est possible que le patient ait mélangé les comprimés avec d’autres médicaments, nous les aidons à les trier de cette façon. Si certains comprimés traînent peut-être sur les tablettes, nous les identifierions, mais c’est très peu probable.

  

[94]           Si j’avais déclaré le sondage Corbin admissible, j’aurais conclu qu’il appuyait le fait que la Marque était reconnue comme étant unique et à ce titre, elle était reconnaissable par les pharmaciens comme étant associée aux comprimés de la marque VIAGRA fabriqués par une compagnie. Cependant, il n’est pas évident que cette preuve suffit à respecter les critères énoncés par le juge Barnes, puisque la preuve démontre que les pharmaciens utilisent principalement d’autres moyens pour distinguer les produits pharmaceutiques d’une source à une autre. À ce titre, un doute demeure dans mon esprit quant à décider si la Marque est distinctive parmi les pharmaciens.

  

Médecins 

[95]           La preuve concernant le caractère distinctif de la Marque selon les médecins consiste en les affidavits de la Dre Perlin, du Dr Weiss et du Dr Shiffman.

 

[96]           La preuve du Dr Weiss est qu’il n’a aucune difficulté à décrire le VIAGRA comme un comprimé bleu en forme de diamant (paragr. 15) et il reconnaît le comprimé de VIAGRA comme étant nouveau (paragr. 14; Q253). Si cela suffisait à démontrer le caractère distinctif, ce dont je doute compte tenu de l’affaire Apotex c. registraire des marques de commerce, le fait que le Dr Weiss a participé à l’élaboration et à la présentation du cours Male Sexual Dysfunction Main Pro-C (paragr. 7) financé par Pfizer, qui a également participé à son élaboration (Qs 49-53) en plus de siéger au comité directeur de Pfizer Pharmaceuticals sur le VIAGRA (para 6), un comité qui fournit à Pfizer les conseils, les directives et les commentaires de leaders d’opinion clés (Q92) aux alentours de la date pertinente (Q96) suggère que le Dr Weiss aurait pu avoir une connaissance de la Marque différente de celle des médecins en général.

 

[97]           La preuve de la Dre Perlin est qu’elle ne se tient pas au courant de l’apparence des produits pharmaceutiques (paragr. 15) et qu’elle est familière avec l’apparence du VIAGRA uniquement en raison de sa participation à une procédure d’opposition de marque de commerce précédente où elle lui a été montrée (Q16). La preuve de la Dre Perlin est qu’elle n’est pas familière avec la publicité télévisée en lien avec le VIAGRA, car elle ne regarde pas les publicités « ni rien » (Qs 17-18), ne regarde pas la publicité dans les revues médicales, elle ne regarde que les publicités concernant de nouvelles drogues dont elle n’a jamais entendu parler (Q20) et n’a jamais vu de publicité pour le VIAGRA dans les journaux et les magasines (Q21). Il n’est cependant pas évident que l’exposition limitée de la Dre Perlin à la publicité sur le VIAGRA à la télévision, dans les journaux ou les revues médicales est représentative des médecins en général. 

 

[98]           La preuve du Dr Shiffman dans son contre-interrogatoire est que bien qu’il soit au courant de l’apparence du VIAGRA (Q 84) et de la publicité sur le VIAGRA (Qs 33-34,94) et bien qu’il soit au courant que le VIAGRA est fabriqué par Pfizer (Q164), il n’associe pas l’apparence du VIAGRA à une seule source en raison de la nature du marché pharmaceutique. Aux questions 85-86, le Dr Shiffman déclare : 

 

Q85

Si quelqu’un vous apportait un comprimé bleu en forme de diamant, comme première impression, penseriez-vous que c’est du Viagra?

 

Pas nécessairement.

Q86

Quoi d’autre pensez-vous que cela pourrait être?

 

Cela pourrait être n’importe quoi puisque je ne connais pas l’apparence de tous les comprimés.

 

[99]           La preuve dans la présente opposition laisse un doute dans mon esprit à savoir si la Marque est distinctive parmi les médecins. Dans Royal Doulton Tableware Ltd c. Cassidy’s Ltd. (1986), 1 CPR (3d) 214 (CFPI), la Cour fédérale explique qu’une marque de commerce peut être reconnue comme étant unique sans être distinctive :

Il est à noter qu’une marque de commerce distinctive établit un lien, p. ex., entre des marchandises et un fournisseur, de sorte à les distinguer des marchandises d’autres fournisseurs. Elle n’est pas distinctive si elle ne fait que distinguer un dessin de marchandises d’un autre dessin de marchandises, même si quiconque possédant des connaissances spéciales du commerce aurait su que ces deux sortes de marchandises sont vendues respectivement par deux fournisseurs différents. Un tel concept de caractère distinctif irait à l’encontre d’un but fondamental de la marque de commerce qui est d’assurer à l’acheteur que les marchandises proviennent d’une source particulière en laquelle il a confiance. Voir Fox, Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition (3e éd., 1972) aux pages 25-26.

 

 

Conclusion concernant le caractère distinctif

[100]       La preuve ne me permet pas de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive aux yeux des médecins et des pharmaciens au 6 mars 2006. La raison de ma conclusion est que la Requérante n’a pas établi clairement qu’un grand nombre de médecins et de pharmaciens associent la Marque au fait de prescrire et de distribuer les Marchandises. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est accueilli sur cette base.

 

Décision

[101]       En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement no 1,244,118 en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions aux marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Côté, trad. a.

 

 


Annexe 1

 

Alinéa 38(2)(a) de la Loi

 

3. L’Opposante fonde son opposition sur les motifs fournis par l’alinéa 38(2)(a) de la Loi, nommément que la demande ne respecte pas l’article 30 pour les raisons suivantes :

 

            (a)        Le préambule de l’article 30 de la Loi prévoit que la Requérante doit faire une demande pour enregistrer une « marque de commerce ». La marque de commerce alléguée n’est pas une marque de commerce au sens de l’article 2 de la Loi. L’article 2 de la Loi prévoit que la marque de commerce est définie comme une marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer les marchandises de la Requérante de celles des autres. La Requérante a choisi une couleur courante comme marque de commerce projetée et cette couleur ne peut servir à distinguer ses marchandises de celles des autres, ou même à distinguer ses marchandises. De plus, la marque visée par la demande est simplement décorative (la Requérante ayant obtenu l’enregistrement du dessin industriel no 88762 parce que le dessin visé par la demande est décoratif) ou fonctionnelle, car elle indique le dosage ou l’effet thérapeutique ou encore la façon de formuler une composition stable ingérable par voie orale ou d’en faciliter la séparation. De plus, si les marchandises couvertes par la demande sont des comprimés de Viagra, les marchandises de la Requérante affichent toutes la marque « Pfizer » sur le côté et « VGR 25 », « VGR 50 » ou « VGR l00 » (selon le dosage du comprimé) à l’endos. En veillant à ce que toutes ses marchandises soient marquées de cette façon, la Requérante a admis et reconnu que la couleur, la forme et la taille à elles seules ne suffisent pas à distinguer ses marchandises des autres marchandises sur le marché.

 

            (b)        La demande n’est pas conforme au paragraphe 30(a) de la Loi, car la demande ne contient pas la déclaration dans les termes ordinaires du commerce des marchandises ou des services spécifiques avec lesquels la marque a été employée. La description « préparation pharmaceutique pour le traitement de la dysfonction sexuelle » est trop vaste et englobe toutes les sortes de maladies qui peuvent être traitées par une grande variété de médicaments. Les marchandises ne comportent aucune référence à une ou à des drogues pharmaceutiques, formulation de comprimé, dose ou à la nature de la condition traitée. Cela est contraire au Compendium des produits et des spécialités pharmaceutiques (CPS) de 2005 et 2006 qui stipule que le Viagra est utilisé pour le traitement de la dysfonction érectile masculine. De plus, en raison de l’ambiguïté susmentionnée, la description n’est pas conforme à l’Énoncé de pratique du 6 juillet 2003 sur la conformité au paragraphe 30(a) de la Loi sur les marques de commerce – Produits pharmaceutiques. Aux fins de cette déclaration d’opposition, l’Opposante a présumé que les marchandises couvertes par cette demande étaient des comprimés de Viagra. Par conséquent, si la marque de commerce est employée, ce qui est réfuté, elle est employée uniquement en liaison avec les dosages de citrate de sildénafil de 25 mg, 50 mg ou 100 mg.

 

            (c)        La demande n’est pas conforme au paragraphe 30(b) de la loi, car la marque de commerce alléguée n’a pas été employée avec les marchandises dont il est question dans la demande depuis au moins aussi tôt que la date revendiquée à la lumière de ce qui suit :

 

            (i)         Au moment du transfert de propriété ou en possession des marchandises, la marque n’est pas « affichée » sur les marchandises, mais plutôt les marques elles-mêmes; la marque n’est pas non plus associée de toute autre façon aux comprimés de sorte qu’un avis d’association soit donné à la personne à qui la propriété ou la possession est transférée dans la pratique normale du commerce, une pilule bleue tridimensionnelle n’est pas visible au moment du transfert en raison de la façon dont les comprimés sont emballés et distribués;

 

            (ii)        De fait, c’est l’emballage de la Requérante qui est employé comme marque de commerce;

 

            (iii)       Si la marque est visible au moment du transfert de propriété des marchandises ou de la possession des marchandises, il n’y a aucun avis de liaison avec les marchandises. Les consommateurs ne sont pas au courant qu’une marque a été affichée sur les marchandises, ces consommateurs étant généralement familiers avec des pilules ayant une couleur ou forme pareille ou similaire, y compris celles jointes aux annexes « A » et « B ». Si les marchandises de la Requérante sont portées à l’attention de la personne à qui la propriété ou la possession est transférée, c’est la présence des dessins « Pfizer » sur un côté et de « VGR 25 », « VGR 50 » ou « VGR 1 00 » à l’endos (selon le dosage du comprimé) qui pourra servir à distinguer les marchandises de la Requérante de celles des autres. De plus, de tels consommateurs sont généralement informés que ces marques différentes de produits pharmaceutiques ont une couleur, une forme ou une taille pareille ou similaire. À ce titre, la couleur, la forme et la taille n’indiquent pas la source. L’Opposante s’appuie entre autres sur les pilules mentionnées dans le Compendium des produits et des spécialités pharmaceutiques (CPS) de 2005 et 2006, le Compendium des produits non prescrits (CNP) de 1996 et dans le Compendium des produits de soins personnels de 2002-2003, les pilules dans le CPS et le Compendium des produits de soins personnels sont énumérées aux annexes « A » et « B » respectivement;

 

            (iv)       Dans la mesure où les comprimés de la Requérante sont utilisés comme marque de commerce (ce qui n’a pas été admis, mais réfuté), c’est l’apparence complète du comprimé qui est utilisée (et non la marque visée par la demande). Cela comprend des dessins, une forme et une taille particuliers. De plus, la teinte des comprimés de la Requérante varie de sorte que dans la pratique normale du commerce, les comprimés ne seraient pas toujours perçus comme étant bleus;

 

            (v)        De fait, la Requérante différencie les dosages de citrate de sildénafil par l’apparence des comprimés, y compris différentes formes et/ou tailles et différents dessins;

 

            (vi)       Les marchandises sont fabriquées par une entité différente, nommément Pfizer Canada Inc., sans licence adéquate de la part de la Requérante, de telle sorte que la marque revendiquée n’a pas été employée par la Requérante depuis la date revendiquée;

 

(vii) Dans la pratique normale, le consommateur sépare les comprimés de la Requérante de sorte que la marque de commerce alléguée n’a pas été employée avec les marchandises dont il est question dans la Demande;

 

(viii) La marque de commerce n’a pas été employée au Canada en liaison avec les marchandises depuis au moins aussi tôt que mars 1999;

 

            (ix)       La couleur bleue n’a pas été employée en liaison avec les marchandises depuis au moins aussi tôt que mars 1999.

 

            (d)       La demande n’est pas conforme au paragraphe 30(h) de la Loi, car la demande ne comporte pas un dessin et une représentation précis de la marque de commerce alléguée. Plus précisément :

            (i)         La marque de commerce ne comporte pas un dessin et une représentation précis de la marque de commerce alléguée, car la marque de commerce comprend des dessins sur le comprimé;

 

            (ii)        On ne sait pas exactement quelle marque est revendiquée comme la marque de la Requérante. Le dessin semble indiquer un contour pointillé sur certaines parties du comprimé aux figures 1-3 et une ligne pleine à la figure 4. Cependant, la Requérante n’a pas réussi à inclure toute description écrite de la marque comme requis par le Manuel d’examen des marques de commerce, parties IV.2.1, IV.2.3, IV.2.4 et IV.2.6;

 

(iii)       La Requérante ne s’est pas conformée à l’Énoncé de pratique sur les marques tridimensionnelles du 6 décembre 2000. Plus précisément, (l) la demande ne contient pas de dessin(s) montrant les caractéristiques visibles du comprimé en lignes pointillées; (2) une description indiquant que la marque de commerce consiste en la couleur particulière uniquement telle qu’appliquée sur le comprimé indiqué sur le dessin; (3) la publication ne précise pas que l’objet tridimensionnel en lignes pointillées ne fait pas partie de la marque de commerce;

 

(iv)       la description et les dessins ne permettent pas de définir en quoi consiste la marque de commerce, y compris si la marque est bidimensionnelle ou tridimensionnelle et si la marque consiste en la couleur et la forme des marchandises ou en la couleur, forme et taille;

 

            (v)        la demande indique que la couleur bleue est appliquée à toute la surface visible du comprimé montré. Par conséquent, dans l’éventualité où la marque est la marque de commerce, elle est en fait un signe distinctif. Les dessins devraient donc être en lignes pleines et les exigences de l’article 13 de la Loi doivent être respectées. En tentant d’éviter les exigences de l’article 13 de la Loi de cette façon, il est complètement impossible de déterminer exactement ce qui est revendiqué. De plus, la taille ne peut faire partie de la demande pour la marque de commerce.

 

            (vi)       Les dessins et la représentation de la demande ne définissent pas correctement les limites du monopole de la marque de commerce visée par la demande. La marque semble couvrir toutes les tailles et variétés de formes, car les marchandises peuvent être de diverses tailles et formes;

 

(vii) La marque couvre également une vaste gamme de couleurs. Les consommateurs ne peuvent faire la différence entre une grande variété de couleurs, par exemple, turquoise, bleu sarcelle, aqua, aigue-marine ou vert bleuté;

 

 (viii) Si les marchandises visées par la demande sont les comprimés de Viagra de 25 mg, 50 mg ou 100 mg, il est complètement impossible de déterminer avec précision quelle marque est revendiquée en tant que marque de la Requérante. La Requérante a des demandes d’enregistrement de marques de commerce en co-instance (demandes nos 883,144, 883,145, 886,243) qui semblent couvrir différentes marques. À ce titre, on ne sait pas exactement quelles caractéristiques sont incluses ou non dans la demande (y compris la taille et la forme);

 

            (ix)       On ne sait pas exactement si les lignes pleines incluses dans les dessins apparaissent sur le comprimé;

 

            (x)        Le dessin laisse supposer que la surface externe du comprimé est lisse; cependant, il y a des empreintes là où sont les dessins;

 

(xi)             Aucune teinte de bleu n’est spécifiée;

 

(xii) Si les marchandises visées par la demande sont les comprimés de Viagra de 25 mg, 50 mg ou 100 mg, les comprimés de 50 mg et 100 mg peuvent être séparés en deux pour obtenir deux comprimés de 25 mg (ou deux de 50 mg), par exemple, avant consommation par le patient. La forme du comprimé dans la demande ne veut rien dire en ce qui concerne la teneur, car lorsque le comprimé est séparé en deux, les comprimés n’ont plus la forme précisée dans le dessin, mais plutôt une forme triangulaire. Dans la pratique normale, les consommateurs séparent le comprimé de sorte qu’il n’est plus représentatif de la forme alléguée du comprimé indiquée sur le dessin.

 

            ( e)       La demande no 1,244,118 n’est pas conforme l’alinéa 30(i) de la Loi, parce que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque de commerce alléguée, pour les raisons suivantes :

(i)         La Requérante connaissait d’autres marques de commerce d’apparences confusément similaires;

 

(ii)        Il est de pratique courante au Canada que différents fabricants de produits pharmaceutiques renfermant le même ingrédient actif vendent et offrent en vente des produits pharmaceutiques de même couleur, forme et taille. De plus, des produits pharmaceutiques renfermant différents ingrédients actifs ont été vendus dans la même couleur, forme et taille. Par conséquent, les consommateurs ne considèrent pas la couleur ou la forme d’un produit pharmaceutique comme une marque de commerce. À l’intérieur de ce marché (tel que défini entre autres par les CPS, CNP et CSCP), la Requérante n’aurait pu être convaincue d’employer la couleur et la forme d’un produit pharmaceutique comme marque de commerce;

 

(iii)       Des pilules pharmaceutiques de couleur, forme et/ou taille similaires ont été employées par d’autres pendant la période pertinente sur le marché canadien, nommément la couleur bleue appliquée à toute la surface visible du comprimé, entre autres, les pilules énumérées aux annexes « A » et « B »;

 

(iv)       Si les marchandises visées par la demande sont les comprimés de Viagra de 25 mg, 50 mg ou 100 mg, la Requérante a des demandes d’enregistrement de marque de commerce en co-instance (demandes nos 883,144, 883,145, 886,243) qui semblent couvrir des variations de la marque visée par la présente demande. Ainsi, la Requérante n’a pas clarifié ce qu’est véritablement sa propre marque et par conséquent, elle ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’employer la marque visée par la demande comme marque de commerce;

 

(v)        La Requérante ne pouvait être convaincue d’avoir droit d’employer la marque de commerce alléguée au Canada, car la monopolisation d’une telle marque de commerce alléguée empêchera les autres dans l’industrie pharmaceutique de vendre des pilules de forme et de couleur similaires; de telles caractéristiques de forme et de couleur étant utilitaires, décoratives et fonctionnelles aux fins de formulation orale et d’identification de dosage;

 

(vi)       La Requérante a obtenu l’Enregistrement de dessin industriel no 88762, prenant acte du fait que l’apparence du comprimé est simplement décorative;

 

(vii) La Requérante n’a jamais employé « la couleur bleue appliquée sur toute la surface visible du comprimé illustré » dans le but de distinguer ses marchandises de celles des autres; de fait, la Requérante emploie ses dessins ou son emballage pour distinguer ses marchandises de celles des autres.

 

Alinéa 38(2)(b) de la Loi

 

            4.         L’Opposante fonde son opposition sur les motifs prévus à l’alinéa 38(2)(b) de la Loi, à savoir que la marque alléguée de la Requérante n’est pas enregistrable pour les raisons suivantes :

 

            (a)        La marque alléguée, si elle est effectivement une marque (ce qui n’est pas admis, mais nié), correspond à un signe distinctif ayant trait à la forme des marchandises; les marchandises étant une couleur particulière. Le signe distinctif est défini à l’article 2 comme étant le « façonnement de marchandises ou de leurs contenants » ou comme une façon « d’envelopper ou d’empaqueter des marchandises », dont la présentation est employée afin de distinguer. Comme une représentation en trois dimensions définit la marque de commerce, il s’ensuit que la marque de commerce est reliée à une forme spécifique des marchandises et qu’elle constitue donc un signe distinctif. La Requérante ne peut échapper aux exigences de l’article 13 en ajoutant la couleur comme caractéristique du signe distinctif. Il n’est pas logique de décrire la marque comme étant une couleur appliquée à une forme tridimensionnelle pour revendiquer par la suite que la marque est séparée de la forme. Par conséquent, la Requérante est forcée de respecter les exigences prévues par l’article 13 de la Loi.

 

            (b)        La demande stipule que la marque de commerce alléguée est la couleur bleue appliquée à toute la surface visible du comprimé indiqué sur les dessins en pièces jointes. Selon l’Énoncé de pratique sur les marques tridimensionnelles du 6 décembre 2000, lorsqu’une marque de commerce comporte des deux éléments qui font partie de la définition d’un signe distinctif et des éléments qui n’en font pas partie, les clauses particulières de la Loi concernant les signes distinctifs s’appliquent. En vertu de l’article 13 de la Loi, un signe distinctif est enregistrable uniquement s’il a été employé au Canada, à la date de production de la demande, de manière à devenir distinctif. Un signe distinctif est défini à l’article 2 comme « façonnement de marchandises ou de leurs contenants » ainsi que « mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises », les exigences de l’article 13 ne peuvent être évitées en ajoutant l’élément de couleur au façonnement des marchandises. Par conséquent, si la marque alléguée est une marque de commerce, la Requérante a l’obligation de respecter les exigences en vertu de l’article 13 de la Loi.

 

            (c)        Subsidiairement, comme la marque alléguée est définie non seulement par la couleur et la forme, mais également par la taille, la marque est une image commerciale et n’est enregistrable en vertu d’aucune clause de la Loi sur les marques de commerce.

 

            (d)       En vertu de l’alinéa 12(1)(b) de la Loi, la marque de commerce alléguée est soit clairement descriptive, soit faussement descriptive et trompeuse (de l’effet actif ou thérapeutique ou du dosage) des marchandises en liaison avec lesquelles elle aurait été employée.

 

            ( e)       Si la marque de commerce alléguée est un signe distinctif (ce qui n’est pas admis, mais nié), elle n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 13(1 )(b) de la Loi, parce que l’emploi exclusif par la Requérante du signe distinctif en liaison avec les marchandises avec lesquelles elle a été employée est susceptible de restreindre excessivement le développement de l’industrie pharmaceutique en raison du fait que la pratique générale au Canada veut que les produits et/ou les préparations pharmaceutiques génériques aient une apparence similaire aux produits et/ou préparations de tiers fabricants. De plus, la capacité de fabriquer des formes posologiques orales serait limitée, car il y a un nombre limité de formes et/ou de couleurs adéquates disponibles pour les composés pharmaceutiques.

 

            (f)        Contrairement à l’alinéa 12(1)(e) de la Loi, la marque alléguée est une marque interdite au sens de l’article 10 de la Loi et n’est donc pas enregistrable compte tenu du marché pharmaceutique, y compris la pratique de différents fabricants qui consiste à commercialiser des produits pharmaceutiques de couleur et de forme de même que de taille similaires ou pareilles et compte tenu des pilules énumérées aux annexes « A » et « B »; la marque revendiquée, pour autant qu’elle soit reconnue, est reconnue au Canada :

 

            (i)         par les patients, comme désignant une sorte ou un type de médicament, y compris ses effets et/ou dosage thérapeutiques;

 

            (ii)        par les pharmaciens et autres professionnels de la santé, comme désignant la sorte et la quantité de marchandises, ses effets et/ou dosages thérapeutiques et non comme indiquant la source des marchandises.

 

(g)        Le registraire des marques de commerce n’avait pas compétence pour publier la demande d’enregistrement de la marque. La marque publiée dans le Journal des marques de commerce du 5 octobre 2005 n’était pas la marque qui a reçu un Avis d’approbation du registraire daté du 1er septembre 2005. La Requérante a modifié sa demande lors d’une soumission datée du 15 juin 2005 d’après le rapport de l’examinateur daté du 29 avril 2005. C’est cette demande modifiée qui a reçu un Avis d’approbation du registraire. La marque annoncée pour publication était la marque de la demande initiale de la Requérante datée du 19 janvier 2005.

 

Alinéa 38(2)(d) de la Loi

 

5. L’Opposante appuie son opposition sur les motifs fournis par l’alinéa 38(2)(d) de la Loi, nommément, que la marque alléguée de la Requérante n’est pas distinctive pour les raisons suivantes :

 

            (a)        Dans l’éventualité où il serait déterminé que la marque de commerce de la Requérante respecte les exigences de l’article 2, la marque de commerce alléguée de la Requérante consistant en « la couleur bleue appliquée sur toute la surface visible du comprimé illustré » n’est pas distinctive, car elle ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante de celles des autres; les pilules bleues et de teintes apparentées, et/ou les pilules de forme similaire ou pareille étaient et sont à toutes les dates pertinentes communes au commerce pharmaceutique et ont été prescrites par des médecins, distribuées par des pharmaciens et prises par des patients au Canada en même temps que les comprimés bleus de la Requérante de sorte que la marque ne distingue pas les comprimés de la Requérante, et n’est pas non plus adaptée à distinguer les comprimés de la Requérante; la marque consiste plutôt en des éléments communs du marché, eu égard, entre autres, aux pilules bleues et/ou pilules de forme et de couleur similaires jointes aux annexes « A » et « B ». Les détails complets concernant quand, comment et dans quelle mesure ces pilules ont été employées sur le marché sont entièrement connus de la Requérante, compte tenu des textes de référence acceptés, les CPS, CNP et CSCP, les données de l’IMS auxquelles la Requérante est abonnée et la connaissance profonde qu’a la Requérante du marché par le biais de ses propres services de commercialisation et des ventes et des services de commercialisation et des ventes de compagnies connexes. L’Opposante s’appuie sur le CPS, le CNP et le CSCP pour fournir une preuve de l’état du marché en ce qui concerne les pilules bleues et/ou les pilules de forme et couleur similaires.

 

            (b)        La Requérante a décrit son comprimé dans le CPS, en partie comme étant « rond », ce qui est l’une des formes de pilules les plus communes. La marque ne peut donc pas être distinctive, car elle ne peut distinguer ni être adaptée à distinguer;

 

            ( c)       Outre les annexes « A » et « B », il existe également des pilules bleues de tierces parties de forme et de couleur similaires pour traiter la dysfonction sexuelle, par exemple, Vigrex, Veega et Silagra. Par conséquent, il y a bon nombre de commerçants qui vendent des produits de citrate de sildénafil ayant une couleur, une forme et/ou une taille similaires de sorte que les consommateurs ne tiennent pas compte de ces indices pour dénoter la source.

 

            (d)       Il ne fait nul doute qu’en raison du fait que la Requérante marque chaque comprimé « PFIZER » sur un côté et « VGR 25 », « VGR 50 » et « VGR 100 » (selon la dose) à l’endos, en l’absence de ces dessins, la couleur et la forme ne distinguent pas et ne peuvent pas distinguer les marchandises de la Requérante.

 

            (e)        L’apparence des comprimés est utilisée pour indiquer le dosage et/ou l’effet thérapeutique et non la source.

 

            (f)        S’il est admis que le marché comparatif adéquat pour les marchandises visées par la demande d’enregistrement de la marque est restreint aux pilules pour traiter la dysfonction sexuelle (ce que réfute l’Opposante), la marque alléguée ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante, car la Requérante ou son prédécesseur en titre a produit une demande et obtenu des brevets canadiens pour les marchandises qui font l’objet de cette demande, nommément :

 

Brevet canadien no 2,044,748             expire le 17 juin 2011

Brevet canadien no 2,163,446             expire le 13 mai 2014

 

Par conséquent, la Requérante détient les droits exclusifs relativement aux marchandises faisant l’objet de cette demande, de sorte que la marque de commerce visée par la demande ne peut distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises des autres, car personne d’autre n’a légalement le droit de fabriquer ou de vendre les marchandises spécifiques de la Requérante, comme la Requérante en est consciente.

 

            (g)        Subsidiairement au paragraphe (f), la Requérante ne peut s’appuyer sur son monopole de brevet des marchandises pour établir le caractère distinctif de la marque visée par la demande, qui est simplement l’apparence alléguée des marchandises; la Requérante ne peut non plus tenter d’élargir son monopole en alléguant le caractère distinctif de la couleur des comprimés selon ce monopole.

 

            (h)        La Requérante n’a pas octroyé de licence adéquate de la marque aux autres utilisateurs, y compris Pfizer Canada Inc., en vertu de l’article 50 de la Loi.

 

            (i)         La pratique générale au Canada veut que les produits et/ou les préparations pharmaceutiques génériques aient une apparence similaire aux produits et/ou préparations de tiers fabricants. Les consommateurs sont prédisposés à des produits pharmaceutiques de différentes sources ayant une apparence similaire et ne considèrent donc pas l’apparence d’un produit comme un élément d’identification des marchandises de quelque commerçant particulier. Les consommateurs sont habitués et s’attendent de voir des produits et/ou des préparations génériques qui ont une apparence similaire ou qui sont pareils aux produits et/ou aux préparations du nom de marque. La couleur, la forme et/ou la taille des produits pharmaceutiques ne sont pas des indicateurs de la source.

 

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