Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L'OPPOSITION de Brandbrew S.A. aux demandes numéros 1 145 399 et 1,145,400 produites par Big Rock Brewry Ltd. en vue de l'enregistrement des marques de commerce BOSS LIGHT et BOSS__

               

                            

 

Le 26 juin 2002, Big Rock Brewery Ltd. (la requérante) a déposé des demandes en vue de l'enregistrement des marques de commerce BOSS LITE et BOSS, qui ont reçu les numéros de série 1 145 399 et 1 145 400 respectivement.

 

Le demande no 1 145 399 a ensuite été corrigée pour que la marque soit BOSS LIGHT. La requérante renonce à l'usage exclusif du mot LIGHT en dehors de la marque de commerce.

 

BOSS LIGHT et BOSS seront ci-après appelées « les marques visées ».

 

Les deux demandes sont fondées sur un emploi projeté des marques visées. Au début, elles comportaient une longue liste de marchandises, mais leurs états déclaratifs de marchandises se limitent maintenant à « boissons alcoolisées brassées, nommément bière ».

 

Les demandes ont été publiées dans le Journal des marques de commerce du 30 juillet 2003 en vue de la procédure d'opposition. Le 25 septembre 2003, Brandbrew S.A. (l’opposante) a déposé des déclarations d’opposition aux demandes. Les déclarations d’opposition invoquent des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 38(2)b)/12(1)d), 38(2)c)/16(3)a) et 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). En réponse, La requérante a déposé et signifié des contre-déclarations dans lesquelles elle réfute les allégations de l’opposante.

 

À titre de preuve en vertu de la règle 41, l'opposante a déposé les affidavits de Lauren Michell et de Lynda M. Palmer, ainsi qu’une copie certifiée de chacun des enregistrements de marque de commerce invoqués dans ses déclarations d’opposition.

 

La requérante a choisi de ne pas déposer de preuve en vertu de la règle 42.

 

Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire. Chaque partie a déposé des arguments écrits et il y a eu une audition orale à laquelle chacune a pris part.

 

Les motifs d’opposition

On peut résumer les motifs d’opposition comme suit :

 

1.                  Aucune des marques visées n’est enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce que chacune crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes de l’opposante :

 

1. LMCDF622 - BASS & CO’S PALE ALE and Triangle Design

 

2. LMCDF12834 - BASS & CO. & Triangle Design

                                    BASS & CO. & TRIANGLE DESIGN

 

 

3. LCD8155 – BASS

 

4. LMC19 570 – BASS HOTELS & RESORTS

 

Chacun des trois premiers enregistrements contient le mot « beer » (bière) dans l’état déclaratif de marchandises. Le dernier concerne des « services d'hôtellerie, services de motel, prestation de services de réservation de logement, de réservation d'hôtel, services de bar; services de café, restaurant et de traiteur, services de traiteur pour fournir des aliments et boissons ».

             

2.         La requérante n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement des marques visées, conformément aux dispositions de l'alinéa 16(3)a) de la Loi, parce que, en date du dépôt de la demande, chacune de ces marques créait de la confusion avec les marques mentionnées plus haut et antérieurement employées au Canada par l'opposante ou son prédécesseur en titre en liaison avec les marchandises et services énoncés dans les enregistrements.

 

3.         Les marques visées n’ont pas de caractère distinctif pour les raisons qui précèdent.

 

Le risque de confusion

Chacun des motifs d'opposition soulève la question du risque de confusion.

 

Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant ce critère en ce qui a trait à la confusion, le registraire tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment celles qui sont spécifiquement énumérées au paragraphe 6(5), savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

 

 Dans l’arrêt Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Association et al. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (CAF) aux pages 58 et 59, le juge Malone résume ainsi les principes directeurs à appliquer à l’examen de la question du risque de confusion :

 

L'examen de certains arrêts-clés fournit également des principes directeurs pratiques. Par exemple, la Cour doit se mettre à la place d'une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n'en a qu'un vague souvenir; la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure. S'agissant du degré de ressemblance dans la présentation, le son ou l'idée dont il est question à l'alinéa 6(5)e), les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout. De la même façon, puisque c'est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, il n'est pas correct, pour l'application du critère de la confusion, de placer les marques l'une en regard de l'autre et de comparer ou observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. En outre, les marques de commerce ne doivent pas être considérées séparément des marchandises ou services avec lesquels elles sont associées, mais en liaison avec ces marchandises ou services. Quand il s'agit de marques célèbres ou notoirement connues, il peut être plus difficile d'établir qu'il n'y a pas de probabilité de confusion, particulièrement quand le genre des marchandises est similaire. En dernier lieu, les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. Chaque cas de confusion peut justifier qu'on accorde plus d'importance à l'un de ces critères.

 

 

Dans une récente décision de la Cour suprême du Canada, l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, le juge Binnie élabore ce qui suit au sujet du consommateur en question au paragraphe 58 :

 

De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention. Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678. Dans le cas de l’achat de marchandises ou de services ordinaires de consommation courante, ce consommateur, quoique d’intelligence moyenne, est généralement en retard sur son horaire et a plus d’argent à dépenser que de temps à perdre à se soucier des détails. Dans certains marchés, il conviendra de présumer le bilinguisme fonctionnel de cette personne : Four Seasons Hotels Ltd. c. Four Seasons Television Network Inc., (1992), 43 C.P.R. (3d) 139 (C.O.M.C.). Pour ces consommateurs mythiques, l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux accélère et facilite les décisions d’achat. Le droit reconnaît que, lorsque la nouvelle marque de commerce accroche leur regard, ils n’ont qu’un souvenir général et assez vague de la marque antérieure, aussi célèbre soit‑elle ou, ainsi qu’il est dit dans Coca‑Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi‑Cola Co. of Canada Ltd., [1942] 2 D.L.R. 657 (C.P.) ils s’en souviennent comme le ferait [traduction] « une personne dont la mémoire n’est ni bonne ni mauvaise, avec ses imperfections habituelles » (p. 661). La norme applicable n’est pas celle des personnes [traduction] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » : Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709 (Ch. D.), p. 717. Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

 

 

Je commencerai en examinant le motif d’opposition le plus sérieux de l’opposante, soit celui fondé sur l’alinéa 12(1)d) relatif à l’enregistrement LCD8155 pour BASS. La date pertinente en ce qui a trait à ce motif d'opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. Même si la requérante a le fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi, l'opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment de preuves admissibles permettant de conclure raisonnablement que les faits allégués pour justifier chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293 à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)]. L’opposante s’est acquittée de son fardeau initial en fournissant une copie de son enregistrement, établissant qu’elle est en règle.

 

Je vais d’abord m’attacher au risque de confusion entre BASS et la marque BOSS de la requérante.

 

Analyse des facteurs énoncés à l’article 6

 

alinéa 6(5)a): le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

Il est clair que les marques BOSS et BASS ont des sens différents en anglais, mais ni l’une ni l’autre ne se rapporte à une caractéristique de la bière. Elles ont donc tous deux un caractère distinctif inhérent.

 

Selon l’enregistrement de l’opposante, son prédécesseur en titre a employé BASS au Canada pour la première fois en février 1855. Selon Mme Michell, les ventes de la bière BASS au Canada entre décembre 2000 et le 17 novembre 2004 ont dépassé la somme de six millions de dollars. Mme Michell nous informe aussi que la bière BASS a été promue au Canada par différents médias situés aux points de vente depuis au moins l’année 2000. Elle fournit des spécimens de matériel promotionnel utilisé au Canada en 2004, mais elle ne fournit pas d’information sur l’étendue de ces promotions. Par ailleurs, il n’y a pas de preuve démontrant que la requérante a déjà commencé à employer ou à promouvoir BOSS.

 

Selon la preuve, la marque BASS de l’opposante est devenue plus connue que la marque BOSS de la requérante.

 

alinéa 6(5)b): la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

Ce facteur favorise clairement l'opposante.

 

alinéas 6(5)c) et d): le genre de marchandises, services ou entreprises, et la nature du commerce

Les marchandises sont identiques. Je rejette l’argument de la requérante dans la mesure où il est fondé sur l’allégation selon laquelle sa bière est fabriquée au pays alors que celle de l’opposante est importée. Ces distinctions n’apparaissent pas dans l’état déclaratif de marchandises de l’une ou l’autre partie. De toute façon, une telle distinction ne serait pas suffisante pour rendre la confusion improbable.

 

Nous ne savons rien au sujet de la nature du commerce ou de l’entreprise de la requérante, mais il est permis de penser qu’ils sont ceux d’une brasserie et donc semblables à ceux de l’opposante.

 

alinéa 6(5)e): le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

Les marques des parties ont un degré élevé de ressemblance dans la présentation et le son, plus particulièrement le son lorsque la marque de l’opposante est prononcée avec un ‘a’ court. Il y a cependant des différences dans les idées suggérées par les marques. BOSS pourrait être interprété comme faisant référence à celui qui est le patron ou qui donne péremptoirement des ordres. BASS pourrait être interprété comme étant un poisson, un instrument de musique, un type de voix de registre inférieur ou même un nom de famille. Bien qu’aucune preuve relative aux définitions du dictionnaire n’a été présentée, j’ai le droit prendre connaissance judiciaire du sens de ces mots.

 

les autres circonstances de l’espèce

L’opposante a déposé une preuve démontrant qu’en date de septembre 2004, il y avait une seule marque inscrite au registre canadien des marques de commerce formée des lettres B_SS dans la classe 32, hormis celles qui appartiennent aux parties aux présentes. Il s’agissait de la marque BOSS/WATER enregistrée pour de l’eau potable. La requérante a plaidé que l’opposante n’avait pas effectué de recherches plus approfondies qui auraient pu révéler des marques similaires, mais l’opposante a souligné à juste titre qu’il était loisible à la requérante de procéder à de telles recherches si elle croyait qu’elles pouvaient être pertinentes.

 

Comme autre circonstance de l’espèce, la requérante a attiré mon attention sur une décision rendue en 2002 relativement à une opposition mettant en cause les mêmes marques au Royaume-Uni. Dans cette instance, le propriétaire de la marque BASS a été débouté, le registraire ayant conclu qu’il n’y avait pas de risque de confusion, essentiellement en raison des différences qui existent entre les deux marques.

 

Comme l’a déclaré l’agent d’audience Herzig dans Origins Natural Resources c. Warnaco U.S. (2000), 9 C.P.R. (4th) 540 (C.O.M.C.) à la page 548, [traduction] « les décisions rendues par des tribunaux étrangers n’ont pas valeur de jurisprudence contraignante pour la Commission, bien que, selon les circonstances, leur valeur persuasive puisse être prise en compte ».

 

Dans la décision rendue au Royaume-Uni, le registraire a formulé plusieurs hypothèses sur la manière dont le public pourrait distinguer les marques, oralement et visuellement, hypothèses que je ne suis pas disposée à faire miennes. Je n’accorde donc pas de poids à cette décision.

 

Conclusion

Ayant examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre la marque BOSS et la marque BASS de la l’opposante en date de ce jour. J’arrive à cette conclusion parce que : 1) la marque de l’opposante est en usage au Canada depuis longtemps, alors que celle de la requérante n’a pas encore été employée; 2) les marchandises et les réseaux de vente sont identiques; et 3) les différences entre les marques sont insuffisantes en elles-mêmes pour rendre la confusion improbable.

 

Puisque ma conclusion relativement à ce motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) dispose de l’opposition à la demande en vue de l’enregistrement de BOSS, je ne discuterai pas des autres motifs d’opposition.

 

De plus, pour des raisons semblables à celles qui sont énoncées plus haut, je conclus aussi que le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) relativement à la demande visant BOSS LIGHT doit être retenu en raison de la marque déposée BASS de l’opposante. Le mot « light » (légère) a une connotation descriptive lorsqu’il s’agit de bière. Par conséquent, le consommateur canadien moyen de bière s’attacherait à la partie BOSS de BOSS LIGHT, aux fins d’identifier la source, considérant le mot LIGHT simplement comme un descripteur. (Il y a lieu de noter aussi que la requérante renonce au mot « light ».)

 

En paraphrasant la Cour d’appel fédérale dans Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 au paragraphe 19, je dirais qu’il revenait à la requérante de choisir un nom avec soin afin d’éviter toute confusion – comme l’exige la définition de « marque de commerce projetée » que l’on trouve à l’article 2 de la Loi. Je conclus que la requérante ne l’a pas fait.

 

Décision

Conformément aux pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition en vertu du paragraphe 38(8).

 

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO),CE 1er JOUR DE SEPTEMBRE 2006.

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission d’opposition des marques de commerce

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