Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de R.M.P. Athletic Locker Ltd. à la demande n893719 produite par Skis Rossignol Canada Ltée. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce R et dessin

 

 

I Les actes de procédure

 

Le 16 octobre 1998 Skis Rossignol Canada Ltée. (la « Requérante ») a produit la demande numéro 893719 visant l’enregistrement de la marque de commerce R et dessin telle qu’illustrée ci-après :

R (& DESSIN)(la « Marque »)

 

Cette demande est fondée sur un emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

 

Skis alpins et skis de fond et leurs pièces constitutives; bâtons de ski alpin et bâtons de ski de fond; fixations pour les skis alpin et pour les skis de fond; planches à neige et pièces constitutives; fixations de planches à neige; luges; patins à roues alignées; patins à glace; raquettes de tennis, raquettes de squash; balles de tennis; balles de squash; filets de tennis; bottes de ski alpin; chaussures de ski de fond; chaussures de planche à neige; bottes après-ski; guêtres; souliers de tennis; bottes, souliers, pantoufles; sacs et housses de protection pour transporter les skis alpins et les skis de fond; sacs pour les bottes de ski alpin et les chaussures de ski de fond; sacs pour les raquettes de tennis et pour les raquettes de squash; sacs pour les patins à roues alignées; sacs pour les patins à glace; sacs de tennis, sacs de sport et sacs fourre-tout; sacs à dos, sacs pour la taille; vêtements et accessoires pour le ski, la planche à neige, le patinage, le tennis, nommément: manteaux, vestes, anoraks, parkas, coupe-vent, blousons, pantalons, shorts, chandails, T-shirts, maillots, caleçons longs, sweatshirts, pull-overs, combinaisons de ski, habits de planche à neige; jacquettes, tuniques, jupes, robes, bas, chaussettes, socquettes, gants, mitaines, moufles, tuques, bonnets, bandeaux, chapeaux, foulards, écharpes, cache-cols. (les « Marchandises »)

 

 

La demande a été annoncée pour fin d’opposition dans l’édition du 4 août 1999 du Journal des marques de commerce.

 

R.M.P. Athletic Locker Ltd. (« l’Opposante ») a produit une déclaration d’opposition le 4 janvier 2000, que le registraire a transmise à la Requérante le 18 janvier suivant. Le 10 février 2000, la Requérante a produit une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition.

 

L’Opposante a produit en preuve les affidavits Mary P. Noonan et Scott Hopkins alors que la Requérante produisait ceux de François Goulet et Yves Simard. Tous les affiants, à l’exception de Mary P. Noonan, ont été contre-interrogés.

 

Le 7 novembre 2005 l’Opposante a demandé la permission d’amender sa déclaration d’opposition. Le 15 février 2006 le registraire refusait cette demande.

 

Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et seule l’Opposante était représentée lors de l’audience.

 

II La déclaration d’opposition

 

Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :

1.      La Requérante ne pouvait se déclarer satisfaite d’avoir le droit d’utiliser la Marque en liaison avec les Marchandises car la Requérante et l’Opposante œuvrent dans le même type d’activités de telle sorte que chacune est au courant des activités de ses compétiteurs. Ainsi la Requérante ne pouvait ignorer les droits de l’Opposante et ainsi ne pouvait formuler la déclaration qu’elle avait droit à l’enregistrement de la Marque tel que requis (articles 38(2)(a) et 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, (la « Loi »));

 

  1. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque car à la date de production de la demande d’enregistrement, la Marque portait à confusion avec la marque de commerce R et graphisme de l’Opposante employée préalablement au Canada et dont une demande d’enregistrement numéro 810664 avait été produite antérieurement (articles 38(2)(c) et 16(3) de la Loi);
  2. La Marque n’est pas distinctive car elle ne distingue ou n’est pas apte à distinguer les Marchandises des marchandises associées à la marque de commerce R et graphisme de l’Opposante (articles 38(2)(d) et 2 de la Loi).

 

III Analyse des motifs d’opposition

 

C’est à la Requérante  qu’il incombe de démontrer que la demande d’enregistrement est conforme à la Loi, mais l’Opposante a la charge initiale d’établir les faits étayant chaque motif d’opposition. Si l’Opposante s’acquitte de cette charge, il revient alors à la Requérante de prouver suivant la prépondérance des probabilités que les motifs d’opposition invoqués n’empêchent pas l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, p. 329‑330, John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293 et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition varient selon le motif plaidé. Ainsi s’il s’agit d’un défaut de conformité à l’une des dispositions de l’article 30 de la Loi, ce sera la date de production de la demande d’enregistrement (16 octobre 1998) [voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263 et Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469]. Dans le cas du droit à l’enregistrement de la Marque lorsque la demande est fondée sur un emploi projeté, il s’agit également de la date de production de la demande (article 16(3) de la Loi). Finalement il est généralement reconnu que le caractère distinctif de la Marque doit être déterminé à la date de la production de la déclaration d’opposition (le 4 janvier 2000) [voir E. & J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130; [1976] 2 C.F. 3 (C.A.F.), et Metro‑Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc., [2004] C.F. 1185 (C.F. 1re inst.)].

 

i)                    Motif d’opposition fondé sur l’article 30 de la Loi

 

Le premier motif d’opposition est incomplet. L’alinéa 30 i) de la Loi énonce que la Requérante doit fournir une déclaration à l’effet qu’elle est convaincue qu'elle a droit d'employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises et/ou services visés. La Requérante a inclus une telle déclaration dans sa demande. Le fait que les parties œuvrent dans les mêmes sphères d’activités n’est pas suffisant pour conclure que la Requérante ne pouvait déclarer, de bonne foi, avoir droit à l’enregistrement de la Marque. Le premier motif d’opposition tel que libellé est donc écarté.

 

ii)                  Le droit à l’enregistrement

 

M. Hopkins est le Vice-président marketing de l’Opposante. Il est à l’emploi de l’Opposante depuis plus de 20 ans. Les activités commerciales de l’Opposante incluent la vente d’articles de vêtement, de sport, de chaussure et de bonneterie. L’Opposante emploie la marque de commerce R et graphisme telle qu’illustrée ci-après :

R DESIGN

 

ainsi que la marque de commerce RIPZONE en liaison avec les marchandises ci-haut décrites. Certaines de ces marchandises portent ces deux marques de commerce. Les marchandises portant la marque R et graphisme de l’Opposante sont vendues dans plusieurs pays à travers le monde dont le Canada et les États-Unis.

 

Il a produit deux catalogues distincts, l’un pour les articles de vêtement et un autre pour les chaussures. Il a produit également des photos d’articles de vêtement portant la marque R et graphisme de l’Opposante ainsi que des échantillons d’emballages et d’étiquettes. Ainsi l’Opposante vend au Canada depuis le printemps 1997 les marchandises suivantes en liaison avec sa marque de commerce :

Vêtements, nommément, vestes, pantalons, tee-shirts, shorts, chaussettes, gilets, chandails, survêtements, gants, mitaines; articles de sport, nommément, sacs, havresacs et lunettes de soleil; chaussures, nommément, bottes, souliers et sandales; coiffures, nommément, chapeaux.

 

Il a fourni le montant des ventes au Canada de produits portant la marque R et graphisme entre 1997 et 2000 qui totalisent plus de $43 millions pour près de 2 millions d’articles de vêtement ou chaussures. Il a joint à son affidavit une longue liste de commerces où le consommateur canadien peut se procurer les marchandises portant la marque R et graphisme.

 

La promotion de ces produits a débuté au printemps 1996. L’Opposante a dépensé plus de $3 millions au Canada entre 1996 et 2000 pour la promotion de la vente de produits portant la marque R et graphisme. Des échantillons d’extraits de magazines où l’on retrouve de la publicité pour promouvoir la vente des produits portant la marque R et graphisme sont annexés à son affidavit. Il a également fourni d’autre matériel publicitaire. Il a également indiqué les chiffres des ventes aux États-Unis et le Japon durant les années 1997, 1998 et 1999 pour les produits portant la marque R et graphisme.

 

Durant son contre-interrogatoire il a mentionné que l’Opposante visait le marché des jeunes du groupe d’âge 12-19 ans, avec emphase pour les adeptes du « skateboarding, snowboarding et surfboarding ». Il a admis que l’Opposante ne vend ni skis ni planches à neige.

 

Mme. Noonan est une recherchiste pour le compte des agents de l’Opposante. Elle a produit une copie certifiée de l’enregistrement LMC532382 pour la marque de commerce R et graphisme de l’Opposante ci-haut reproduite mais il faut noter que l’enregistrabilité de la Marque sous 12(1)(d) n’est pas un des motifs d’opposition sous analyse dans ce dossier. Elle a également produit des extraits suivants du registre en rapport avec des marques de commerce de la Requérante déposées ou non, incluant celle qui fait l’objet de la présente demande:

 

LMC211892

R & DESSIN

en liaison avec des vêtements nommément: manteaux, vestes, anoraks, blousons, pantalons, jacquettes, tuniques, jupes, robes, shorts, maillots, pull-over, bas, chaussettes, socquettes, bonnets; bottes, souliers, pantoufles.

 

LMC221682 pour la même marque que celle illustrée ci-haut mais pour des raquettes de tennis;

 

LMC191221

R DESIGN

 

en liaison avec des skis.

 

De toute cette preuve je peux conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve de démontrer l’emploi antérieur de sa marque de commerce R et graphisme et qu’elle n’avait pas abandonné cet usage au moment de la publication de la demande d’enregistrement de la Requérante (article 16(5) de la Loi). Je me dois donc d’analyser la preuve produite par la Requérante pour déterminer si elle s’est déchargée de son fardeau de prouver selon la prépondérance des probabilités que la Marque ne risque pas de causer de la confusion avec la marque de l’Opposante.

 

M. Goulet est le président de la Requérante, poste qu’il occupe depuis août 1997. Il dresse un portrait de l’origine française de la société mère de la Requérante qui concentre ses activités à ses débuts à la fabrication de skis.

 

La Requérante fut incorporée le 18 août 1977. Au cours des années 1980 la Requérante a élargi ses activités pour inclure des raquettes de tennis et des accessoires de sport. Au début des années 1990 les activités de la Requérante incluaient la vente de vêtements. En septembre 1991 la société française Rossignol S.A. cède à la Requérante ses droits dans ses enregistrements de marques employées au Canada.

 

L’affiant nous fournit le nombre d’unités de paires de skis et de bottes vendues au Canada par la Requérante de 1993 à aujourd’hui mais sans nous dire en liaison avec quelle(s) marque(s) de commerce ci-haut énumérée(s). Il indique les chiffres de ventes mondiales par la maison mère et ses filiales. Il explique qu’au fil des années la marque de commerce R et dessin a évolué et exhibe cette évolution entre 1965 et 2000. Les graphismes utilisés ont fait l’objet des enregistrements reproduits ci-haut.

 

En 1998 la maison mère a décidé de confier un mandat à l’agence de marketing GBGM de France afin de procéder à une analyse de l’identité visuelle de ses marques et il a produit une copie de ce rapport. Elle a également retenu les services de l’agence de communication française G&M Compagnie, pour la conception de sa nouvelle marque de commerce R et dessin. La pièce FG-7 est une brochure conçue par G&M qui trace l’historique et l’évolution de la marque de commerce R et dessin de la Requérante. La pièce FG-8 est une lettre de G&M confirmant que la Marque est l’évolution de la marque de commerce R & dessin. J’accorde très peu de poids au contenu de cette lettre car il s’agit d’une preuve par ouï-dire.

 

La Marque apparaît depuis la saison 1999-2000 sur les communications corporatives, catalogues et autres documents administratifs. Elle est apposée depuis la saison 2000-01 sur les produits vendus aux consommateurs canadiens. Plusieurs brochures ou catalogues des années 2000-2001 et de 2002-2003 ont été produits pour démontrer que la Marque y apparaît. Certaines factures ont également été produites où on y a apposé la Marque.

 

Durant son contre-interrogatoire, M. Goulet ne savait pas si préalablement au dépôt de la présente demande une recherche sur la disponibilité de la Marque avait été effectuée. En réponse à un engagement pris lors de son contre-interrogatoire il a confirmé qu’aucune telle recherche ne fut effectuée.

 

Il mentionne que les formes du R employées avant 2000 étaient plus rectilignes alors que la Marque comporte des formes arrondies. La Requérante n’a pas fait une étude du marché canadien avant le lancement de la Marque. Il a mentionné en contre-interrogatoire qu’il ne connaissait pas la marque RIPZONE avant le dépôt de la présente opposition.

 

M. Simard est président de Symio Branding Inc. et agit à titre de consultant senior en stratégie et gestion de marque ainsi qu’en identité de marque. Ces champs de pratique incluent la stratégie, le positionnement, le développement et la gestion de portefeuille de marques.

 

Il a plus de dix-huit années d’expérience en branding et en communication. Il a une formation en design graphique et a dessiné plusieurs logos. Je me garde de conclure à ce stade-ci s’il est qualifié pour émettre une opinion sur la probabilité de confusion entre les marques en cause. D’ailleurs l’Opposante s’est fortement opposée à ce que M. Simard soit considéré comme un expert pouvant émettre une telle opinion et ce pour les raisons qui apparaîtront évidentes du résumé du contenu de son affidavit et des admissions faites durant son contre-interrogatoire.

 

Il explique qu’au fil des années les entreprises modifient ou changent leur logo. Il illustre ce fait en citant à titre d’exemple les graphismes des marques de commerce IBM, AVIS, BUDGET pour ne nommer que celles-là. Par la suite il fait une analyse de l’évolution de la marque de commerce R et dessin de la Requérante afin de démontrer que la Marque s’inspire de la marque de commerce R et dessin de la Requérante employée depuis 1975. Il a noté les similitudes et les différences entre les marques des parties pour conclure qu’il n’y a pas de risque significatif que le public puisse confondre les marques en présence.

 

Une des constantes visuelles qu’il note dans les vieux logos employés par la Requérante est la barre horizontale qui fait partie de la lettre R. Lorsque les traits se croisent, ils forment des angles bien définis. Selon lui l’évolution des trois premières marques employées par la Requérante au niveau de la forme du R est à peine visible. La Marque comporte un trait qui n’est plus constant. Cette modification avait pour but d’éliminer les angles et créer un look plus arrondi. Selon lui, un consommateur constaterait les modifications. Il allègue qu’un look plus dynamique sous-entend l’élimination des angles prononcés et l’arrondissement des lignes.

 

Son contre-interrogatoire révèle qu’il n’a fait aucune étude en droit. Il ne se considère pas comme un expert en droit sur les marques de commerce. Il a un bachelier en arts graphiques. Il n’a suivi qu’un cours en psychologie. Aucune des marques citées en exemple dans son rapport ne porte sur des vêtements. Il n’a jamais étudié auparavant des marques en liaison avec des équipements de glisse. Il n’a pas fait d’étude de marché. Il n’a fait qu’une seule recherche de marque pour localiser uniquement la marque de l’Opposante. Il n’a pas lu les affidavits produits par l’Opposante et a lu celui produit par M. Goulet. Il n’a pas été sur le marché pour trouver des produits de l’Opposante alors qu’il a visité un magasin Sport Expert pour voir les produits de la Requérante. Son mandat portait principalement sur l’évolution de la marque R et dessin. Il n’avait pas la responsabilité, pour les fins de son mandat, de vérifier s’il y avait au registre des marques de commerce semblables à la Marque.

 

Au paragraphe 33 de son affidavit il tente d’identifier les différences entre les marques en présence à partir d’une analyse visuelle détaillée qui lui a pris plus de trente minutes selon son témoignage durant son contre-interrogatoire. Selon lui les similitudes des marques en présence sont :

  R stylisé

  À l’intérieur d’une figure géométrique courbée (cercle vs. un ovale)

  Les lignes utilisées pour former le R sont courbées

  Le R est blanc sur fond noir.

 

Il n’a pas associé la Marque aux sports de la glisse lorsqu’il l’a vue pour la première fois. Finalement, il n’a pas analysé comment les marques des parties étaient utilisées sur leurs produits respectifs.

 

À la lumière du contre-interrogatoire je conclus que M. Simard ne peut être qualifié d’expert pour émettre une opinion dans ce dossier sur la probabilité de confusion ou non entre les marques en présence. En effet M. Simard n’a pas d’expertise sur le marché canadien dans le domaine du vêtement. Il n’a pas procédé à une telle analyse de marché. Son mandat ne consistait pas à déterminer s’il y avait probabilité de confusion entre les marques mais plutôt d’analyser l’évolution de la marque de commerce R et dessin de la Requérante au fil des années. Il a procédé à une analyse minutieuse des marques en présence afin d’en déceler les différences, ce qui est loin du test depuis longtemps reconnu par la jurisprudence soit celui du consommateur canadien moyen ayant une mémoire imparfaite et qui a un vague souvenir de la marque de l’Opposante. Associera-t-il cette dernière comme la source des marchandises portant la marque de la Requérante? En aucun temps M. Simard de près ou de loin n’a traité de cette question dans son affidavit ou son contre-interrogatoire. De plus, que la Marque soit le résultat d’une évolution de la marque de commerce R et dessin employée au fil des années par la Requérante, ceci ne lui donne pas le droit d’obtenir l’enregistrement d’une marque de commerce qui pourrait porter à confusion avec une marque de commerce antérieurement employée au Canada.

 

Je n’accorde donc aucun poids au contenu de l’affidavit de M. Simard en ce qui concerne la question à trancher : la Marque risque-t-elle de porter à confusion avec la marque R et graphisme de l’Opposante?

 

La probabilité de confusion entre deux marques de commerce doivent s’analyser en fonction des critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi. La Cour suprême du Canada, par l’entremise de la plume de l’honorable juge Binnie, s’est récemment prononcée sur la portée de cet article dans Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321, en déclarant :

Pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion.  Ce sont : « a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent ».  La liste des circonstances n’est pas exhaustive et un poids différent sera attribué à différents facteurs selon le contexte.  Voir Gainers Inc. c. Marchildon, [1996] A.C.F. no 297 (QL) (1re inst.).  Comme je l’ai déjà dit, dans le cadre d’une procédure d’opposition, c’est au requérant (en l’occurrence l’intimée) qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucune confusion n’est susceptible de survenir.

 

Chacune des marques possède le même degré de caractère distinctif inhérent. Les deux marques en présence sont composées de la lettre R et d’un graphisme circulaire ou ovale. Toutefois l’Opposante emploie sa marque au Canada depuis mai 1997 et ce de façon continue et exhaustive. Cet emploi rehausse le caractère distinctif de la marque. À la date pertinente soit la date de dépôt de la demande d’enregistrement, la Requérante n’employait pas la Marque. Ce facteur favorise l’Opposante.

 

Quant à la durée de l’emploi des marques à la date pertinente, tel que mentionné précédemment, ce facteur est nettement à l’avantage de l’Opposante.

 

Il y a une similitude dans la nature de certaines marchandises portant la marque de chacune des parties. Je fais référence aux marchandises suivantes énumérées dans la demande d’enregistrement :

 bottes, souliers, pantoufles; sacs de sport et sacs fourre-tout; sacs à dos, sacs pour la taille; vêtements et accessoires pour le ski, la planche à neige, le patinage et le tennis, nommément: manteaux, vestes, anoraks, parkas, coupe-vent, blousons, pantalons, shorts, chandails, T-shirts, maillots, caleçons longs, sweatshirts, pull-overs, combinaisons de ski, habits de planche à neige; jacquettes, tuniques, jupes, robes, bas, chaussettes, socquettes, gants, mitaines, moufles, tuques, bonnets, bandeaux, chapeaux, foulards, écharpes, cache-cols. (les « Marchandises Semblables »)

 

Je suis d’avis qu’il n’y a pas de similitude avec les marchandises suivantes :

patins à roues alignées; balles de tennis; balles de squash; filets de tennis; souliers de tennis; sacs pour les raquettes de tennis et pour les raquettes de squash; sacs pour les patins à roues alignées; sacs de tennis. (les « Marchandises Différentes »)

 

L’Opposante argumente que pour les marchandises qui suivent il y a un fort degré de connexité car elles sont vendues dans le même type de magasins qui offrent pour la vente les marchandises portant la marque de commerce de l’Opposante :

Skis alpins et skis de fond et leurs pièces constitutives; bâtons de ski alpin et bâtons de ski de fond; fixations pour les skis alpin et pour les skis de fond; planches à neige et pièces constitutives; fixations de planches à neige; luges; patins à roues alignées; patins à glace; bottes de ski alpin; chaussures de ski de fond; chaussures de planche à neige; bottes après-ski; guêtres; sacs et housses de protection pour transporter les skis alpins et les skis de fond; sacs pour les bottes de ski alpin et les chaussures de ski de fond; sacs pour les patins à glace;

 

Je ne suis pas prêt à franchir ce pas. Il y a suffisamment de différences entre ces marchandises et les marchandises portant la marque de l’Opposante. J’ajoute donc ces marchandises aux Marchandises Différentes.

 

Finalement les marques en présence se ressemblent, tant aux niveaux phonétique que visuel. Je me réfère aux similitudes ci-haut décrites et admises par M. Simard.

 

Dans les circonstances j’arrive à la conclusion qu’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposante en ce qui concerne les Marchandises Semblables. En effet la nature de ces marchandises lorsque comparée avec celle des marchandises portant la marque de l’Opposante et le degré de ressemblance entre les marques des parties m’amènent à conclure en ce sens. Le second motif d’opposition est donc accueilli pour les Marchandises Semblables uniquement.

 

Quant au troisième motif d’opposition (caractère distinctif de la Marque) la question principale demeure la probabilité de confusion entre les marques des parties car l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce R et graphisme était distinctive au Canada au moment de la date pertinente soit le 4 janvier 2000. Or bien que cette date plus tardive puisse être à l’avantage de la Requérante car elle pourrait bénéficier d’une certaine période d’usage de la Marque au Canada, nous n’avons pas de date précise de premier emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises si ce n’est que la Requérante aurait débuté cet emploi durant la saison 2000-2001. Comme la date critique est le 4 janvier 2000, tout au plus, la Requérante aurait employé la Marque pour une période de trois (3) jours en supposant le début de cet emploi au 2 janvier 2000.

 

Mes conclusions sur chacun des critères énoncés à l’article 6(5) de la Loi s’appliquent également à ce motif d’opposition. J’accueille donc le dernier motif d’opposition pour ce qui est des Marchandises Semblables uniquement.

 

V Conclusion

 

La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver suivant la prépondérance des probabilités que la Marque ne porte pas à confusion avec la marque de commerce R et graphisme de l’Opposante lorsque employée en liaison avec les Marchandises Semblables.

 

En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et en vertu des principes énoncés dans l’arrêt Produits Ménagers Coronet Inc. v. Coronet Werke Heinrich SCH 10 C.P.R. (3d) 482 , j’accueille la demande d’enregistrement uniquement en ce qui concerne les marchandises suivantes :

patins à roues alignées; balles de tennis; balles de squash; filets de tennis; souliers de tennis; sacs pour les raquettes de tennis et pour les raquettes de squash; sacs pour les patins à roues alignées; sacs de tennis; Skis alpins et skis de fond et leurs pièces constitutives; bâtons de ski alpin et bâtons de ski de fond; fixations pour les skis alpin et pour les skis de fond; planches à neige et pièces constitutives; fixations de planches à neige; luges; patins à roues alignées; patins à glace; bottes de ski alpin; chaussures de ski de fond; chaussures de planche à neige; bottes après-ski; guêtres; sacs et housses de protection pour transporter les skis alpins et les skis de fond; sacs pour les bottes de ski alpin et les chaussures de ski de fond; sacs pour les patins à glace;

 

et je repousse la demande d’enregistrement de la Marque pour ce qui est des marchandises suivantes :

 

bottes, souliers, pantoufles; sacs de sport et sacs fourre-tout; sacs à dos, sacs pour la taille; vêtements et accessoires pour le ski, la planche à neige, le patinage et le tennis, nommément: manteaux, vestes, anoraks, parkas, coupe-vent, blousons, pantalons, shorts, chandails, T-shirts, maillots, caleçons longs, sweatshirts, pull-overs, combinaisons de ski, habits de planche à neige; jacquettes, tuniques, jupes, robes, bas, chaussettes, socquettes, gants, mitaines, moufles, tuques, bonnets, bandeaux, chapeaux, foulards, écharpes, cache-cols.

 

Le tout en application des dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 18 MARS 2008

 

 

Jean Carrière

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

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