Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

DANS L'AFFAIRE D'UNE OPPOSITION faite par Kraft General Foods Canada Inc. à la demande n600 297 produite par Casino‑Établissements Économiques Du Casino Guichard‑Perrachon & Cie,  relativement à la marque‑dessin

CASINO DE FRANCE                       

 

 

Le 2 février 1988, Casino‑Établissements Économiques Du Casino Guichard‑Perrachon & Cie a présenté une demande d'enregistrement de la marque‑dessin CASINO DE FRANCE reproduite ci‑dessous, en association avec de nombreux aliments et boissons. La demande invoque une date de priorité , soit le 18 décembre 1987, en vertu de l'article 34 de la Loi sur les marques de commerce, basée sur la production d'une demande correspondante d'enregistrement de la marque de commerce en France, par le requérant.

 

 

 

 

Plusieurs modifications ont été apportées à la demande, la dernière environ deux semaines avant l'audience. La demande d'enregistrement faisant l'objet de la présente procédure invoque l'utilisation proposée au Canada et la renonciation au droit à l'usage exclusif du mot « France », et porte sur les marchandises suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


La demande a été publiée pour fins d'opposition le 21 juin 1989. L'opposant, Kraft General Foods Canada Inc. (à l'époque Kraft Limited), a déposé une déclaration d'opposition le 20 septembre 1989, dont copie a été envoyée au requérant le 5 octobre 1989. Celui‑ci a signifié et déposé une contre‑déclaration niant chacun des motifs d'opposition.

 

Dans sa déclaration d'opposition, l'opposant soutient, entre autres choses, que la marque de commerce n'est pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, parce que la marque‑dessin CASINO DE FRANCE risque d'être confondue avec sa propre marque CASINO, no d'enregistrement TMDA 38200, en association avec les produits alimentaires suivants :

"cheese, dressings for salads, and condiments,

namely pickles and relishes, condiments

namely barbecue sauce,"

(voir motif (d)), et que la marque n'a pas de caractère distinctif, car elle n'est pas adaptée de manière à distinguer les produits du requérant des produits fromagers, vinaigrettes et condiments vendus par l'opposant sous la marque CASINO (voir motif (e)).

 

Dans son plaidoyer écrit, l'opposant soutient que « the Applicant need direct its attention only to opposition issues (d) and (e) », mentionnés ci‑dessus, parce que « the Opponent has not been able to establish a factual background in support of the remaining grounds of opposition ».  Il signale en outre que les autres motifs invoqués dans la déclaration d'opposition « are not being dropped in case the opposition goes beyond the Trade-marks Office », présumément en appel devant la Cour fédérale. Toutefois, comme l'opposant n'a retiré aucun de ses motifs d'opposition, il se peut que je doire examiner chaque motif exposé dans la déclaration d'opposition.

 


L'opposant a déposé en preuve un affidavit de Fred L. Johnson, ancien directeur des Affaires commerciales de Kraft Limited, maintenant à la retraite. M. Johnson a déjà rendu témoignage dans deux autres procédures d'opposition mettant en cause son employeur - voir Kraft Ltd. c. Guichard Perrachon et Cie (1986), 11 C.P.R. (3d) 413, et Kraft Ltd c. Guichard Perrachon et Cie (1986), 11 C.P.R. (3d) 134.

 

Les affidavits de M. Johnson dans les deux causes mentionnés ci‑dessus ont été joints au présent affidavit à titre de référence. M. Johnson a subi un contre‑interrogatoire, dont la transcription et les pièces afférentes ont été versées au dossier de la présente procédure.

 

Le requérant n'a présenté aucun élément de preuve à l'appui de sa demande. Les deux parties ont déposé des plaidoyers écrits et se sont fait représenter à l'audience.

 

Selon le témoignage de M. Johnson, relativement aux oppositions précédentes, l'opposant avait une grande renommée, tant sur le marché des consommateurs que sur le marché des industries de services alimentaires, pour des produits fromagers, vinaigrettes, confitures et confiseries. Le chiffre des ventes pour les produits susmentionnés, au cours de la période de 1975 à 1982, prouve l'affirmation de M. Johnson selon laquelle l'opposant était très bien connu pour ces produits alimentaires en 1983. Toutefois, cet élément de preuve date de trop longtemps pour être d'une utilité quelconque à l'opposant dans la présente affaire.

 

L'utilisation au Canada de la marque CASINO de l'opposant remonte à aussi loin que 1928 pour les fromages et les vinaigrettes. Le chiffre de vente des produits fromagers de marque CASINO ont été d'environ 46 000 $ en 1957 et ont augmenté graduellement pour atteindre quelque 3 356 000 $ en 1982. Pour la même période les ventes de vinaigrettes de marque CASINO sont passées d'environ 100 000 $ à quelque 211 000 $.

 


Le dernier affidavit de M. Johnson fournit les chiffres de vente des produits de la marque CASINO de l'opposant depuis 1983, soit approximativement 3,6 millions de dollars pour 1983 à 1986 inclusivement, et 9,2 millions de dollars en moyenne pour les années 1987 et 1988. Il ressort de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Johnson que, depuis 1983, presque toutes les ventes sous la marque CASINO ont été des fromages de diverses catégories, et quelques vinaigrettes, cornichons et relish et sauces barbecue.

 

La majorité des ventes de produits fromagers et de vinaigrettes ont été faites sous de gros formats (p.ex. des paquets de fromage pesant de 2 à 5 kilogrammes) à des restaurants, hôtels et institutions qui utilisent ces produits dans la préparation d'aliments vendus aux consommateurs. Les produits fromagers de l'opposant sont aussi vendus dans les sections « deli » des détaillants de produits alimentaires.

 

J'examinerai d'abord le motif d'opposition aux termes de l'alinéa 12(1)d), soit que la marque‑dessin CASINO DE FRANCE du requérant n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec la marque enregistrée CASINO de l'opposant pour des produits fromagers, vinaigrettes et condiments. Comme l'opposant n'a pas déposé son enregistrement en preuve, j'ai exercé les pouvoirs discrétionnaires du Registraire et vérifié les détails de l'enregistrement no 38200 invoqué dans la déclaration d'opposition. Voir Quaker Oats Co. of Canada Ltd. c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d), 410 à 412 (COMC). La date qui fait foi, pour ce qui est du motif de la confusion en vertu de l'alinéa 12(1)d), est la date de ma décision - voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Conde Naste Publications Inc. c. La Fédération canadienne des épiciers indépendants (1991), 37 C.P.R. (3d) 538 (COMC).

 


Il incombe au requérant de prouver qu'il n'y a pas de risque raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi, entre sa marque‑dessin CASINO DE FRANCE et la marque CASINO enregistrée par l'opposant. Pour déterminer s'il peut y avoir confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi. Comme le fardeau de la preuve incombe au requérant, s'il est impossible d'en arriver à une  conclusion définitive une fois examinés tous les éléments de preuve, l'affaire doit être tranchée en faveur de l'opposant. Voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R. (3d), 293 à 297‑298 (Section de première instance de la Cour fédérale).

 

En ce qui touche l'alinéa 6(5)a), le caractère distinctif inhérent de la marque CASINO de l'opposant est certes très prononcé, car il n'y a aucun lien entre le mot « casino » et les marchandises énumérées dans l'enregistrement de l'opposant. La marque‑dessin CASINO DE FRANCE, qui fait l'objet de la demande, n'a pas autant de caractère distinctif inhérent, car les mots « de France » donnent fortement à penser que les marchandises proviennent de France ou du moins sont de facture française. Je conclus de la preuve de l'opposant que sa marque CASINO est bien connue de l'industrie des services alimentaires et — mais dans une moindre mesure — du grand public, en association avec des produits fromagers. Rien ne prouve que la marque demandée CASINO DE FRANCE soit vraiment connue.

 

La durée depuis laquelle les marques sont utilisées joue en faveur de l'opposant.

 


Les produits visés par la demande diffèrent des produits mentionnés dans l'enregistrement de l'opposant. Toutefois, les produits des deux parties tombe sous la catégorie générale de produits alimentaires (et boissons). On peut faire valoir que le reseau de commercialisation des parties est différent, car la majorité des ventes de l'opposant sont effectuées dans l'industrie des services alimentaires, alors que les produits du requérant sont destinés au grand public, par l'entremise des détaillants de produits alimentaires. Toutefois, la demande du requérant et l'enregistrement de l'opposant ne sont assoctis d'aucune restriction à cet effect et c'est ce qui regit - voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. 2 C.P.R. (3d), 361 à 372 (Section de première instance de la Cour fédérale), 12 C.P.R. (3d), 110 à 112 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. 19 C.P.R. (3d) 3, 10‑11 (C.A.F.). Il n'y  aucune preuve non plus que l'opposant ait l'intention de limiter ses ventes à l'industrie des services alimentaires. Bien au contraire, des éléments de preuve attestent que l'opposant commercialise ses produits auprès du grand public par l'entremise de détaillants. Compte tenu de ce qui précède, et faute de preuve du contraire, je conclus que les créneaux commerciaux associés aux aliments et boissons vendus par les parties, y compris la bière et le vin, seraient les mêmes ou se chevaucheraient.

 

En ce qui a trait à l'alinéa 6(5)e), il existe un haut degré de ressemblance entre les marques en cause. Le requérant s'est approprié la totalité de la marque de l'opposant et n'y a rajouté que de la matière non-distinctive.

 


À l'audience, le requérant a invoqué, inter alia, les affaires John E. Fetzer, Inc. c. Tiger Brand Knitting Co. (1989), 26 C.P.R. (3d) 551 (Section de première instance de la Cour fédérale), et Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (Section de première instance de la Cour fédérale). Dans les deux cas, la Cour a statué en faveur de la marque du requérant, renversant ainsi la décision rendue en faveur de l'opposant par la présente Commission. Dans Tiger Brand, la marque‑dessin demandée était DETROIT TIGERS, alors que l'opposant possédait plusieurs marques comprenant le mot TIGER. Dans l'affaire Clorox, la marque‑dessin du requérant était K.C. MASTERPIECE et celle de l'opposant MASTERPIECE. Bien que l'on puisse faire un certain parallèle entre ces affaires et la présente, il y a néanmoins des choses qui les distinguent de celle‑ci. Dans Tiger Brand, la Cour a déclaré (p. 555) « these are different looking logos, pitched to different consumers in different settings and with different channels of distribution ».

Ces circonstances ne s'appliquent pas en l'espèce. Dans Clorox, la Cour a statué (pp. 489‑490) que la marque MASTERPIECE de l'opposant décrivait la qualité des marchandises et ne jouissait donc que d'une protection minime. Par contre, dans la présente affaire, j'ai conclu que la marque CASINO de l'opposant avait un caractère distinctif inhérerent très prononcé.

 

Compte tenu de ce qui précède, et étant donné que le test permettant d'établir si les deux marques pourraient porter à confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait, je conclus que le requérant ne s'est pas acquité du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer qu'il n'y aurait pas de risque raisonnable de confusion entre la marque-dessin demandée CASINO DE FRANCE et la marque CASINO enregistrée par l'opposant. Je fais donc droit à l'opposition de l'opposant aux termes de l'alinéa 12(1)d) de la Loi et il est donc inutile de m'attarder aux autres motifs. J'ajoute toutefois que je conviens avec le requérant que l'opposant n'a pas assumé le fardeau de la preuve en ce qui a trait aux motifs invoqués aux paragraphes 1(a) à 1(c) inclusivement de la déclaration d'opposition.

 

 

 

 

 

 

 


En egard à ce qui précède, la demande du requérant est refusée.

 

 

 

 

 

FAIT À HULL (QUÉBEC), LE 31e JOUR DE MARS 1993.

 

 

 

 

 

 

 

 

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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