Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION d’A.C. Nielson Company à la demande d’enregistrement n° 859741 de la marque de commerce MARKETRAX produite par Jewelstone Systems Inc.

                                                                                                                                                     

 

Le 27 octobre 1997, la requérante, Jewelstone Systems Inc., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce MARKETRAX, fondée sur l’emploi au Canada depuis au moins septembre 1997. La demande couvre les marchandises suivantes : « logiciel fournissant un système de suivi des ventes et de la commercialisation de titres d’organismes de placement collectif ». La demande a été annoncée en vue de la procédure d’opposition le 29 avril 1998.

 

L’opposante, A.C. Nielson Company, a produit une déclaration d’opposition le 29 juin 1998. Elle y déclare qu’elle est propriétaire de la marque de commerce MARKET TRACK, enregistrée sous le n° LMC373464, qu’elle a employée en liaison avec des services de recherche de marketing depuis au moins juin 1986. Le premier motif d’opposition se fonde sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), l’opposante soutenant que la marque de commerce demandée crée de la confusion avec la marque de commerce enregistrée de l’opposante MARKET TRACK. Comme deuxième motif, l’opposante plaide que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce MARKETRAX selon l’article 16 de la Loi. Le troisième et dernier motif d’opposition est que la marque demandée MARKETRAX n’est pas distinctive, selon l’alinéa 38(2)d) de la Loi.

 

La requérante a produit et signifié une contre-déclaration le 12 août 1998, dans laquelle elle a dénié de façon générale les allégations formulées par l’opposante dans sa déclaration d’opposition. L’opposante a produit en preuve l’affidavit de Derek Nelson, vice-président d’ACNielsen Company of Canada, et une copie conforme de l’enregistrement n° 373464 de la marque de commerce MARKET TRACK. La requérante a produit en preuve l’affidavit de Robert P. Massaar, président de Jewelstone Systems, Inc. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et les deux parties ont été représentées à l’audience.

 


La principale question dans la présente procédure porte sur le point de savoir si la marque de commerce de la requérante crée de la confusion avec celle de l’opposante. S’agissant des questions de l’absence de droit à l’enregistrement, de l’absence de caractère distinctif et de la non-enregistrabilité, les époques pertinentes pour la considération de la question de la confusion sont, respectivement, la date de premier emploi revendiquée (soit septembre 1997); la date de l’opposition (soit le 29 juin 1998) et la date de ma décision. En l’espèce, la date choisie pour apprécier la question de la confusion est sans conséquence.

 

À l’égard du premier motif d’opposition, la requérante assume le fardeau de persuasion en ce qui concerne l’absence de risque de confusion entre les marques en cause. Il en résulte que, si une conclusion nette ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en défaveur de la requérante : voir John Labatt Ltée c. Compagnies Molson Ltée, (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 aux pages 297 et 298 (C.F. 1re inst.). Dans l’application du critère de la confusion prévu au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment des circonstances suivantes spécifiquement énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre des marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Je passerai en revue la preuve en fonction de ces facteurs et des autres circonstances de l’espèce.

 

En ce qui a trait à l’alinéa 6(5)a) de la Loi, ni l’une ni l’autre des marques n’est forte par elle-même, du fait que les deux marques suggèrent le type de marchandises et de services qui sont offerts. La marque de l’opposante a acquis un caractère distinctif plus marqué que celle de la requérante; toutefois, comme la preuve de l’opposante l’établit, pour chacune des cinq années précédant la date de l’affidavit de M. Nelson (le 25 mars 1999), l’opposante avait gagné plus de 10 millions de dollars de revenu avec ses services de recherche en marketing MARKET TRACK au Canada, alors que le chiffre des ventes annuelles du produit MARKETRAX de la requérante a été de 9 000 $ en 1997 et 23 500 $ en 1998. Je conclus donc que la marque de l’opposante était devenue notoire dans tout le Canada alors que la marque de la requérante n’était connue que dans une mesure limitée.

 

            S’agissant de l’alinéa 6(5)b) de la Loi, bien que l’enregistrement de l’opposante se fonde sur l’emploi au Canada depuis au moins juin 1986, le témoignage de M. Nelson ne corrobore pas cette prétention, à mon avis. Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que la preuve de l’opposante établit l’emploi de la marque depuis au moins 1994. Comme la marque de la requérante n’est employée que depuis septembre 1997, ce facteur joue en faveur de l’opposante.


Quant au genre de marchandises et de services et à la nature du commerce des parties (alinéas 6(5)c) et d)), c’est l’état déclaratif des marchandises de la requérante et l’état déclaratif des services de l’opposante dans l’enregistrement n° LMC 373464 qu’il faut prendre en considération : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 aux pages 10 et 11 (C.A.F.) (Mr. Submarine), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 à la page 112 (C.A.F.) (Henkel Kommanditgesellschaft) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 aux pages 390 à 392 (C.A.F.).  Toutefois, il faut lire ces états déclaratifs en vue de déterminer le type probable d’entreprise ou de commerce visé par les parties plutôt que tous les types possibles de commerce qui pourraient être compris dans la formulation. À cet égard, des éléments de preuve sur le commerce réel des parties est utile : voir la page 169 de la décision de la Cour fédérale d’appel dans  McDonalds Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168.        

 

D’après l’affidavit Massaar, la requérante fournit des logiciels au secteur canadien des organismes de placement collectif (notamment à vingt-six institutions financières canadiennes) et offre une suite de produits intégrés qui répondent aux besoins des clients en ce qui concerne la  tenue de dossiers, les ventes et la commercialisation, le service à la clientèle et Internet en ce qui touche les renseignements sur les porteurs de titres. Le logiciel MARKETRAX, en particulier, permet aux sociétés de gestion d’organismes de placement collectif de suivre l’activité de ventes quotidienne, mensuelle, annuelle, de l’année antérieure, et sur une base mobile de 12 mois. Il fournit également des données sur les souscriptions, les rachats, les souscriptions nettes, les transferts, les actifs, la tendance et le nombre d’opérations dans chaque période. Le logiciel de la requérante peut être acheté par la voie d’un contrat de licence avec ou sans infogérance et est offert sur la base d’une société de services informatiques. 

 

Les services de recherche en marketing de l’opposante combinent des système de suivi des consommateurs à domicile avec des services de suivi au niveau du détail et du gros pour fournir à ses clients un niveau élevé d’information de gestion. Les clients de l’opposante comprennent les chaînes de grandes épiceries et les sociétés pharmaceutiques. Dans la pièce C jointe à l’affidavit de M. Nelson, il est fait mention de capacités informatiques de l’opposante dans la fourniture de ses services de recherche de marketing.

 


Bien que les services de recherche de marketing de l’opposante puissent être quelque peu différents du logiciel de la requérante offrant un système de suivi des ventes et de la commercialisation des organismes de placement collectif, je conviens avec l’opposante qu’il existe un potentiel de recoupement des canaux de distribution. À cet égard, bien que les clients de l’opposante comprennent actuellement les chaînes de grandes épiceries et les sociétés pharmaceutiques, les services enregistrés de l’opposante ne se limitent pas à cette clientèle. Comme l’a relevé l’agent de l’opposante, la pièce B de l’affidavit de M. Nelson indique qu’ACNielsen est le chef de file mondial dans la prestation au secteur des produits et services de consommation de services de recherche, d’information et d’analyse sur le marché. J’estime donc que l’opposante pourrait étendre ses services au secteur des placements, notamment aux banques, pour couvrir le suivi des cours de bourse, par exemple.   

 

S’agissant de l’alinéa 6(5)e) de la Loi, les marques des parties sont très semblables et presque identiques lorsqu’on les prononce. Les idées suggérées par les marques sont également similaires, puisque toutes les deux suggèrent le suivi du marché de quelque manière. 

 

Au titre des circonstances de l’espèce, j’ai considéré l’argument de la requérante que l’emploi démontré de la marque de l’opposante ne constitue pas un emploi faisant l’objet d’une licence selon l’article 50 de la Loi. Je ne puis souscrire à cette position.  M. Nelson déclare dans son affidavit que sa société a utilisé la marque de commerce en vertu d’une licence d’A.C. Neilson Company et, jusqu’en 1993, également à titre d’usager inscrit. En outre, M. Nelson déclare qu’A.C. Nielsen Company [TRADUCTION] « contrôle les caractéristiques et la qualité des services rendus en liaison avec la marque de commerce MARKET TRACK au Canada ». Comme l’a souligné l’agent de l’opposante, M. Nelson a déclaré que le propriétaire inscrit avait le contrôle sur les services réellement rendus en liaison avec la marque et non seulement sur la société de l’auteur de l’affidavit. Je suis donc convaincu que le témoignage de M. Nelson est suffisant pour établir que le propriétaire inscrit avait le contrôle voulu sur la marque selon le paragraphe 50(1) de la Loi. Quoi qu’il en soit, ainsi qu’elle l’a relevé, l’opposante peut invoquer l’usage de toute personne pour établir que la marque demandée, à tout le moins, n’est pas distinctive.

 


Dans l’application du critère de la confusion, j’ai considéré qu’il s’agit d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions tirées ci-dessus, et en particulier du degré de notoriété de la marque de l’opposante, de la ressemblance entre les marques des parties et du potentiel de recoupement de leurs circuits de distribution, je juge que je me retrouve dans le doute sur la question de la confusion. Donc, je conclus que l’opposante a gain de cause à l’égard de chacun de ses motifs d’opposition.

 

Donc, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués selon le paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante en application du paragraphe 38(8) de la Loi.                     

 

DATÉ À HULL (QUÉBEC) DU 28 JUIN 2001.

 

 

C. R. Folz

Membre,                                                                                

Commission des oppositions des marques de commerce

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