Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2011 COMC 33

Date de la décision : 2011‑02‑28

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Scouts Canada à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1338850 pour la marque de commerce BEAVER ED au nom de New PAPP INTERNATIONAL Inc.

Le dossier

[1]        Le 9 mars 2007, Papp International Inc. a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce BEAVER ED, fondée (i) sur son emploi au Canada depuis le 1er février 2007 en liaison avec les services dont la liste suit, et (ii) sur son emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises énumérées ci‑dessous :

services

Services de magasin de détail sur un réseau informatique mondial dans les domaines des produits éducatifs pour enfants, nommément cahiers d'exercices portant sur les aptitudes à écrire, l'arithmétique, l'orthographe et la phonétique; livres nettoyables avec un chiffon, livres et tableaux; livres de contes; casse-tête; affiches; offre de plans de leçons éducatives au moyen d'un réseau informatique mondial pour l'enseignement de compétences langagières et arithmétiques aux enfants; offre d'une cyberlettre au moyen d'un réseau informatique mondial faisant la promotion des biens et des services du requérant; offre de feuilles d'activités téléchargeables pour les enfants au moyen d'un réseau informatique mondial.

 

marchandises

Produits éducatifs pour enfants, nommément cahiers d'exercices portant sur les aptitudes à écrire, l'arithmétique, l'orthographe et la phonétique; livres nettoyables avec un chiffon, livrets, tableaux, livres de contes, casse-tête, affiches, livres d'images, livres de fantaisie, livres à rabats, livres en tissu, livres pour le bain, stylos et livres d'activités, livres pour autocollants et livres sonores; cartes d'activités, fiches, tableaux numériques, clichés d'imprimerie, tampons en caoutchouc, tapis d'activités, calendriers et cartes; stylos, crayons, crayons à dessiner, marqueurs, étuis à crayons, gommes à effacer en caoutchouc, taille‑crayons et serre‑livres; logiciels, nommément didacticiels pour enfants.

 

[2]        La demande considérée a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce le 8 août 2007 et a fait l'objet le 6 décembre de la même année d'une déclaration d'opposition de Scouts Canada. En application du paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, le registraire a fait parvenir à la requérante une copie de la déclaration d'opposition le 22 janvier 2008. La requérante a alors produit et signifié une contre-déclaration contestant l'ensemble des allégations de la déclaration d'opposition.

[3]        La preuve de l'opposante consiste en un affidavit de John Robert Stewart, et celle de la requérante, en un affidavit de George Papp. Les deux parties ont produit des observations écrites, et il a été tenu le 8 février 2011 une audience où elles étaient toutes deux représentées.

 

La déclaration d'opposition

allégations de fait

[4]        Les allégations de fait exposées dans la déclaration d'opposition sont les suivantes : i) l'opposante est une personne morale constituée en 1914 par une loi spéciale du Parlement; ii) l'opposante met en œuvre des programmes axés sur la jeunesse et comportant toutes sortes d'activités, notamment éducatives, sportives et de plein air; iii) l'opposante réalise ses programmes dans le cadre et par l'intermédiaire d'un certain nombre de sections désignées par des noms tels que BEAVERS (Castors), WOLF CUBS (Louveteaux) et SCOUTS (Éclaireurs); iv) les membres les plus jeunes de l'opposante sont inscrits dans la section désignée BEAVER (Castor) ou BEAVERS (Castors), et parfois BEAVER-CANADA (Castor Canada) ou BEAVERS-CANADA (Castors Canada); v) la section BEAVER de l'opposante existe depuis 1971, et des milliers de garçons s'y sont inscrits; vi) l'opposante emploie depuis 1971 les marques de commerce BEAVER et BEAVERS, soit isolément, soit avec d'autres éléments verbaux et/ou des éléments graphiques, notamment des représentations réalistes ou fantaisistes de castors.

 

motifs d'opposition

[5]        Le premier motif d'opposition, fondé sur l'alinéa 38(2)a) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi), est que la demande d'enregistrement considérée ne satisfait pas aux exigences de l'article 30 de la Loi, parce que la marque BEAVER ED n'est pas distinctive, étant donné l'emploi par l'opposante des marques BEAVER susdites, de sorte que BEAVER ED n'est pas une marque de commerce au sens de l'article 2 de la Loi.

[6]        Le deuxième motif est que la marque BEAVER ED visée par la demande n'est pas enregistrable parce que l'article 9 de la Loi en interdit l'adoption. À ce propos, l'opposante précise qu'elle a donné avis de la marque BEAVERS, sous le régime de l'article 9, en avril 1989.

[7]        Le troisième motif, fondé sur l'article 16, est que la requérante n'a pas droit à l'enregistrement de la marque BEAVER ED visée par sa demande i) pour les raisons exposées au premier motif, et ii) parce que, à la date de son premier emploi allégué, cette marque créait de la confusion avec les marques BEAVER de l'opposante.

[8]        Enfin, l'opposante soutient que la marque visée par la demande ne distingue pas les services de la requérante, pour les raisons exposées plus haut.

 

La preuve de la requérante

[9]        M. Papp atteste qu'il est le président de la requérante, qui fait affaire sous le nom commercial de Beaver Books Publishing. La requérante vend toutes sortes d'auxiliaires didactiques (ci‑après désignés « Produits »), notamment des cahiers d'exercices et livres d'activités destinés à l'éducation des enfants. La requérante vend ses produits en liaison avec la marque BEAVER ED depuis 2008. M. Papp a annexé en liasse à son affidavit, sous la cote GP‑1, des documents exemplifiant la manière dont la marque BEAVER ED est employée en liaison avec des livres-questionnaires pour enfants. La requérante vend ses produits aux consommateurs canadiens par l'intermédiaire de 557 magasins Dollarama disséminés partout au Canada et d'autres chaînes de magasins de détail – notamment Walmart, Costco et Zellers –, ou directement, à partir de son site Web. M. Papp a annexé en liasse à son affidavit, sous la cote GP‑2, les résultats d'une recherche qu'il a effectuée sur Internet, selon lesquels (i) le castor est officiellement devenu un symbole du Canada, et (ii) le mot beaver (castor) et diverses représentations de castors sont employés en liaison avec divers produits vendus au Canada, ou afin d'associer des produits à l'idée du Canada ou des Canadiens.

 

La preuve de l'opposante

[10]      M. Stewart atteste qu'il est membre du personnel professionnel de Scouts Canada depuis 1982, et qu'il remplit actuellement les fonctions de commissaire exécutif et de président-directeur général de cette organisation. Sa preuve étaye en général, surtout au moyen de pièces, les allégations de fait exposées dans la déclaration d'opposition. Par exemple, la pièce 5 annexée à son affidavit est un exemplaire du livre intitulé Beaver Leader's Handbook (Manuel de l'animateur castor); la pièce 6 est constituée d'articles concernant le programme BEAVERS de l'opposante qui ont paru dans diverses publications, notamment le journal Ottawa Citizen; la pièce 7 comprend, entre autres, des livres d'activités intitulés Jump Start for Beavers (Démarrage pour les castors), diffusés au sein de l'opposante; la pièce 8 réunit des exemplaires de divers livres relatifs au programme BEAVER de l'opposante, diffusés depuis 1972, où l'on trouve par exemple des chapitres intitulés « The Beaver Law », « The Beaver Motto » et « Remembering the Beaver Promise »; et la pièce 9 se compose de calendriers 2000, 2001 et 2002 de Scouts Canada où l'on retrouve la mention BEAVERS, distribués dans le cadre de collectes de fonds nationales.

[11]      Les garçons et filles inscrits à la section des BEAVERS (Castors) de Scouts Canada passent normalement ensuite, dans l'ordre, aux sections des CUBS (Louveteaux), des SCOUTS (Éclaireurs) et des VENTURERS (Aventuriers). Les programmes de ces trois dernières sections comprennent diverses activités sportives. Chaque section a un programme conçu pour un groupe d'âge déterminé. La pièce 11 indique que le programme BEAVER est destiné aux enfants de 5 à 7 ans, tandis que le programme VENTURER s'adresse aux adolescents de 14 à 17 ans. L'opposante fournit à ses membres des marchandises consistant en uniformes, équipements et accessoires connexes depuis 1972. Elle exploite d'un bout à l'autre du Canada des SCOUT SHOPS (Magasins Scouts) où elle vend des marchandises à ses membres et au public. En juillet 2008, il y avait 21 magasins de cette nature. Les marques BEAVER et BEAVERS sont employées en liaison avec diverses marchandises, notamment des articles d'habillement, des livres, des chansonniers et des jeux de table, depuis au moins 1993. Comme je le disais plus haut, les pièces jointes à l'affidavit de M. Stewart corroborent et illustrent les déclarations qu'il y formule.

[12]      J'ai remarqué que l'opposante paraît avoir produit, dans l'affaire ayant donné lieu à la décision Scouts Canada c. Beaver County Productions Inc. (2010), 84 C.P.R. (4th) 142, des éléments de preuve analogues à ceux qu'elle a produits dans la présente procédure. Or, la Commission a formulé la conclusion suivante, à la page 146 de cette décision :

Dans tout son affidavit, M. Stewart emploie indifféremment les mots « BEAVER » ou « BEAVERS ». J’estime que la présence ou l’absence du « s », selon le cas, n’est pas déterminante en l’espèce. Je suis d’avis que toute preuve de l’emploi de la marque de commerce BEAVERS constitue une preuve de l’emploi de la marque de commerce BEAVER et vice versa [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie. Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985),4  C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.)]. Dans la suite des présents motifs, toute mention de la marque de commerce BEAVER s’entend également de la marque de commerce BEAVERS

 

Je reprends ici cette conclusion à mon compte : toute mention ultérieure dans la présente décision de la marque BEAVER au singulier de l'opposante s'entendra de même de cette marque au pluriel.

 

Le fardeau ultime et le fardeau de preuve

[13]     C’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime d’établir que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce que l’opposant dans sa déclaration d’opposition. Le fardeau imposé au requérant signifie qu’en l’absence d’une conclusion décisive au termes de la production de l’ensemble des éléments de preuve, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant. Cependant, conformément aux règles de preuve habituelles, l’opposant a le fardeau de prouver les faits sur lesquels reposent les allégations de sa déclaration d’opposition; voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, page 298. Le fardeau imposé à l’opposant relativement à une question donnée signifie que celle-ci­ ne peut être tant soit peu examinée que s’il a produit des éléments de preuve suffisants pour qu’on puisse raisonnablement en conclure à l’existence des faits qu’il invoque au soutien de sa thèse.

 

Le premier motif d'opposition – alinéa 38(2)a) et article 30

[14]      Je souscris aux observations proposées par la requérante aux paragraphes 25 à 27 de son plaidoyer écrit, selon lesquelles le premier motif, tel qu'il est exposé dans la déclaration d'opposition, est insoutenable parce qu'il n'est pas formulé de manière suffisamment détaillée pour qu'elle puisse y répondre. Il faut noter à ce propos que la requérante n'a pas précisé sur quel paragraphe de l'article 30 elle se fonde, que l'opposante n'a pas exposé les faits dont on pourrait conclure que la marque visée par la demande n'est pas une marque de commerce, et que [TRADUCTION] « l'absence de caractère distinctif » ne peut être invoquée comme motif d'opposition sous le régime de l'alinéa 38(2)a). En conséquence, le premier motif d'opposition est rejeté.

 

Le deuxième motif d'opposition – article 9

[15]      L'opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui pesait sur elle relativement au deuxième motif d'opposition en produisant, en pièce 10 annexée à l'affidavit de M. Stewart, une copie de l'avis qu'elle a donné sous le régime de l'article 9. Dans Boy Scouts du Canada c. Aleksiuk (2006), 56 C.P.R.(4th) 459, la Commission a examiné un argument semblable fondé sur l'article 9 relativement à la demande d'enregistrement de la marque BILLY BEAVER. Elle exposait le raisonnement suivant à la page 466 de cette décision :

Dans l'affaire WWF-World Wide Fund for Nature v. 615334 Alberta Limited (2000), 6 C.P.R. (4th) 247 (C.O.M.C.), p. 253, le commissaire Martin a analysé dans les termes suivants le critère qui doit être appliqué aux termes du sous-alinéa 9(1)n)(iii) en renvoyant aux décisions judiciaires rendues dans les affaires Big Sisters Association of Ontario v. Big Brothers of Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.); conf. (1997), 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.) :

 

[TRADUCTION] Ainsi que le prévoit le sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, le critère à appliquer est celui de savoir si la marque du requérant est composée de la marque officielle ou de savoir si la ressemblance de la marque du requérant avec la marque officielle est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec cette dernière. En d'autres mots, la marque du requérant est-elle identique ou presque identique à l'une ou l'autre des marques officielles de l'opposant? Voir la page 217 de la décision rendue en première instance dans l'affaire Big Sisters, susmentionnée. Aux pages 218 et 219 de la décision rendue en première instance, le juge Gibson a confirmé que, pour se prononcer sur la ressemblance entre les marques en litige, il y a peut-être lieu de tenir compte des facteurs énoncés à l'alinéa 6(5)e) de la Loi. En outre, à la page 218, le juge Gibson a indiqué que le critère devait être appliqué au titre de la première impression et du souvenir imparfait : voir également les pages 8 et 9 de la décision non publiée de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Association olympique canadienne c. Techniquip Limited (no de greffe A‑266‑98; 10 novembre 1999).

 

Dans la présente affaire, la marque du requérant n'est pas identique à la marque officielle de l'opposant. En outre, j'estime que la marque de commerce BILLY BEAVER du requérant, lorsqu'elle est considérée comme un tout, n'a qu'une certaine ressemblance avec la marque officielle BEAVERS dans la présentation, le son ou dans l'idée qu'elle suggère. En conséquence, la marque du requérant n'est pas presque identique à la marque officielle de l'opposant. Les différences entre BILLY BEAVER et BEAVERS sont telles qu'un consommateur canadien ne pourrait confondre BILLY BEAVER et BEAVERS.

 

 [16]     Dans la présente affaire, la marque visée par la demande d'enregistrement n'est pas identique à la marque de l'opposante. L'application du raisonnement exposé dans la citation qui précède m'amène à conclure que la marque visée par la demande n'a qu'une certaine ressemblance avec la marque officielle BEAVERS. Voir aussi le paragraphe 23 ci‑dessous.

 

Par conséquent, la marque visée par la demande n’est pas presque identique à la marque officielle de l’Opposante. J’estime donc que la marque BEAVER ED ne ressemble pas à la marque officielle BEAVERS au point d’être confondue avec elle.

 

Le troisième motif d'opposition – l'absence de droit à l'enregistrement

[17]      La preuve produite par l'opposante suffit à mettre en question le troisième motif d'opposition, selon lequel la requérante n'aurait pas droit à l'enregistrement de la marque visée par sa demande. Il incombe donc à la requérante de prouver que, (i) à la date de production de la demande, soit au 9 mars 2007, la marque BEAVER ED visée par cette demande ne créait pas de confusion, à l'égard de ses marchandises, avec la marque BEAVER de l'opposante, et que (ii) à la date de premier emploi revendiquée par la requérante, soit le 1er février 2007, la marque BEAVER ED visée par la demande ne créait pas de confusion avec la marque BEAVER de l'opposante à l'égard des services de ladite requérante; voir respectivement les alinéas 16(3)a) et 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce.

[18]      Il incombe à la requérante de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, qu'il n'y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi (reproduit ci‑dessous), entre la marque BEAVER ED visée par la demande et la marque BEAVER de l'opposante :

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont [...] vendues, [...] ou que les services liés à ces marques sont [...] exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

On voit que le paragraphe 6(2) concerne la confusion, non pas entre les marques mêmes, mais entre les sources des marchandises ou des services. Dans la présente espèce, la question que pose le paragraphe 6(2) est celle de savoir si le consommateur risquerait de conclure que les marchandises et services fournis par la requérante sous la marque BEAVER ED sont fournis par l'opposante ou avec son agrément.

 

Les facteurs spécifiés au paragraphe 6(5)

[19]     Les facteurs à prendre en considération pour établir si deux marques créent de la confusion sont énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi. Ce sont : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune a été en usage; le genre de marchandises, de services ou d’entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive : tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, tous les facteurs n’ont pas nécessairement un poids égal; le poids à donner à chacun d’eux dépend des circonstances de l’espèce. Voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

Examen des facteurs spécifiés au paragraphe 6(5)

[20]     La marque BEAVER de l'opposante possède un certain degré de caractère distinctif inhérent, mais elle est aussi relativement faible, étant donné que le castor (beaver) est généralement perçu comme un symbole du Canada. De même, la marque BEAVER ED visée par la demande est relativement faible, étant composée d'éléments faibles. Remarquons à ce propos que l'élément ED serait perçu comme un prénom. Je suis disposé à conclure, malgré les insuffisances de l'affidavit de M. Stewart pour ce qui est de la mesure dans laquelle est employée de la marque BEAVER de l'opposante, que cette dernière, aux dates pertinentes de février et mars 2007, avait acquis une réputation importante au Canada en liaison avec les programmes de l'opposante destinés à la jeunesse, et une certaine réputation en liaison avec des marchandises telles que les articles d'habillement, écharpes, livres, badges et autres insignes qui font partie intégrante de ces programmes. Je souscris ici aux observations formulées par la requérante au paragraphe 52 de son plaidoyer écrit :

[TRADUCTION] L'opposante n'a produit aucun élément de preuve relatif à ses ventes réelles en liaison avec les marques de commerce BEAVER. Elle n'a produit : (i) ni factures attestant ses ventes, (ii) ni chiffres de ventes, (iii) ni chiffres concernant les quantités de marchandises qu'elle aurait vendues par catalogue ou dans des magasins.

 

[21]      La preuve de M. Papp, tout comme celle de M. Stewart pour ce qui concerne la marque de l'opposante, se révèle insuffisante quant à la mesure dans laquelle est employée la marque BEAVER ED visée par la demande. Étant donné la courte durée de l'emploi effectif, je ne suis pas disposé à inférer que cette dernière marque a acquis au Canada plus qu'une faible réputation à l'égard des services. Pour ce qui concerne les marchandises, la marque de la requérante ne peut évidemment avoir acquis aucune réputation, puisque, à leur égard, la demande d'enregistrement est fondée sur son emploi projeté.

[22]     Le critère de la période pendant laquelle les marques en question ont été en usage joue en faveur de l'opposante, puisque celle‑ci a commencé à employer sa marque BEAVER dès 1993. Les marchandises et services de la requérante coïncident en partie avec ceux de l'opposante, et il semble que certains des services et marchandises de la requérante seraient destinés à peu près au même groupe d'âge que le programme de scoutisme BEAVER de l'opposante. Cependant, l'opposante vend ses produits dans des établissements, et au moyen de catalogues, spécialement destinés au soutien de ses programmes pour la jeunesse, plutôt que par l'intermédiaire de magasins de détail axés sur le grand public. Je souscris en conséquence à l'observation suivante que formule la requérante au paragraphe 60 de son plaidoyer écrit :

[TRADUCTION] Étant donné les différences qui séparent les voies de commercialisation des marchandises respectives de la requérante et de l'opposante, et le caractère limité des voies de commercialisation des marchandises de cette dernière [...] il est très peu probable que les marchandises de la requérante soient jamais vendues dans les mêmes magasins de détail ou au moyen des mêmes catalogues.  

 

[23]      Il y a évidemment une ressemblance entre les marques en question dans la présentation et le son, puisque la marque BEAVER de l'opposante est identique au premier élément de la marque BEAVER ED visée par la demande; voir à ce sujet Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.). Cependant, l'importance du premier élément d'une marque est moindre s'il consiste en un mot commun, descriptif ou suggestif; voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., [1991], 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); et Phantom Industries Inc. c. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.). De plus, les marques des parties suggèrent des idées différentes : la marque de l'opposante, celle d'un animal réel; et la marque visée par la demande, celle d'un personnage fictif.

 

Conclusion

[24]      M. le juge Cattachach a dit ce qui suit à propos de l'attitude à adopter à l'égard des marques relativement faibles à la page 169 de GSW Ltd. c. Great West Steel Industries (1975), 22 C.P.R.(2d) 154 (C.F. 1re inst.) :

[...] une jurisprudence constante affirme que dans le cas de marques « faibles », on peut accepter que seules de légères différences distinguent une marque d'une autre et raisonnablement s'attendre à une plus grande vigilance de la part du public.

 

[25]      L'application de ce principe aux faits de la présente espèce m'amène à conclure que la requérante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, l'absence de probabilité raisonnable de confusion, aux dates pertinentes, entre la marque BEAVER ED visée par la demande et la marque BEAVER de l'opposante. En conséquence, le troisième motif d'opposition est rejeté.

 

Le quatrième motif d'opposition l'absence de caractère distinctif

[26]      Dans la présente espèce, la réponse à la question de savoir si la marque visée par la demande distingue ou est adaptée à distinguer les marchandises et services de la requérante dépend de la question de la probabilité de confusion entre cette marque et celle de l'opposante à la date pertinente, soit au 6 décembre 2007; voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R.(4th) 317 (C.F. 1re inst.), page 324. Pour des raisons essentiellement identiques à celles que j'ai exposées sous le troisième motif d'opposition, je conclus que la marque visée par la demande ne créait pas de confusion avec la marque de l'opposante au 6 décembre 2007. En conséquence, le quatrième motif d'opposition est rejeté.

 

Décision

[27]      Au vu de ce qui précède, l'opposition est rejetée. Je rends cette décision en vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

___________________

Myer Herzig                             

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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