Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2012 COMC 238

Date de la décision: 2012-12-12

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., SRL / LLP visant l’enregistrement no LMC572,346 de la marque de commerce POM DE VIE au nom de Cidrerie Michel Jodoin Inc.

[1]               Le 6 janvier 2011, à la demande de Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., SRL / LLP (la Partie Requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), à Cidrerie Michel Jodoin Inc. (l’Inscrivante), propriétaire inscrite de l’enregistrement nLMC572,346 pour la marque de commerce POM DE VIE (ci-après parfois référée la Marque) enregistrée en liaison avec les marchandises suivantes : « eau-de-vie distillée, eau-de-vie de pomme » (ci-après parfois référées les Marchandises).

[2]               Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit d’une marque de commerce doit démontrer, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, que la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce se situe entre le 6 janvier 2008 et le 6 janvier 2011 (la Période Pertinente).

[3]               L’emploi en liaison avec des marchandises est défini comme suit à l’article 4 de la Loi :

(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[…]

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

[4]               Il est bien établi que l’objet et la portée de l’article 45 de la Loi est de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à débarrasser le registre du « bois mort »; c’est pourquoi le test applicable est peu exigeant. Comme l’a affirmé le juge Russell dans Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF), à la p. 282 :

[TRADUCTION] Nous savons que l’objet de l’article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l’emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l’article 45 et d’appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d’une affaire à l’autre, en fonction d’une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[5]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit un affidavit de son président et propriétaire, Michel Jodoin, assermenté le 18 mars 2011, accompagné des Pièces 1 à 11 inclusivement. Les deux parties ont produit des représentations écrites. Aucune audience n’a été demandée.

[6]               Considérant plus en détail la preuve soumise par l’Inscrivante, M. Jodoin affirme que l’Inscrivante a obtenu en 1999 un permis de distillateur et est devenue la première microdistillerie de pommes au Canada. M. Jodoin affirme qu’un des spiritueux haut de gamme à avoir vu le jour suite à cette innovation est l’eau-de-vie vendue en association avec la Marque.

[7]               M. Jodoin affirme que depuis 2002, la Marque a été employée de manière ininterrompue par l’Inscrivante en association avec les Marchandises. Il affirme à cet égard que la clientèle globalement visée par les Marchandises est composée de restaurants haut de gamme et d’amateurs d’eaux-de-vie fines. Plus particulièrement, M. Jodoin affirme qu’au cours de la Période Pertinente, l’eau-de-vie POM DE VIE a été et continue d’être vendue à la Société des alcools du Québec (SAQ) ainsi qu’au comptoir de l’Inscrivante. L’eau-de-vie POM DE VIE est également vendue en France.

[8]               M. Jodoin affirme que le prix de vente affiché à la SAQ est de 44$ et celui au comptoir de l’Inscrivante varie entre 25$ et 40$ selon les promotions offertes. M. Jodoin fournit les chiffres de vente annuels approximatifs de l’Inscrivante pour les Marchandises pour chacune des années 2008 à 2010 de même que les chiffres de vente prévisionnels pour l’année 2011, lesquels totalisent 29 660$.

[9]               M. Jodoin explique par ailleurs que l’étiquetage de la bouteille d’eau-de-vie POM DE VIE a commencé à être repensé en 2009 et a subi un changement d’apparence en janvier 2010. Il explique notamment qu’à partir de l’automne 2010, l’eau-de-vie POM DE VIE a commencé à être vendue dans des bouteilles arborant la nouvelle apparence. Depuis ce temps, les versions initiales de la bouteille d’eau-de-vie POM DE VIE sont progressivement écoulées, ce qui explique qu’il soit encore possible de les retrouver en vente à la SAQ.

[10]           Au soutien de ses affirmations, M. Jodoin produit les pièces suivantes :

         Pièce 1, laquelle consiste en une fiche technique de l’eau-de-vie POM DE VIE. M. Jodoin précise que cette fiche est disponible, sur demande, aux consommateurs et sert d’outil de référence ainsi que de publicité. Je note que cette fiche inclut une photographie de la nouvelle bouteille arborant la Marque. Les Marchandises sont décrites comme « eau-de-vie / apple eau-de-vie ». Les coordonnées de l’Inscrivante de même qu’un extrait d’une critique publiée dans l’édition de mars 2008 de Summum Magazine y sont également reproduits;

         Pièce 2, laquelle consiste en un extrait du site Internet www.saq.com représentant l’eau-de-vie POM DE VIE. Bien que cet extrait soit daté du « 2011-01-18 », c.-à-d. postérieurement à la Période Pertinente, je note que celui-ci inclut une photographie de l’ancienne bouteille à laquelle est ficelée l’étiquette décrite ci-après à la Pièce 4. L’extrait fait également référence à un numéro de code de produit « CUP »;

         Pièce 3, laquelle consiste en une photographie de l’ancienne bouteille d’eau-de-vie POM DE VIE;

         Pièce 4, laquelle consiste en un spécimen de l’étiquette ficelée sur l’ancienne bouteille des Marchandises lors de leur mise en marché entre 2002 et l’automne 2010 (c.-à-d. avant l’introduction de la nouvelle bouteille). Cette étiquette arbore la Marque et réfère au même code de produit que celui apparaissant à la Pièce 2;

         Pièce 5, laquelle consiste en des photographies de la nouvelle bouteille d’eau-de-vie POM DE VIE. Cette bouteille arbore la Marque et les coordonnées de l’Inscrivante;

         Pièce 6, laquelle consiste en un rapport d’informations commerciales de la SAQ en ce qui concerne la vente de l’eau-de-vie POM DE VIE dans ses succursales. Bien que la Marque n’y soit par référée comme telle, je note que le rapport fait référence sous la rubrique « Michel Jodoin eau-de-vie de pommes » au même « CUP » que celui apparaissant aux Pièces 2 et 4. Également, bien que le rapport ait été généré le « 2011-02-03 », i.e. postérieurement à la Période Pertinente, celui-ci fait état des ventes réalisées pour les années 2008, 2009 et 2010;

         Pièce 7, laquelle consiste en un échantillonnage représentatif de copies de factures couvrant les années 2008 à 2010 et démontrant la vente au comptoir de l’Inscrivante de produits, dont notamment les Marchandises en liaison avec lesquelles la Marque est enregistrée. J’estime que le fait que ces factures réfèrent à « POMME DE VIE », plutôt qu’à la Marque telle quelle, est sans conséquence en l’espèce. Compte tenu des spécimens décrits plus avant sous les Pièces 3 à 5 et des affirmations de faits détaillées de M. Jodoin, j’estime raisonnable de souscrire à l’argument de l’Inscrivante à l’effet que le fait que la Marque n’apparaît pas dans sa forme exacte sur ces copies de factures est simplement attribuable à l’indexation du système caissier de l’Inscrivante;

         Pièce 8, laquelle consiste en une copie de documents se rattachant à la vente des Marchandises en liaison avec la Marque en France, à savoir : une copie d’une Déclaration du fabricant touchant les exportations de produits alimentaires fabriqués au Canada; deux copies de Certificats d’origine; et deux copies de factures. Bien que certains de ces documents soient datés de l’année 2007, soit antérieurement à la Période Pertinente, je note que d’autres sont datés de mars 2008 et font expressément référence à l’eau-de-vie POM DE VIE;

         Pièces 9 et 10, lesquelles consistent en une copie d’un menu du restaurant Ô QUÉBEC Le restaurant nature (situé entre autres à Toulouse en France) et disponible en ligne sur son site Internet http://www.oquebec.com; et un extrait imprimé de ce site sous la section « Boutique en ligne », incluant une reproduction de l’ancienne bouteille d’eau-de-vie POM DE VIE. Bien que ces documents ne démontrent pas à proprement parler l’emploi de la Marque au sens de l’article 4 de la Loi, j’estime que ceux-ci supportent néanmoins les affirmations de M. Jodoin; et

         Pièce 11, laquelle consiste en un échantillonnage représentatif de coupures de presse diverses, toutes datées antérieurement à la Période Pertinente, sauf pour ce qui est de l’extrait de l’édition de mars 2008 du magazine Summum, référencé plus avant. Bien que ce dernier extrait ne démontre pas à proprement parler l’emploi de la Marque au sens de l’article 4 de la Loi, j’estime, encore ici, que celui-ci supporte dans une certaine mesure les affirmations de M. Jodoin.

[11]           M. Jodoin termine son affidavit en affirmant que l’Inscrivante a bien l’intention de poursuivre la fabrication et la vente des Marchandises et qu’il va sans dire que la Marque est d’une très grande importance pour elle.

[12]           La Partie Requérante soumet que l’affidavit de M. Jodoin n’établit pas que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les Marchandises au sens des articles 4 et 45 de la Loi pendant la Période Pertinente. La Partie Requérante fait notamment valoir que les affirmations de M. Jodoin constituent de « vagues allégations » (« bald statements ») d’emploi. Je ne suis pas d’accord.

[13]           Tel qu’il ressort de ma revue de l’affidavit de M. Jodoin, les affirmations de celui-ci quant à l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises pendant la Période Pertinente sont supportées par des faits précis et nombre de pièces justificatives qui se complètent et se corroborent l’une l’autre. L’affidavit de M. Jodoin ne peut être qualifié de vague ou ambigu. Il ressort clairement de l’affidavit de M. Jodoin considéré dans son ensemble que la Marque ne saurait être qualifiée de « bois mort ». Au contraire, l’affidavit de M. Jodoin démontre l’importance de celle-ci pour l’Inscrivante.

[14]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera par conséquent maintenu conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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