Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 COMC 155

Date de la décision: 2011-09-02

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Nada Fashion Designs Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,343,300 pour la marque de commerce NO NADA & dessin au nom de Groupe Boyz Inc.

Les procédures

[1]               Les Boxers Boyz Inc. (Boxers) a déposé le 13 juillet 2007 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce NO DADA & dessin telle qu’illustrée ci-après, fondée sur un emploi projeté:

NO NADA & DESIGN (la Marque).

[2]               La requérante est présentement identifiée au registre comme étant Groupe Boyz Inc. suite au changement de nom de Boxers. J’utiliserai la désignation « la Requérante » pour identifier indistinctement Boxers et/ou Groupe Boyz Inc.

[3]               La Requérante a modifié sa demande d’enregistrement le 17 juillet 2008 de telle sorte que l’état déclaratif des marchandises se lit maintenant comme suit :

Vêtements pour enfants, nommément: t-shirts, ensembles de jogging, chandails et pantalons de coton ouaté, pantalons, robes, jupes, chandails, chemises, vestes, jumpsuits, jumpers, grenouillères, salopettes, blouses, pyjamas, robes de nuit, peignoirs, shorts, bermudas, sous-vêtements, caleçons boxers, camisoles, collants, bas, chaussettes, barboteuses, habits de neige, tuques, foulards, ceintures, mitaines, gants, maillots de bain, manteaux, manteaux de pluie, imperméables, blousons, chapeaux (les Marchandises).

[4]               Cette demande fut publiée le 26 décembre 2007 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition. Nada Fashion Designs Inc. (l’Opposante) a déposé le 28 avril 2008 une déclaration d’opposition que le registraire a transmise le 27 mai 2008 à la Requérante. Cette dernière a produit le 25 juillet 2008 une contre-déclaration niant essentiellement tous les motifs d’opposition ci-après décrits.

[5]               L’Opposante a produit à titre de preuve l’affidavit de Nada Shephred et les certificats d’authenticité pour les marques de commerce déposées alléguées au soutien de ses motifs d’opposition ci-après décrits ainsi que la demande d’enregistrement portant le n° 1,363,611. Elle a également produit une copie du présent dossier. La Requérante a produit l’affidavit de Nérée Arsenault pour sa preuve. Les parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient représentées à l’audience.

Les motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition plaidés peuvent se résumer ainsi :

1)      La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux exigences de l’article 30(i) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la  Loi ) en ce que la Requérante ne pouvait se déclarer satisfaite d’avoir droit à l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises en raison de l’existence des marques déposées de l’Opposante, de ses marques non déposées et de ses noms commerciaux tels que plus amplement détaillés ci-après;

2)      La Marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi car elle porte à confusion avec les marques déposées suivantes de l’Opposante :

NADA, certificat d’enregistrement n° LMC 565,840 pour des bijoux;

NADA NUFF, certificat d’enregistrement n° LMC 478,859 pour des vêtements;

3)      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(a) de la Loi car à la date de production de la demande, la Marque portait à confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante ci-haut énumérées et la marque NADA faisant l’objet de la demande d’enregistrement n° 1,363,611 fondée sur un emploi depuis mars 2002 en liaison avec entre autres des vêtements et des accessoires telles que souliers, ceintures, gants, sandales et chapeaux, toutes antérieurement employées et/ou connues au Canada par l’Opposante et/ou ses prédécesseurs en titre;

4)      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(b) de la Loi car à la date de production de la demande, la Marque portait à confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante pour lesquelles des demandes d’enregistrement avaient été antérieurement produites au Canada par les prédécesseurs en titre de l’Opposante;

5)      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(c) de la Loi car à la date de production de la demande, la Marque portait à confusion avec les noms commerciaux de l’Opposante Nada Fashion Designs Inc. et /ou Nada qui étaient employées antérieurement au Canada par l’Opposante et/ou ses prédécesseurs en titre.

6)      La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas ou n’est pas apte à distinguer les Marchandises des marchandises et services de l’Opposante.

Fardeau de preuve

[7]               Dans le cadre de procédures en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve se rapportant aux motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’opposante satisfait cette exigence, la requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce [voir Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.) et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.P.I.)].

 

Motifs d’opposition rejetés sommairement

[8]               Le premier motif d’opposition, tel que libellé, n’est pas un motif d’opposition en soi. L’article 30(i) de la Loi n’exige de la Requérante qu’elle se déclare satisfaite d’avoir le droit à l’enregistrement de la Marque. Cette déclaration apparaît à la demande d’enregistrement. L’allégation de l’existence des marques et de noms commerciaux de l’Opposante n’est pas suffisante en soi pour soutenir un motif d’opposition sous l’article 30(i) de la Loi. Cet article pourrait par exemple servir de fondement à un motif d’opposition où la mauvaise foi de la part de la Requérante serait alléguée [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol Myers Co. (1974) 15 C.P.R. (2d) 152]. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

[9]               Quant au quatrième motif d’opposition, l’article 16(4) de la Loi stipule que les demandes d’enregistrement sur lesquelles l’Opposante se fonde doivent être pendantes au à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque (26 décembre 2007). Or ce n’est pas le cas car le certificat d’enregistrement LMC478,859 pour la marque NADA NUFF fut émis le 23 juillet 1997 alors que le certificat d’enregistrement n° LMC565,840 pour la marque NADA le fut le 15 août 2002. Par conséquent ce motif d’opposition est également rejeté.

Motif d’opposition sous l’article 16(3)(a) de la Loi

[10]           La date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement (13 avril 2007) [voir l’article 16(3) de la Loi].

[11]           L’Opposante a le fardeau initial de démontrer l’emploi antérieur de sa ou ses marques de commerce et qu’elle n’avait pas abandonné cet usage à la date de l’annonce de la présente demande d’enregistrement [voir article 16(5) de la Loi]. Pour les fins de ce motif d’opposition je considère que l’Opposante a de meilleures chances de succès avec la marque NADA qui aurait été employée en liaison avec des vêtements et accessoires. Ainsi si j’arrive à la conclusion que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial et que, sur la base de la prépondérance des probabilités, il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque NADA il ne saurait y avoir de risque de confusion entre la Marque et la marque NADA NUFF.

[12]           Afin d’éviter toute ambiguïté sur le fondement juridique de ce motif d’opposition je tiens à souligner que l’Opposante a clairement identifié la marque de commerce NADA au soutien de ce motif en référant à sa demande d’enregistrement 1,363,611 pour la marque NADA. Toutefois sous l’article 16(3)(a) de la Loi ce n’est pas la demande d’enregistrement comme telle qui est le fondement de ce motif mais bien l’usage antérieur de cette marque de commerce.

[13]           Mme Shephred occupe le poste de présidente de l’Opposante. Elle explique que l’Opposante fut incorporée le 31 décembre 2002. L’Opposante est le successeur en titre de Mme Shephred qui opérait sous la raison sociale NADA, enregistrée le 20 avril 2001. Elle a produit une copie des documents pertinents à cet effet.

[14]           L’Opposante et son prédécesseur en titre exercent le commerce de concevoir, fabriquer, vendre et offrir des vêtements, sacs à main, bijoux et autres items reliés en liaison avec la marque de commerce NADA et ce depuis au moins 2001.

[15]           Les ventes directes à des consommateurs ont lieu généralement après que ces derniers aient vu les marchandises portant la marque NADA sur le site web de l’Opposante, lors de parades de mode, à la télévision, dans des annonces publiées dans des journaux ou par le « bouche à oreille ».

[16]           Mme Shephred décrit les intentions de l’Opposante dans le futur concernant de nouvelles activités commerciales. Ces allégations sont non pertinentes pour les fins de ce motif d’opposition.

[17]           Elle prétend que chaque marchandise vendue par son entreprise entre 2001 et mars 2008 portait une étiquette avec l’inscription NADA. Elle a produit une facture pour l’achat d’étiquettes portant la marque NADA remontant à novembre 2001. Je note que cette facture fut émise à « Nada », soit la raison sociale employée par Mme Shephred avant l’incorporation de l’Opposante.

[18]           Elle a produit la plus ancienne facture de vente de vêtements portant la marque NADA qu’elle ait pu retracer et qui porte la date du 8 mars 2002. Toutefois la Requérante souligne qu’il n’y a aucune référence à la marque NADA sur la facture. Elle a produit en liasse (pièce 11) des exemplaires de factures pour illustrer la vente de marchandises portant la marque NADA. La Requérante plaide que la majorité de ces factures ne font aucunement référence à la marque NADA. Je note que c’est à compter de septembre 2006 qu’il y a référence à la Marque ou la raison sociale Nada sur les factures.

[19]           Elle a produit du matériel publicitaire pour promouvoir la vente de marchandises portant la marque NADA et utilisé entre 2002 et mars 2007 ainsi que d’autres échantillons de tel matériel distribués au Canada entre avril 2007 et novembre 2008 (date de son affidavit).

[20]           Elle explique que l’Opposante organise périodiquement des parades de mode où des vêtements portant la marque NADA sont présentés avec l’aide de mannequins. Il s’agit d’événements coûteux. Ainsi à titre d’exemple celle qui a eu lieu en septembre 2004 a coûté au moins 15 000 $ alors que celle présentée en octobre 2008 aurait coûté environ 25 000 $.

[21]           Elle allègue que l’Opposante a été l’une des 4 finalistes à la compétition télévisée 2004 TF1 New Labels Fashion design. Elle allègue que cette émission a été vue par des milliers de téléspectateurs mais ceci constitue du ouï-dire. Elle a toutefois produit deux articles publiés dans le National Post (mars 2004) et Elle Canada (aucune date) sur cette compétition.

[22]           Elle a produit des copies d’articles parus dans les magazines Flare et NOW traitant de la collection de vêtements portant la marque NADA et parus avant la date pertinente [voir pièce 37]. Toutefois il n’y a aucune preuve que ces magazines circulent au Canada.

[23]           Le reste de la preuve contenue dans l’affidavit de Mme Shephred concerne des événements qui se sont déroulés après la date pertinente associée à ce motif d’opposition. Toutefois je tiens à faire référence à certains d’entre eux car ils démontrent que l’Opposante n’avait pas abandonné l’usage de sa marque NADA à la date de l’annonce de la présente demande d’enregistrement.

[24]           Ainsi depuis septembre 2006 l’Opposante participe à des foires commerciales pendant lesquelles les vêtements portant la marque NADA sont exhibés. Ces vêtements furent également présentés lors de la troisième édition de la semaine de la mode L’Oréal tenue en mars 2007. Mme Shephred a produit un extrait du site web de cet événement où l’on voit la marque NADA en arrière-plan.

[25]           L’Opposante a participé le 23 octobre 2007 à l’édition subséquente du même événement. Mme Shephred a produit à cet effet un article publié sur Internet ainsi que des photos qui se retrouvaient sur le site web du journal The Toronto Star.

[26]           Le Requérante a critiqué certains éléments de cette preuve abondante. Elle soulève qu’il n’y a aucune preuve que les étiquettes produites portant la marque NADA étaient apposées sur les vêtements de l’Opposante. De plus il n’y aurait aucune mention de la marque NADA sur les premières factures produites. Or les pièces produites par Mme Shephred complémentent les allégations contenues dans son affidavit. Au paragraphe 40 de son affidavit Mme Shephred indique clairement que les étiquettes étaient apposées sur les vêtements vendus. Cette allégation doit se lire en conjonction avec la production d’une facture prouvant l’achat d’étiquettes portant la marque NADA remontant à novembre 2001 ainsi que la production d’une de ces étiquettes [voir pièce 8] Quant aux premières factures produites, l’affiant indique au paragraphe 41 qu’il s’agissait de chapeaux portant la marque NADA. Si la Requérante y voyait une certaine ambigüité il lui était loisible de contre-interroger Mme Shephred sur ces allégations.

[27]           Je conclus de cette preuve que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial de prouver l’emploi antérieur au Canada de sa marque de commerce NADA en liaison avec des vêtements et accessoires et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi le 26 décembre 2007.

[28]           Il revient donc maintenant à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne portait pas à confusion avec la marque de commerce NADA à la date de la production de sa demande d’enregistrement.

[29]           Le test applicable en l’espèce est décrit à l’article 6(2) de la Loi. Ainsi l’emploi de la Marque créera de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises et services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, loués ou exécutés par la même personne, que ces services ou marchandises soient ou non de la même catégorie générale. Une liste non exhaustive des circonstances pertinentes apparaît à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[30]           La Cour suprême du Canada dans l’arrêt récent de Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al. 2011 C.S.C. 27 a interprété l’article 6(2) et nous a éclairé sur la portée des différents critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi. Il en ressort de cette analyse que le degré de ressemblance entre les marques en litige demeure le facteur le plus important.

Caractère distinctif inhérent et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[31]           Le mot NADA n’a aucune signification en rapport avec des articles de vêtements, accessoires ou bijoux. La Requérante soulève toutefois deux arguments visant à minimiser le caractère distinctif inhérent de la marque NADA. Dans un premier temps elle soulève que NADA est un prénom tel qu’en fait foi le nom de la présidente de l’Opposante, soit Nada Shephred. Outre l’identification de cette personne dans son affidavit je n’ai aucune preuve que NADA serait reconnu par les consommateurs canadiens comme étant un prénom usuel.

[32]           La Requérante allègue également que la preuve démontre que NADA est un mot dans plusieurs langues. Pour soutenir cette prétention, elle plaide que l’Opposante elle-même, dans le cadre de l’examen de la demande d’enregistrement n° 1,363,611 pour la marque de commerce NADA a fourni des traductions du mot NADA provenant de langues étrangères [voir pièce 6 à l’affidavit de Mme Shephred]. Finalement la Requérante a produit en annexe de son argumentation écrite des extraits de dictionnaires espagnol-anglais et portugais-anglais.

[33]           Les mots de langues étrangères bénéficient d’un certain caractère distinctif inhérent à moins que la preuve démontre que le sens du mot de langue étrangère soit connu du consommateur canadien. Je n’ai aucune preuve au dossier que le consommateur moyen canadien serait en mesure de reconnaître le sens du mot NADA provenant de d’autres langues autres que les langues française et anglaise. Même si je considérais les extraits de dictionnaires étrangers produits par la Requérante, malgré qu’ils n’aient pas été produits en preuve, et les définitions attribuées au mot NADA par l’Opposante dans le cadre de l’examen de sa demande d’enregistrement n° 1,363,611, aucune de ces définitions ne peut être reliée à la nature ou la qualité de vêtements. Je conclus donc que la marque de commerce NADA possède un certain caractère distinctif inhérent.

[34]           Il en est de même pour la Marque. Elle est constituée de la partie vocable NONADA et d’un graphisme. Je considère donc que la Marque, prise dans son ensemble, possède un degré de caractère distinctif inhérent légèrement supérieur à la marque NADA de l’Opposante en raison de sa portion graphique.

[35]           Je n’ai pas pris en considération les allégations de M. Arsenault, président de la Requérante, contenues dans son affidavit à l’effet que la partie vocable de la Marque signifierait NON NON car il ne nous indique pas comment il arrive à cette conclusion.

[36]           Le degré de caractère distinctif d’une marque de commerce peut être rehaussé par l’usage de cette marque de commerce. Puisque la date pertinente sous ce motif est la date de production de la demande d’enregistrement et que cette demande est fondée sur un emploi projeté je ne peux prendre en considération toute preuve d’emploi de la Marque postérieure à cette date. Quant à la preuve d’usage de la marque NADA ci-haut décrite, elle démontre que la marque NADA était connue au Canada au 13 avril 2007. Toutefois, comme je n’ai pas de chiffres de vente de vêtements ou accessoires en liaison avec la marque de commerce NADA, il est difficile de déterminer la mesure dans laquelle la marque NADA était devenue connue au Canada à la date pertinente.

[37]           Puisque la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement supérieur à celui de la marque de commerce NADA de l’Opposante mais que cette dernière marque est plus connue au Canada que la Marque, le premier facteur décrit à l’article 6(5)(a) de la Loi ne favorise aucune des parties et ne saurait être un facteur déterminant en l’espèce.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[38]           Compte tenu de la preuve décrite précédemment et de la date pertinente, il en résulte que ce facteur favorise l’Opposante.

Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[39]           J’ai indiqué que la demande d’enregistrement avait fait l’objet d’un amendement en date du 17 juillet 2008 pour modifier l’état déclaratif des marchandises. Cet amendement visait à ajouter les mots « pour enfants » après le mot « vêtements » au tout début de la nomenclature des marchandises. Ainsi les marchandises sont passées de « Vêtements » à « Vêtements pour enfants ». J’estime raisonnable de conclure que la Requérante a modifié sa demande d’enregistrement afin d’être en mesure de plaider qu’il existe une différence dans la nature des marchandises vendues par les parties et leurs créneaux de distribution.

[40]           L’Opposante argumente que le registraire ne peut tenir compte de cette modification puisque la date pertinente sous le présent motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement originale. Peu importe la modification apportée, il n’en demeure pas moins que les Marchandises sont des vêtements.

[41]           La preuve démontre que l’Opposante et son prédécesseur en titre ont employé la marque NADA en liaison avec des vêtements. Il y a donc chevauchement entre les marchandises vendues par l’Opposante sous la marque de commerce NADA et les Marchandises.

[42]           Quant à la nature des activités commerciales des parties, la Requérante plaide que l’Opposante vise une clientèle intéressée à la haute couture alors que la Requérante cible les enfants. Je remarque toutefois que dans les deux cas l’acheteur sera un adulte.

[43]           Mme Shephred allègue dans son affidavit que l’Opposante vend ses vêtements autant aux particuliers directement, qu’aux commerçants ou par l’entremise d’agents de vente qui eux-mêmes vendent ces vêtements à d’autres commerçants (paragraphe 25 de son affidavit). M. Arsenault allègue de son côté que la Requérante vend ses vêtements à des commerçants qui en font la revente. Je constate qu’il y a donc une similitude entre la nature du commerce des parties : la vente de vêtements.

[44]           Les facteurs décrits aux articles 6(c) et (d) de la Loi favorisent donc l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques

[45]           Il est bien établi que nous devons tenir compte des marques dans leur ensemble et non pas tenter de décortiquer les caractéristiques de chacune d’elles afin de déterminer les similitudes et les différences. Il a été reconnu que la première portion d’une marque de commerce est la plus importante lorsqu’il s’agit de distinguer des marques de commerce [voir Masterpiece op.cit., par. 63]. Toutefois dans le cas de la Marque ce critère revêt moins d’importance compte tenu que le mot anglais « NO » n’est pas distinctif en soi représentant simplement la négation de la portion qui suit ce mot. Ainsi le mot anglais « NO » met l’emphase sur le mot ou les mots qui le suivent.

[46]           Les marques se ressemblent phonétiquement en raison de la présence du mot NADA, distinctif en lui-même. Le graphisme n’a pas suffisamment d’importance pour qu’il marque à ce point la mémoire du consommateur moyen de manière à ce que ce dernier identifie la Marque par la seule présence de ce graphisme. Au niveau des idées suggérées par les marques en présence, je comprends que le mot « NO » donne un sens de négation. Toutefois il s’agit de la négation du mot NADA qui est la composante distinctive de la Marque.

[47]           La Requérante, lors de l’audience, a plaidé que la Marque était plutôt NONADA puisqu’il n’y avait aucun espace entre la lettre O et le second N. De plus les trois premières lettres formant le mot NON sont en majuscule alors que les autres lettres sont en minuscule. Ainsi la Marque pourrait tout aussi bien se prononcer NON-ADA, rendant encore moins semblable phonétiquement les marques des parties. Je n’ai aucune preuve au dossier à ce sujet. Je note toutefois, bien qu’il n’y ait aucune revendication de couleur dans la présente demande, que les deux premières lettres formant le mot NO sont plus pâles que les lettres formant le mot NADA. Malgré qu’il existe une possibilité qu’un francophone prononce la Marque « NON-ADA », je considère qu’il existe une autre possibilité, tout aussi vraisemblable, qu’un anglophone ou une personne bilingue puisse prononcer la portion vocable de la Marque « NO-NADA ».

[48]           Dans son ensemble, ce facteur favorise également l’Opposante.

[49]           De cette analyse je retiens le degré de ressemblance entre les marques et la similitude des marchandises. Ceci est suffisant pour conclure que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et la marque de commerce NADA de l’Opposante à la date de production de la présente demande d’enregistrement. Ainsi j’accueille le troisième motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[50]           La date pertinente associée à ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition (le 28 avril 2008) [voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.P.I.)]. L’Opposante doit donc d’abord démontrer qu’à cette date ses marques de commerce étaient suffisamment connues au Canada [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F.P.I.)].

[51]           Je tiens à souligner que cette date postérieure à la date pertinente liée au motif d’opposition précédemment analysé n’a aucune incidence sur l’analyse des différents critères de l’article 6(5) de la Loi sauf pour ce qui suit. La preuve d’usage décrite ci-haut serait suffisante pour conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de prouver que sa marque NADA était connue au Canada au 28 avril 2008. À cette preuve s’ajoute le fait que l’Opposante ait participé à la 5e édition de la semaine de mode L’Oréal tenu le 18 mars 2008. Pour corroborer cette allégation, elle a produit des photos prises lors de cet événement et se retrouvant sur le site web du National Post et des photos de l’entrevue qu’elle a accordée à Jeanne Beker diffusée sur le site web Fashion Television. Elle a également produit des extraits du site web des Prix Juno où apparaît une brève description de l’entreprise de l’Opposante qui était l’un des commanditaire de la cérémonie de remise de ces prix qui a eu lieu le weekend des 5 et 6 avril 2008.

[52]           J’ai pareillement pris en considération sous ce motif d’opposition la preuve de la Requérante à l’effet qu’elle vend depuis mai 2007 les Marchandises en liaison avec la Marque. Cette preuve ne changerait en rien ma conclusion que la marque de commerce de l’Opposante était plus connue au Canada que la Marque à la date pertinente. Également demeurerait inchangée ma conclusion favorisant l’Opposante concernant la durée de l’usage des marques.

[53]           Quant à l’allégation de M. Arseneault à l’effet que la Requérante est un manufacturier et distributeur de vêtements pour enfants et adolescents et ce depuis 1998, elle n’a aucun impact sur ma conclusion que les facteurs décrits aux articles 6(5)(c) et (d) de la Loi favorisent l’Opposante. Les parties en présence œuvrent dans le domaine de la vente de vêtements.

[54]           Pour les mêmes motifs que ceux décrits sous le motif d’opposition précédemment analysé, j’accueille également le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.

 

 

Autres motifs d’opposition

[55]           L’Opposante ayant eu du succès sous deux de ses motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire d’analyser les deuxième et cinquième motifs d’opposition.

Disposition

[56]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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