Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 128

Date de la décision : 2010-08-17

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Groupe TBWA France SA à l’encontre de la demande d’enregistrement n1175978 pour la marque de commerce mark TEQUILA au nom de Tequila Communication & Marketing Inc.

[1]         Le 24 avril 2003, Tequila Communication & Marketing Inc. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce TEQUILA (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada depuis septembre 1993. La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 3 septembre 2003.

 

[2]         La demande vise les services suivants : « Services d'agence de publicité, de marketing et de relations publiques. »

 

[3]         Une déclaration d’opposition a été produite le 3 juin 2004 par Groupe TBWA France SA (l’Opposante); la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration d’opposition le 28 juillet 2004.

 

[4]         L’Opposante a produit les affidavits de Paul Fothergill et Velda Ruddock. La Requérante a produit l’affidavit de Bernard Berthiaume. La contre-preuve de l’Opposante est constituée de l’affidavit de Kamal Singh Bobby Athwal. M. Fothergill et M. Berthiaume ont tous les deux été contre-interrogés et les transcriptions et les engagements respectifs ont été produits par les parties.

 

[5]         Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit et les deux parties étaient représentées à l’audience.

 

[6]         Les motifs d’oppositions peuvent être résumés de la manière suivante :

 

  • La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), en ce qu’elle ne cite pas correctement la date de premier emploi de la Marque au Canada en liaison avec les services de la Requérante, et que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec ses services à la date de premier emploi revendiquée dans la demande.

 

  • La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce qu’à la date de production de la demande, la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer et d’enregistrer la Marque compte tenu de l’emploi antérieur et de l’enregistrement de la marque de commerce TEQUILA (la Marque de l’Opposante) par l’Opposante et son prédécesseur en titre dans un certain nombre de pays de l’Union, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, lequel emploi a permis à la Marque de l’Opposante de se faire connaître au Canada en liaison avec les services de l’Opposante, nommément : Services d'agence de publicité, de marketing et de relations publiques, au moins en raison de la publicité dans des publications imprimées distribuées au Canada dans la pratique normale du commerce chez les usagers ou les utilisateurs éventuels des services de la Requérante ou de l’Opposante. La Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer et d’enregistrer la Marque étant donné que la Requérante savait que la Marque était employée par l’Opposante dans un certain nombre de pays, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, lequel emploi a permis à la Marque de l’Opposante de se faire connaître au Canada en liaison avec les services de l’Opposante, et compte tenu des enregistrements de la Marque par l’Opposante ou de son prédécesseur en titre.

 

  • La Requérante n’est pas la personne admise à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(1)a) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi de la Marque, cette dernière créait de la confusion avec la Marque de l’Opposante au sens du paragraphe 6(5) de la Loi, que l’Opposante et son prédécesseur en titre ont fait connaître antérieurement au Canada en liaison avec les services de l’Opposante.

 

  • La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi parce qu’elle ne distingue pas véritablement, et qu’elle n’est pas adaptée à distinguer, les services de la Requérante de ceux de l’Opposante compte tenu de l’emploi antérieur et de la publicité de ses services en liaison avec sa marque TEQUILA par l’Opposante et son prédécesseur en titre dans un certain nombre de pays de l’Union; la Marque de l’Opposante est bien connue au Canada par suite de la publicité et de l’offre, et de la publicité et de la prestation des services dans d’autres pays de l’Union.

 

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

 

[7]         C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298].

 

[8]         Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

 

          article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la p. 475; et Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc., (1990) 28 C.P.R. (3d) 428, à la p. 432 (C.O.M.C.)];

          paragraphe 16(1) - la date de premier emploi [voir paragraphe 16(1) de la Loi et Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)][Metro-Goldwyn-Mayer];

          absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer].

 

 

Résumé de la preuve de l’Opposante

 

Affidavit de M. Fothergill, transcription du contre-interrogatoire et des engagements

[9]         Dans son affidavit, M. Fothergill atteste qu’il est [traduction] « cadre de l’Opposante investi de pouvoirs par procuration »; il travaille dans le domaine du marketing et de la publicité depuis 12 ans. Il explique dans son affidavit que l’Opposante fait partie d’un réseau international d’agences de publicité et de marketing, qui sont des filiales d’Omnicom Group Inc.

 

[10]     Monsieur Fothergill atteste que l’Opposante est la propriétaire de la marque TEQUILA, qui est employée en vertu d’une licence accordée par [traduction] « le réseau étendu d’agences en propriété commune avec l’Opposante oeuvrant sur la scène internationale ». Un des prédécesseurs en titre de l’Opposante, nommément BDDP, était propriétaire d’une société qui a commencé à employer la marque TEQUILA à Paris en 1985. Il indique qu’au milieu des années 1990, BDDP figurait au 15e rang mondial des groupes de publicité et de marketing selon la revue de publicité internationale Advertising Age.

 

[11]     En 1998, le groupe BDDP a été acheté par Omnicom Group Inc. (Omnicom) et a finalement été intégré au réseau international d’agences de publicité et de marketing d’Omnicom, connu sous le nom de réseau TBWA; les agences de publicité comprises dans le réseau TBWA ont été associées au nom TBWA et les agences de marketing, au nom TEQUILA.

 

[12]     Comme cela a été souligné précédemment, M. Fothergill explique que la Marque de l’Opposante est employée en vertu d’une licence possédée par ce réseau d’agences. Au moment du contre-interrogatoire, ces agences étaient au nombre de 48 et elles faisaient affaire dans 33 pays. Il semble (selon le contre-interrogatoire et les réponses données aux engagements) qu’elles sont majoritairement des filiales dont Omnicom est directement ou indirectement propriétaire; les agences faisant affaire dans les plus petits marchés ne sont que des sociétés affiliées. Il semble également qu’il n’y ait pas d’agence TEQUILA distincte aux États-Unis, mais plutôt une agence faisant affaire sous le nom de TBWA Worldwide en employant la Marque de l’Opposante pour désigner une division de TBWA.

 

[13]     En ce qui concerne les licences pour la Marque de l’Opposante que cette dernière acorde à des agences dont Omnicom n’est pas la propriétaire principale (c’est-à-dire en Russie, en Estonie et au Guatemala, et au Nigeria et en Uruguay), M. Fothergill explique dans ses réponses aux engagements qu’un contrat officiel accorde une licence permettant d’employer le nom TEQUILA tout en établissant les droits et les obligations des parties, plus particulièrement à l’égard de la façon dont la Marque de l’Opposante est employée et sur les qualités et les caractéristiques des services en liaison avec lesquels elle est employée.

 

[14]     Cependant, cette preuve n’est pas fournie concernant les entités désignées comme étant les bureaux les plus importants et celles dont Omnicom est majoritairement propriétaire, plus particulièrement, celles qui font affaire en Belgique, en Finlande, en France, en Allemagne, en Italie, aux Pays‑Bas, à Singapour, en Afrique du Sud, en Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Aucune preuve n’est fournie dans l’affidavit, lors du contre-interrogatoire ou dans les réponses aux engagements, concernant la question du contrôle direct ou indirect exercé par l’Opposante sur la nature et la qualité des services fournis par ces entités sous la Marque de l’Opposante.

 

[15]     En ce qui concerne la place de l’Opposante dans le réseau Omnicom, aucun renseignement n’est fourni à l’égard de la relation entre l’Opposante et les agences membres, à l’exception de la déclaration selon laquelle l’Opposante est membre d’Omnicom.

 

[16]     Concernant l’histoirique de la Marque de l’Opposante, M. Fothergill dit que l’agence TEQUILA de Paris a connu une croissance rapide, qu’elle est classée parmi les trois plus grandes agences de France et qu’elle a souvent été classée première depuis 1998. Il soutient également que l’agence TEQUILA de Paris a travaillé pour des clients comme les pneus Michelin, la SNCF, les téléphones portables SFR, la société pétrolière Total et des clients du monde entier comme IBM, Microsoft, BMW, Adidas, et Philips.

 

[17]     À l’appui de l’allégation de la renommée de la Marque de l’Opposante à l’échelle mondiale, l’auteur de l’affidavit fournit une collection d’articles et d’éditoriaux concernant un petit groupe des plus grosses agences (pièce PF 1). Un examen de l’ensemble du contenu général des documents montre que l’entreprise exploitée sous le nom Tequila\London, Tequila\Paris et Tequila\Sidney fait affaire dans le domaine du marketing direct et interactif. L’auteur de l’affidavit ne précise pas si ces articles sont des réimpressions de publications imprimées antérieurement ou si elles ont été téléchargées depuis des journaux en ligne; je note qu’il a été dit pendant le contre-interrogatoire que bien que certaines d’entre elles semblent avoir été téléchargées depuis Internet, d’autres sont également disponibles en copie papier. Monsieur Fothergill n’a pas été en mesure de fournir de chiffres concernant la distribution au Canada ou ailleurs des publications en question; et il n’a pas été en mesure de dire si certaines de ces publications ont pu être consultées électroniquement par des Canadiens.

 

[18]     La plus grande partie des articles produits en preuve provient de France et porte sur le travail en publicité de l’agence appelée Tequila, Tequila\Paris, ou l’agence Tequila et les prix remportés dans ce domaine par cette dernière. Certains des articles ne sont pas datés, mais il semblerait que le plus ancien est daté de 1998 et que le plus récent remonte à mars 2004. Les articles provenant du Royaume-Uni font référence au fait que Tequila\London a remporté des campagnes publicitaires directes et sont datés d’octobre 2003 à octobre 2004. Je remarque que les articles provenant des États-Unis ne comportent aucune mention de la Marque de l’Opposante, mais qu’ils font plutôt mention du réseau TBWA; les articles sont datés de décembre 2004 et de janvier 2005.

 

[19]     Les seules publications figurant dans la pièce PF 1 qui se seraient fait un peu connaître au Canada sont les revues de marketing de langue française Stratégies et CB News. Monsieur Fothergill explique que les éditeurs lui ont dit qu’il était possible de s’abonner à ces revues au Canada et qu’il y avait des abonnés canadiens, cependant, aucune preuve documentaire directe n’est fournie à l’appui de ces informations. Par conséquent, en l’absence de faits démontrant la fiabilité de ces renseignements et la nécessité de les présenter dans le cadre des déclarations de M. Fothergill plutôt que par une preuve directe, j’estime que ces éléments constituent une preuve par ouï-dire. Je ferais également remarquer que l’absence de précisions, telles que des dates, des données sur la distribution et le nombre d’abonnements réduisent à néant le poids de la déclaration de l’auteur de l’affidavit en l’espèce.  

 

[20]     Je note également, en ce qui concerne la pièce PF 1, qu’aucun des éditoriaux ou des articles fournis ne peut véritablement être considéré comme faisant la promotion des services des agences, Omnicom, de l’Opposante ou de ses prédécesseurs en titre.

 

[21]     L’auteur de l’affidavit parle du développement et de la croissance des autres agences TEQUILA sur le plan international : la création des bureaux de Londres en 1992; de Singapour, du Nigeria, de l’Espagne, de l’Afrique du Sud, de Pologne et de Hong Kong de 1995 à 1998; en Amérique latine en 2003, ainsi que dans certaines autres villes d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Je note que l’auteur de l’affidavit dit que trois agences ont été créées aux États-Unis en 2002; cependant, comme je l’ai expliqué ci-dessus, les articles qui proviennent des États-Unis concernent le réseau TBWA plutôt que l’agence appelée TEQUILA.

 

[22]     Monsieur Fothergill explique que le réseau TEQUILA emploie une grande variété de matériel publicitaire; la pièce PF 2 est constituée de nombreuses photographies illustrant le matériel publicitaire employé. Les images sont celles de stylos, de crayons, d’articles de papeterie, de tasses, de sacs et de souris, affichant tous la Marque de l’Opposante; cependant, je note que les dates et les modes de distribution de ces objets ne sont pas fournis dans l’affidavit. Lors du contre-interrogatoire, il a été expliqué que ces objets n’étaient pas vendus au public, mais qu’ils étaient plutôt distribués aux clients ou aux futurs clients dans des réunions.

 

[23]     L’auteur de l’affidavit explique que le réseau TEQUILA et les agences TEQUILA offrent leurs services à de grandes sociétés d’envergure internationale; dans les marchés locaux, les agences TEQUILA travaillent avec d’importants clients, par exemple les grandes chaînes de supermarchés, les offices nationaux de tourisme, les services postaux nationaux et les services financiers. Monsieur Fothergill affirme que les agences TEQUILA travaillent avec plus de 350 clients différents.

 

[24]     Monsieur Fothergill fait valoir qu’un grand nombre des agences TEQUILA ont été consacrées agence de l’année dans leurs marchés respectifs. Il donne quelques exemples récents : TEQUILA Paris, [traduction] « Agence la plus créative de l’année » en 2004; TEQUILA Australia [traduction] « Agence interactive de l’année » deux années consécutives; et TEQUILA Poland [traduction] « Agence hors média de l’année » pour deux années consécutives. Des exemples de récompenses récentes sont fournis à la pièce PF 12; cependant, aucune preuve n’est fournie concernant la distribution de ces informations au Canada.

 

[25]     En ce qui concerne la renommée de la Marque de l’Opposante au Canada, M. Fothergill dit que le groupe BDDP initial [voir par. 10] s’est fait connaître pendant un certain temps sous le nom de Groupe Cossette au Canada. En conséquence, l’auteur de l’affidavit propose que la direction et les employées du Groupe Cossette [traduction] « savaient que TEQUILA était membre du groupe BDDP ».

 

[26]     Monsieur Fothergill affirme que bien que TEQUILA n’ait pas de véritables bureaux au Canada, le réseau TEQUILA compte de nombreux clients très importants sur la scène internationale, qui font également affaire au Canada. L’auteur de l’affidavit soutient également que le réseau TEQUILA a parfois l’occasion de travailler avec des clients du réseau de publicité TBWA, lequel fait actuellement affaire au Canada, de sorte que les clients actuels de TEQUILA de partout dans le monde qui font affaire avec une agence de TWBA au Canada connaissent les services de TEQUILA. Selon M. Fothergill, le réseau TWBA possède des agences de publicité au Canada à Calgary, Montréal, Toronto et Vancouver. Il explique que ces bureaux permettent à ces agences de développer leurs relations avec des clients existants des agences de TEQUILA (qui sont définies comme des « divisions » de TWBA, voir par. [12]) aux États-Unis qui sont également présentes au Canada et qui connaissent le nom TEQUILA puisqu’elles ont fait affaire avec ces agences soeurs. Il affirme qu’il est possible de servir au Canada des clients du réseau TBWA de partout dans le monde qui savent que la marque TEQUILA vise des services offerts par un bureau de TEQUILA, membre du réseau TWBA.

 

[27]     Dans l’ensemble, je conclus que les affirmations de M. Fothergill concernant la connaissance au Canada de la Marque de l’Opposante, telle qu’elle est décrite dans les paragraphes précédents, constituent des inférences et des conclusions pour lesquelles aucune base factuelle n’a été fournie. Je conviens que M. Fothergill connaît les activités de l’Opposante, mais en l’absence de preuve, par exemple, de détails concernant les « possibilités » que des relations entre clients se recoupent entre les agences canadiennes TWBA et les divisions états-uniennes de TEQUILA, et plus précisément comment ces relations font connaître la Marque de l’Opposante à titre de marque de commerce, je ne peux pas accepter ces affirmations. De plus, comme aucun échéancier ne m’a été communiqué concernant ces activités, leur lien avec les dates pertinentes en l’espèce n’est pas clair.

 

[28]     L’auteur de l’affidavit indique que des renseignements concernant le réseau TEQUILA sont disponibles sur le Web à l’adresse www.tequila.com. De plus, un grand nombre de ces agences possèdent leur propre site Web lequel fournit un lien au site Web international; une sélection des pages tirées du site Web a été jointe en tant que pièce PF 2. Monsieur Fothergill explique également qu’on lui a dit que les Canadiens effectuent environ 1000 visites par année sur le site Web tequila.com; cependant, je remarque que les dates d’opération précises du site Web ne sont pas fournies. De plus, la société responsable de ce site Web n’est pas identifiée et aucune conclusion ne peut être tirée sur la question de savoir si la connaissance des données portant sur l’emploi du site Web en question fait partie de la conduite normale des affaires de l’Opposante. Dans ces circonstances, j’estime que ces éléments de preuve constituent du ouï-dire et je ne leur accorde que peu d’importance. Dans tous les cas, je répète qu’il n’existe aucune preuve indiquant que le site Web existait à l’une ou l’autre des dates pertinentes en l’espèce. Je remarque également que durant le contre-interrogatoire il est devenu évident que ce site Web n’est plus en fonction.

 

[29]     Monsieur Fothergill explique également qu’une analyse bibliométrique (destinée à déterminer le degré de popularité sur le plan international en vertu du nombre d’articles faisant état de la société ou de la marque) a été menée pour l’Opposante et la Requérante. Les résultats sont reproduits dans la pièce PF 10 et sont datés du 20 février 2005. L’affidavit de Velda Ruddock porte sur les détails de cette analyse.

 

L’affidavit de Mme Ruddock

 

[30]     Mme Ruddock est directrice des renseignements de TBWA\renseignements, membre de TBWA\Amérique du Nord, chez TBWA\Chiat\Day, à Los Angeles, une organisation sœur de l’Opposante. Mme Ruddock occupe ce poste depuis environ onze ans, avant quoi elle était directrice du service d’information chez Chiat/Day après avoir été directrice des services d’information chez Hill Holliday. Mme Ruddock donne les informations suivantes sur sa formation [traduction] : « J’ai une maîtrise en bibliothéconomie (MLS) et un baccalauréat en sciences sociales (BA). » Elle a donné des conférences et elle est l’auteure de publications, et plus récemment, elle a écrit un chapitre dans « Velda Ruddock : Visionary for Intelligence » dans Super Searchers on Madison Avenue (CyberAge Books, 2003). Il semble que les détails de la formation professionnelle de Mme Ruddock ont été fournis dans le but de donner foi aux conclusions fondées sur la recherche qu’elle a menée.

 

[31]     Mme Ruddock a effectué une analyse bibliométrique en juin 2003 concernant la Requérante - Tequila Communication and Marketing Inc. Elle explique qu’une analyse bibliométrique n’est autre qu’un recensement du nombre d’articles faisant mention d’une société ou d’une marque; la théorie qui la sous-tend veut que plus une société ou une marque est citée dans la presse, plus elle est connue des lecteurs. L’analyse bibliométrique a été élargie en février 2005 pour inclure une comparaison de la renommée de la marque au Canada et dans le reste du monde à l’égard de l’emploi de la Marque par la Requérante et de la Marque de l’Opposante employée par les agences de publicité de TBWA et les agences de marketing de Tequila.

 

[32]     Mme Ruddock fournit son rapport écrit daté du 20 février 2005, qui consiste en un tableau contenant ses chaînes de recherche et le nombre de résultats correspondant et les titres des recherches choisis, en tant que pièces A, B, et C de son affidavit, respectivement.

 

[33]     Le rapport inclut une description de l’objectif de la recherche dans la section Introduction et Contexte, laquelle, selon ce que j’ai remarqué, est compatible avec les déclarations faites par M. Fothergills en contre-interrogatoire concernant les instructions qu’il lui avait données par courriel. L’objectif de la recherche est exprimé de la manière suivante dans le rapport :

[traduction] On nous a demandé de prouver que TBWA/Omnicom Tequila\ est présente dans les journaux et qu’elle est donc connue des consommateurs et dans le domaine, et que ce n’est pas le cas pour Tequila Communications & Marketing – ou à tout le moins, qu’elle est moins connue.

 

[34]     À mon avis, le fait que Mme Ruddock est une employée d’une société liée à l’Opposante soulève la question de l’indépendance de son témoignage [voir Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al. c. Hyundai Auto Canada [2005] A.C.F. no 1543, 43 C.P.R. (4th) 21 (C.F. 1re inst.); confirmé par [2006] CAF 133 [Cross Canada]; appliqué dans Kocsis Transport Ltd. c. “K” Line America, Inc. [2008] C.O.M.C. 37, au par. 6. Il est à souligner que Mme Ruddock n’est pas l’employée d’un avocat, comme cela était le cas dans Cross Canada, mais qu’elle se situe à un degré de proximité plus éloigné en tant qu’employée d’une société qui relève de l’Opposante. De plus, je conviens qu’elle possède une certaine expertise dans ce genre de recherche qui pourrait, dans certaines circonstances, atténuer l’absence d’indépendance; cependant, en l’espèce, je note que l’objectif de la recherche (comme cela a été décrit ci-dessus) n’est pas exprimé de manière impartiale, mais qu’il donne plutôt à penser qu’on a demandé à Mme Ruddock d’en arriver à une certaine conclusion. Bien que M. Fothergill ait dit en contre-interrogatoire que son intention était de produire un rapport équitable et impartial, comme l’objectif avéré de la recherche était [traduction] « de prouver que TBWA/Omnicom Tequila\ est présente dans les journaux […] et que ce n’est pas le cas pour Tequila Communications & Marketing », je conclus que le témoignage de Mme Ruddick peut être contesté, et bien qu’il soit résumé ci-dessous, je suis d’avis de ne lui accorder que peu de poids en l’espèce.

 

[35]     Mme Ruddock explique qu’elle a fait une recherche dans la base de données Factiva, une base de données comprenant plus de 8000 publications et de télénouvelles du monde entier. Elle fait remarquer que cette base de données ne contient ni l’ensemble des publications canadiennes ni tous les journaux du monde, et que l’indexation n’a pas été faite pour toutes les publications du monde; aucun détail n’est donné sur la quantité de publications qui proviennent du Canada ou qui y sont publiées. Mme Ruddock dit qu’elle ne pense pas que ces contraintes affectent l’analyse puisque le but de la recherche est de comparer le degré de connaissance entre des marques et que l’incidence est la même sur les deux sociétés. J’estime que cette affirmation n’est pas convaincante, car selon moi, il est également possible, et peut-être plus logique, de conclure que puisque l’Opposante ne fait pas affaire au Canada, l’absence de quelques publications canadiennes dans l’analyse affectera davantage la Requérante puisqu’elle fait affaire au Canada (comme cela sera démontré ci-dessous). Il en est ainsi puisqu’on peut s’attendre à trouver moins de références à la Marque de l’Opposante dans les publications canadiennes; il est normal que la base de données Factiva n’en contienne pas. En revanche, si la Requérante fait affaire au Canada, le fait que Factiva ne contienne pas toutes les publications canadiennes pourraient avoir une plus grande incidence à l’égard des résultats de recherche concernant la Requérante.

 

[36]     Madame Ruddock soutient que les recherches concernant la Requérante, incluant une recherche générale pour « Tequila Communication » et les dirigeants de la Requérante, n’ont révélé qu’un article dans une publication dans lequel on mentionne l’une des agences de l’Opposante en Nouvelle-Zélande. À l’opposé, la recherche portant sur la Marque TEQUILA de l’Opposante a donné 718 articles faisant état de TEQUILA et de TBWA ou de la société parente, Omnicom. Madame Ruddock fournit une analyse des résultats en fonction de la géographie et de la date. En ce qui concerne l’Amérique du Nord, elle a trouvé un total de 133 articles (25 en 2003, 17 en 2004, et 7 en 2005 jusqu’en février 2005). Aucune preuve n’est fournie concernant la distribution de ces publications au Canada ou ailleurs.

 

Résumé de la preuve de la Requérante

[37]     Dans son affidavit, M. Berthiaume atteste qu’il est directeur, président, et cadre supérieur de la Requérante. Il explique que la Requérante a été constituée selon une loi fédérale, initialement sous la dénomination sociale « Le Groupe Hugron & Associés Inc. » [Le Groupe Hugron] et que cette dernière a été changée le 17 septembre 1993 et est devenue « Tequila Communication & Marketing Inc. ». En contre-interrogatoire, il a été expliqué que Tequila Communication & Marketing Inc. a été créée à la suite d’une fusion entre Le Groupe Hugron, une agence de publicité, et Banana Communication, une société oeuvrant principalement dans le domaine des relations publiques.

 

[38]     Monsieur Berthiaume fournit le certificat de constitution en personne morale en tant que pièce BB‑2, et la documentation appropriée concernant la modification en tant que pièce BB-3. Il explique que le changement de dénomination a donné lieu à une certaine couverture médiatique et il fournit un article de journal paru dans une publication appelée Marketing (pièce BB-4). L’auteur de l’affidavit dit que cette publication est la plus lue au Canada dans ce milieu et qu’elle distribue plus de 10 000 copies, avec une moyenne de cinq lecteurs par copie; cependant, aucune preuve directe appuyant les chiffres sur la distribution n’est présentée et aucune information n’est donnée concernant la pertinence de présenter ces faits de cette manière. Par conséquent, je conclus que les observations de M. Berthiaume concernant l’article de journal constituent du ouï-dire et je ne leur accorde donc que peu de poids en l’espèce.

 

[39]     Monsieur Berthiaume soutient que les ventes de la Requérante dépassent 1 000 000 $ de 1993/1994 à 1995/1996, qu’elles sont de 2 000 000 $ de 1996/1997 à 1998/1999, de 4 000 000 $ en 1999/2000 et de 6 000 000 $ pour chaque année subséquente. Il soutient que la réputation de la Requérante concernant ses services offerts en liaison avec la Marque est bien connue dans l’industrie. Il indique également que la Requérante a gagné plusieurs premiers prix dans des concours au Québec pour son travail en publicité et il fournit des renseignements concernant les succès de la Requérante dans les concours pertinents en tant que pièce BB-5.

 

[40]      Monsieur Berthiaume affirme également que la Requérante est devenue membre et actionnaire du réseau international d’agences de communication en marketing « Worldwide Partners, Inc. », et qu’elle a accueilli la conférence nord-américaine de cette organisation en octobre 2006. La Requérante est enregistrée sous les noms de domaines « tequila.qc.ca » et « tequila.ca », accessibles depuis au moins octobre 2000 et avril 2004, respectivement. Selon l’auteur de l’affidavit, les sites Web donnent des renseignements sur les services offerts par la société, ainsi que sur certains de leurs accomplissements.

 

[41]     Monsieur Berthiaume décrit les services de publicité, de marketing et de relations publiques liés à la Requérante de façon séparée. La pièce BB-8 comprend des factures de représentation pour des services de publicité rendus par la Requérante en liaison avec la Marque en cause, et lorsqu’applicables, des copies de publicités conçues dans le cadre des services de publicité. Les factures sont datées du 23 septembre 1993 et vont jusqu’en 1997. La pièce BB-9 comprend des factures de représentation pour des services de relations publiques rendus par la Requérante en liaison avec la Marque en cause, et elle inclut des copies des communiqués de presse afférents à ces services. La plus grande partie des factures sont datées de 1993 (à partir du 23 septembre 1993) et un grand nombre sont également datées de 1996. Monsieur Berthiaume explique que les factures sont habituellement envoyées aux clients après la prestation des services, de sorte que les services sont rendus plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant la date de la facture.

 

[42]     Monsieur Berthiaume explique que la Requérante appose habituellement la Marque sur les documents utilisés pour faire des propositions aux clients ou des propositions de coûts pour ces services. Il explique que la Requérante conserve rarement ces documents au-delà du temps pendant lequel ils sont utiles à l’achèvement des projets auxquels ils sont liés. Cependant, je remarque que la pièce BB-12 donne des exemples additionnels de la façon dont la Marque a été employée au Canada au cours des années par la Requérante sur ses factures, ses cartes professionnelles et d’autres documents d’affaires.

 

[43]     Monsieur Berthiaume fournit un échantillon d’annonce (pièce BB-10) parue dans un calendrier des diplômés de la maîtrise en administration de l’Université de Sherbrooke, à l’été 1993, pour appuyer l’affirmation selon laquelle la Requérante a employé la Marque pour publiciser ses services. L’annonce comporte un résumé des compétences de M. Berthiaume et indique qu’il est un des fondateurs d’une nouvelle société (Tequila Communications) qui offre des services de publicité, de relations publiques et de marketing.

 

[44]     Monsieur Berthiaume fournit également des extraits des Guides annuels des agences de marketing et de communications (pièce BB-11) dans lesquels figure la Requérante, ainsi que les revenus annuels des années antérieures et le revenu projeté pour les sociétés ayant les meilleurs chiffres d’affaires. Les guides des représentants de 1995 à 1999 ont également été fournis. Monsieur Berthiaume soutient qu’un grand nombre de personnes travaillant dans le domaine des communications lisent cette publication et se fient à elle.

 

[45]     Enfin, M. Berthiaume soutient qu’un agent de TBWA‑Vancouver a communiqué avec lui (en 2002) pour lui offrir d’acheter le nom « Tequila » pour 100 000 $, et une preuve de cette communication est fournie en tant que pièce BB-13.

 

[46]     L’Opposante a souligné le fait qu’au cours du contre-interrogatoire de M. Berthiaume il est devenu évident qu’il existe des associations professionnelles séparées au Canada pour les services de publicité, de marketing et de relations publiques, nommément la National Advertising Association, la National Marketing Association et la National Public Relations Association, ayant chacune leurs propres publications.

 

Résumé de la contre-preuve de l’Opposante

 

[47]     Dans son affidavit, M. Athwal explique qu’il est un stagiaire en droit pour les agents de l’Opposante. Il dit que le 8 novembre 2007, il a fait des recherches sur Internet à l’aide de moteurs de recherches spécialisés en utilisant les chaînes de recherche [traduction] « Tequila Marketing », [traduction] « Tequila publicité », [traduction] « Tequila relations publiques » et « tequila d’agence de publicité ». Monsieur Athwal fournit en preuve des versions imprimées de ses résultats de recherches; cependant, comme cette recherche a été menée postérieurement à toutes les dates pertinentes en l’espèce, elles ne peuvent être prises en compte dans l’issue de la présente affaire.

 

Personnes admises à l’enregistrement, alinéa 16(1)a) de la Loi

 

[48]     L’Opposante plaide que la Requérante n’est pas la personne admise à l’enregistrement au sens de l’alinéa 16(1)a) de la Loi parce qu’à la date de premier emploi de la Marque (septembre 1993), elle créait de la confusion avec la Marque de l’Opposante, au sens du paragraphe 6(5) de la Loi, que l’Opposante et son prédécesseur en titre ont fait connaître antérieurement au Canada en liaison avec les services de l’Opposante, suivant l’article 5 de la Loi.

 

[49]     La loi oblige l’Opposante à s’acquitter du fardeau de preuve initial afin de prouver que la Marque de l’Opposante s’est fait connaître en liaison avec les services de l’Opposante, nommément « services d'agence de publicité, de marketing et de relations publiques », par les moyens précis décrits à l’article 5 de la Loi sur les marques de commerce, qui prévoit ce qui suit :

 

5. Une personne est réputée faire connaître une marque de commerce au Canada seulement

si elle l’emploie dans un pays de l’Union, autre que le Canada, en liaison avec des marchandises

ou services, si, selon le cas :

a) ces marchandises sont distribuées en liaison avec cette marque au Canada;

b) ces marchandises ou services sont annoncés en liaison avec cette marque;

(i) soit dans toute publication imprimée et mise en circulation au Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,

(ii) soit dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada par des marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services, et si la marque est bien connue au Canada par suite de cette distribution ou annonce.

 

[50]     Pour avoir gain de cause, l’Opposante doit démontrer qu’elle a fait connaître sa marque de commerce au Canada par l’emploi dans un autre pays de l’Union autre que le Canada, de sorte qu’elle était devenue connue à la date de premier emploi de la Marque. L’Opposante doit également démontrer, aux termes du paragraphe 16(5), que la marque de l’Opposante n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la Marque.

 

[51]     La question à trancher consiste donc à savoir si la preuve présentée par l’Opposante suffit à démontrer que, avant septembre 1993, elle avait annoncé ses services en liaison avec la Marque de l’Opposante dans des publications distribuées au Canada ou dans des émissions de radio ou de télévision diffusées au Canada [voir Valle’s Steak House c. Tessier, [1981] 1 C.F. 441 (C.F. 1re inst.)][Valle’s Steak House].

 

[52]     De plus, pour satisfaire pleinement aux exigences de l’article 5, il doit être établi que la Marque de l’Opposante est « suffisamment bien connue » au Canada [Valle’s Steak House par. 13]. Comme l’a dit le juge Cattanach dans les décisions Robert C. Wian Enterprises, Inc. c. Mady (1965), 46 C.P.R. 147 (C. de l’É.) et Marineland Inc. c. Marine Wonderland (1974), 16 C.P.R. (2d) 97 (C.F. 1re inst.), sur lesquelles s’appuient Valle’s Steak House, pour être considérée « bien connue au Canada », il ne suffit pas qu’une marque soit connue dans les limites d’une simple localité, elle doit être connue dans une « partie substantielle » du pays. Comme cela est dit dans Valle’s Steak House, « [o]r, il est évident que les provinces canadiennes de l'Est, et même seulement le Québec, puisqu'il s'agit surtout du Québec, constituent une partie suffisamment "substantielle" du pays pour satisfaire aux exigences de l'article 5 ». J’estime donc que la preuve présentée par l’Opposante doit démontrer que la Marque de l’Opposante était bien connue dans une partie « substantielle » du pays.

 

[53]     Si l’Opposante réussit à démontrer qu’elle a fait connaître sa Marque au Canada, c’est la Requérante qui porte le fardeau de démontrer, suivant le paragraphe 16(1) de la Loi, que selon la prépondérance des responsabilités il n’y aucun risque raisonnable de confusion entre sa Marque et celle de l’Opposante à la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, nommément septembre 1993. La seule preuve présentée par l’Opposante qu’il peut être justifié de considérer concernant ce motif d’opposition est l’affidavit de Paul Fothergill, puisque les autres affidavits font clairement référence à des preuves postérieures à septembre 1993.

 

[54]     L’Opposante fait valoir que la Marque de l’Opposante s’est fait connaître au Canada par la publicité et par l’offre, la publicité et la prestation des services dans d’autres pays de l’Union. Le témoignage de M. Fothergill démontre que l’Opposante, par l’entremise de son prédécesseur en titre, a commencé à employer la Marque à Paris en 1985 (TEQUILA\ Paris). L’affidavit montre que vers le milieu des années 1990, le propriétaire de TEQUILA Paris était classé 15e au monde parmi les groupes offrant des services de publicité et de marketing selon la revue Advertising Age. Il n’y a aucune preuve d’emploi au Canada quelle que soit la date.

 

[55]     Je note que la distribution au Canada des articles auxquels fait référence l’affidavit de M. Fothergill n’a pas été démontré. Il n’est pas clair non plus, comme je l’ai dit précédemment, dans quelle mesure ces articles ont été distribués en format électronique ou imprimé comme l’exige l’article 5. De plus, bien qu’on puisse faire valoir que ces articles démontrent que les agences TEQUILA ont fourni des services reconnus dans une certaine mesure dans d’autres pays en liaison avec la Marque de l’Opposante, on ne peut considérer ces articles en soi comme des publicités faites par l’Opposante (ou toute autre entité) pour faire la promotion de ses services en liaison avec la Marque. Une marque qui est devenue bien connue par le « bouche-à-oreille » ou par des articles de journaux ou de revues (en opposition à la publicité) n’est pas une marque qui s’est « fait connaître » au Canada au sens de l’article 5 [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.), à la p. 59 [Motel 6] et Automobile Club de l’Ouest de France (ACO) c. Bridgestone/Firestone Inc. (1994), 53 C.P.R. (3d) 242 (C.O.M.C.), confirmé pour d’autres motifs (1995), 62 C.P.R. (3d) 292 (C.F. 1re inst.), à la p. 246] [Automobile Club].

 

[56]     De la même manière, concernant les deux publications auxquelles les Canadiens peuvent apparemment s’abonner, il ressort clairement des échantillons fournis en tant que pièce PF‑1 qu’ils ne contiennent pas de publicités des services de l’Opposante en liaison avec la Marque de l’Opposante. Dans tous les cas, aucune information concernant le nombre d’abonnés canadiens n’est fournie pour prouver que la Marque de l’Opposante s’est fait « bien connaître » dans une partie significative du pays. De plus, et principalement, les publications, les articles et les éditoriaux figurant dans la pièce PF-1 ne sont pas antérieurs à la date de premier emploi de la Requérante, à savoir septembre 1993.

 

[57]     De toute évidence, le réseau d’agences traite des affaires importantes partout dans le monde sous la Marque TEQUILA; cependant, il n’y a aucune preuve de publicité véritable de quelque sorte que ce soit en liaison avec la Marque de l’Opposante avant septembre 1993. L’Opposante a fait valoir que les clients canadiens qui font affaire avec le réseau TWBA connaissent TEQUILA en raison de leur relation, cependant, même si la preuve appuyait une telle inférence, ce qui n’est pas le cas, je ne suis pas convaincue qu’une telle connaissance est issue de la publicité des services au sens de l’article 5 de la Loi, ni qu’elle existait à la date pertinente.

 

[58]     Par conséquent, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de démontrer que sa Marque s’est fait connaître au Canada au sens de l’article 5 en septembre 1993, et je rejette ce motif d’opposition.  

 

[59]     Même si la preuve avait démontré que la Marque s’est fait connaître au Canada grâce à la publicité effectuée pour le réseau d’agences d’Omnicom, je me serais demandé si c’était bien la Marque de L’Opposante qui s’est fait connaître, compte tenu de l’absence de preuve de contrôle direct ou indirect sur la nature ou la qualité des services au sens de l’article 50 de la Loi. Cette question sera tranchée en fonction du motif d’absence de caractère distinctif, dont il est question ci-dessous.

Motif d’opposition en vertu de l’article 2 – absence de caractère distinctif

[60]     La date pertinente pour considérer la question du caractère distinctif de la Marque en cause est la date de production de la déclaration d’opposition, en l’espèce le 3 juin 2004 [voir Metro-Goldwyn-Mayer]. L’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, sa Marque était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir Motel 6 et Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126(C.A.F.), à la p. 130.

 

[61]     Comme je l’ai indiqué concernant l’alinéa 16(1)a), la preuve ne démontre pas que la Marque de l’Opposante s’était fait connaître au Canada au sens de l’article 5 de la Loi en septembre 1993. Cependant, l’appréciation de la question de savoir si la Marque de l’Opposante s’était fait suffisamment connaître pour lui permettre d’annuler le caractère distinctif de la Marque ne se limite pas aux facteurs énumérés à l’article 5 de la Loi, et elle ne se fait pas non plus à la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. En d’autres mots, la date pertinente pour la considération d’une telle preuve en l’espèce se situe environ 11 ans plus tard, et tous les éléments de preuve pertinents qui pourraient établir l’absence de caractère distinctif peuvent être considérés [Automobile Club].

 

[62]     Bien que certaines agences TEQUILA aient été reconnues sur le plan international pour avoir gagné des prix pour leurs services, rien ne prouve que ces agences sont connues au Canada. Même si c’était le cas, comme seuls des articles de journaux concernant la société ou ses campagnes publicitaires sont fournis sans aucun échantillon d’annonce, je ne peux déterminer avec certitude si TEQUILA serait reconnue comme une marque de commerce plutôt que comme un simple nom commercial. Dans tous les cas, aucune donnée recevable n’est fournie concernant les abonnements ou la distribution au Canada pour les articles ou les publications produites en preuve; et aucune donnée acceptable n’a été présentée sur l’emploi du site Web.

 

[63]     De plus, sans preuve additionnelle, je suis dans l’impossibilité de faire l’inférence proposée par M. Fothergill selon laquelle les clients faisant affaire avec les agences TWBA au Canada connaissent les services offerts par les agences sœurs TEQUILA ailleurs dans le monde. En outre, pour les motifs exposés précédemment concernant l’affidavit de Mme Ruddick, je ne suis pas disposée à conclure que la preuve d’une présence à l’échelle mondiale se traduit par une « connaissance de la marque » au Canada.

 

[64]     Je fais également remarquer que dans ce motif d’opposition, tel qu’il a été invoqué, l’Opposante allègue l’absence de caractère distinctif de la Marque au vu du premier emploi et de la promotion des services par l’Opposante et son prédécesseur en titre dans un certain nombre de pays de l’Union. Comme il n’a pas été démontré que les agences principales du réseau avaient employé la Marque de l’Opposante en vertu d’une licence à un moment ou à un autre, selon le contrôle exigé par l’article 50 de la Loi comme je l’ai indiqué au paragraphe [14], j’estime qu’il n’est pas certain que l’emploi et la publicité ayant été effectués (bien que par des sociétés apparentées) profiteraient à l’Opposante.

 

[65]      Le droit a bien établi que le simple fait qu’il y ait contrôle commun, ou une relation de filiale en propriété exclusive entre le propriétaire et la partie employant la marque, ne suffit pas à démontrer que l’emploi de la marque est également contrôlé [voir Flanders Filters, Inc c. Trade Mark Reflections (2006), 48 C.P.R. (4th) 269 (C.F. 1re inst.); Dynatech Automation Systems Inc. c. Dynatech Corp. (1995), 64 C.P.R. (3d) 101 (C.O.M.C.); MCI Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.).]. Je conclus donc que la preuve ne démontre pas que l’emploi de TEQUILA comme marque de commerce par les agences telles que Tequila\France et Tequila\London distingue les services de l’Opposante de ceux d’autres propriétaires. À mon avis, cette conslusion porte un coup fatal à l’allégation de l’Opposante selon laquelle la Marque de l’Opposante est suffisamment connue au Canada pour annuler le caractère distinctif de la Marque de la Requérante.

 

[66]     Compte tenu des circonstances, je conclus que l’Opposante ne s’étant pas acquittée de son fardeau de preuve initial concernant ce motif d’opposition, celui-ci est donc rejeté.

 

Motifs d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi

 

[67]     Le fardeau de preuve initial de l’Opposante est faible concernant la question de la non‑conformité à l’alinéa 30b) de la Loi, car les faits concernant le premier emploi de la Requérante sont particulièrement bien connus de cette dernière (Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), à la p. 89). Bien que l’Opposante puisse s’appuyer sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve concernant son motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer que la preuve de la Requérante est « manifestement » incompatible avec les revendications de la Requérante mises de l’avant dans sa demande (Ivey Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562 (C.O.M.C.), aux pages 565 et 566, confirmé par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)).

 

[68]     Lorsque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que ce motif d’opposition ne doit pas empêcher l’enregistrement de sa marque, et dans ce cas, que la demande respecte les exigences de l’article 30 de la Loi (voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.).

 

[69]     En ce qui concerne l’emploi en liaison avec les services, le paragraphe 4(2) de la Loi prévoit qu’ « [u]ne marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services ».

 

[70]     L’Opposante fait valoir que la publicité, les relations publiques et le marketing ne doivent pas être considérés comme un seul service. Elle s’appuie sur la preuve de la Requérante pour étayer son argument, en se référant aux déclarations de M. Berthiaume en contre‑interrogatoire concernant la séparation des organismes au Canada pour la publicité, le marketing et les relations publiques. Je ne rejette pas cet argument, cependant, la preuve démontre clairement qu’en septembre 1993, la Requérante avait commencé à employer sa Marque au Canada pour les trois services. Les factures fournies (pièce BB-8) indiquent que les services de publicité et de réclame étaient facturés séparément et qu’ils avaient été offerts et fournis à la même date. Bien qu’aucune facture ne soit fournie pour les services de marketing à cette date, je suis convaincue qu’une interprétation raisonnable de la preuve, y compris la publicité concernant la création de la société de la Requérante et l’offre de services de marketing à venir (pièce BB-10), et le fait que par suite de la fusion ayant menée à la création de la Requérante actuelle - Tequila Communications & Marketing Inc -, le mot « marketing » était inclus dans son nom au moment de sa création, le 23 septembre 1993, servent tous deux à indiquer que la Requérante offrait des services de marketing le 23 septembre 1993. Cela a également été démontré par M. Berthiaume en contre-interrogatoire, où il a dit que quatre personnes ont participé à la création de la société en septembre 1993 – ce qui suffisait à [traduction] « s’occuper de l’aspect marketing » (transcription du contre-interrogatoire de Bernard Berthiaume - page 141).

 

[71]     Par conséquent, je suis convaincue que la preuve n’est pas manifestement incompatible avec la date de premier emploi de la Marque au Canada revendiquée par la Requérante en liaison avec tous ses services. Comme l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à cet égard, ce motif d’opposition est rejeté.

 

[72]     Concernant le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi, même si la Requérante connaissait la Marque de l’Opposante à la date de production, cela ne signifie pas qu’elle n’a pas effectué correctement la déclaration exigée par l’alinéa 30i). Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée à l’alinéa 30i), ce motif ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles telles que lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la p. 155]. Comme l’Opposante n’a pas fait la démonstration d’une quelconque mauvaise foi de la part de la Requérante, ce motif d’opposition est rejeté.

 

Décision

 

[73]     Compte tenu de ce qui précède, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

 

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