Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                               THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC156

Date de la décision : 2010-09-21

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Quantum Electronics Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1259639 pour la marque de commerce MODEL 919 au nom de Dimo’s Tool & Die Ltd.

 

 

[1]               Le 20 mai 2005, Dimo’s Tool & Die Ltd. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce MODEL 919 (la Marque), en se fondant sur l’emploi de la Marque au Canada, par elle-même et par son prédécesseur en titre, Halross Instruments Corporation (1976) Limited, depuis 1952 ou avant en liaison avec les marchandises suivantes : « Humidimètres, nommément compteurs pour déterminer la teneur en humidité de grains ou d’articles semblables » (les Marchandises).

 

[2]               Le 14 décembre 2005, la Requérante a versé au dossier une lettre visant à donner avis de l’existence d’autres prédécesseurs en titre. Plus précisément, la Requérante a informé le registraire que les prédécesseurs en titre suivants auraient dû être mentionnés dans la demande visée par la présente décision, en plus de Halross Instruments Corporation (1976) Limited, soit : Halross Instruments Corporation Limited; CAE Inc. (auparavant Canadian Aviation Electronics Ltd. et auparavant CAE Industries), Nuclear Entreprises Ltd. ; Conuclear Medical Limited (auparavant Conuclear Ltd.); et William McRae. Bien que cette modification ait été faite par lettre et touche l’allégation relative à l’emploi en ce qui concerne la période d’utilisation par les prédécesseurs en titre de la Requérante, je suis d’avis qu’elle ne va pas à l’encontre des dispositions des articles 31 et 32 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement) [voir Empire Comfort Systems, Inc. c. Onward Multi-Corp. Inc., 2010 COMC 30].

 

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 12 avril 2006.

 

[4]               Le 3 octobre 2006, Quantum Electronics Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande susmentionnée. Les motifs d’opposition sont les suivants :

 

1.      la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), en ce qu’elle ne renferme pas [traduction] « un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles la Marque sera employée »;

2.      la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi en ce que [traduction] « la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer et d’enregistrer la Marque au Canada, compte tenu de la demande antérieure produite par l’Opposante pour la marque de commerce QUANTUM 919 DIGITAL en liaison avec des “humidimètres et plaquettes de circuits pour utilisation dans le secteur agricole” »;

3.      la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi en ce qu’elle n’indique pas [traduction] « la date à compter de laquelle la Requérante a employé la Marque en liaison avec la catégorie générale de marchandises décrites dans la demande »;

4.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque selon les dispositions de l’alinéa 16(1)b) car, [traduction] « à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce QUANTUM 919 DIGITAL à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait précédemment été produite au Canada », soit la demande 1243712 pour les “humidimètres et plaquettes de circuits pour utilisation dans le secteur agricole” »;

5.      la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas les Marchandises de la Requérante des marchandises d’autres propriétaires, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi. [traduction] « Plus précisément, 919 est un terme générique utilisé pour les appareils servant à vérifier la teneur en humidité de grains. »

 

[5]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

[6]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit que William Fraser, président de l’Opposante, a signé le 9 octobre 2007. La Requérante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre-interroger M. Fraser, mais a choisi de ne pas tenir de contre‑interrogatoire. Elle a également choisi de ne produire aucun élément de preuve.

 

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Les deux parties étaient représentées à l’audience. À cet égard, l’Opposante a mentionné à l’audience qu’elle avait produit un plaidoyer écrit auprès du registraire le 29 juillet 2009. Cependant, il appert d’un examen du dossier que le registraire n’a pas reçu ce plaidoyer. Bien au contraire, dans la lettre de l’Office qui a été envoyée à l’Opposante le 4 août 2009 et dont le registraire s’est servi pour faire parvenir à celle‑ci une copie du plaidoyer écrit produit par la Requérante, il est expressément souligné que l’Opposante n’avait pas produit de plaidoyer écrit. Lorsqu’elle a examiné son dossier à l’audience, l’Opposante a fait savoir qu’elle n’avait pas reçu cette lettre de l’Office. Quoi qu’il en soit, l’Opposante a accepté la tenue de l’audience et accepté d’exposer ses observations de vive voix.

 

Le fardeau de preuve

 

[8]               Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

L’examen de la preuve de l’Opposante

 

[9]               Au paragraphe 3 de son affidavit, M. Fraser déclare qu’il a fait l’acquisition de l’Opposante, entreprise située à Brandon, au Manitoba, en 1990. Il déclare que l’entreprise [traduction] « entretient et répare les appareils de modèle 919 » et que [traduction] « depuis ce temps, [il a] entretenu et réparé de nombreux appareils de modèle 919 et [qu’il] les connaît très bien. Ces appareils sont appelés de façon interchangeable des modèles 919 ou simplement des 919 ».

 

[10]           Plus précisément, M. Fraser explique, au paragraphe 4 de son affidavit, que [traduction] « le 919 correspond à un type particulier d’humidimètre qui est en usage depuis 1952. Il sert à mesurer la teneur en humidité d’un échantillon représentatif de grain, habituellement au moment de la vente. La teneur en humidité est l’un des facteurs pouvant toucher le prix payé au producteur pour le grain. Ce modèle comporte un petit cylindre permettant de mesurer l’échantillon de grain, ainsi qu’un cadran de calibrage à l’avant ». Monsieur Fraser a également joint comme pièce A de son affidavit des photographies illustrant la similitude de concept entre plusieurs marques différentes d’appareils 919.

 

[11]           Comme le souligne la Requérante, la pièce A n’est pas claire. Elle se compose d’une page sur laquelle figurent simplement cinq photographies floues et illisibles d’humidimètres ainsi que les renseignements suivants dactylographiés sous chaque illustration, soit « Dickey John 919S », « Motomco 919 », « Labtronics 919 », « Motomco Model 919 converted to a digital display » (modèle 919 de Motomco avec affichage numérique) et « Labtronics Model 919 converted to a digital display » (modèle 919 de Labtronics avec affichage numérique).

 

[12]           Au paragraphe 5 de son affidavit, M. Fraser ajoute ce qui suit : [traduction] « Même s’il y a plusieurs types d’appareils de vérification en usage, un des plus populaires est l’appareil elevator type (type élévateur), appelé modèle 919 ou simplement 919”. Ces appareils ont été fabriqués par de nombreuses entreprises, dont Labtronics, Halross, Motomco, Canadian Aviation Electronics, Nuclear Entreprises et Dickey Jones. Ces sociétés ont toutes vendu le modèle 919 comme type d’appareil de vérification et non comme marque. Même s’il ignore quelle est l’entreprise qui a fabriqué l’appareil, l’agriculteur reconnaîtra celui-ci comme un modèle 919 ». Au soutien de ces déclarations, M. Fraser joint à son affidavit des photographies qu’il a prises de la partie avant d’un modèle 919 de Motomco (pièce B), d’un modèle 919 de Labtronics (pièce C) et d’un modèle 919 de Nuclear Entreprises (pièce D), ainsi qu’une photographie d’un modèle 919 de Halross (pièce E) qu’il a téléchargée d’Internet. À cet égard, M. Fraser ajoute ce qui suit au paragraphe 9 de son affidavit : [traduction] « D’après [son] expérience, il sait que cette photographie reproduit fidèlement le modèle 919 de Halross. » Les données suivantes figurent sur les photographies en question :

 

         Pièce B

MOTOMCO MOISTURE METER (humidimètre MOTOMCO)

MODEL NO. 919 (modèle no 919)   SERIAL NO. E. (no de série E)

PATENTED 1955 CANADA (breveté en 1955 au Canada)     U.S.A. PATENT 2693575 (brevet des É.-U. 2693575)

 

         Pièce C

MOISTURE METER (humidimètre)

MODEL 919 (modèle 919)                SERIAL NO. (no de série)

PATENTED 1955 CANADA (breveté en 1955 au Canada)     U.S. PAT. 2693575 (brevet des É.-U. 2693575)

LT

LABTRONICS

WINNIPEG CANADA

MADE IN CANADA (fabriqué au Canada)

 

         Pièce D

MOISTURE METER (humidimètre)

MODEL NO. 919 (modèle no 919)   SERIAL NO. 9140N (no de série 9140N)

PATENTED 1955 CANADA (breveté en 1955 au Canada)     U.S. PAT. 2693575 (brevet des É.-U. 2693575)

NUCLEAR ENTREPRISES LTD.

WINNIPEG CANADA MADE IN CANADA (fabriqué au Canada)

 

         Pièce E

MOISTURE METER (humidimètre)

[the picture is unclear. It seems to indicate “MODEL NO. 919” followed by “SERIAL NO.”

It is also not possible to ascertain with certainty the name of the manufacturer which seems to be “Halross Instruments”]

(la photographie n’est pas claire. Il semble que les mots « MODEL NO. 919 » (modèle no 919) y figurent, suivis des mots « SERIAL NO. » (no de série).

[De plus, il n’est pas possible de déterminer avec certitude le nom du fabricant, qui semble être « Halross Instruments »]

 

Monsieur Fraser termine cette partie de son affidavit en affirmant ce qui suit : [traduction] « Comme le montrent clairement ces pièces, le terme “Model 919” (modèle 919) est employé comme terme générique à l’égard d’un type et concept précis d’humidimètre servant à déterminer la teneur en humidité de grains. »

 

[13]           La Requérante s’est opposée à cette dernière déclaration de M. Fraser, au motif qu’elle exprime une opinion et n’est donc pas admissible. La Requérante s’est également opposée, pour la même raison, à la déclaration de M. Fraser qui est reproduite ci-dessus et selon laquelle [traduction] « même s’il ignore quelle est l’entreprise qui a fabriqué l’appareil, l’agriculteur reconnaîtra celui-ci comme un “modèle 919” ». Je conviens avec la Requérante que ces deux affirmations de M. Fraser constituent une preuve d’opinion inadmissible [voir Vocm Radio Newfoundland c. Chum Limited (1991), 35 C.P.R. (3d) 514].

 

[14]           Monsieur Fraser poursuit son affidavit en joignant comme pièce F une page qu’il a téléchargée du site Internet de la Commission canadienne des grains (CCG), organisme fédéral, le 10 juillet 2007. Selon cette page, « la CCG utilise l’humidimètre de modèle 919/3,5 po pour l’analyse officielle des échantillons de grain. Elle utilise plus de 100 unités de ce modèle partout au Canada ». Monsieur Fraser commente comme suit la page : [traduction] « Aucune marque précise n’est mentionnée, si ce n’est le type d’humidimètre, qui est un modèle 919. L’appareil utilisé peut être un appareil de toute marque, mais la Commission renvoie à un type d’humidimètre. L’appareil photographié est un modèle 919 de CAE. »

 

[15]           Comme la Requérante le souligne, la pièce F n’est pas claire non plus. Même si M. Fraser affirme que l’humidimètre photographié sur la page en question est un « modèle 919 de CAE », la photographie reproduite est, là encore, floue et illisible.

 

[16]           Monsieur Fraser termine son affidavit comme suit : [traduction] « En 2002, [il a] eu une conversation avec Dwight McCrae, le propriétaire de Labtronics, le fabricant du modèle 919 de Labtronics. [Ils] ont discuté de la possibilité de modifier le modèle 919 pour y intégrer l’affichage numérique. Dwight [lui] a demandé d’étudier plus à fond cette possibilité et [lui] a envoyé plusieurs humidimètres à examiner. Après neuf mois, Dwight était satisfait des essais. [Monsieur Fraser] voulait appeler [son] produit le 919 Digital, et [il] a demandé à Dwight s’il s’y opposerait. [Dwight] a répondu par la négative, soulignant que “tout le monde utilise ce terme”. » La Requérante s’est opposée à ces déclarations de M. Fraser, qui constituaient à son avis une preuve par ouï-dire inadmissible. Je suis d’accord avec la Requérante en ce qui a trait aux propos de M. McCrae que M. Fraser cite et dont il n’est pas possible de vérifier la véracité en contre‑interrogeant M. McRae [voir Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, A Partnership, (1996) 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)].

 

Les motifs d’opposition

 

[17]           J’analyserai maintenant les motifs d’opposition au regard de la preuve produite au dossier, sans respecter nécessairement l’ordre dans lequel ils ont été soulevés dans la déclaration d’opposition.

 

Les motifs d’opposition fondés sur l’article 30

 

[18]           L’Opposante a invoqué trois motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi. La date pertinente qui s’applique aux trois motifs d’opposition en question est la date à laquelle la demande a été produite. Tous ces motifs sont rejetés pour les raisons suivantes :

 

  alinéa 30a): L’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à ce motif d’opposition. Elle affirme simplement ce qui suit dans sa déclaration d’opposition : [traduction] « La demande ne renferme pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles la Marque sera employée ». L’Opposante a soutenu à l’audience que les mots « ou d’articles semblable » ajoutés tout juste après la description des marchandises, soit « humidimètres, nommément compteurs pour déterminer la teneur en humidité de grains », ne sont pas suffisamment précis, car ils offrent des possibilités illimitées et pourraient comprendre, en plus des céréales et des grains, du riz, des fèves, des graines et toute variation d’organismes de croissance. Il n’y a pas le moindre élément de preuve permettant raisonnablement de conclure à la véracité des faits allégués. De plus, j’estime que les Marchandises ont été décrites de façon spécifique, soit des « humidimètres, nommément compteurs pour déterminer la teneur en humidité de grains », et que les mots « ou d’articles semblables » renvoient simplement à d’autres usages similaires qui ne sont pas essentiels pour déterminer la nature précise des Marchandises [voir le Manuel des marchandises et des services de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), section 2.2, précision de termes flous ou vagues];

 

   alinéa 30b) : L’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à ce motif d’opposition. Il n’y a aucun élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle la Requérante et les prédécesseurs en titre de celle-ci n’ont pas employé la Marque au moins depuis la date mentionnée dans la demande en liaison avec les Marchandises;

 

   alinéa 30i) : Ce motif d’opposition n’est pas valablement invoqué. La simple possibilité que la Requérante ait été au courant de l’existence de la demande antérieure de l’Opposante pour la marque de commerce QUANTUM 919 DIGITAL ne l’empêche pas de faire la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi dans sa demande. Même si le motif avait été valablement invoqué, lorsqu’une partie requérante a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif d’opposition fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, notamment lorsque la mauvaise foi de la partie requérante est établie [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)], ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b)

 

[19]           Tel qu’il est mentionné plus haut, l’Opposante a soutenu que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en raison de l’alinéa 16(1)b) car, [traduction] « à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce QUANTUM 919 DIGITAL à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait précédemment été produite au Canada [soit la demande no 1243712] ». Ce motif n’est pas valablement invoqué.

 

[20]           L’alinéa 16(1)b) énonce en toutes lettres que la date qui s’applique à ce motif d’opposition est la date de premier emploi ou de première révélation de la marque visée par la demande, tandis que l’Opposante se fonde sur la date de production de celle-ci. Malgré cette erreur que comporte l’acte de procédure de l’Opposante et le fait que celle-ci n’a pas mis en preuve sa demande no 1243712, j’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire afin de vérifier les dossiers de l’OPIC pour savoir si la demande que l’Opposante a invoquée figurait au registre à la date de premier emploi alléguée de la Marque qui fait l’objet de la présente instance et était toujours pendante à la date de l’annonce [voir Royal Appliance Mfg. Co. c. Iona Appliances Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 525 (C.O.M.C.). Étant donné que la demande no 1243712 a été produite le 17 janvier 2005, soit bien après la date de premier emploi revendiquée par la Requérante (1952), elle ne peut être invoquée au soutien d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) de la Loi. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur cette disposition est rejeté.

 

[21]           À l’audience, l’Opposante a tenté de s’appuyer sur le fait que la demande no 1243712 avait franchi l’étape de l’enregistrement le 19 octobre 2009. Cependant, étant donné que l’Opposante n’a pas modifié son acte de procédure afin d’ajouter un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi, ce fait ne peut être pris en compte.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

 

[22]           L’Opposante a soutenu que [traduction] « la [Marque] n’est pas distinctive de la Requérante, eu égard à l’article 2 de la [Loi], étant donné que la Marque ne distingue pas véritablement les [Marchandises] des marchandises ou services d’autres propriétaires, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi. Plus précisément, « MODEL 919 » est un terme générique utilisé pour les appareils servant à vérifier la teneur en humidité de grains ».

 

[23]           Il appartient à la Requérante de démontrer que sa Marque distingue véritablement ses Marchandises de celles d’autres propriétaires au Canada, ou qu’elle est adaptée à les distinguer ainsi : [voir Muffin Houses Inc. c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)]. Cependant, tel qu’il est mentionné plus haut, il incombe d’abord à l’Opposante de prouver les allégations de fait à l’appui du motif d’absence de caractère distinctif qu’elle invoque. Pour trancher cette question, je m’inspire des commentaires que le juge Addy a formulés dans Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R.(2d) 44 (C.F. 1re inst.), à la page 58 :

 

Quant à la question de l’absence de caractère distinctif d’une marque, bien qu’il doive être établi que la marque rivale ou adverse est connue au moins jusqu’à un certain point, il n’est pas nécessaire de prouver qu’elle est bien connue [...] Il suffit d’établir que l’autre marque est devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque attaquée.

 

[24]           En général, la date pertinente pour la détermination du caractère distinctif est la date de production de l’opposition, en l’occurrence, le 3 octobre 2006 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

[25]           Dans Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.), le juge Denault a formulé les remarques suivantes à la page 428 :

Bien que le caractère distinctif d’une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l’examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens de l’article 6 de la Loi, il est possible de rejeter une demande d’enregistrement au motif qu’elle n’est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, à condition que ce moyen soit invoqué dans une opposition. [...] Le caractère distinctif est une caractéristique fondamentale et essentielle d’une marque de commerce. Le moyen fondé sur l’absence de caractère distinctif peut donc être soulevé en opposition par quiconque et s’appuyer sur le défaut de distinguer ou d’être adapté à distinguer la marque de commerce projetée des marchandises de tous les autres propriétaires.

 

[26]           Si j’ai bien compris la preuve exposée plus haut, l’Opposante soutient que la Marque est un terme générique utilisé pour les appareils servant à déterminer la teneur en humidité de grains, parce que des tiers l’emploient couramment pour désigner un type et concept précis d’humidimètres. Cela m’amène à examiner plus à fond la preuve de l’Opposante sur ce point à la lumière des observations que la Requérante a formulées dans son plaidoyer écrit et à l’audience.

 

[27]           À bien des égards, la preuve de l’Opposante n’est pas claire. Dans son affidavit, M. Fraser présente simplement en preuve des photographies de quelques humidimètres qui seraient fabriqués par des tierces parties. Sauf dans le cas de l’extrait du site Internet de la CCG, qui est postérieur à la date pertinente, aucune date n’est précisée. Il n’est pas possible de déterminer à la lumière de l’ensemble de la preuve à quel moment les photographies ont été prises ou téléchargées, à quelle date les humidimètres qui y figurent ont été vendus au Canada ou encore s’ils étaient en usage au Canada à la date de production de l’opposition. L’affidavit de M. Fraser permet simplement d’inférer qu’il aurait effectué des réparations ou des essais sur certains de ces appareils entre 1990, lorsqu’il a fait l’acquisition de l’Opposante, et 2007, lorsqu’il a signé son affidavit.

 

[28]           Bien que la Requérante ait choisi de ne pas contre-interroger M. Fraser sur l’affidavit de celui-ci, de sorte que le témoignage qu’il a présenté n’est pas contesté, les lacunes mentionnées plus haut ne sont pas corrigées pour autant. Tel étant le cas, je dois conclure que l’Opposante n’a pas réussi à démontrer l’emploi générique de la Marque à la date pertinente, comme elle devait le faire. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

 

[29]           En terminant, je souligne que les humidimètres photographiés sur bon nombre des pièces susmentionnées semblent être visés par les mêmes brevets canadiens et américains et comporter de nombreuses caractéristiques de conception communes. En conséquence, il est difficile de savoir s’ils appartiennent en bout de ligne à la Requérante, compte tenu des changements de titre (cessions) ou des fusions qui ont eu lieu au fil des années depuis la délivrance du brevet canadien en 1955. Les humidimètres « Labtronics Model 919 », « Nuclear Entreprises Model 919 », « Halross Model 919 » et « CAE Model 919 » dont les photographies sont produites comme pièces C à F respectivement semblent appuyer ce scénario, puisqu’ils auraient probablement été fabriqués par les prédécesseurs en titre de la Requérante, Halross Instruments Corporation (1976) Limited, Halross Instruments Corporation Limited, CAE Inc. (auparavant Canadian Aviation Electronics Ltd. et auparavant CAE Industries) et Nuclear Entreprises Ltd.

 

[30]      Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

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