Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Koch (Cyprus) Limited à la demande no 1201893 produite par Petromesh Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce PETROMESH DEMISTER                                   

 

 

I La procédure

 

[1]               Le 18 décembre 2003, Petromesh Inc. (la Requérante) a produit une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce PETROMESH DEMISTER (la Marque), fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec :

Filtre à mailles tricotés [sic] qui retire la brume liquide de divers procédés gazeux (les Marchandises).

 

[2]               La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot « demister » en dehors de la marque de commerce dans son ensemble.

 

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 août 2004. Le 25 janvier 2005, Koch (Cyprus) Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition qui a été transmise par le registraire à la Requérante le 17 février 2005.

 

[4]               Le 10 mars 2005, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie en substance tous les motifs d’opposition soulevés.

 

[5]               L’Opposante a produit les affidavits de Paul S. Fabian, de Dan Levine et de Richard Robertson ainsi qu’une copie certifiée conforme de l’enregistrement LMC252015 concernant la marque de commerce DEMISTER; pour sa part, la Requérante a produit les affidavits de Patrick Tetlock et de Rod Bratton. En réplique, l’Opposante a produit un second affidavit de Paul S. Fabian.

 

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit, et seule l’Opposante était représentée à l’audience tenue en l’espèce.

 

II Les motifs d’opposition

 

[7]               La déclaration d’opposition expose les motifs d’opposition suivants :

 

[traduction]

1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, (la Loi), en ce qu’elle ne renferme pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles l’emploi de la marque est projeté. L’état déclaratif des marchandises est obscur et ambigu et ne décrit pas correctement les marchandises en liaison avec lesquelles l’emploi de la Marque est projeté; 

2. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, en ce que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, compte tenu des faits énoncés dans la présente opposition;

3. La Marque n’est pas enregistrable, compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée DEMISTER de l’Opposante, dont le certificat d’enregistrement porte le numéro LMC252015;

4. La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque eu égard à l’alinéa 16(3)a) de la Loi, parce qu’à la date de la production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante, marque que l’Opposante avait employée antérieurement;

5. La Marque de la Requérante n’est pas distinctive et elle ne distingue pas véritablement ni n’est adaptée à distinguer les Marchandises de celles de l’Opposante, compte tenu notamment de la marque de commerce de l’Opposante, antérieurement employée au Canada.

 

 

[8]               À l’audience, l’Opposante a informé le registraire qu’elle retirait le premier motif d’opposition.

 

III Principes généraux applicables à tous les motifs d’opposition

 

[9]               C’est à la Requérante qu’incombe la fardeau ultime de prouver que sa demande est conforme aux exigences de la Loi; toutefois, il incombe à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible qui permette raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante a satisfait à son fardeau initial, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition invoqués ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329-330; John Labatt Ltée c. Les Compagnies Molson Ltée, 30 C.P.R. (3d) 293; Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

IV Les dates pertinentes

 

[10]           Tous les motifs d’opposition sont fondés sur l’allégation portant que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante. Les distinctions quant aux dates pertinentes rendent inadmissibles certains éléments de preuve, car ceux-ci portent sur des faits subséquents à la date pertinente applicable à un motif d’opposition particulier. Les dates pertinentes sont les suivantes :

 

  Enregistrabilité de la Marque, aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F)];

  Droit à l’enregistrement de la Marque, lorsque la demande est fondée sur l’emploi projeté : la date de production de la demande (18 décembre 2003) [voir le paragraphe 16(3) de la Loi];

  Conformité aux prescriptions de l’alinéa 30i) de la Loi : la date de production de la demande (18 décembre 2003) [voir John Labatt Ltée c. Les Compagnies Molson Ltée, 30 C.P.R. (3d) 293; Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469];

  Caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition (25 janvier 2005) est généralement reconnue comme la date pertinente à cet égard [voir Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.); Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

V Enregistrabilité de la Marque

 

[11]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable, en application de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec sa marque de commerce déposée DEMISTER. L’Opposante a produit une copie certifiée conforme de l’enregistrement LMC252015. Par conséquent, elle a satisfait à son fardeau de preuve initial relativement à ce motif d’opposition particulier.

 

[12]           Je dois décider, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque risque de causer confusion avec la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante. Le test à appliquer pour trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi; je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs, et il n’est pas nécessaire d’attribuer à chacun un poids équivalent [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F.  1re inst.)]. Je me réfère également aux arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, dans lesquels le juge Binnie a formulé des observations sur l’appréciation des critères énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi pour déterminer s’il y a probabilité de confusion entre deux marques de commerce.

 

[13]           La Marque comporte au moins un mot inventé, le mot « petromesh ». Ce mot possède un caractère distinctif inhérent même s’il semble provenir de la combinaison de deux mots anglais, « petroleum » et « mesh ». J’aborderai plus tard le point soulevé par la Requérante, qui prétend que « demister » est un mot descriptif ou l’est devenu pour désigner un type de produit dans l’industrie. Évidemment, si DEMISTER est considéré comme une marque de commerce faible, ce facteur se répercutera sur l’étendue de la protection qui lui est accordée. 

 

[14]           Paul S. Fabian est directeur commercial, Produits Mesh, de Koch-Otto York Separations Technology, un groupe d’entreprises de Koch-Glitsch, LP. Il déclare que l’Opposante est une société de portefeuille qui détient des titres afférents à certaines immobilisations incorporelles étrangères pour Koch Industries, Inc. ou pour des filiales de cette société. Il déclare qu’une licence d’emploi de la Marque a été octroyée à Koch-Otto York Separations Technology, un groupe d’entreprises de Koch-Glitsch, LP. Koch-Otto York Separators Technologies exerce des activités commerciales au Canada sous les noms commerciaux de Koch-Otto York et Otto York. M. Fabian ne fournit aucun renseignement sur la structure organisationnelle de Koch-Glitsch, LP. Le seul fait d’alléguer l’existence d’un contrat de licence est insuffisant pour satisfaire aux dispositions de l’article 50 de la Loi lorsqu’un opposant s’appuie sur l’emploi de sa marque de commerce par son ou ses licenciés [voir MCI Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245].

 

[15]           M. Fabian déclare que la marque de commerce DEMISTER est employée pour des [traduction] « séparateurs par entraînement en filet métallique et plastique à mailles, communément appelés tampons éliminateurs de brouillard ». La marque de commerce DEMISTER est associée aux produits de l’Opposante au moyen de décalcomanies ou d’étiquettes, dont un échantillon a été versé en preuve. Selon M. Fabian, le prédécesseur en titre de l’Opposante, Otto H. York Company, Inc., a commencé à employer DEMISTER au Canada en 1952. M. Fabian a produit une brochure distribuée par Otto H. York Company, Inc. qui décrit les éliminateurs de brouillard. Toutefois, nous ne savons pas à quelle date cette brochure a été distribuée au Canada pour la première fois ni dans quelle mesure elle a été ainsi distribuée. Otto H. York Company, Inc. est depuis devenue une division de Koch. Bien que M. Fabian ait fourni certains renseignements, énoncés ci-dessus, sur la structure organisationnelle de l’Opposante et de ses filiales, il n’explique pas ce qu’il faut entendre par le terme division de Koch [« Koch division » dans le texte original]. Ce terme n’est pas défini dans son affidavit. La lecture de ma décision permettra de comprendre que cette omission n’a eu aucune incidence sur la décision.

 

[16]           M. Fabian affirme qu’au cours des dix dernières années, les ventes annuelles au Canada de produits portant la marque de commerce DEMISTER ont atteint entre 1,5 million de dollars et 2 millions de dollars. Il déclare qu’au moins mille articles des produits portant la marque de commerce DEMISTER sont vendus chaque année au Canada. Il a produit des factures établies en 1999 par Koch-Otto York Separations Technology à deux de ses distributeurs canadiens, J.F. Comer Inc. et Warco Equipment Co. Ltd.

 

[17]           Richard Robertson est le président de Micron Filtration, Inc. (Micron). Il déclare que Micron a commencé le 1er avril 2001 à vendre de l’équipement fourni par Koch-Otto York Separations Technology, la licenciée de l’Opposante, pour l’élimination du brouillard. Les principaux clients de Micron oeuvrent dans l’industrie pétrolière et gazière, mais Micron vend aussi des produits à des clients de l’industrie des pâtes et papiers et à d’autres marchés en Colombie‑Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Micron réalise des ventes annuelles de produits de marque DEMISTER s’élevant à 1,5 million de dollars.

 

[18]           M. Dan Levine est le président de Warco Process Technologies Incorporated (Warco), poste qu’il occupe depuis environ 15 ans. Warco est un distributeur de Koch-Otto York Separations Technology. M. Levine a produit des extraits du site Web de sa société, qui présente des renseignements sur les produits portant la marque de commerce DEMISTER. Il déclare que Warco vend des produits arborant la marque DEMISTER pour Otto H. York Company au Canada depuis 40 ans.

 

[19]           La Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi de la Marque.

 

[20]           Une bonne partie de la preuve de la Requérante vise à établir que la marque de commerce de l’Opposante est descriptive et est employée dans le commerce pour désigner tout dispositif qui élimine les gouttelettes ou le brouillard d’eau des émissions gazeuses. La procédure d’opposition n’est pas le cadre approprié pour contester la validité d’une marque de commerce déposée d’un opposant [voir Magill c. Taco Bell, Corp. (1990), 31 C.P.R. (3d) 221]. Cela dit, toute preuve admissible peut servir à établir que la marque de commerce de l’Opposante est une marque faible parce qu’elle est employée dans l’industrie pour décrire les Marchandises. Si tel était le cas, l’ajout d’un mot inventé comme « Petromesh » pourrait suffire à distinguer la Marque de la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante. 

 

[21]           Patrick Tetlock a travaillé deux ans chez RNG Controls (RNG), une société qui a été dissoute en 2002. Il s’occupait de la vente de produits, et principalement de commandes placées à Calgary pour des produits portant la marque de commerce DIVMESH, notamment des éliminateurs de brouillard. RNG était l’unique entreprise responsable de la promotion et de la vente de produits liés à la marque de commerce DIVMESH en Alberta. M. Tetlock a produit, comme pièce A de son affidavit, une copie d’une brochure destinée à publiciser la vente de produits DIVMESH. Dans cette brochure, intitulée « LOOKING FOR A DEMISTER? » [Vous cherchez un dévésiculeur?], on peut lire la phrase suivante : [traduction] « Des membres expérimentés de notre personnel de la division de la fabrication et des ventes sont disponibles pour l’inspection des tampons éliminateurs de brouillard existants […] ». Cette brochure a été distribuée à des clients actuels et à des clients potentiels en Alberta et en Colombie-Britannique. Aucune date n’a été précisée, mais je dois tenir pour acquis que la brochure a été distribuée au moins aussi tôt que 2002, puisque RNG a été dissoute au cours de cette année-là.

 

[22]           M. Bratton est président de la Requérante. Celle-ci est située en Alberta. Je ne tiendrai pas compte du contenu des paragraphes 3 et 4 de l’affidavit de M. Bratton, parce qu’ils présentent l’opinion de celui-ci sur la question du caractère descriptif de la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante, et son avis selon lequel l’ajout du mot « Petromesh » au mot « demister » rend la Marque distinctive. Ces éléments font partie des questions qu’il appartient au registraire de trancher. Les paragraphes 8, 9, 10, 12, 13, 14 et 15 constituent une preuve par ouï-dire inadmissible, puisqu’ils se rapportent à des tiers, à savoir plus particulièrement Petro Equipment Sales Ltd., Divmesh Separators Ltd. (Divmesh) et RNG. Aucun élément de preuve n’indique que M. Bratton a été un employé, un dirigeant ou un administrateur de l’une ou l’autre de ces sociétés. Je dois mentionner que le second affidavit de M. Fabian, produit en réplique, traite surtout de la question de la propriété des tierces parties mentionnées dans la preuve de la Requérante. À mon avis, la propriété de Divmesh ou de RNG Controls ne constitue pas un facteur pertinent dans le cadre de la présente opposition.

 

[23]           La pièce A jointe à l’affidavit de M. Bratton consiste aussi en une preuve par ouï-dire inadmissible; en effet, il s’agit d’une brochure de Divmesh qui a été distribuée dans le commerce. Je signale que la brochure est identique à celle qui est annexée comme pièce A à l’affidavit de M. Tetlock, si ce n’est de l’absence d’un autocollant servant à cacher la référence à Petro Equipment Sales Ltd. et à la remplacer par le nom de RNG.

 

[24]           Le paragraphe 17 de l’affidavit de M. Bratton, de même que la production d’un échantillon d’étiquette utilisée par Divmesh, constituent des éléments de preuve par ouï‑dire inadmissibles. Quant au paragraphe 18, il s’agit d’une conclusion en droit sur l’emploi de la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante et, à ce titre, je dois en faire abstraction. 

 

[25]           Je décrirai maintenant les autres pièces jointes à l’affidavit de M. Bratton. La pièce C est une brochure d’une tierce partie téléchargée depuis Internet le 22 octobre 2005. Rien n’indique si cette brochure a déjà été distribuée au Canada ni, le cas échéant, durant quelle période et notamment si elle a été distribuée avant la date de production de la présente demande. Je n’accorderai qu’un poids très limité à ce document. 

 

[26]           La pièce D représente la page 3 d’un article technique qui en compte 11, comme le précise M. Bratton au paragraphe 20 de son affidavit, et qui contient une définition du mot « demister » [dévésiculeur]. Nous ne disposons d’aucun autre renseignement sur l’origine de ce document ni sur la date de sa publication initiale, et nous ne savons pas s’il a déjà été distribué au Canada. L’article a été téléchargé depuis Internet le 18 octobre 2005, après la date de production de la demande. Là encore, je n’accorde qu’une faible valeur probante à ce document.

 

[27]           La pièce E de l’affidavit de M.  Bratton présente une définition du terme « demister » tirée du recueil de nomenclature de l’UICPA (Union internationale de chimie pure et appliquée) – Compendium of Chemical, 2e édition, 1997. Le terme « demister » y est défini comme suit :

 

[traduction]

Appareil fait de filet métallique ou de fibre de verre, utilisé pour aider à éliminer le brouillard acide dans la production d’acide sulfurique, par exemple. Les dévésiculeurs sont aussi des composants d’usines d’épuration par voie humide.

 

[28]           La pièce F est un document de 5 pages, téléchargé depuis Internet, qui explique en quoi consiste l’UICPA. On y mentionne que l’UICPA, instituée en 1919, est reconnue depuis longtemps comme la référence mondiale en chimie pour ce qui est de la nomenclature, de la terminologie, des méthodes normalisées de mesure, de la masse atomique et de bien d’autres données dont l’évaluation est critique. Par conséquent, je considère la pièce E comme un extrait pertinent d’un ouvrage technique publié avant la date de production de la demande.

 

[29]           Au soutien de sa prétention selon laquelle le mot « demister » est couramment employé dans des textes techniques au Canada pour décrire un processus et non un produit fabriqué par une seule entreprise, M. Bratton a joint comme pièce G à son affidavit, la page couverture et les pages 34, 35 et 36 d’un document intitulé « Technologies and other Options for Reducing Marine Vessel Emissions in the Georgia Basin », téléchargé depuis Internet le 24 octobre 2005. Le document porte la date du 26 mai 2003, et le mot « draft » [ébauche] est inscrit sur la page couverture. Aucun élément de preuve n’indique qu’une version finale de ce document a été publiée ni ne permet de savoir, le cas échéant, dans quelle mesure le document a été distribué au Canada et si le terme « demister » figure dans la version finale. 

 

[30]           La pièce H est un document intitulé « Workplace Health and Safety Bulletin » [Bulletin de santé et sécurité au travail], publié par le ministère des Ressources humaines et de l’Emploi de l’Alberta. Ce bulletin, publié en juin 2004, présente des scénarios dans lesquels le mot « demister » est employé comme terme descriptif. L’Opposante objecte que ce document ne prouve pas l’emploi du mot « demister » dans le commerce, puisqu’il s’agit d’une publication gouvernementale. Toutefois, ce document est destiné à informer les personnes dans le commerce, et le terme « demister » y est utilisé sous forme descriptive. 

 

[31]           La pièce I est un article publié en juin 2002 par le National Centre for Upgrading Technology, situé à Devon, en Alberta. Là encore, le terme « demister » est employé comme terme descriptif.

 

[32]           La pièce J consiste en une copie de l’enregistrement LMC554023 pour la marque de commerce MISTELIM, produite le 28 février 2000 et enregistrée le 20 novembre 2001, dans lequel les marchandises sont décrites comme suit : « Demister for the removal […] » [Dévésiculeur pour l’élimination […]].

 

[33]            Les pièces K, L et M sont des copies de demandes de brevets canadiens. La première, qui porte le numéro 2392745, est intitulée « Demister » [« Séparateur de gouttelettes »] et sa date d’inscription nationale au Canada est le 28 mai 2002. La deuxième porte le numéro 2027048, est intitulée « Demister Candle Assembly » [« Dispositif à flamme de desemblage »] et a été rendue accessible au public le 6 avril 1992. La dernière porte le numéro 1038778 et est intitulée « Demister Assembly for Removing Liquids from Gases » [« Déshumidificateur pour extraire les liquides en présence dans des gaz »]. Elle a été présentée le 19 septembre 1978.

 

[34]           M. Bratton décrit la pièce N comme [traduction] « une copie papier des résultats d’une recherche sur le mot « demister » dans la Base de données sur les brevets canadiens ». Les trois brevets canadiens mentionnés dans le paragraphe qui précède sont extraits d’une liste de 50 brevets. Or, nous ne disposons d’aucun renseignement sur la méthode de recherche ni sur l’auteur de la recherche. Nous ne disposons pas non plus d’une version complète de chacun des brevets énumérés. Par conséquent, je n’accorde aucun poids à cette partie de la preuve de la Requérante. Je ferai remarquer que la pièce O consiste en un compte rendu d’une recherche semblable effectuée à partir de la base de données des brevets des États-Unis. Pour les mêmes motifs, je ferai également abstraction du contenu de ce document. 

 

[35]           La pièce P est une copie papier d’un extrait du site Web du United States Patent and Trademark Office [Bureau des brevets et des marques de commerce des États-Unis] montrant l’enregistrement annulé d’une marque de commerce dans lequel la description des marchandises comprend le terme « demister », utilisé sous forme descriptive. J’estime que ce document n’est pas pertinent pour l’appréciation de l’importance du caractère distinctif de la marque de commerce de l’Opposante au Canada. 

 

[36]           La pièce Q consiste en un extrait du site Web d’une tierce partie qui semble être située au Royaume-Uni. Ce document constitue une preuve par ouï-dire inadmissible. Quant à la pièce R, il s’agit d’une copie papier de résultats de recherches effectuées au moyen d’un moteur de recherche Internet. La preuve ne fournit aucune indication sur la méthode de recherche, et la liste de résultats ne comporte aucun détail. Je ferai abstraction également de cette partie de la preuve.

 

[37]           Enfin, la pièce S est un document d’une page qui représente la première page des résultats d’une recherche effectuée sur Internet au moyen du moteur de recherche Google. Cette recherche a été faite après la date de production respective de la présente demande et de la déclaration d’opposition. De ce fait, elle ne peut être pertinente qu’en ce qui concerne la question de l’enregistrabilité de la Marque. Or, même au regard de ce motif d’opposition, il est impossible, à défaut de disposer du texte complet de chacune des réponses pertinentes obtenues, de formuler des hypothèses sur la façon dont le terme « demister » est employé. 

 

[38]           Parmi tous ces éléments de preuve, je considère comme pertinentes les pièces A, E, F, H, I, J, K, L et M. Certaines d’entre elles pourraient ne pas être pertinentes pour l’appréciation des motifs d’opposition fondés sur le droit à l’enregistrement, la conformité et le caractère distinctif, puisqu’elles auraient pu avoir été publiées après la date pertinente pour l’examen de ces motifs d’opposition. Aussi me concentrerai-je sur le scénario le plus favorable à la Requérante, soit celui de l’enregistrabilité : en effet, la date pertinente qui s’y applique, soit la date de ma décision, est la plus récente, de sorte que toutes ces pièces constituent des éléments de preuve admissibles au regard de ce motif d’opposition.

 

[39]           Les pièces énumérées dans le paragraphe qui précède et la pièce A de l’affidavit de M. Tetlock me permettent de conclure que le terme « demister » est employé dans le commerce au Canada pour désigner tout produit qui sert de filtre pour éliminer un brouillard liquide d’un procédé gazeux. Sans conclure que la marque de commerce de l’Opposante a perdu son caractère distinctif, il reste qu’elle est devenue une marque faible qui ne devrait pas jouir d’une protection étendue [voir Canada Games Co. Ltd. c. Llumar Star Kites Inc. (1994), 55 C.P.R. (3d) 250].

 

[40]           En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues, il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque. Quant à la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante, comme aucun élément de preuve n’atteste l’existence de dispositions afférentes au contrôle de la qualité de l’emploi que fait la licenciée de la marque DEMISTER, l’Opposante ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 50 de la Loi. Par conséquent, l’emploi que font Koch-Otto York Separations Technology et ses distributeurs de la marque de commerce de l’Opposante ne peut être réputé constituer un emploi par cette dernière. Dans l’ensemble, le premier critère du paragraphe 6(5) favorise la Requérante, puisque la Marque possède un caractère distinctif inhérent.

 

[41]           Le deuxième critère du paragraphe 6(5) ne favorise aucune des parties. D’une part, la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi de la Marque; d’autre part, la preuve d’emploi de la marque de commerce DEMISTER ne peut profiter à l’Opposante à défaut de preuve établissant l’existence de dispositions concernant le contrôle de la qualité dans le contrat de licence intervenu entre l’Opposante et Koch-Otto Separations Technology.

 

[42]           Pour ce qui est du genre de marchandises offertes par les parties respectives et de leurs voies de commercialisation, la preuve peut se résumer comme suit : M. Fabian explique que les produits qui portent la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante sont utilisés pour éliminer le brouillard liquide des flux gazeux, pour améliorer la qualité et la capacité des installations et pour contrôler la pollution de l’air dans les raffineries, les usines chimiques, les papeteries, les usines de fabrication d’engrais et les usines de production de pétrole et de gaz naturel. Ces produits sont distribués au Canada par l’intermédiaire de Micron, de J.F. Corner et de Warco.

 

[43]           La description des Marchandises démontre clairement que les marchandises respectives des parties appartiennent à la même catégorie générale de marchandises. M. Bratton affirme que le marché de la Requérante se trouve principalement en Alberta, puisque 75 % de l’ensemble du marché canadien est concentré dans cette province. Les voies de commercialisation semblent être semblables. Quoi qu’il en soit, il incombe à la Requérante de prouver que tel n’est pas le cas. Ce facteur favorise l’Opposante.

 

[44]           Le degré de ressemblance constitue le facteur le plus important pour l’appréciation de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce. Dans la décision Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, au paragraphe 28, le juge Cattanach a décrit la question en ces termes :

 

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

 

[45]           De plus, le premier élément d’une marque de commerce a souvent été décrit comme la partie la plus importante d’une marque de commerce [voir Pernod Ricard c. Les Brasseries Molson (1992), 44 C.P.R. (3d) 359].

 

[46]           La première partie de la Marque forme un élément distinctif. À l’audience, l’Opposante a tenté de prétendre que le mot « Petromesh » ressemble à une autre de ses marques de commerce, la marque YORKMESH, et que cette marque de commerce est mentionnée dans la brochure de l’Opposante tout près de la mention de sa marque de commerce DEMISTER. Il existerait donc une combinaison YORKMESH DEMISTER. Je ne peux souscrire à cet argument. Premièrement, l’Opposante n’a pas indiqué dans sa déclaration d’opposition qu’elle comptait s’appuyer sur sa marque de commerce YORKMESH. Deuxièmement, aucun élément de preuve au dossier n’établit que l’Opposante emploie YORKMESH DEMISTER à titre de marque de commerce en liaison avec des marchandises semblables à celles qui font l’objet de la présente demande. En dernier lieu, il n’y a aucune preuve que le public associerait la combinaison YORKMESH DEMISTER à l’Opposante.

 

[47]           La seule ressemblance dans les marques de commerce respectives des parties, tant dans le son que sur le plan visuel, est la présence du mot DEMISTER. Toutefois, comme il a été démontré ci-dessus, ce mot est employé dans le commerce comme un terme descriptif, ce qui fait de la marque de commerce de l’Opposante une marque faible. De fait, la Requérante a précisé dans sa demande qu’elle se désistait du droit à l’usage exclusif du mot « demister » en dehors de la marque de commerce dans son ensemble.  

 

[48]           Après avoir examiné les circonstances pertinentes de l’espèce, je conclus que la Requérante a satisfait à son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce DEMISTER de l’Opposante. Cette conclusion est fondée sur le fait que la marque de commerce de l’Opposante est une marque faible et que l’ajout d’un élément distinctif, PETROMESH, premier élément de la Marque, exclut toute probabilité de confusion avec la marque de commerce de l’Opposante. Je rejette en conséquence le troisième motif d’opposition.

 

VI Caractère distinctif

 

[49]           Pour satisfaire à son fardeau initial, l’Opposante devait prouver que sa marque de commerce DEMISTER avait été employée ou était connue au Canada avant la date pertinente. Comme je l’ai expliqué, la preuve d’emploi de la marque de commerce DEMISTER par Koch-Otto Separations Technology ne peut être attribuée à l’Opposante. Celle‑ci n’a donc pas satisfait à son fardeau initial.

 

[50]           Si j’avais tort de conclure que l’Opposante a failli à son fardeau initial, ma conclusion concernant l’enregistrabilité s’appliquerait également au caractère distinctif, étant donné que la plupart des documents établissant l’emploi du mot « demister » à titre descriptif dans le commerce ont été publiés avant la date pertinente, en l’occurrence le 25 janvier 2005. Par conséquent, je rejette également le cinquième motif d’opposition.

 

VII Droit à l’enregistrement et conformité

 

[51]           L’opposante n’a pas non plus satisfait à son fardeau de preuve initial à cet égard. Si je faisais erreur en concluant ainsi, ma conclusion concernant l’enregistrabilité serait‑elle applicable aux motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30i) et le paragraphe 16(3), compte tenu de la date pertinente, qui est le 18 décembre 2003? Au regard de cette date, seule la pièce H de l’affidavit de M. Tetlock devrait être écartée de la liste de documents pertinents énumérés au paragraphe 38, ci-dessus. Par conséquent, ces motifs d’opposition sont aussi rejetés, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans l’analyse de l’enregistrabilité de la Marque. 

 

 

VI Conclusion

 

[52]           Exerçant les pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 14 JUILLET 2009.

 

 

 

Jean Carrière

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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