Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION

de Ridout & Maybee LLP à la demande no 1,208,813

produite par Corsonnel Corp. en vue de lenregistrement

de la marque de commerce IPRENEWALSCO                 

 

Le 8 mars 2004, la requérante, Corsonnel Corp., a produit une demande denregistrement de la marque de commerce IPRENEWALSCO. La demande est fondée sur lemploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

Logiciel de commerce ayant trait à la gestion de produits, de services et de commandes, à la fourniture de services, aux relations avec la clientèle, aux comptes clients et comptes fournisseurs, à lenregistrement et au traitement de relevés dactivités et à lintelligence daffaires;

 

et avec les services suivants :

Fournisseur de services logiciels, nommément : accès, hébergement, intégration, installation, projets et personnalisation de logiciels de transactions commerciales pour la gestion des produits, des services et des commandes, prestation de services, relations avec les clients,  facturation et comptes recevables, collecte et traitement des événements consignés, et renseignements destinés aux entreprises.  

 

La demande a été publiée aux fins de la procédure dopposition le 3 novembre 2004.

 


Le 25 novembre 2004, lopposante, Ridout & Maybee LLP, a produit une déclaration dopposition dont une copie a été  transmise à la requérante le 3 janvier 2005.  Comme premier motif dopposition, lopposante soutient que la marque de commerce qui fait lobjet de la demande nest pas enregistrable suivant lalinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce parce quelle donne une description claire de la nature des marchandises et des services pour lesquels lenregistrement est demandé. Selon lopposante, toutes les marchandises et tous les services de la requérante ont trait à la gestion des renouvellements denregistrements de propriété intellectuelle.

 

Le deuxième motif dopposition est que la marque de commerce visée par la demande nest pas enregistrable en vertu de lalinéa 12(1)c) de la Loi, du fait quelle est constituée du nom du service à légard duquel on projette de lemployer, à savoir le renouvellement denregistrements de propriété intellectuelle. Le troisième motif est fondé sur lallégation que la marque de commerce nest pas distinctive des marchandises et services de la requérante.

 

Selon le quatrième motif dopposition, la demande denregistrement de la requérante ne satisfait pas aux exigences de lalinéa 30a) de la Loi parce que létat déclaratif des marchandises et des services ne décrit pas dans les termes ordinaires du commerce le domaine spécifique dutilisation, non plus que la fonction précise du logiciel de la requérante et des services qui sy rattachent. Lopposante invoque un cinquième motif, à savoir que la demande de la requérante ne respecte pas lexigence prévue à lalinéa 30i) de la Loi, parce que la requérante ne pouvait pas être convaincue quelle avait le droit demployer au Canada la marque de commerce visée par la demande, compte tenu des allégations formulées au soutien des autres motifs dopposition.

 


La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. La preuve de lopposante est constituée dun affidavit souscrit par Janet M. Fuhrer et de deux affidavits de  Khadija Mahmood. Celle de la requérante consiste en des affidavits souscrits par Sharon Gomes et John Philip Koopmann. Chaque partie a déposé des observations écrites, et une audience à laquelle chacune des deux parties était représentée a été tenue.

 

La preuve de lopposante

Dans son affidavit, Me Fuhrer se présente comme une associée au sein du cabinet davocats Ridout & Maybee LLP, lopposante dans la présente affaire.  Me Fuhrer déclare quelle pratique dans le domaine de la propriété intellectuelle ou droit de la PI depuis 17 ans et que son cabinet fournit à ses clients différents services en vue dassurer, de maintenir et de faire observer leurs droits de PI, notamment le renouvellement des enregistrements. Me Fuhrer affirme quen conséquence, son cabinet effectue des renouvellements de PI pour ses clients.

 

Le premier affidavit de Mme Mahmood sert à déposer en preuve une copie du huitième numéro dune publication du R.-U. intitulée « IP Review », publiée pour le compte de la Computer Patent Annuities Limited Partnership.  Partout dans la publication, lon trouve de nombreuses références au sigle IP, employé comme abréviation pour les mots « intellectual property » (propriété intellectuelle), ainsi que lemploi du mot « renewals »  (renouvellements); on y trouve aussi, au moins une fois, lexpression « IP renewals ».

 


Le second affidavit de Mme Mahmood expose les résultats de la recherche quelle a effectuée dans les dossiers du Bureau des marques de commerce pour retracer des marques déposées qui contiennent labréviation IP et qui concernent  notamment  des services juridiques ou des services liés à la propriété intellectuelle. Mme Mahmood a trouvé cinq enregistrements et deux demandes denregistrement en instance pour des marques correspondant à ces critères. Elle a aussi trouvé une marque de commerce déposée qui vise des services aux entreprises et qui contient le mot RENEWALS.

 

La preuve de la requérante

Laffidavit de Mme Gomes sert à déposer en preuve un extrait du dictionnaire dabréviations  « The Canadian Dictionary of Abbreviations », qui ne contient quune entrée pour labréviation IP, qui correspond à « intermediate pressure » (pression intermédiaire).

 

Laffidavit de M. Koopman décrit les résultats de sa recherche sur la signification de labréviation IP. M. Koopman a annexé à son affidavit des extraits de divers dictionnaires et articles qui témoignent de différentes significations de labréviation IP, dont lexpression « intellectual property ».  M. Koopman a aussi fait des recherches dans les dossiers du Bureau des marques de commerce concernant les demandes et enregistrements qui contiennent des mots ou expressions compris dans létat déclaratif des marchandises et des services de la requérante, par exemple « transaction software » (« logiciels de transactions ») et « application service provider » (« fournisseur de services logiciels »).

 


M. Koopman a aussi consulté le site Web de lOffice de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) et plus particulièrement les avis de pratique et publications en langue anglaise se rapportant au « Manuel des marchandises et des services » du Bureau des marques de commerce. Dans la dernière version du manuel publiée sur le site Web de lOPIC figurent les directives suivantes :

Si les marchandises ou les services ne se trouvent pas dans le manuel et que ce dernier ne contient pas de descriptions semblables, on doit procéder à une recherche pour déterminer si leur description correspond à celle quon retrouverait normalement dans le commerce (par ex. : en cherchant sur Internet, peut-on retrouver de nombreux exemples dans lesquels cette description des marchandises ou services en question est utilisée?).

 

Même si la recherche démontre que les marchandises et services sont en termes ordinaires du commerce, ils doivent néanmoins être des termes « spécifiques ». La spécificité des marchandises et services devient particulièrement importante dans les cas où un terme peut avoir des significations différentes, selon le domaine dans lequel il est utilisé [...].

 

On doit appliquer le test à trois volets suivant pour déterminer si les marchandises / services sont acceptables.

 

1.     Les marchandises ou les services sont-ils assez spécifiques pour permettre de déterminer si lalinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce sapplique? Une marque qui donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises ou services nest pas enregistrable.

 

2.     Les marchandises ou les services sont-ils assez spécifiques pour permettre d’évaluer la confusion? Une marque qui peut être confondue avec une marque de commerce enregistrée ou avec une marque en instance denregistrement nest pas enregistrable.

 

3.     Les marchandises ou les services sont-ils assez spécifiques pour garantir que le requérant nobtiendra pas une protection trop étendue? Par exemple : lapprobation de marchandises décrites comme étant un logiciel informatique, sans plus de précisions, accorderait au requérant une protection trop étendue.

 

Si la réponse à chacune de ces trois questions est affirmative, l’état déclaratif des marchandises ou services est acceptable. Par contre, si la réponse à lune de ces questions est négative, il faudra fournir plus de précisions. Dans les cas où il est possible de le faire, les examinateurs feront des suggestions.

 

 

Les motifs dopposition


Conformément aux règles habituelles de la preuve, il incombe à la partie opposante détablir les faits inhérents aux allégations qui correspondent à chaque motif dopposition. Limposition dun fardeau de preuve à lopposante à légard dune question particulière suppose que pour que la question soit examinée, il doit exister des éléments de preuve suffisants, desquels on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués au soutien de la question existent : voir Joseph E. Seagram & Sons c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329‑330 (C.O.M.C.), et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, aux pages 297‑300 (C.F. 1re inst.). 

 

En ce qui concerne le premier motif dopposition, il appert que compte tenu de la décision rendue dans laffaire Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 254 (C.F. 1re inst.), qui sappuie elle-même sur larrêt de la Cour suprême du Canada dans  Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932] R.C.S. 189, la date pertinente pour évaluer un motif dopposition fondé sur lalinéa 12(1)b) de la Loi a toujours été et demeure la date de la production de la demande. En outre, la question relevant de lalinéa 12(1)b) doit être examinée du point de vue de lutilisateur habituel des marchandises ou services. Enfin, il ne faut pas analyser la marque de commerce en étudiant minutieusement ses éléments, mais bien plutôt la considérer de façon globale, en sattachant à la première impression : voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25, aux pages 27-28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183, à la page 186.

 


En lespèce, lopposante a établi que lune des significations de labréviation IP est « intellectual property ».  Me Fuhrer déclare que son cabinet davocats procède depuis de nombreuses années à des renouvellements de droits de propriété intellectuelle pour le compte de ses clients. Lon peut penser que nombre dautres cabinets soccupent aussi de renouvellements afférents à la PI. Qui plus est, la publication du R.-U. déposée en preuve atteste que labréviation IP peut signifier « intellectual property » et que « IP renewals » est une expression connue en langue anglaise, à tout le moins au sein de la communauté oeuvrant dans le domaine de la propriété intellectuelle. Les enregistrements et demandes répertoriés dans le second affidavit de Mme Mahmood étayent eux aussi laffirmation selon laquelle IP signifie « intellectual property ». Enfin, plusieurs des pièces annexées à laffidavit de M. Koopman déposé par la requérante contiennent lacronyme CIPO, qui est labréviation en langue anglaise du Canadian Intellectual Property Office (Office de la propriété intellectuelle du Canada ou OPIC), lorganisme du gouvernement fédéral dont fait partie le Bureau des marques de commerce.

 

La requérante fait valoir que labréviation IP a dautres significations. La preuve confirme cette assertion, mais aucune autre signification na de lien logique avec la marque de commerce de la requérante et son état déclaratif des marchandises et des services.  À la première impression, un utilisateur de ces marchandises et services présumerait que la marque IPRENEWALSCO signifie « a company dealing in intellectual property renewals », soit une société qui soccupe de renouvellements de propriété intellectuelle.

 


La requérante soutient quil nest pas évident, à la lecture de létat déclaratif des marchandises et des services, que lélément IPRENEWALS signifie « intellectual property renewals ».  Cependant, létat déclaratif des marchandises et des services en lespèce est si vague et de portée si générale quil pourrait sappliquer à presque tous les domaines dactivités. Il comprendrait donc une entreprise qui soccupe de renouvellements de droits de propriété intellectuelle ou qui propose à cet effet des logiciels ou des licences de logiciels. Le fait que la requérante et le cabinet spécialisé en propriété intellectuelle qui agit pour elle à titre dagent de marque de commerce en linstance partagent la même adresse tend à indiquer quil sagit précisément de lactivité quentend poursuivre la requérante. Dans le cas contraire, celle‑ci aurait facilement pu établir quil nen est rien et limiter la portée de son état déclaratif des marchandises et des services de manière à exclure les renouvellements de propriété intellectuelle.

 

Compte tenu de ce qui précède, je conclus que létat déclaratif des marchandises et des services de la requérante comprend les renouvellements de propriété intellectuelle. Suivant la prépondérance des probabilités et la première impression, je suis davis que lutilisateur moyen de marchandises et de services de cette nature percevrait la marque de commerce IPRENEWALSCO comme signifiant « a company dealing in intellectual property renewals », représentant donc une société qui soccupe de renouvellements de propriété intellectuelle. Puisque cette expression donne une description claire de la nature des marchandises et services en cause, je conclus que le premier motif dopposition est bien fondé.

 


Au regard du troisième motif dopposition, il incombe à la requérante de prouver que sa marque est adaptée pour distinguer ses marchandises et services de ceux fournis par dautres personnes au Canada ou quelle les distingue véritablement : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.).  De plus, la date pertinente pour lexamen des circonstances entourant cette question est celle de la production de lopposition (soit le 25 novembre 2004) : voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.).

 

Le troisième motif porte essentiellement sur la question de savoir si la marque qui fait lobjet de la demande donne une description claire, quoique la date pertinente soit ultérieure dans ce cas. Cependant, mes conclusions quant au premier motif dopposition sappliquent aussi dans lensemble au troisième motif. En conséquence, la marque projetée  de la requérante nétait pas distinctive à la date de la production de lopposition, et le troisième motif dopposition est également fondé.

 


Quant au quatrième motif dopposition, qui repose sur lalinéa 30a) de la Loi, lancien registraire des marques de commerce a indiqué dans la décision Dubiner and National Yo-Yo and Bo-Lo Ltd. c. Heede Int'l Ltd. (1975), 23 C.P.R. (2d) 128, que tout requérant, dans sa demande,  [Traduction] « doit désigner clairement les marchandises ou services comme ils le sont habituellement dans le commerce ». Il est possible, à cet égard, de se reporter également à la décision en matière dopposition rendue dans Pro Image Sportswear, Inc. c. Pro Image, Inc. (1992), 42 C.P.R. (3d) 566, à la page 573. 

 

Dans le cas présent, lopposante soutient que la désignation des marchandises et des services décrits comme étant des « logiciels de transactions commerciales » est trop large, trop vague et trop imprécise, de sorte que les marchandises et services ne sont pas désignés dans les termes ordinaires du commerce. Je partage cet avis. Bien que la requérante ait inclus quelques termes additionnels dans son état déclaratif des marchandises et des services pour décrire le genre de logiciel quelle entend proposer, ces termes ne renseignent pas sur le domaine dactivités commerciales pour lequel le logiciel est conçu. Pour que les descriptions soient  significatives, il est nécessaire de fournir plus de détails sur le genre de logiciel que vise la demande et/ou sur le domaine commercial dutilisation. Compte tenu de la présente opposition et de la possibilité quavait la requérante de modifier son état déclaratif des marchandises et des services, on peut supposer que si elle  ne la pas fait, cest que le domaine dactivités quelle avait en vue est, soit directement, soit par lintermédiaire de logiciels sous licence, le renouvellement de droits de propriété intellectuelle. En conséquence, le quatrième motif dopposition est lui aussi bien fondé.

 

Vu ces conclusions, il nest pas nécessaire dexaminer les deux motifs dopposition restants. Toutefois, lopposante naurait eu que peu de chances davoir gain de cause sur lun ou lautre de ces motifs.

 



Compte tenu de ce qui précède, et conformément au pouvoir qui ma été délégué en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je refuse la demande denregistrement de la requérante.   

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 30 JANVIER 2007

David J. Martin,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce.

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