Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Darrell Lee Waltrip à la demande no 1159622 produite par Boogiddy Boogiddy Racing Inc. (maintenant inscrite au nom de Richard Poulin) en vue de l’enregistrement de la marque de commerce BOOGITY BOOGITY BOOGITY

 

Le 20 novembre 2002, Boogiddy Boogiddy Racing Inc. (la requérante) a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce BOOGITY BOOGITY BOOGITY (la marque) fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec des marchandises et services, décrits comme suit dans la déclaration de marchandises et services :

 

Marchandises :

Vêtements, nommément casquettes de baseball, tee-shirts, pulls d’entraînement, vestes, pantalons, shorts, foulards, bandeaux et bavoirs; jouets et articles de sport, nommément modèles réduits d’automobiles, voitures-jouets moulées sous pression, animaux en peluche, sacs de sport; imprimés, nommément affiches et jeux de cartes; bijoux; lunettes de soleil, tasses, aimants décoratifs et tapis de souris.

 

Services :

Vente au détail d’articles divers, nommément casquettes de baseball, tee-shirts, pulls d’entraînement, vestes, pantalons, shorts, foulards, bandeaux et bavoirs; jouets et articles de sport, nommément modèles réduits d’automobiles, voitures-jouets moulées sous pression, animaux en peluche, sacs de sport; imprimés, nommément affiches et jeux de cartes; bijoux; lunettes de soleil, tasses, aimants décoratifs et tapis de souris.

 

 

Le 25 février 2003, la marque a été cédée à M. Richard Poulin.

 

La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 avril 2004.

 

Le 7 juin 2004, Darrell Lee Waltrip (l’opposant) a produit une déclaration d’opposition à la demande. La requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’opposant.

 

La preuve de l’opposant comprend les affidavits de MM. Darrell Lee Waltrip, Robert Weiss et Van Colley. La requérante a sollicité l’autorisation de contre-interroger chacun de ces déposants, mais elle a décidé de ne pas tenir ces contre-interrogatoires. Par ailleurs, la requérante n’a présenté aucun élément de preuve. 

 

Seul l’opposant a produit des observations écrites. Ni l’une ni l’autre partie n’a demandé la tenue d’une audience.

 

Résumé de la preuve de l’opposant

En l’espèce, la preuve de l’opposant établit les éléments suivants :

-          Darrell Lee Waltrip occupe un emploi d’analyste et commentateur au réseau de radiodiffusion FOX Sports Network depuis 2001, après avoir été pilote de course professionnel en série NASCAR;

-          au printemps 2002, il a inventé l’expression BOOGITY BOOGITY BOOGITY au début d’une course NASCAR, une formule qu’il a ensuite invariablement reprise sur les ondes du réseau Fox au début de chaque course des saisons régulières de NASCAR;

-          M. Waltrip est surnommé M. Boogity Boogity Boogity ou encore « Boogity Man » par des amateurs de courses et d’autres commentateurs de courses NASCAR ainsi que dans divers articles de magazines et nouvelles sportives, notamment dans Sports Illustrated et Fox Sports;

-          depuis février 2001, NASCAR ou NDE (Nascar Digital Entertainment, LLC) ou l’un et l’autre ont octroyé des licences pour la radiodiffusion au Canada des séries NNCS (Nascar Nextel Cup Series) et NBS (Nascar Busch Series), y compris notamment des émissions sur Nascar réalisées par Fox; 

-          TSN et Rogers Sportsnet, des radiodiffuseurs canadiens, détiennent des licences de NASCAR ou de NDE pour diffuser au Canada les émissions de courses réalisées par Fox;

-          les émissions de courses réalisées et diffusées au Canada par Fox et les mêmes courses de séries NNCS et NBS diffusées par TSN et Rogers Sportsnet sont semblables à celles diffusées aux États-Unis sur le réseau Fox; Darrell Lee Waltrip participe régulièrement à ces émissions à titre d’analyste et commentateur et il marque le début de chaque course par sa formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY;

-          entre les diffuseurs canadiens et la retransmission des émissions américaines de courses NNCS et NBS au Canada par l’obtention de licences obligatoires, la plupart des courses NNCS et plusieurs courses NBS sont diffusées au Canada, de sorte qu’à la date de l’affidavit de M. Weiss (soit le 2 août 2005), les émissions de courses de Fox étaient présentées à plus de 8 millions de ménages au Canada; 

-          à compter du début du printemps 2002, Darrell Waltrip Motosports, Inc. et Boogity Brands, LLC (des sociétés qui appartiennent à l’opposant) ont commercialisé et vendu une gamme de produits sous la marque de commerce BOOGITY par l’intermédiaire de leur boutique virtuelle, à www.DWStore.com;

-          depuis la première vente, les ventes brutes de produits offerts sous la marque de l’opposant ont dépassé 400 000 $US; 

-          la boutique virtuelle de l’opposant propose des produits à la vente au Canada, notamment une gamme d’articles portant la marque BOOGITY, depuis mars 2004; des échantillons de factures faisant foi de la vente de produits à des Canadiens par l’intermédiaire du site Web de l’opposant sont annexés comme pièce E à l’affidavit de M. Colley;

-          Darrell Waltrip est propriétaire de la demande no 1 242 359 visant l’enregistrement au Canada de la marque de commerce BOOGITY BOOGITY BOOGITY;

-          il est fait mention de la popularité de Darrell Waltrip et de sa formule signature dans plusieurs articles de sites Web, entrevues et commentaires d’amateurs; 

-          les Canadiens peuvent se procurer, sur le site Web de Chapters, un DVD intitulé « Darrell Waltrip : His Passion Beyond the Wheel »; la formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY figure sur la pochette du DVD;

-          les courses NASCAR sont suivies par un grand nombre de personnes au Canada; en 2005, le nombre d’amateurs de courses NASCAR au Canada était estimé à 5,8 millions.

Alinéas 12(1)e) et 9(1)k)

Comme troisième motif d’opposition, l’opposant avance que la marque en cause n’est pas enregistrable, suivant l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), et est interdite par l’alinéa 9(1)k) parce qu’elle suggère faussement un rapport avec l’opposant, un particulier vivant, pilote de course et présentateur sportif célèbre. 

Les dispositions législatives pertinentes sont rédigées comme suit :

            12(1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

                        […]

                        e) elle est une marque dont l’article 9 ou 10 interdit l’adoption;

 

9(1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit : 

           […]

k) toute matière qui peut faussement suggérer un rapport avec un particulier vivant; […]

 

S’appuyant sur la décision rendue dans Bousquet c. Barmish, Inc. (1991), 37 C.P.R. (3d) 516 (C.F. 1re inst.), l’opposant soutient que la date pertinente pour l’examen de cette question est la date d’adoption de la marque de la partie requérante. Avec égards, je ne suis pas d’accord. J’estime que la date applicable à l’examen de cette question est celle de ma décision (voir Villeneuve c. Mazsport Garment Manufacturing Inc. (2005), 50 C.P.R. (4th) 127, à la page 148 (C.O.M.C.). Quelle que soit la date retenue, le résultat quant à ce motif d’opposition serait le même.

 

S’il incombe à la requérante de démontrer que la marque en cause est enregistrable et que son adoption n’est pas interdite aux termes de l’alinéa 9(1)k), l’opposant doit néanmoins produire une preuve qui permette de conclure que la formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY est si étroitement associée à Darrell Lee Waltrip que l’adoption et l’emploi de la marque par la requérante conduirait vraisemblablement à conclure que les marchandises et services de la requérante sont liés d’une façon ou d’une autre à Darrell Lee Waltrip.  

 

En l’espèce, la preuve établit que les courses NASCAR sont suivies par un vaste auditoire au Canada et qu’elles y jouissent d’une popularité grandissante. On peut présumer que de nombreux amateurs ont déjà entendu la formule signature « BOOGITY BOOGITY BOOGITY » au début d’une course, mais il n’a pas été démontré qu’un grand nombre de Canadiens feraient le lien entre cette formule et Darrell Waltrip, ni même qu’ils reconnaîtraient le nom de ce dernier. À cet égard, bien que M. Colley ait annexé à son affidavit des copies de pages Web présentant des articles, des entrevues et des commentaires d’amateurs qui font foi de la popularité de Darrell Waltrip et de la formule qu’il a adoptée, l’opposant n’a fourni aucun élément de preuve témoignant du nombre de Canadiens qui ont vraisemblablement consulté ces sites Web ou lu ces articles. M. Waltrip affirme que plusieurs rédacteurs de nouvelles de sport et chroniqueurs de magazines qui l’ont interviewé pour des articles l’ont surnommé « M. Boogity », notamment dans le Sports Illustrated et à Fox Sports, mais il n’a produit aucune copie de ces articles. Enfin, bien que l’opposant ait commercialisé et vendu des produits au Canada depuis mars 2004 par l’intermédiaire de sa boutique virtuelle, le chiffre d’affaires correspondant à la vente d’articles de marque BOOGITY BOOGITY BOOGITY au Canada n’a pas été fourni, et aucun renseignement quant au nombre de Canadiens ayant visité son site Web n’a été déposé en preuve.

 

Le présent cas peut être distingué de l’affaire Carson c. Reynolds (1980), 49 C.P.R. (2d) 57 (C.F 1re inst.), dans laquelle la preuve indiquait que le Tonight Show était accessible aux téléspectateurs canadiens depuis sa création, en 1962. Le nombre quotidien de spectateurs canadiens, entre le printemps de 1970 et l’automne de 1975, variait entre 74 600 et 262 300. En outre, un sondage mis en preuve établissait que plus de la moitié des téléspectateurs canadiens interrogés associaient l’expression « Here’s Johnny » à Johnny Carson.

L’espèce peut aussi être distinguée de la décision Villeneuve c. Mazsport, précitée, une affaire dans laquelle la partie requérante a notamment produit une preuve concernant la réputation de Jacques Villeneuve junior à titre de pilote de course automobile de réputation internationale, une preuve attestant la vente au Canada de différentes marchandises portant le nom de Jacques Villeneuve ainsi que des copies de plus de 1 000 articles publiés entre 1990 et 1998 dans différents journaux canadiens connus qui parlaient de Jacques Villeneuve junior. Le commissaire saisi de la preuve produite dans cette affaire s’est dit convaincu que Jacques Villeneuve junior jouissait dans le public canadien d’une grande réputation de pilote de course automobile, de sorte que les marques de commerce JACQUES VILLENEUVE RACING ou JACQUES VILLENEUVE SPORTS suggéreraient un rapport avec lui.

 

La preuve produite dans le cas qui nous occupe est insuffisante pour permettre de conclure que Darrell Waltrip jouit d’une grande notoriété publique au Canada. Aussi ne suis-je pas convaincue que le consommateur moyen qui achèterait un produit ou un service de marque BOOGITY BOOGITY BOOGITY présumerait que le produit ou service est lié d’une manière ou d’une autre à Darrell Waltrip. Par conséquent, je ne retiens pas ce motif d’opposition.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a)

L’opposant a aussi plaidé que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement, aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, parce que la marque crée de la confusion avec la marque de commerce BOOGITY BOOGITY BOOGITY, antérieurement employée ou révélée au Canada par l’opposant en liaison avec des services de divertissement ainsi qu’avec des marchandises promotionnelles (y compris, notamment, des vêtements, bijoux, imprimés sur le thème de la course automobile, verres et drapeaux d’événement).

 

Relativement à ce motif d’opposition, l’opposant a le fardeau initial de prouver que sa marque de commerce a été employée ou révélée avant la date de production de la demande présentée par la requérante et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la requérante [article 16].

 

Il n’a pas été établi que la marque a été employée avant la date pertinente en liaison avec les marchandises. L’opposant n’a commencé à vendre les produits BOOGITY au Canada qu’en mars 2004, après la date pertinente.  

 

En ce qui concerne les services, des échantillons d’enregistrements dans lesquels on entend M. Waltrip prononçer la formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY ont été joints comme pièce F à l’affidavit de M. Colley. Toutefois, à part un écriteau manuscrit exhibé par un amateur dans la foule, la formule « BOOGITY BOOGITY BOOGITY » n’est montrée nulle part dans le cadre de ces émissions. L’emploi de la marque n’a donc pas été établi conformément au paragraphe 4(2) de la Loi. Il reste donc à décider du bien-fondé de ce motif d’opposition au regard de la révélation antérieure alléguée de la marque de commerce de l’opposant au Canada en liaison avec des marchandises et services. 

 

Pour l’examen de la prétention de l’opposant selon laquelle il aurait antérieurement fait connaître sa marque de commerce au Canada, l’article 5 de la Loi prévoit : 

 

                        5. Une personne est réputée faire connaître une marque de commerce au Canada seulement si elle l’emploie dans un pays de l’Union, autre que le Canada, en liaison avec des marchandises ou services, si, selon le cas :

a) ces marchandises sont distribuées en liaison avec cette marque au Canada;

b) ces marchandises ou services sont annoncés en liaison avec cette marque :

(i) soit dans toute publication imprimée et mise en circulation au Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,

(ii) soit dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada par des marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,

et si la marque est bien connue au Canada par suite de cette distribution ou annonce.

 

 

Autrement dit, la loi impose à l’opposant d’établir qu’il a « fait connaître » sa marque et que celle-ci est devenue « bien connue » par les moyens particuliers précisés à l’article 5 : voir Valle's Steak House c. Tessier (1980), 49 C.P.R.(2d) 218, aux pages 224-225 (C.F. 1re inst.), et Motel 6 Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R.(2d) 44, à la page 56 (C.F. 1re inst.). Il s’ensuit qu’une marque qui devenue bien connue au Canada par suite du bouche à oreille ou de la publication d’articles de journaux ou de magazines (plutôt que par la publication d’annonces) n’est pas une marque que l’on a « fait connaître » au Canada au sens de l’article 5 : cette distinction est faite dans la décision Motel 6, précitée, à la page 59. 

 

Bien que des produits portant la marque de l’opposant aient été offerts en vente aux États-Unis depuis le printemps de 2002 au moyen de la boutique virtuelle de l’opposant, aucun élément de preuve n’indique que ces produits ont été annoncés dans une publication imprimée distribuée au Canada ou dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada et qu’ils sont devenus connus au Canada par suite de cette publicité. En conséquence, je ne suis pas convaincue que la marque de l’opposant a été révélée au Canada en liaison avec des marchandises avant la date pertinente.

 

Quant à la preuve portant que la formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY est employée en début de diffusion des courses NASCAR au Canada, que le nom de M. Waltrip et sa formule signature figurent dans divers articles de magazines et nouvelles sportives et que le nom de M. Waltrip est aussi évoqué dans différents articles publiés sur le Web au sujet de la popularité croissante de NASCAR au Canada, ces éléments me permettent de déduire qu’un certain nombre de Canadiens auraient associé la formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY à des services de divertissement, à savoir la présentation de commentaires dans le cadre d’émissions de sport télévisées. Toutefois, ni le fait d’utiliser la formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY durant la diffusion d’une émission sportive, ni la mention de cette formule dans des articles de sites Web et de magazines ne constituent de la publicité. Je ne suis donc pas convaincue que l’opposant a « fait connaître » sa marque au Canada au sens de l’article 5 de la Loi. En conséquence, puisque je conclus que l’opposant n’a pas satisfait au fardeau de preuve qui lui incombait au titre des paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi à cet égard, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) est rejeté. 

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d)

L’opposant a aussi fait valoir que la marque ne peut être distinctive de la requérante et qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises et services de la requérante de ceux d’autres propriétaires, particulièrement des siens. Plus précisément, l’emploi continu par l’opposant, au début des courses NASCAR, de la formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY dont il a fait sa signature, et son utilisation de cette formule comme marque de commerce tant au Canada qu’aux États‑Unis en liaison avec des vêtements, bijoux, imprimés sur le thème de la course automobile, verres, drapeaux d’événement et autres marchandises ont fait en sorte que la formule BOOGITY BOOGITY BOOGITY constitue un trait distinctif de l’opposant dans l’esprit du public canadien.

 

Pour satisfaire au fardeau de preuve qui lui incombe au regard de ce motif d’opposition, l’opposant doit démontrer qu’à la date de la production de l’opposition, sa marque de commerce était suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque en cause [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la page 58 (C.F. 1re inst.); Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.); Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.)]. Ainsi que l’a fait remarquer la Cour fédérale dans la décision Motel 6, précitée, à la page 58 :

 

Une marque de commerce ne peut distinguer ni être propre à distinguer les services d’une personne si une autre personne a employé cette marque dans un pays étranger et que celle‑ci soit devenue connue au Canada comme la marque de cette dernière personne en liaison avec des services similaires. Quant à la question de l’absence de caractère distinctif d’une marque, bien qu’il doive être établi que la marque rivale ou adverse est connue au moins jusqu’à un certain point, il n’est pas nécessaire de prouver qu’elle est bien connue ou qu’elle a été révélée uniquement par les moyens limités prévus à l’article 5 cité plus haut. Il suffit d’établir que l’autre marque est devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque attaquée.

 

Toute preuve pertinente qui tend à établir l’absence de caractère distinctif peut être prise en compte. En d’autres termes, l’opposant peut s’appuyer sur des émissions télévisées, des articles publiés dans un site Web, etc. pour établir que sa marque BOOGITY BOOGITY BOOGITY a acquis une certaine notoriété au Canada. Compte tenu des éléments de preuve présentés par MM. Waltrip, Weiss et Colley, j’estime que la marque de l’opposant était devenue suffisamment connue au Canada, à la date pertinente, pour étayer le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la marque qui fait l’objet de la demande. 

 

En raison de ce qui précède, il incombe à la requérante de convaincre le registraire que sa marque est adaptée à distinguer ses marchandises et services partout au Canada. Dans l’examen du caractère distinctif, il est utile d’évaluer si un risque raisonnable de confusion, au sens des paragraphes 6(2) et 6(5) de la Loi, aurait existé à la date de l’opposition.

 

Critère applicable en matière de confusion

Le critère applicable pour apprécier la question de la confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant ce critère, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle chaque marque de commerce ou nom commercial a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids égal à chacun de ces facteurs [voir les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Limitée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), pour une analyse en profondeur des grands principes applicables au critère de la confusion].

 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle chacune est devenue connue

Les marques des deux parties possèdent un caractère distinctif inhérent par rapport à leurs marchandises et services respectifs. À la date pertinente, la marque de l’opposant était devenue connue jusqu’à un certain point au Canada en liaison avec des services de divertissement. La requérante n’ayant pour sa part produit aucune preuve d’emploi de sa marque, je ne peux pas conclure que la marque de cette dernière est devenue connue dans quelque mesure que ce soit.

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage

Le facteur afférent à la période d’usage des marques respectives favorise l’opposant.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

Les marchandises de la requérante comprennent diverses catégories de vêtements; des jouets et articles de sport; des imprimés; des bijoux; des lunettes de soleil; des tasses; des aimants décoratifs et des tapis de souris; ses services consistent en la vente au détail de ces articles. À la date pertinente, la marque de l’opposant avait été révélée en liaison avec la présentation de commentaires sportifs télévisés, et l’opposant avait commencé à employer sa marque au Canada en liaison avec des marchandises promotionnelles. Il existe donc un certain chevauchement entre les marchandises des parties. De plus, étant donné que la promotion des services de divertissement offerts par l’opposant est généralement assurée par l’usage de marchandises promotionnelles du genre de celles qui sont énumérées dans la demande de la requérante, les circuits commerciaux des parties pourraient aussi se recouper. 

 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce

Les marques des deux parties sont en tous points identiques.

 

Conclusion quant au risque de confusion

En appliquant le critère qui régit la question de la confusion, j’ai gardé à l’esprit que ce critère est axé sur la première impression et le souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions énoncées ci‑dessus, particulièrement du chevauchement dans les marchandises et circuits commerciaux des parties et du fait que les marques des parties sont identiques, je conclus que la requérante n’a pas satisfait à son fardeau de démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, que la confusion entre les deux marques était peu probable à la date pertinente. Autrement dit, l’emploi par la requérante de la marque BOOGITY BOOGITY BOOGITY en liaison avec des vêtements; jouets et articles de sport; imprimés; bijoux; lunettes de soleil; tasses; aimants décoratifs et tapis de souris aurait vraisemblablement fait conclure que ces marchandises étaient fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque étaient loués ou exécutés, par l’opposant. Par conséquent, je conclus que la marque de la requérante, à la date du dépôt de la déclaration d’opposition, n’était pas adaptée à distinguer les marchandises et services de la requérante de ceux de l’opposant. L’opposant a donc gain de cause relativement à ce motif d’opposition.

 

Alinéa 30i)

L’opposant a invoqué ce qui suit au soutien du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) :

 

[traduction]

Eu égard à l’alinéa 38(2)a) de la Loi, la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) puisque, contrairement à la déclaration faite dans la demande, la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce ou d’en demander l’enregistrement au Canada. En effet, avant la date de production de la demande, la requérante connaissait ou aurait dû connaître la marque de commerce BOOGITY BOOGITY BOOGITY, créée et largement utilisée au Canada et aux États‑Unis par l’opposant, qui en a fait sa formule signature durant les émissions de sport diffusées à la station de télévision Twentieth Century Fox Film […]

 

Tel qu’il a été plaidé, le motif d’opposition n’est pas valable. Le seul fait que la requérante ait pu connaître l’existence de la marque de commerce de l’opposant n’empêche pas la requérante d’avoir fait de bonne foi, dans sa demande, la déclaration prescrite par l’alinéa 30i) de la Loi. L’opposant n’a pas prétendu que la requérante avait adopté sa marque en sachant qu’elle créait de la confusion avec celle de l’opposant. En conséquence, le premier motif d’opposition est rejeté.

 

Même si le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) avait été correctement plaidé, ce motif ne devrait prévaloir, lorsque la partie requérante a fourni la déclaration prescrite par cette disposition, que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque des éléments de preuve dénotent de la mauvaise foi de la part de la requérante [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Aucune preuve de cette nature n’a été présentée en l’espèce.


Décision

En vertu du pouvoir qui m’a été délégué par le registraire des marques de commerce aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande de la requérante conformément aux dispositions du paragraphe 38(8).

 

FAIT À Gatineau (Québec), le 25 octobre 2007

 

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.