Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION 

de Havana Club Holdings S.A. à la demande no 795803 produite par Bacardi & Company Limited en vue de l’enregistrement de la marque de commerce OLD HAVANA

 

 

Le 25 octobre 1995, Bacardi & Company Limited (« la requérante ») a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce OLD HAVANA (« la marque ») fondée sur son emploi projeté en liaison avec des boissons alcoolisées distillées, nommément rhum. Cette demande a subséquemment été publiée aux fins de toute opposition éventuelle dans le Journal des marques de commerce du 1er janvier 1997.

 

Le 10 février 1997, Havana Club Holdings S.A. (l’« opposante ») a produit une déclaration d’opposition. Le 21 mars 1997, en réponse à la déclaration d’opposition, la requérante a signifié et produit une contre‑déclaration dans laquelle elle rejette tous les motifs d’opposition invoqués par l’opposante. Les deux parties ont déposé des argumentations écrites et une audience a eu lieu le 16 septembre 2003 au cours de laquelle elles ont toutes deux présenté des observations de vive voix.

 

On peut résumer de la manière suivante les motifs d’opposition :

a)                  La demande n’est pas conforme à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce (« Loi ») parce que :

 

(i)                 la requérante avait déjà employé la marque en tout ou en partie au Canada;

(ii)               la requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la marque au Canada ou l’a abandonnée en tout ou en partie;

(iii)             la requérante a faussement déclaré qu’elle avait le droit d’employer la marque au Canada compte tenu des faits énoncés ci‑après;

b)                  La marque n’est pas enregistrable compte tenu du paragraphe 12 (1) de la Loi parce que :

 

 

(i)                 soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services, à savoir Cuba, dont la capitale est La Havane ;

(ii)               elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’opposante, « HAVANA CLUB », numéro d’enregistrement LCD 03512, et « HAVANA CLUB & DESSIN », numéro d’enregistrement 212087, toutes deux employées en liaison avec du rhum;

 

c)                  La requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque au sens de l’article 16 de la Loi parce que :

 

(i)                 à la date de la production, elle créait de la confusion avec les marques de commerce HAVANA et HAVANA CLUB antérieurement employées ou révélées au Canada par l’opposante ou son prédécesseur en titre en liaison avec des boissons alcoolisées, nommément spiritueux et rhum;

(ii)               la demande ne satisfait pas aux dispositions de l’article 30 de la Loi car la marque aurait dû être fondée sur l’emploi si elle a été employée ou abandonnée, le cas échéant, et n’est pas enregistrable;

d)                 La marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi à l’égard des marchandises de la requérante, ni adaptée à les distinguer de celles de l’opposante :

 

(i)                 en raison de l’adoption, de l’emploi, de la révélation et de l’enregistrement des célèbres marques de commerce de l’opposante, ainsi que de l’emploi et de la révélation de ses noms commerciaux;

(ii)               à la suite de son transfert, il subsistait des droits chez deux ou plusieurs entités qui les exerçaient simultanément, le tout en contravention des dispositions du paragraphe 48(2) de la Loi;

(iii)             la requérante a permis à des tiers d’employer la marque au Canada − qu’ils ont employée dans les faits − en dehors du cadre de la protection conférée par la licence d’emploi prévue à l’article 50 de la Loi.

 

Il y a lieu de noter que l’opposante n’a déposé aucune preuve relative à l’emploi du seul mot HAVANA comme marque de commerce.

 

La preuve de l’opposante consiste en les affidavits de Johanne Dalton, auxquels sont jointes les pièces JD‑1 à JD‑8, ainsi que l’affidavit de Noel Adrian. La requérante a produit les affidavits de Carol Luciani, auxquels sont jointes les pièces A‑1 à A‑26, ainsi que celui d’Andrea Risk, auquel sont jointes les pièces A à JJ. Les historiques relatifs aux enregistrements des marques de commerce LCD 03512, 212087, 211345 et 357802 ont également été déposés dans le cadre de la preuve de la requérante. Les déposants de l’opposante ont tous deux été interrogés et les transcriptions de ces contre‑interrogatoires ont été versées au dossier. Les pièces INA1 à INA13 portant sur le contre‑interrogatoire de M. Adrian, tenu le 15 juin 1998, ont été versées au présent dossier.

 

Je dois à présent traiter de deux questions préliminaires que les parties ont soulevées. Premièrement, il a été convenu lors du contre‑interrogatoire de Noel Adrian que la transcription de son interrogatoire préalable ou de son contre‑interrogatoire du 15 avril 1998, relativement aux procédures en injonction engagées par l’opposante contre la requérante devant la Cour supérieure du Québec (« procedures en injonction »), ferait partie intégrante de ce dossier. Un certain M. Larretche a lui aussi été interrogé dans le cadre de ces procédures. Il semblerait qu’à l’occasion de son interrogatoire du 14 mars 1997, M. Larretche ait pris plusieurs engagements et produit de nombreux documents. La requérante a versé au présent dossier toutes les réponses aux engagements ainsi que les documents mentionnés lors de cet interrogatoire. Invoquant l’absence d’entente à cet effet, l’opposante s’est opposée à la production de ces documents ainsi que de la documentation déposée dans le cadre de l’interrogatoire préalable de M. Adrian.

 

J’ai examiné les pages 6, 7, 114 et 115 de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Adrian tenu le 15 juin 1998. Les déclarations de l’avocat de l’opposante sur ce qu’il était disposé à admettre en preuve au présent dossier sont pour le moins ambiguës. Prises en contexte, les déclarations attribuables aux avocats des parties lors de ce contre‑interrogatoire m’amènent à conclure qu’ils avaient l’intention de verser au présent dossier les réponses aux engagements pris au cours des interrogatoires de M. Larretche, le 14 mars 1997, et de M. Adrian, le 15 avril 1998, à l’exception des documents contractuels, lesquels − ou du moins ceux qui ont été jugés pertinents en l’espèce − devaient être déposés au cours du contre‑interrogatoire de M. Adrian, 15 juin 1988.

 

La seconde question préliminaire a trait au statut de l’opposante. La requérante soutient que l’opposante n’est pas une personne intéressée au sens de l’article 2 de la Loi, puisque sa chaîne de titres de propriété dans les marques de commerce énumérées ci‑dessus se fonde sur une prétendue confiscation de biens canadiens par le gouvernement cubain. Comme pareille confiscation ne serait ni reconnue ni appliquée en droit canadien, l’opposante ne pouvait être convaincue qu’elle était une « personne intéressée » au sens de l’article 2 de la Loi ou qu’elle possédait la qualité et l’intérêt prévus au paragraphe 38(1) de la Loi pour s’opposer à la demande d’enregistrement de la marque présentée par la requérante. Dans le cadre d’une procédure d’opposition contre la demande no 845949 mettant en cause les même parties, la requérante a soulevé le même argument qu’a rejeté l’agent d’audience M. Herzig, décision confirmée par la Cour fédérale [Voir la décision non rapportée Bacardi & Company Limited c. Havana Club S.A., T‑1181‑01]. Le juge Martineau a résumé la position de la requérante comme suit :

Au contraire, la demanderesse [Bacardi & Company Limited] fait valoir que l’inscription du nom de la défenderesse au registre à titre de propriétaire serait sans effet légal. Selon la demanderesse, dans le cadre d’une procédure d’opposition, le registraire peut ignorer cette inscription et la tenir pour invalide. En effet, selon ses prétentions, la défenderesse ne serait pas la véritable propriétaire de la marque déposée car son titre et celui de ses prédécesseurs serait vicié. S’appuyant notamment sur les arrêts Lecouturier v. Rey, [1910] A.C. 262 (H.L. (Eng.)) et Laane & Balster v. Estonian State Cargo and Passenger Steamship Line, [1949] S.C.R. 530, la demanderesse soumet que les tribunaux ne donneront pas effet sur leur territoire aux dispositions d’une loi de nature pénale adoptée par un pays étranger dont l’objet est d’exproprier sans compensation un actif pouvant se trouver à l’extérieur de ce pays; ce qui serait le cas en l’espèce puisque la République de Cuba, le 13 octobre 1960, aurait nationalisé, par expropriation forcée, les actifs de différentes sociétés, incluant ceux de la société Jose Arechabala S.A. (l’« inscrivant original ») dont le nom apparaissait au registre comme propriétaire de la marque déposée depuis le 11 juillet 1934. Ainsi, selon la demanderesse, le registraire n’avait pas le pouvoir et n’aurait pas dû modifier, comme il l’a fait le 24 septembre 1963, l’inscription au registre pour y substituer le nom de la société nationalisée, soit Jose Arechabala S.A. Nacionalizada, à celui de l’inscrivant original. Argumentant que la propriété d’une marque déposée constitue un actif intangible, la demanderesse soumet donc que la défenderesse ne s’est pas déchargée du fardeau d’établir son droit à l’enregistrement de la nouvelle marque, car rien dans le dossier du registraire n’indique qu’une indemnité ait été versée aux personnes affectées par cette expropriation forcée. 

 

La Cour a conclu que le registraire n’avait pas compétence pour statuer sur la validité de l’enregistrement d’une marque de commerce. Il doit reconnaître que l’opposante est la propriétaire actuelle des marques de commerce déposées qu’elle désigne, tel qu’en font foi les copies certifiées des enregistrements de ces marques de commerce. Comme l’a mentionné le juge Martineau, il existe des moyens par lesquels la requérante peut contester la validité de ces certificats d’enregistrement. Je conclus par conséquent que l’opposante est une personne intéressée au sens de l’article 2 de la Loi.

La requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi, mais il incombe d’abord à l’opposante d’établir les faits qu’elle invoque à l’appui de ces motifs d’opposition. Une fois que l’opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, le fardeau est transféré à la requérante, qui doit démontrer que les motifs d’opposition invoqués ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293].

L’opposante n’a déposé aucune preuve pour étayer les motifs d’opposition a), c)(ii), d)(ii) et (iii) décrits ci‑dessus, lesquels sont par conséquent rejetés. Les autres motifs d’opposition ont trait au caractère descriptif de la marque et à la probabilité de confusion avec les marques de commerce déposées de l’opposante.

La date pertinente pour l’examen de la question de l’admissibilité à l’enregistrement au regard du paragraphe 16(3) de la Loi est la date de la production de la demande (25 octobre 1995) [article 16 de la Loi]. Il est généralement admis que la date pertinente pour apprécier la question du caractère distinctif est celle du dépôt de la déclaration d’opposition (10 février 1997) et, s’agissant de l’enregistrabilité aux termes de l’alinéa 12(1)d), la date de ma décision [voir Andres Wines Ltd. et E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, p. 424 (C.A.F)].

Il existe cependant différents points de vue quant à la date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Avant la décision Park Avenue Furniture Corporation, on admettait que le caractère descriptif de la marque faisant l’objet de la demande était apprécié à la date de la production de la demande. C’est dans Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932], 1 D.L.R. 297, que la Cour suprême du Canada a adopté cette position, à laquelle a souscrit la Cour de l’Échiquier dans Association Of Professional Engineers Of Ontario c. Registrar Of Trade Marks, 31 C.P.R. 79. Avant de rendre sa décision dans Park Avenue, la Cour d’appel fédérale avait adopté de manière incidente dans Oshawa Group Ltd. c. Creative Resources Co. Ltd, (1982) 61 C.P.R. (2d) 29, la position du juge Cattanach dans Sico Inc. c. Borden Inc (1970) 63 C.P.R. 223, à savoir que la date pertinente pour l’examen d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) (confusion avec des marques de commerce déposées) était la date du règlement de l’affaire.

 

Dans Park Avenue, la Cour d’appel fédérale a analysé en profondeur la question de la date pertinente en matière de confusion avec une marque de commerce déposée (alinéa 12(1)d) de la Loi). La Cour a dit ceci :

Le juge de première instance a souscrit à l’opinion du registraire suivant laquelle la date à retenir pour trancher la question de la confusion était la date du dépôt de l’opposition et non la date du dépôt de la demande. Il a ajouté qu’il importait peu de retenir l’une ou l’autre date parce que le résultat serait le même.

….

La Loi sur les marques de commerce renferme des dispositions qui précisent la date à laquelle certaines situations doivent être appréciées. Ainsi, le paragraphe 16(1) de la Loi précise que la date à laquelle la confusion doit être appréciée est celle à laquelle la marque a été en premier lieu employée ou révélée en liaison avec des marchandises ou des services. Le paragraphe 16(3) de la Loi précise que la confusion doit être appréciée à la date du dépôt de la demande. Le paragraphe 6(5) de la Loi ne contient cependant aucun indice quant à la date à retenir pour déterminer si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion. Dans ces conditions, on devrait retenir le principe qui s’applique généralement en matières contentieuses, à savoir la date à laquelle l’affaire est tranchée suivant la preuve produite.

 

Dans le cas d’une opposition au droit à l’enregistrement, le point de vue adopté par le juge Heald dans l’arrêt Oshawa m’apparaît le plus logique. […] Je ne vois rien d’anormal dans la possibilité pour les parties de mettre la situation à jour lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a lieu d’accorder une reconnaissance législative à une marque. Il me semble qu’il importe que la décision du registraire ou du tribunal reflète avec exactitude l’état du registre. Le droit à l’enregistrement devrait être décidé à la date de l’enregistrement ou à la date du refus de l’enregistrement.

 

Subséquemment, dans Lubrication Engineers, Inc. c. Canadian Council Of Professional Engineers, (1992) 41 C.P.R. (3d) 243, la Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur sa décision dans Park Avenue pour statuer que le registraire avait eu tort de conclure que la date pertinente aux fins de l’enregistrabilité pour un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) était celle de la production de la demande. La Cour n’a pas analysé la possibilité d’adopter une autre date pertinente pour l’examen du motif fondé sur l’alinéa 12(1)b). Elle n’a établi aucune distinction entre un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) et celui fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

Récemment, dans Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (décision non rapportée, 2003 CF 1021), le juge Russell a procédé à l’analyse suivante pour résoudre cette question :

La demanderesse fait aussi valoir à titre subsidiaire que le registraire s’est trompé en statuant que la date pertinente au regard de l’alinéa 12(1)b) doit être la date de la décision plutôt que la date de production de la demande. Le registraire s’est fondé sur la décision Lubrication Engineers Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 C.P.R. (3d) 243. La demanderesse prétend que, dans cette décision, les remarques concernant la date pertinente étaient des remarques incidentes. De plus, dans la décision Conseil canadien des ingénieurs, précitée, la Cour se fonde sur l’arrêt Park Avenue Furniture Corp c. Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), aux p. 422-424, lequel examine aussi de façon incidente la question de la date pertinente au sens de l’alinéa 12(1)b). Qui plus est, les remarques incidentes dans l’arrêt Park Avenue, précité, étaient en contradiction directe avec le libellé des dispositions 12(1)e), 9, 10, 13(1), 12(2), 12(1)a) ou b) et 16(3)b), lesquelles confirment que la date pertinente est la date du dépôt de la demande.

Également de façon subsidiaire, la demanderesse soutient que les remarques incidentes dans l’arrêt Park Avenue, précité, sont contraires à l’arrêt de la Cour suprême Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932] 1 D.L.R. 297, confirmant [1931] 2 D.L.R. 625, aux pages 301-302. La demanderesse admet que cet arrêt a été rendu sous le régime de l’ancienne loi, mais elle soutient qu’il n’y a pas de distinction importante entre l’ancienne et la nouvelle loi quant aux dates pertinentes pour apprécier l’enregistrabilité.

….

De plus, en décidant que la date pertinente à considérer au regard de l’alinéa 12(1)b) est la « date de la décision » (voir à cet effet l’arrêt Conseil canadien des ingénieurs (1996) c. Lubrication Engineers, Inc., 41 C.P.R. (3d) 243 (C.A.F.)), le registraire a ignoré l’arrêt Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932] 1 D.L.R. 297, [1932] R.C.S. 189 (rendu sous le régime de l’ancienne loi) et appliqué dans la décision Association of Professional Engineers v. Registrar of Trade-Marks (1959), 31 C.P.R. 79 (Cour de l’Échiquier), aux p. 87‑88 (rendue en vertu de la loi actuelle), selon lequel la date applicable est la date de production de la demande.

 

Il a conclu que c’est à la date de la production de la demande qu’il faut apprécier la question du caractère descriptif de la marque visée par la demande. Comme il a été dit dans Park Avenue, nous devrions considérer que la date pertinente est celle de la décision en l’absence d’indication précise dans la Loi. Le paragraphe 12(2) de la Loi prévoit clairement qu’aux fins de l’enregistrabilité d’une marque de commerce, et ce malgré les alinéas 12(1)a) ou b), la date pertinente est celle de la production de la demande. Il serait difficile d’une part de justifier le recours à la date de la décision comme date pertinente pour déterminer si une marque de commerce est descriptive et, partant, non enregistrable, et d’autre part apprécier la preuve à la date de la production de la demande, dans le cadre de l’examen du contre‑argument de la requérante fondé sur le paragraphe 12(2), pour décider si la marque de commerce est devenue distinctive en raison de son emploi malgré les dispositions prohibitives de l’alinéa 12(1)b). Je souscrirai donc à la position adoptée dans Fiesta et considérerai pertinente la date de la production de la demande pour les fins de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

La preuve au dossier révèle que Mme Dalton est directrice - Administration et Finance- de la Société des Vins Fins Limitée et de Nihco International (importation) Ltée depuis 1996 et qu’elle contrôlait ces entités entre 1991 et 1995. Elle a déposé, comme pièce JD‑2, un certificat d’authenticité relativement à la marque de commerce HAVANA CLUB, numéro d’enregistrement LCD 03512. Elle a déposé, comme pièce JD‑3, des fiches de renseignements décrivant les caractéristiques de trois différents types de rhum HAVANA CLUB. Les photos des bouteilles de rhum arborant la marque de commerce HAVANA CLUB et la marque ont été déposées comme pièces JD‑4 et JD‑8 respectivement. Elle a déposé, comme pièce JD‑5, des étiquettes portant la marque de commerce HAVANA CLUB. Elle a également déposé comme pièces JD‑6 et JD‑7, respectivement, la circulaire no 0132 émanant de la Société des Alcools du Québec (« SAQ ») concernant les produits OLD HAVANA et une fiche de renseignements s’y rapportant. La fiche de renseignement JD‑7 porte la mention suivante :

                        « Produits selon une authentique tradition cubaine. »

Au cours de son contre‑interrogatoire, elle a admis ne savoir que très peu de choses sur les pièces JD‑6, JD‑7 et JD‑8. Elle a affirmé que les fiches de renseignements JD‑3 provenaient de Havana Club International S.A., un licencié de l’opposante. Il y a cependant lieu de noter que la requérante n’a déposé aucune preuve pour contester la véracité des documents produits par Mme Dalton.

M. Adrian est le directeur général de Havana Club International S.A., qui détient une licence (pièce INA‑6) pour l’emploi des marques de commerce HAVANA CLUB appartenant à l’opposante. La Société des Vins Fins Limitée distribue le rhum HAVANA CLUB au Québec et en Ontario et Nihco International (importation) Ltée le distribue dans les autres provinces canadiennes. M. Adrian allègue que Cuba est reconnue pour la qualité de son rhum.

Au cours de son contre‑interrogatoire, M. Adrian a expliqué que la SAQ devait parfois réduire le taux d’alcool du rhum à être vendu au Canada sous la marque de commerce HAVANA CLUB afin de se conformer aux spécifications de l’opposante. Cette opération n’est menée par la SAQ qu’à l’égard des rhums blanc et Silver Dry vendus sous la marque de commerce HAVANA CLUB. Il a expliqué que les divers rhums vendus sous la marque de commerce HAVANA CLUB sont fabriqués dans deux distilleries situées à Santa Cruz et à Villa Clara, à Cuba. On les fabriquait autrefois à Santiago, Cuba, jusqu’à ce qu’un accord commercial soit intervenu avec la société Pernod Ricard. Il n’existe aucune distillerie de rhum à La Havane, Cuba. Il a notamment été question dans son contre‑interrogatoire de la documentation étayant la chaîne de titres attestant les droits que détient l’opposante dans les marques de commerce déposées et désignées dans la déclaration d’opposition. Pour les raisons susmentionnées, les questions relatives à la chaîne de titres et à la propriété des marques de commerces déposées de l’opposante ne sont pas pertinentes dans la présente procédure d’opposition.

Lors de son interrogatoire du 15 avril 1998 relativement aux procédures d’injonction, dont la transcription fait partie du présent dossier, M. Adrian a affirmé que le rhum HAVANA CLUB avait remporté des prix à Londres (Angleterre) en 1996 et à Chicago (É.‑U.) en 1995, 1996 et 1997. Selon lui, l’emploi du mot OLD dans la marque connote l’idée que le rhum de la requérante vendu sous cette marque a vieilli. Ayant goûté au rhum de la requérante vendu sous la marque, il est convaincu qu’il ne s’agit pas d’un rhum vieilli et qu’il n’a pas été fabriqué à partir de canne à sucre cubaine. Pour que la fabrication soit conforme aux méthodes cubaines, le rhum doit être fait à partir de canne à sucre cubaine et vieilli dans des fûts de chêne cubains. Outre la dégustation de M. Adrian, rien n’indique qu’il y ait eu d’autres dégustations du rhum de la requérante. De plus, la requérante n’a déposé aucune preuve pour contredire les affirmations de M. Adrian.

Les réponses fournies par M. Adrian quant aux engagements pris lors de cet interrogatoire révèlent que :

a)                  le rhum HAVANA CLUB est vendu au Québec et en Ontario depuis au moins 1986 et, dans les autres provinces canadiennes, depuis 1989, dont au Nouveau‑Brunswick, en Nouvelle‑Écosse, au Manitoba et à Terre‑Neuve. [voir pièce INA 68];

b)                  divers articles promotionnels ont été utilisés pour la promotion de la marque de commerce HAVANA CLUB au Canada, tels que des chandails, des T‑shirts, des coqueteliers, des cartons, des affiches, des dépliants, des annonces sur des menus de restaurants et de bars, de la commandite pour divers événements. La preuve porte en grande partie sur des campagnes de publicité tenues après 1995.

 

M. Adrian allègue que le rhum HAVANA CLUB est de qualité supérieure, étant produit à Cuba, et qu’il jouit d’une réputation au Canada, tout particulièrement dans la province de Québec. Les extraits suivants tirés de publications ont été produits pour étayer l’allégation selon laquelle Cuba est reconnue pour son rhum (excluant la preuve intéressée que constituent les publications émanant de l’opposante, ses licenciés ou partenaires commerciaux) :

a)                    Le Grand Guide de Cuba, éd. Gallimard (INA 75)

b)                    Guide de Voyage Ulysse (INA 76)

c)                    Guide du Routard, éd. Hachette (INA 77)

d)                   Guide Michelin, Neos, Cuba (INA 78)

e)                    Guide Bleu-Cuba, Hachette (INA 79)

f)                     Guide de voyage Lonely Planet‑Cuba (INA 80)

g)                    Guide des Alcools, Éditions Stock (INA 81)

Rien n’indique que ces publications ont circulé au Canada − et si oui , depuis quand −, ni qu’elles y étaient disponibles. Rien dans la preuve au dossier n’appuie l’allégation de M. Adrian selon laquelle le rhum de l’opposante, vendu sous la marque de commerce HAVANA CLUB, jouit d’une réputation enviable au Canada.

Les faits suivants, qui ont été allégués par l’opposante ou invoqués en réponse aux engagements, sont non contredits :

a)                    La marque de commerce HAVANA CLUB a été enregistrée au Canada le 11 juillet 1934, certificat d’enregistrement LCD 03512, par le prédécesseur en titre de l’opposante en liaison avec du rhum, et a été renouvelée depuis par ses prédécesseurs en titre ou par elle‑même;

b)                    L’opposante est également la propriétaire inscrite de la marque de commerce HAVANA CLUB et dessin, certificat d’enregistrement 212087, en liaison avec du rhum et de la marque de commerce HAVANA CLUB SILVER DRY, certificat d’enregistrement 357802, en liaison avec du rhum;

c)                    L’opposante a entrepris les démarches qui s’imposaient pour protéger la marque de commerce HAVANA CLUB dans environ soixante‑dix pays. Aucun document n’a cependant été produit à l’appui de cette allégation;

d)                   Le rhum de l’opposante vendu sous la marque de commerce HAVANA CLUB est le seul rhum d’origine cubaine vendu dans la province de Québec;

e)                    Le marché que vise l’opposante pour son rhum HAVANA CLUB est principalement la province de Québec;

f)                     Les ventes générées par le rhum HAVANA CLUB de l’opposante s’échelonnent de 1986 à 1996 inclusivement, allant de 6 241 caisses de 12 bouteilles de 750 ml en 1986 à 11 264 caisses en 1996, atteignant un sommet de 17 961 caisses en 1993;

g)                    Le rhum de la requérante se vend dans la province de Québec depuis novembre 1996 sous la marque de commerce OLD HAVANA. Au Canada, la requérante a écoulé près de 2 000 caisses de son rhum OLD HAVANA en 1996, et 15 000 caisses en 1997;

h)                    Le rhum de la requérante n’est pas fabriqué à La Havane, ni à Cuba;

i)                      L’étiquette sur laquelle est apposée la marque de l’opposante porte la mention suivante :

« Élaboré selon la tradition cubaine d’avant la révolution »

Pour placer les chiffres décrits précédemment aux paragraphes f) et g) dans le contexte qui leur est propre, l’état mensuel des ventes pour l’année 1996 publié par l’Association des distillateurs canadiens − produit comme document IPL-11 − révèle que les ventes totales au Canada uniquement pour le rhum léger d’origine nationale se chiffraient à plus de 441 200 caisses de neuf (9) litres. Les ventes du rhum HAVANA CLUB de l’opposante ne représenteraient qu’environ 2,5 % des ventes totales de rhum au Canada, à supposer qu’aucun autre rhum importé ne soit vendu du Canada outre celui de l’opposante. Quoi qu’il en soit, la vente au Canada de rhum importé de marque ne ferait que diminuer la part du marché de l’opposante.

L’opposante est également la propriétaire inscrite de la marque de commerce HAVANA CLUB et dessin, certificat d’enregistrement 212087.

Mme Andrea Risk est étudiante chez Gowlings. Elle a acheté diverses bouteilles d’alcool à une succursale de la LCBO à Ottawa. Elle a produit comme pièces jointes à son affidavit des photocopies de leurs étiquettes. Elle a également produit des passages tirés du dictionnaire comprenant la définition du mot HAVANA. Enfin, elle a déposé des extraits de sites web comportant des renseignements sur La Havane.

Il appert de ces étiquettes que ce qu’on désigne communément par rhum d’origine nationale est soit embouteillé au Canada, soit distillé au Canada. Les étiquettes portent les mentions suivantes :

Pièce F à l’affidavit de Mme Risk :    « rhum léger des Antilles »

Pièce H à l’affidavit de Mme Risk :   « un mélange de rhum importé et de rhum canadien »

Pièce I à l’affidavit de Mme Risk :     « un mélange de rhum de Jamaïque et de rhum canadien »

Pièce J à l’affidavit de Mme Risk :     « mélangé et embouteillé au Canada »

Pièce K à l’affidavit de Mme Risk :   « rhum de grande qualité mélangé et embouteillé sous la surveillance du gouvernement canadien »

Pièce M à l’affidavit de Mme Risk :   « vieilli et mis en bouteille au Canada »

 

Comme le fait valoir la requérante dans ses observations écrites, il appert de ces étiquettes que le rhum est souvent associé aux Antilles soit par les images évoquées, soit par les mentions inscrites sur les étiquettes.

Mme Carol Luciani est recherchiste en marques de commerce chez Gowling. À l’aide du CD‑ROM de recherche de dénominations en date du 4 février 2000, elle a interrogé le registre à la recherche des marques de commerce apparaissant sur les étiquettes désignées dans l’affidavit de Mme Andrea Risk. Elle a déposé comme pièce A1 à A26 une copie de ces enregistrements de marques de commerce. Il y a lieu de noter qu’aucune d’entre elles ne comporte le mot HAVANA comme composante d’une marque de commerce déposée.

Au vu de la preuve déposée par les parties et des arguments soulevés dans leurs observations écrites comme à l’audition, il appert que deux questions principales doivent être tranchées :

A)    La marque crée‑t‑elle de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’opposante décrites précédemment?

B)    La marque donne‑t‑elle une description claire ou fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises vendues en liaison avec elle?

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

J’aborde à présent la question de la confusion, soulevée par l’opposante, susceptible d’être créée avec ses marques de commerce déposées. Le fardeau de la preuve incombe à la requérante qui doit convaincre le registraire qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la marque et les marques de commerce de l’opposante aux dates pertinentes susmentionnées [voir Sunshine Biscuits Inc. c. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53].

 

Pour décider si des marques de commerce créent de la confusion, le paragraphe 6(5) de la Loi oblige le registraire à tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment : 

i) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; 

ii) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; 

            iii) le genre de marchandises, services ou entreprises; 

            iv) la nature du commerce; 

v) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. 

 

Dans Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), [1995] 1 F.C. 613 (F.C.A.), le juge Décary a énoncé en ces termes le critère qu’il convient d’appliquer pour déterminer s’il existe, selon la prépondérance des probabilités, un risque de confusion entre la marque et les marques de commerce déposées de l’opposante :

Pour décider si l’emploi d’une marque de commerce ou d’un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l’esprit d’une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l’autre marque ou de l’autre nom [Voir l’arrêt Coca-Cola Co. v. Pepsi-Cola Co. (1942), 2 D.L.R. 657 (P.C.), à la p. 661, lord Russell of Killowen.], l’emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l’impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale.

 

J’appliquerai donc ces principes à la preuve versée au dossier par les parties.

i)          le caractère distinctif inhérent

Les parties conviennent que la marque et les marques de commerce déposées de l’opposante, dans la mesure où il s’agit des mots qui y sont contenus, possèdent en soi un caractère distinctif inhérent à peu près identique. L’opposante fait cependant valoir que ses marques possèdent un caractère distinctif plus élevé en raison de leur emploi fréquent au Canada. [Voir Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359]. Tel qu’il appert des chiffres de ventes susmentionnés, la part du marché que détient l’opposante ne permet pas de démontrer que ses marques de commerce sont devenues largement répandues au Canada ou qu’elles ont obtenu auprès du public un grand renom ou une grande notoriété en liaison avec son rhum. Ce facteur ne milite donc en faveur d’aucune partie.

ii)         la durée d’emploi des marques de commerce

En date de la production de la demande, l’opposante employait ses marques de commerce au Canada depuis au moins 1986. La requérante a fondé sa demande sur l’emploi projeté. Ce critère favorise donc l’opposante.

iii) & iv)                       le genre de marchandises et la nature du commerce

Les marchandises et la nature du commerce sont identiques.

v)         le degré de ressemblance

En ce qui a trait à ce critère, le juge Cattanach a déclaré dans Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70 :

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées quelles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

Les marques en question ont pour caractéristique principale le mot HAVANA, une ville à Cuba. La marque de commerce HAVANA CLUB évoque quelque chose d’exclusif, comme un club privé, alors que OLD HAVANA évoque un passé lointain.

J’ai considéré, comme circonstance additionnelle, le fait qu’il n’y a jamais eu d’allégation de confusion jusqu’à présent, et ce, malgré la coexistence des marques en cause depuis 1996. [Cornell Trading Ltd. c. Saan Stores Ltd 8 C.P.R.(4th) 233 et Compulife Software inc c. CompuOffice Software inc (2001) 13 C.P.R.(4th) 117]

 

Compte tenu de toutes les circonstances décrites ci‑haut, je conclus que la requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la marque ne créerait vraisemblablement pas de confusion avec les marques de commerce de l’opposante HAVANA CLUB et HAVANA CLUB et dessin en liaison avec les marchandises. Le motif d’opposition qu’invoque l’opposante, b)ii), décrit plus haut, est donc rejeté.

La confusion entre les marques de commerce de l’opposante et la marque de la requérante s’avère également la question centrale quant aux motifs d’opposition c)i) et d)i), décrits plus haut, sauf dans la mesure où la date pertinente qui leur est applicable est différente de celle employée aux fins de l’alinéa 12(1)d), ainsi que je l’ai déjà souligné. En dépit de cette différence, le résultat aurait été identique à celui auquel on est parvenu sur la question de l’enregistrabilité de la marque (alinéa 12(1)d) de la Loi). En conséquence, les motifs d’opposition c)i) et d) i) sont eux aussi rejetés.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b)

Il est bien établi qu’une marque de commerce ne peut être considérée descriptive du lieu d’origine des marchandises si celles‑ci ne proviennent pas de la désignation géographique employée comme marque de commerce. [Voir Deinhard & Co. c. Andres Wines (1977), 38 C.P.R. (2d) 225 à la p. 231, Bio Generation Laboratories Inc c. Pantron I, Corp. (1991), 37 C.P.R. (3d) 546 et Bata Industries Ltd. c. Seychelles Inc. (1993), 48 C.P.R. (3d) 414 à la p. 416] En outre, la question de savoir si la marque donne une description claire ou si elle donne une description fausse et trompeuse doit être tranchée du point de vue du consommateur moyen de rhum au Canada. La marque ne doit pas être analysée avec soin et décomposée en ses éléments constitutifs, mais plutôt considérée dans son ensemble et en fonction de la première impression. [Voir Der Stabilisierungsfonds Fur Wein c. Jordan & Ste-Michelle Cellars Ltd. (1986), 9 C.P.R. (3d) 535, Comité Interprofessionel du Vin de Champagne c. Source Perrier (1986), 13 C.P.R. (3d) 229 et Deutscher Weinfonds c. Ridout Wines Ltd. (1992), 45 C.P.R. (3d) 545]. Enfin, la question doit être tranchée selon la prépondérance des probabilités. [Voir Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd, [2002] 3 C.F.405]

La requérante n’a produit aucune preuve sur l’origine du rhum vendu en liaison avec la marque. La preuve non contredite révèle que le rhum de la requérante vendu au Canada en liaison avec la marque n’est pas fabriqué à La Havane, ni à Cuba. La requérante n’a pas contesté cette affirmation. La marque ne peut donc pas être considérée comme donnant une description claire du lieu d’origine des marchandises au sens de l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Mais peut‑elle donner une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises? Le concept de la description fausse et trompeuse au sens de l’alinéa 12(1)b) a été analysé par le juge Cattanach dans Promotions Atlantiques Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183. Il a dit :

En vertu de l’alinéa 26(1)c) de la Loi sur la concurrence déloyale, l’enregistrement était à priori refusé aux mots servant de marque qui « étaient clairement descriptifs ou trompeurs quant à la nature ou la qualité des marchandises ».  L’adverbe « clairement » s’appliquait également au qualificatif « trompeurs ».

À l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce le terme « clairement » appliqué à « trompeurs » a été remplacé par l’expression « description fausse et trompeuse ».

            Le changement était voulu.

Plusieurs termes peuvent être « clairement trompeurs » quant aux marchandises en liaison avec lesquelles ils sont employés, sans constituer pour autant une « description fausse et trompeuse ».

Selon moi, le critère que l’on doit appliquer pour déterminer si une marque de commerce dans son entier constitue une description fausse et trompeuse consiste à savoir si le public canadien serait induit en erreur sur l’origine du produit associée à la marque de commerce et croirait que ce produit provient de l’endroit désigné par le nom géographique utilisé. [page 187]

La question de savoir si une marque de commerce constitue une description fausse et trompeuse est autant une question de fait que celle de savoir si une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque.

 

[Voir également T. G. Bright & Co., Ltd. c. Registraire des marques de commerce  (1985) 4 C.P.R. (3d) 64.]

La preuve versée au dossier m’amène à conclure que, selon la prépondérance des probabilités, la première impression qu’aurait le consommateur moyen de rhum au Canada serait de reconnaître HAVANA comme une ville à Cuba et de supposer que le rhum vendu en liaison avec la marque de commerce OLD HAVANA provient de La Havane, Cuba. [Voir T. G. Bright & Co., Ltd. op. cit.] Je fonde ma conclusion sur les faits suivants :

a)                  La Havane, Cuba, est située dans les Antilles;

b)                  La Havane, Cuba, est connue du Canadien moyen comme étant une ville située à Cuba, tel qu’il appert des diverses définitions tirées du dictionnaire produites par la requérante;

c)                  Les Antilles sont reconnues pour être une région productrice de rhum, ainsi que l’a admis la requérante dans ses observations écrites;

d)                 L’étiquette de la requérante fait référence à Cuba.

Il y a lieu de noter que j’ai tiré ma conclusion sans souscrire à l’argument de l’opposante, selon lequel Cuba est reconnue au Canada pour son rhum de qualité supérieure pour les motifs exposés précédemment. En conséquence, le motif d’opposition de l’opposante fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi est maintenu.

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la marque présentée par la requérante en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 12 JANVIER 2004. 
 
 

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce 

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