Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 231

Date de la décision : 2015-12-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Stikeman Elliott LLP

 

Partie requérante

et

 

 

Millennium & Copthorne International Limited

Propriétaire inscrite

 

 

 

 

LMC767,593 pour la marque de commerce M HOTEL & Dessin

Enregistrement

 

[1]               Le 27 juin 2013, à la demande de Stikeman Elliott LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Millennium & Copthorne International Limited (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC767,593 de la marque de commerce M HOTEL & Dessin (la Marque). La Marque est reproduite ci-dessous :

M HOTEL & Design

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des [Traduction] « services hôteliers et services de réservation en rapport avec des hôtels ».

[3]               L'avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve démontrant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des services spécifiés dans l'enregistrement à un moment quelconque entre le 27 juin 2010 et le 27 juin 2013. Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des services est énoncée comme suit à l'article 4(2) de la Loi :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des services spécifiés dans l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]               Lorsqu'il s'agit de services, la présentation de la marque dans l’annonce des services est suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) du moment que le propriétaire de la marque de commerce offre et est prêt à exécuter les services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)].

[7]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de Sheila Murugasu, souscrit le 9 janvier 2014 à Singapour et l’affidavit de Peterson Eugenio, souscrit le 24 janvier 2014 à Toronto, en Ontario. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; la tenue d'une audience n'a pas été sollicitée.

La preuve de la Propriétaire

[8]               Dans son affidavit, Mme Murugasu se présente comme une conseillère juridique interne de Hong Leong Management Services Pte Ltd. Elle explique que Hong Leong Management fait partie de Hong Leong Investment Holdings Group, qui comprend Millennium & Copthorne Hotels plc (M&C) et sa filiale, la Propriétaire. Elle atteste que la Propriétaire exploite le M Hotel de Singapour et que la Marque est présente sur l'enseigne de l'hôtel. De plus, elle atteste que la Marque est enregistrée dans 65 pays à travers le monde. Elle atteste que M&C détient une licence pour l’emploi de la Marque au Canada et ailleurs et que, selon les conditions de la licence, la Propriétaire contrôle directement ou indirectement les caractéristiques et la qualité des services exécutés en liaison avec la Marque.

[9]               Mme Murugasu souligne que le M Hotel est situé au cœur du quartier financier de Singapour, près des grandes attractions touristiques et des quartiers commerciaux, de telle sorte qu’il est [Traduction] « une destination logique pour les Canadiens et les voyageurs d’affaires internationaux ».

[10]           Nonobstant l’emplacement physique du M Hotel, Mme Murugasu affirme que des [Traduction] « services hôteliers » ont été fournis à des clients au Canada par le truchement des services connexes suivants : organisation et réservation de banquets, d’événements et de conférences; planification de réunions; réservation de suites professionnelles; réservation de services de garde et de services pour enfants; prise de réservations dans des restaurants; réservation de services de navette; réservation d'excursions et de visites d'attractions touristiques; et réservation de services de spa.

[11]           Mme Murugasu atteste que M&C annonce les services visés par l’enregistrement sur son site Web, que des Canadiens ont consulté. Elle explique que, au cours de la période pertinente, le site Web de M&C a reçu [Traduction] « 454 200 visites d'internautes situés au Canada » dont « 334 600 [qui étaient] des visiteurs uniques, et le nombre de pages vues a été supérieur à 2 285 700 ».

[12]           À l’appui, elle fournit divers imprimés tirés du site Web de M&C en pièces B, C, D et E de son affidavit. Les pages Web produites en preuve fournissent des renseignements au sujet du M Hotel et annoncent divers services et commodités. La Marque figure bien en vue sur l’ensemble des pages Web.

[13]           En pièce D de son affidavit se trouvent également divers dépliants, brochures et publicités imprimées, ainsi que des imprimés de publicités sur les réseaux sociaux annonçant le M Hotel et ses divers services et commodités. La Marque figure bien en vue sur l’ensemble du matériel.

[14]           Mme Murugasu atteste que des résidents canadiens ont fait des réservations en ligne pour leur séjour au M Hotel par l’intermédiaire du site de réservation de l’hôtel, à synxis.com. À l’appui, elle joint des imprimés du site de réservation de l’hôtel en pièce J de son affidavit. Elle atteste que les clients peuvent également téléphoner au numéro de réservation international du M Hotel. En pièce K est jointe une brochure tirée du site Web de M&C qui fournit le numéro de réservation [Traduction] « pour les Amériques (plus précisément le Canada, Porto Rico, les États-Unis et les Îles vierges américaines) ».

[15]            Mme Murugasu atteste que, au cours de la période pertinente, [Traduction] « des visiteurs canadiens ont fait plus de 13 400 réservations... pour un total de plus de 28 100 nuits au M Hotel, qui ont généré des recettes de plus de 5 719 800 $ CAD ». À l’appui, Mme Murugasu joint, en pièce L de son affidavit, des extraits de la base de données du service de réservation de l’hôtel. Elle atteste que les extraits montrent des réservations en ligne pour le M Hotel, faites par des Canadiens au cours de la période pertinente.

[16]           En ce qui concerne le deuxième affidavit, M Eugenio atteste qu’il est un recherchiste à l’emploi de l’agent de la Propriétaire. Il décrit des recherches qu’il a menées sur le site Web de M&C, des recherches sur archive.org pour une version du site Web de M&C tel qu’il apparaissait au cours de la période pertinente, et des recherches de sites Web de tiers (dont expedia.ca, hotels.travelocity.com, facebook.com) en lien avec le M Hotel. Des imprimés des résultats de sa recherche sont joints en pièces A à I de son affidavit. Par exemple, la pièce D comprend un imprimé de la version du 2 septembre 2011 du site Web de M&C montrant la Marque et des liens vers des caractéristiques de l’hôtel, dont : Guest Rooms [chambres], Facilities [installations] et M&C Loyalty Club [club de fidélité].

Octroi de licences

[17]           Dans ses représentations écrites, la Partie requérante fait valoir qu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque par la Propriétaire ou ses licenciées. À cet égard, elle soutient que la Propriétaire n’a pas fourni de copie du contrat de licence ou de toute documentation du genre pour prouver ou appuyer son allégation voulant que l’emploi de la Marque par M&C au Canada était autorisée par la Propriétaire en vertu d'une licence. De plus, la Partie requérante fait valoir qu'une présentation de la Marque sur le site Web de réservation d’un tiers, à savoir synxis.com, ne constitue pas un emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « services de réservation en rapport avec des hôtels » qui peut être attribué à la Propriétaire.

[18]           Cependant, je suis d’accord avec la Propriétaire que la déclaration selon laquelle un contrôle est exercé faite par Mme Murugasu est suffisante pour établir que le contrôle exigé par l’article 50 de la Loi est exercé [selon Empresa Cubana Del Tabaco Trading c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, 91 CPR (4th) 248 au paragraphe 84]. En ce qui concerne le site de réservation d’un « tiers », synxis.com, je reconnais que l’accès au site de réservation se fait par le site Web de M&C lorsqu’une réservation est faite. À ce titre, je n’estime pas pertinent de savoir si le site synxis.com est exploité directement par M&C ou par un tiers. S’il est exploité par un tiers, ce dernier agit clairement comme un agent de M&C chargé de faire ou d'enregistrer des réservations pour le M Hotel; et, à ce titre, toute présentation de la Marque sur le site de réservation peut être attribué à la Propriétaire.

[19]           Quoi qu’il en soit, comme je l'expliquerai ci-dessous, la Marque était autrement clairement présentée en liaison avec les [Traduction] « services de réservation en rapport avec des hôtels » sur le matériel promotionnel et sur le site Web de M&C au cours de la période pertinente.

Services de réservation en rapport avec des hôtels

[20]           À l’égard des [Traduction] « services de réservation en rapport avec des hôtels », la Partie requérante fait valoir que ces services [Traduction] « n’auraient pas pu être exécutés ailleurs dans le monde qu’à Singapour puisqu’il s’agit de l’endroit où les réservations pour le M Hotel seraient traitées et où les séjours auraient lieu ». De plus, la Partie requérante fait valoir qu’il n’existe aucune preuve que des Canadiens avaient accès aux services de réservation en ligne ou par téléphone, ou qu'ils les ont utilisés. Finalement, la Partie requérante fait valoir que la Propriétaire n’a pas produit de factures, d’états financiers ou de documentation quelconque à l’appui de l'affirmation selon laquelle des Canadiens ont fait des réservations au M Hotel au cours de la période pertinente.

[21]           La Propriétaire fait valoir que les [Traduction] « services de réservation en rapport avec des hôtels » étaient accessibles aux Canadiens par l’intermédiaire du site Web de M&C à l’aide de synxis.com et par téléphone au numéro de réservation international, soulignant que la Marque figure sur les pages Web associées aux services de réservation de l'hôtel. De plus, elle fait valoir que ces services de réservation en rapport avec des hôtels peuvent être exécutés sans que la personne n’ait à quitter le Canada.

[22]           Compte tenu de la preuve dans son ensemble, il est évident que des Canadiens ont fait des réservations par l'intermédiaire du site Web de M&C, de même que par l’intermédiaire de sites Web de réservation de tiers, pour un séjour au M Hotel à Singapour au cours de la période pertinente. À ce titre, j’accepte que la Marque aurait été vue par des Canadiens dans les publicités de l’hôtel et plus particulièrement dans les publicités invitant à faire une réservation. La présente affaire s'apparente considérablement à l’affaire Maillis c Mirage Resorts Inc, 2012 COMC 220, 107 CPR (4th) 298 [Bellagio], dans laquelle le registraire a été conclu que la possibilité de faire des réservations à partir du Canada était suffisante pour justifier le maintien d'un enregistrement en liaison avec des [Traduction] « services de réservation en rapport avec des hôtels et des casinos ».

[23]           À ce titre, je suis convaincu que la Propriétaire a établi l’emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « services de réservation en rapport avec des hôtels » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Services hôteliers

[24]           En revanche, dans Bellagio, le registraire a statué que le simple fait d’offrir des services de réservation au Canada ne pouvait pas justifier le maintien de l’enregistrement en liaison avec les [Traduction] « services hôteliers ».

[25]           En effet, il est établi dans la jurisprudence que la publicité au Canada, à elle seule, n'est pas suffisante pour établir l’emploi à l’égard de services; les services doivent, à tout le moins, pouvoir être exécutés au Canada [selon Wenward, supra]. Dans Marineland Inc c Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst), la Cour fédérale a indiqué que dans un cas où des services offerts au Canada par le propriétaire d'une marque de commerce ne peuvent être reçus par le client que si ce dernier se déplace à l'étranger, la vente au Canada de coupons d'admission donnant accès à ces services ne peut pas être considérée comme l'exécution de ces services au Canada.

[26]           De même, il a été statué dans Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst) et dans Porter c Don the Beachcomber (1966), 48 CPR 280 (C de l'É) que, lorsqu'une marque de commerce est employée dans l'annonce au Canada de services qui ne peuvent être reçus qu'à l'extérieur du Canada, il faut considérer que l'emploi de la marque de commerce n'a pas été établi.

[27]           De plus, bien que la présence d’une marque de commerce à l’écran d’un ordinateur au Canada puisse constituer un emploi d’une marque de commerce, les services visés par l’enregistrement doivent tout de même être offerts au Canada [selon UNICAST SA c South Asian Broadcasting Corporation, 2014 CF 295, 122 CPR (4th) 409].

[28]           En l’espèce, la Partie requérante souligne qu’il est évident que la Propriétaire n’a aucune présence physique au Canada, faisant valoir que les [Traduction] « services hôteliers » du M Hotel peuvent [Traduction] « être exécutés seulement à Singapour compte tenu de l’emplacement du M Hotel », et non au Canada. À ce titre, la Partie requérante fait valoir qu’il serait faux de dire que la Propriétaire offrait ou était prête à exécuter les [Traduction] « services hôteliers » visés par l'enregistrement au Canada au cours de la période pertinente.

[29]           D’un autre côté, la Propriétaire fait valoir que le terme [Traduction] « services hôteliers » devrait être interprété de façon libérale [citant Saks & Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst); Venice Simplon-Orient-Express Inc c Société Nationale des Chemins de Fer Français SNCF (2000), 9 CPR (4th) 443 (CF) [Orient Express]; TSA Stores, Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (2011), 91 CPR (4th) 324 (CF 1re inst); et Allianz Global Investors of America LP c Middlefield Capital Corporation, 2014 CF 620, 127 CPR (4th)].

[30]           À ce titre, la Propriétaire fait valoir qu’elle ne fait pas qu’annoncer la Marque, mais que les services hôteliers visés par l’enregistrement sont offerts aux Canadiens. À cet égard, de nouveau, la Propriétaire maintient que les services suivants sont des services hôteliers [Traduction] « connexes et accessoires » offerts aux Canadiens : organisation et réservation de banquets, d’événements et de conférences; planification de réunions; réservation de suites professionnelles; réservation de services de garde et de services pour enfants; prise de réservations dans des restaurants; réservation de services de navette; réservation d'excursions et de visites d'attractions touristiques; et réservation de services de spa.

[31]           La Propriétaire fait valoir, par exemple, que la planification de réunions et de conférences est un exemple d’un service hôtelier accessoire qui [Traduction] « était annoncé aux Canadiens et prêt à être exécuté au Canada ». S'exprimant en des termes semblables à ceux employés dans TSA, supra, la Propriétaire fait valoir que la possibilité qu’a une personne de consulter son site Web pour se prévaloir de ces services [Traduction] « accessoires » « s'apparente à une visite au M Hotel de la [Propriétaire] et revient à discuter avec un employé de l'hôtel bien informé ou avec le concierge de l’hôtel ».

[32]           La Propriétaire se compare favorablement au propriétaire inscrit dans Orient-Express, supra. Dans Orient Express, la Cour fédérale a rejeté un appel d'une décision du registraire [(1995), 64 CPR (3d) 87 (COMC)] dans laquelle le registraire avait jugé que les services en question, des [Traduction] « services de voyage, nommément services de transport de passagers par train » englobaient des services tels que [Traduction] « la vente de billets de train et la réservation de sièges dans un train ». Dans cette décision, le registraire s'était appuyé sur les termes « accessoires » et « secondaires » utilisés dans Kraft Ltd c le Registraire des marques de commerce (1984), 1 CPR (3d) 457 (CF 1re inst) pour donner une interprétation large aux services visés par l'enregistrement, et avait formulé l'observation suivante : [Traduction] « à mes yeux, l'expression suggère un certain nombre d'idées et je ne vois pas pourquoi il faudrait interpréter cette expression de façon restrictive » [à la page 90].

[33]           Cependant, je ne considère pas que Orient Express appuie le principe voulant que la possibilité de réserver certains services ou de payer pour certains services à partir du Canada équivaut à l'exécution de ces services au Canada. La décision de la Cour fédérale dans cette affaire confirme seulement le caractère raisonnable de la décision du registraire dans le contexte de la preuve d'emploi qui avait été produite par rapport à la combinaison de services qui était en cause. À cet égard, je souligne que la Cour fédérale, dans cette affaire, n'a pas adopté le raisonnement du registraire en soi. Elle a plutôt formulé les observations suivantes, au paragraphe 10 :

Le terme « services » a reçu une interprétation large dans Saks & Co. c Registraire des marques de commerce et al (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst). Dans cette affaire, Saks n'avait pas de magasin au Canada, mais recevait du Canada des commandes postales et téléphoniques de marchandises. Dans ce cas, les services étaient fournis sans que les clients canadiens n’aient à quitter le Canada. À mon avis, les mots « services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train » ne devraient pas recevoir une portée plus étroite. Il était donc raisonnable de conclure que la prestation au Canada par une agence de voyages de services de réservation et de vente de billets constituait la prestation au Canada de tels services par le propriétaire inscrit.

[34]           À mon avis, la Cour n'a pas explicitement adhéré au raisonnement du registraire dans cette affaire, elle a seulement admis que des [Traduction] « services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train » pouvaient être interprétés largement de manière à englober les services de type agences de voyages qui étaient véritablement décrits dans la preuve.

[35]           À ce titre, bien que la Cour fédérale, dans Orient Express, ait rejeté l'appel de la décision du registraire, elle n'a pas déclaré invalides les principes énoncés dans Marineland, supra, et dans Motel 6, supra, à l’égard de ce qui constitue l'exécution de services au Canada. En effet, plus récemment, la Cour fédérale a cité Marineland favorablement tout en donnant à Orient Express une interprétation étroite [voir Express File Inc c HRB Royalty Inc (2005), 39 CPR (4th) 59 (CF)].

[36]           Bien que Orient Express soit souvent citée à titre de décision confirmant le principe selon lequel les services devraient être interprétés de façon large, le principe fondamental énoncé dans Kraft concerne les activités qui peuvent constituer un service; il ne sous-entend pas que toute activité peut équivaloir à l'exécution d'un service donné. De plus, la Cour d’appel fédérale a reconnu que l’interprétation large de services a des limites [voir, par exemple : Boutique Limité Inc c Limco Investments, Inc (1998) 84 CPR (3d) 164 (CAF), dans laquelle le fait qu'un magasin des États-Unis fournissait des remboursements à des Canadiens a été jugé insuffisant pour justifier le maintien au Canada d'un enregistrement visant des [Traduction] « services de magasin de détail de vêtements pour femmes »].

[37]           De façon similaire, je ne considère pas que la décision dans TSA s’applique en l’espèce. La décision dans TSA concernait l’exécution de services de magasin de détail et a été rendue dans la foulée d’une série de décisions ayant clairement établi qu’une présence physique au Canada n’est pas nécessaire pour établir l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec de tels services. Par exemple, l’exploitation d’un site Web de vente au détail ou d’un simple numéro sans frais peut s’avérer suffisant [selon Law Office of Philip B Kerr c Face Stockholm Ltd (2001) 16 CPR (4th) 105 (COMC); et Saks, supra]. À ce titre, la question dans TSA était de savoir à partir de quel seuil les services fournis pouvaient être considérés comme équivalant à l’exécution de [Traduction] « services de magasin de détail » au Canada.

[38]           Cependant, contrairement à de services de magasin de détail, un hôtel ne peut pas être exploité par Internet ou par téléphone; il est contraire au sens commun d'assimiler la possibilité d'effectuer une réservation dans un hôtel à l'exploitation d'un hôtel [voir Bellagio, supra, au paragraphe 17]. En effet, dans Motel 6, la Cour fédérale a clairement indiqué que [Traduction] « … le fait de recevoir et de confirmer des réservations de chambres de motel aux États-Unis ne constitue pas un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des services de motel » [à la page 57].

[39]           Cette idée va également de pair avec l'importance fondamentale que revêt le concept d'« emploi » en droit des marques de commerce au Canada, c'est-à-dire qu'une marque de commerce doit être employée au Canada pour que son propriétaire ait le privilège de l'exclusivité. Bien qu'un propriétaire de marque de commerce étranger puisse faire enregistrer sa marque de commerce au Canada (p. ex. en vertu de l'article 16(2) de la Loi) et ainsi bénéficier des avantages que confère l'enregistrement, le maintien de son enregistrement est conditionnel à l'emploi de la marque au Canada.

[40]           Nonobstant l’emploi des termes « principaux », « accessoires » ou « secondaires » dans certaines décisions faisant jurisprudence, ces termes ne sont pas employés dans la Loi et encore moins définis. L'idée dans Kraft est qu'il n'est pas nécessaire de faire une distinction entre des services « accessoires », « secondaires » ou « principaux », pour déterminer ce qui constitue un « service » au sens de la Loi. Partant, l'emploi de ces termes lorsqu'il s'agit de déterminer si une activité donnée équivaut à un service visé par un enregistrement est tout aussi injustifié. Au regard de la Loi, un tel exercice est pratiquement dépourvu de fondement et mène inévitablement à des arguments et à des résultats absurdes.

[41]           L'article 30 de la Loi prévoit plutôt que les services doivent être décrits dans les termes ordinaires du commerce et la question de savoir si une marque de commerce a été employée en liaison avec les services visés par l'enregistrement doit être décidée en fonction des faits propres à chaque espèce [Express File, supra]. Par conséquent, il faut donner aux services visés par l'enregistrement leur signification habituelle et les interpréter conformément au sens commun.

[42]           En l’espèce, la Propriétaire semble confondre l’offre de services de réservation et l’annonce de son hôtel situé à Singapour avec l’exécution véritable de services hôteliers au Canada. La Marque est peut-être bien connue au Canada. Cependant, le fait d'annoncer des services sur un site Web ne constitue pas l’exécution de ces services. Bien que l’hôtel de la Propriétaire puisse être annoncé au Canada, il ne s'agit pas d'un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des [Traduction] « services hôteliers », à moins que la Propriétaire exécute ou soit prête à exécuter ses services hôteliers au Canada.

[43]           Cela concorde avec le sens ordinaire des termes employés dans l'état déclaratif des services et avec la preuve qui a été produite. Les services de [Traduction] « prise de réservation, planification et réservation » ne constituent pas des [Traduction] « services hôteliers » et l'enregistrement ne devrait pas être maintenu à cet égard au seul motif que le service qui est véritablement disponible « au Canada » est indirectement lié.

[44]           Aucun poids ne devrait être accordé à l'argument voulant que « techniquement parlant » l'exécution d'une certaine activité constitue un emploi. À cet égard, les tribunaux considèrent généralement d'un mauvais œil les activités commerciales symboliques exécutées dans le seul but de protéger des droits de propriété intellectuelle. Je reproduis ci-dessous l'observation formulée par la Cour fédérale dans Plough, supra, au paragraphe 10 :

[Traduction]
Il n'est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s'il ne l'emploie pas, c’est-à-dire s’il ne l’emploie pas du tout ou s’il ne l’emploie pas à l’égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée.

[45]           Maintenir l'enregistrement en l'espèce à l’égard des [Traduction] « services hôteliers » équivaudrait à accorder à la Propriétaire une protection exagérément étendue à l'égard de services qu’elle n'exécute pas véritablement au Canada. Lorsqu'un propriétaire de marque de commerce qui exécute des services dans un autre pays souhaite obtenir et maintenir un enregistrement au Canada en liaison avec la même Marque et les mêmes services, il doit généralement exécuter les services en question de la même manière au Canada; le simple fait d’offrir ces services n'est pas suffisant.

[46]           Ce raisonnement est conforme à la récente décision du registraire dans Fetherstonhaugh & Co c Supershuttle, Inc, 2014 COMC 155 [conf 2015 CF 1259]. Dans Supershuttle, le registraire a établi une distinction entre TSA et Orient Express en s'appuyant sur l'idée que ce n’est pas n'importe quelle activité qui peut équivaloir à l'exécution d'un service donné [au paragraphe 25].

[47]           À ce titre, je ne dispose d'aucun élément de preuve portant que la Propriétaire a exécuté ou était en mesure d’exécuter des [Traduction] « services hôteliers » au Canada au cours de la période pertinente. Par conséquent, je ne peux pas conclure que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec ces services au sens des articles 4 et 45 de la Loi. De plus, la Propriétaire n'a produit aucune preuve de l'existence de circonstances spéciales justifiant ce défaut d'emploi.

[48]           L’enregistrement sera modifié en conséquence.

Décision

[49]           Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de supprimer les [Traduction] « services hôteliers ».

[50]           L'état déclaratif des services modifié sera libellé comme suit : [Traduction] « Services de réservation en rapport avec des hôtels ».

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Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

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DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.                                        Pour la Propriétaire inscrite

 

Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., SRL/LLP                                          Pour la Partie requérante

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