Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 257

Date de la décision : 2011‑12‑21

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Yellow Fence Rentals Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1 327 323 pour la marque de commerce Couleurs jaune et noire appliquées à un panneau de clôture, au nom de India Steel & Fence Rental Ltd.

 

[1]               Le 7 décembre 2006, India Steel & Fence Rental Ltd. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour une marque de commerce décrite comme étant les Couleurs jaune et noire appliquées à un panneau de clôture (la Marque). La demande était fondée sur l'emploi de la Marque au Canada par la Requérante depuis au moins le 16 octobre 2006 en liaison avec des services de location de clôtures et des services de livraison, d'assemblage et de démontage de clôtures (les Services). La demande a ensuite été modifiée pour que la date de premier emploi de la Marque par la Requérante ou son prédécesseur en titre, Sarbjit Kaur Chot, faisant affaire sous le nom d’India Steel and Insulation, soit devancée à tout le moins à mai 2005. La Marque illustrée et décrite dans la demande modifiée est reproduite ci-dessous :

Colours yellow and black applied to fence panel.

La marque est constituée de la couleur jaune appliquée à l'ensemble de la surface visible du panneau de clôture illustré sur le dessin, à l'exception de la bande horizontale située plus ou moins au milieu du panneau, pour laquelle les couleurs jaune et noire sont appliquées en alternance sur des segments.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 juillet 2010.

[3]               Le 21 septembre 2010, Yellow Fence Rentals Inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante. À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Steven Martini. M. Martini n'a pas été contre-interrogé. La Requérante n'a produit aucune preuve au soutien de sa demande dans le cadre de l'opposition. Bien que la Requérante ait produit un affidavit de Balvir Kumar Chot pendant l'examen de la demande afin de modifier la date de premier emploi, cet affidavit ne fait pas partie du dossier de la présente procédure  [Avon Canada Inc. c. Lifestyles Canada Ltd., 2001 CarswellNat 4120 (C.O.M.C.), au paragraphe 15]. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Aucune audience n'a été tenue.

Résumé des motifs d’opposition et des dates pertinentes applicables

[4]                     La déclaration d'opposition de l'Opposante inclut les motifs résumés ci-dessous :

a)      contrairement aux exigences de l'alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), la Requérante n'a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Services;

b)      contrairement aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, à la date de production de la demande, la Requérante n'était pas ni ne pouvait avoir été convaincue qu’elle avait droit d'employer la Marque au Canada, parce qu’elle était consciente de l’absence de caractère distinctif de la Marque ou de l’existence des droits de l'Opposante ou de tiers, ou à la fois de l'une et de l'autre;

c)      comme le prévoit l'alinéa 38(2)b) de la Loi, la Marque n'est pas enregistrable, parce que la couleur jaune appliquée à l'ensemble de la surface visible d'un panneau de clôture est une caractéristique essentiellement fonctionnelle;

d)     suivant l'alinéa 16(1)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, parce que cette dernière crée de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante, qui comprend la couleur jaune appliquée à l'ensemble de la surface visible d'un panneau de clôture et qui avait été employée au Canada avant tout emploi de la Marque par la Requérante;

e)      contrairement aux exigences de l'article 2 de la Loi, la Marque n'est pas distinctive des marchandises ou services la Requérante, parce qu'en raison de l'emploi au Canada, par l'Opposante ou par des tiers, d'une marque comprenant la couleur jaune appliquée à l'ensemble de la surface visible d'un panneau de clôture, la Marque ne distingue pas véritablement les services de la Requérante de ceux de l'Opposante ou d'autres propriétaires.

Question préliminaire

[5]                     Dans le motif d'opposition énoncé au paragraphe 4c) ci-dessus, l'Opposante soutient que, conformément à l'alinéa 38(2)b) de la Loi, la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle est fonctionnelle. L'alinéa 38(2)b) de la Loi interdit l'enregistrement des marques de commerce qui contreviennent aux exigences de l'article 12 de la Loi. L'article 12 ne permet pas de plaider qu'une marque n'est pas une marque de commerce parce qu'elle est fonctionnelle. Un moyen de cette nature devrait s'appuyer sur l'article 2 ou sur l'article 30 de la Loi. Les motifs d'opposition non plaidés ne pouvant être pris en considération, je rejette ce motif [Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Ltd. (1984), 79 C.P.R. (2d) 12 (C.F. 1re inst.), à la page 21].

[6]                     Néanmoins, pour le cas où j'aurais tort de rejeter ce motif d'opposition pour le motif énoncé ci-dessus, je suis prête l'examiner plus avant. Le motif invoqué fait état de la couleur jaune appliquée à des panneaux de clôture; il n’y est pas précisé si l'objection de l'Opposante fondée sur la fonctionnalité vise également les Services. En conséquence, je rejette ce motif d’opposition parce qu'il n'est pas dûment plaidé [Fast Fence Inc. c. Yellow Fence Rentals Inc.,  2010 CarswellNat 2524 (C.O.M.C.), aux paragraphes 16 à 18.

 

 

Dates pertinentes

[7]               Voici les dates pertinentes applicables aux différents motifs d’opposition :

alinéa 38(2)a) et article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

 

alinéas 38(2)c) et 16(1)a) – la date de premier emploi alléguée dans la demande [voir le paragraphe 16(1) de la Loi];

 

-    alinéa 38(2)d) et article 2 – la date de production de l’opposition [voir Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317, au paragraphe 8 (C.F.)].

 

Fardeau de preuve

[8]                     C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s'acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.)].

Les motifs d’opposition fondés sur l'article 30

[9]                     L'Opposante soutient que la demande ne respecte pas les exigences des alinéas 30b) et 30i) de la Loi.

[10]           Aucune preuve ne soutient le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30b) de la Loi. En conséquence, l’Opposante ne s’étant pas acquittée de son fardeau de preuve initial, ce motif est rejeté.   

[11]                 Selon le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30i), la Requérante ne pouvait être convaincue qu'elle avait le droit d'utiliser la marque de commerce au Canada en liaison avec les Services, parce qu'elle était consciente de l'absence de caractère distinctif de la Marque ou de l'existence des droits de l'Opposante ou d'autres propriétaires, ou à la fois de l'une et de l'autre. Lorsqu'un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque des éléments de preuve dénotent la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 .C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Comme la demande contient la déclaration exigée et qu’il n’y a aucune allégation ni preuve de mauvaise foi ou d’autres circonstances exceptionnelles, le motif fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a)

[12]                 L'Opposante soutient que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement, parce la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante, qui consiste en la couleur jaune appliquée à l'ensemble de la surface visible d'un panneau de clôture (la Marque de panneau de clôture de l'Opposante), laquelle avait été employée avant tout emploi de la Marque;

[13]                 L'Opposante doit s'acquitter du fardeau initial de prouver qu'elle ou un prédécesseur en titre avait employé ou révélé la Marque de panneau de clôture de l'Opposante avant la date revendiquée de premier emploi de la Marque, c'est-à-dire mai 2005. L'Opposante doit aussi démontrer qu'elle n'avait pas abandonné sa marque de commerce à la date de l'annonce de la Marque.

[14]                 M. Martini, le déposant de l'Opposante, qui occupe les fonctions de directeur et de secrétaire de celle-ci, déclare que l'Opposante a été constituée en société le 18 août 2006 (pièce A). M. Martini explique aussi que l'Opposante [traduction] « exploite, et a toujours exploité depuis sa constitution en société, une entreprise de location [...] de panneaux de clôture jaunes en treillis de fil d'acier » (paragraphe 4). Comme l'Opposante n'a fourni aucune preuve établissant qu'elle-même ou un prédécesseur en titre avait déjà employé la Marque de panneaux de clôture de l'Opposante en mai 2005, elle ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait à l'égard du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)a), et ce motif est donc rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[15]           Le motif d'opposition mettant en cause le caractère distinctif de la Marque est rédigé comme suit :

[traduction]

En application de l'alinéa 38(2)c) et suivant l'article 2 de la Loi sur les marques de commerce, à la date de production de la demande, la marque n'était pas distinctive des services de la Requérante, compte tenu de l'emploi au Canada, par l'Opposante ou par des tiers, d'une marque constituée de la couleur jaune appliquée à l'ensemble de la surface visible d'un panneau de clôture. La marque de la Requérante ne distingue pas véritablement les services en liaison avec lesquels la Requérante prétend l'avoir employée des services de l'Opposante ou d'autres propriétaires, et elle n'est ni adaptée ni apte à les distinguer ainsi.

[16]           Je remarque qu'en l'occurrence, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)a) indique clairement être fondé sur l'emploi d'une marque de commerce, alors que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif utilise seulement le mot « marque », qui a un sens plus large que le terme « marque de commerce » (article 2 de la Loi). La Requérante n'a pas contesté ce moyen, même si son libellé ne permet pas nécessairement de savoir clairement si l'Opposante avait l'intention de fonder son opposition sur l'emploi de marques constituées de la couleur jaune appliquée à des panneaux de clôture, ou sur l'emploi de marques de commerce constituées de la couleur jaune appliquée à des panneaux de clôture par elle-même ou par des tiers. Lorsque les allégations formulées dans un acte de procédure n'ont pas été contestées, je dois, ainsi que l'a prescrit la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Novopharm Ltd. c. AstraZeneca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.), examiner les éléments de preuve afférents à ces allégations dans l'évaluation de la preuve qui incombe à la Requérante. La preuve présentée par M. Martini confirme que la couleur jaune est fonctionnelle et qu'elle est employée sur des clôtures de haute visibilité. Je considère donc que ce motif d'opposition est basé sur l'utilisation de la couleur jaune sur des panneaux de clôture, que ce soit ou non à titre de marque de commerce.

 

 

[17]           M. Martini expose les éléments de preuve suivants :

     [traduction]

a)        l'Opposante loue des panneaux de clôture jaunes en treillis de fil d'acier qui peuvent s'emboîter pour former des clôtures temporaires portatives de haute visibilité destinées à être placées sur des chantiers de construction ou utilisées à l'occasion d'événements spéciaux comme des concerts, des parades, des manifestations sportives et des salons commerciaux (paragraphe 4, pièce B);

b)       la couleur jaune appliquée sur les panneaux de clôture sert à assurer la haute visibilité des panneaux (paragraphe 6);

c)        chaque année, de 2008 à 2010, l'Opposante a loué plus de 10 000 panneaux de clôture jaunes (paragraphe 7).

Je ne tiens pas compte de la preuve concernant l'offre de services de location de clôtures jaunes par des tiers, parce qu'aucun élément de preuve n'établit que les tiers dont M. Martini fait état louaient des panneaux de clôture jaunes à la date pertinente (le 21 septembre 2010). Néanmoins, je tiens compte de cette preuve en ce qu'elle étaye la prétention de l'Opposante portant que les clôtures jaunes sont fonctionnelles.

[18]     En l'espèce, j'estime que la question prépondérante est de savoir s'il y a lieu d'accorder à la Requérante le monopole de l'emploi de la Marque, incluant de légères variations de celle‑ci, dans tout le Canada en liaison avec les Services. À cet égard, je considère que la caractéristique dominante de la Marque décrite par la Requérante est la couleur jaune appliquée à des panneaux de clôture, car cette caractéristique représente une partie très importante de la Marque. Un monopole de cette nature ne doit pas être accordé à la légère; c’est pourquoi la Requérante a le fardeau de démontrer que la Marque est distinctive d'une source unique, à savoir la Requérante [Missionfest Manitoba Inc. c. Missions Fest International Assn. (2011), 94 C.P.R. (4th) 459 (C.O.M. C.), au paragraphe 38]. À la date pertinente, l'Opposante vendait des panneaux de clôture jaunes depuis quatre ans.

[19]     La Requérante n'ayant présenté aucun élément de preuve pour démontrer que la Marque a acquis un caractère distinctif, je suis d'avis que la présence d'une bande alternant les couleurs jaune et noire, sur une clôture jaune, est insuffisante pour différencier les Services de la Requérante de ceux de l'Opposante. D'abord, la bande affichant les couleurs jaune et noire en alternance ne change pas beaucoup l'apparence générale d'un panneau de clôture jaune [Société des Produits Nestlé S.A. c. Wells' Dairy Inc., 2000 CarswellNat 4064 (C.O. M. C. ), au paragraphe  20]. De plus, étant donné la faiblesse inhérente de la Marque, il incombait à la Requérante de démontrer que les consommateurs reconnaissent la Marque comme étant une marque de commerce et non seulement un élément décoratif ou fonctionnel du produit [Novopharm c. Astra AB (2000), 6 C.P.R. (4th) 101 (C.O.M.C.), à la page 112]. Puisque la Requérante n'a produit aucune preuve, ce motif d'opposition est retenu.

Décision

[20]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Natalie de Paulsen
Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, trad. a.

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