Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 COMC 109

Date de la décision: 2011-06-10

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Nautilus Plus Inc. et 88766 Canada Inc. à la demande d’enregistrement No. 1,297,418 pour la marque de commerce STOP NIGHTSHIFT BLUES produite par Centres Stop Inc.__________________________

Les procédures

[1]               Centres Stop Inc. (la Requérante) a déposé le 11 avril 2006 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce STOP NIGHTSHIFT BLUES (la Marque) fondée sur un emploi projeté en liaison avec :

Produits de soutien de naturopathie, nommément gouttes, gélules et pilules homéopathiques pour combattre le stress, l'insomnie et la dépression en lien avec un manque d'exposition à la lumière du jour et un horaire de vie anormal; Publications éducatives, nommément livres, articles imprimés, dépliants et cahiers d'exercices et feuilles de travail pour combattre le stress, l'insomnie et la dépression en lien avec un manque d'exposition à la lumière du jour et un horaire de vie anormal (les Marchandises);

Services de santé, nommément thérapie auriculaire pour combattre le stress, l'insomnie et la dépression en lien avec un manque d'exposition à la lumière du jour et un horaire de vie anormal; services de conseil, de soutien et de réhabilitation pour combattre le stress, l'insomnie et la dépression en lien avec un manque d'exposition à la lumière du jour et un horaire de vie anormal; Services éducatifs, nommément conception et offre de programmes, de matériel et de renseignements éducatifs pour combattre le stress, l'insomnie et la dépression en lien avec un manque d'exposition à la lumière du jour et un horaire de vie anormal et autres programmes de santé, de bien-être et de mode de vie sain et offre de séminaires éducatifs sur Internet concernant la réduction du stress, de l'insomnie et de la dépression en lien avec un manque d'exposition à la lumière du jour et un horaire de vie anormal (les Services).

[2]               Cette demande fut publiée le 4 avril 2007 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition. Nautilus Plus Inc. (Nautilus) et 88766 Canada Inc. (l’Opposante) ont produit une déclaration d’opposition conjointe le 4 juin 2007 que le registraire a transmise le 12 juillet 2007 à la Requérante. Cette dernière a produit le 6 novembre 2007 une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition ci-après décrits. Nautilus et l’Opposante ont amendé leur déclaration d’opposition et la Requérante a amendé sa contre déclaration d’opposition en conséquence.

[3]               Nautilus et l’Opposante ont produit comme preuve sous la règle 41 les certificats d’authenticité concernant les marques de commerce déposées énumérées dans leur déclaration d’opposition. La Requérante a produit sous la règle 42 l’affidavit de M. Stephen Wallack daté du 8 décembre 2008.

[4]               Les parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées lors d’une audience.

[5]               Trois jours avant la date de l’audience le registraire fut informé que Nautilus se désistait de son opposition. Il reste donc à trancher l’opposition de l’Opposante.

Les motifs d’opposition

[6]               Les différents motifs d’opposition soulevés par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition amendée du 18 juillet 2008 peuvent se résumer ainsi :

1)      En date de la production de la demande, la Requérante employait ou avait déjà employé la Marque au Canada le tout en contravention aux dispositions de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (Loi);

2)      La marque de commerce dont l’emploi est projeté n’est pas la Marque mais bien une autre marque de commerce qui est différente;

3)      La Requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises (article 30(e) de la Loi);

4)      C’est faussement que la Requérante s’est dite convaincue d’avoir droit à l’emploi au Canada de la Marque eu égard à la connaissance de la Requérante des droits de tiers ou des opposantes et l’illégalité de tout emploi (article 30(i) de la Loi);

5)      La demande ne renferme pas un état dressé dans les termes ordinaires du commerce des marchandises ou services (article 30(a) de la Loi);

6)      La Marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes :

CARE-FREE SNORE STOPPER, enregistrement LMC656,081 pour dispositif oral, nommément appareils conçus et adaptés pour empêcher le ronflement des personnes;

HEMOR-STOP, enregistrement LMC256,558 pour des  suppositoires pour hémorroïdes;

BLOOD STOP, enregistrement LMC666,933 pour pansements, bandages et bandes à des fins médicales;

SNORE STOP, enregistrement LMC492,013 pour préparations homéopathiques pour prévenir le ronflement;

 STOP’N GROW et dessin, enregistrement LMC162,143 pour “nail biting deterrent preparations”;

TABASTOP, enregistrement LMC383,956 pour des comprimés pour arrêter de fumer.

7)      La Marque n’est pas distinctive des Marchandises et Services ni ne peut l’être car elle ne distingue pas les Marchandises et Services des marchandises et services d’autres que la Requérante et ce eu égard à ce qu’aux présentes mentionné ainsi que la présence sur le marché et au registre de marques de commerce de type STOP pour des marchandises et services de même nature que ceux mentionnés dans la présente demande d’enregistrement;

8)      La Marque n’est pas distinctive des Marchandises et Services ni ne peut l’être car la Requérante a permis à des tiers d’employer la Marque au Canada hors les cadres des dispositions législatives régissant l’emploi sous licence et ce contrairement aux dispositions de l’article 50 de la Loi;

9)      La Marque n’est pas distinctive des Marchandises et Services ni ne peut l’être car par suite de son transfert, il subsistait des droits chez deux ou plusieurs personnes, à l’emploi de la Marque et ces droits ont été exercés par lesdites personnes concurremment et ce, contrairement aux dispositions du paragraphe 48(2) de la Loi.

Fardeau de preuve en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce

[7]               Dans le cadre de procédures d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve se rapportant aux motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’opposante satisfait cette exigence, la requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293].

Motifs d’opposition disposés sommairement

[8]               Il n’y a eu aucune preuve de produite par l’Opposante prouvant les allégations contenues dans sa déclaration d’opposition, sauf pour ce qui est des certificats d’authenticité pour les marques de commerce déposées énumérées au 6e motif d’opposition. Dans les circonstances, je rejette pour ces raisons tous les motifs d’opposition à l’exception du sixième que j’aborderai plus en détails ci-après.

[9]               Je tiens à souligner que sous le chapitre « ARGUMENTATION » de son plaidoyer écrit l’Opposante se limite à prétendre que la Marque n’est pas distinctive car elle serait descriptive. Elle allègue de plus que la Requérante utilise abusivement les symboles « MC » et « TM » à proximité de ce que l’Opposante considère être des expressions descriptives et non des marques de commerce. Les motifs d’opposition se rapportant au caractère distinctif de la Marque (motifs 7, 8 et 9) ont une portée limitée en raison des faits y allégués. Ainsi je ne vois pas comment les arguments présentés par l’Opposante dans son plaidoyer écrit peuvent s’inscrire sous l’un de ces motifs d’opposition.

[10]           Concernant le sixième motif d’opposition, malgré le fait que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initiale, il y a lieu de le rejeter de façon sommaire pour les motifs qui suivent.

[11]           D’une part l’Opposante n’a soumis aucun argument dans son plaidoyer écrit pour soutenir ce motif d’opposition. De plus lors de l’audience l’agent de l’Opposante n’a fait aucune représentation concernant ce dossier d’opposition se limitant à dire qu’il s’en remettait au plaidoyer écrit, qui est silencieux sur ce motif d’opposition.

[12]           Le test applicable en l’espèce est décrit à l’article 6(2) de la Loi. Ainsi l’emploi de la Marque créera de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises et services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, loués ou exécutés par la même personne, que ces services ou marchandises soient ou non de la même catégorie générale. Une liste non exhaustive des circonstances pertinentes apparaît à l’article 6(5) de la Loi. La Cour suprême du Canada dans l’arrêt récent de Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al. 2011 C.S.C. 27 a interprété l’article 6(2) et nous a éclairé sur la portée des différents critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi. Il en ressort de cette analyse que le degré de ressemblance entre les marques en litige demeure le facteur le plus important.

[13]           Or dans le présent cas non seulement les marques citées par l’Opposante sont-elles différentes tant phonétiquement, visuellement et dans les idées qu’elles suggèrent mais également les marchandises et services couverts par ces enregistrements sont différents des Marchandises et Services.

[14]           Pour ces motifs je n’ai aucune hésitation à rejeter le sixième motif d’opposition.

Caractère abusif des procédures

[15]           Lors de l’audience la Requérante est revenue à la charge avec l’argument que les procédures d’opposition dans le présent dossier étaient sans fondement et abusives. En conséquence elle demandait au registraire de conclure qu’elles constituaient un abus de droit au sens du code civil et que l’opposition pouvait donc être rejetée en appliquant le principe de droit de « fin de non recevoir ».

[16]           Pour bien comprendre la position de la Requérante je juge nécessaire de faire un rappel sur certains faits. D’abord l’Opposante n’a présenté aucune preuve au dossier sauf pour ce qui est décrit ci-haut. Ce dossier est l’un de dix dossiers qui ont fait l’objet d’une audience commune. Toutefois puisque la preuve n’est pas la même dans chacun des dossiers et que les motifs d’opposition peuvent varier d’un dossier à l’autre ils feront l’objet de décisions distinctes. Tel que mentionné plus haut, trois jours avant l’audience, Nautilus s’est désistée de sa procédure d’opposition laissant toutefois une opposante au dossier.

[17]           Je tiens également à souligner que la Requérante avait présenté bien avant l’audience une demande pour amender sa contre-déclaration d’opposition pour y plaider l’abus de droit. À cette demande était jointe une demande pour permission de produire de la preuve additionnelle afin de présenter des faits pour soutenir l’allégation que les présentes procédures constituaient un abus de droit. Ces demandes furent rejetées par le registraire le 13 octobre 2009.

[18]           La Requérante prétend que le registraire a juridiction pour rejeter une opposition au motif qu’elle constitue un abus de droit lorsqu’elle est sans fondement juridique. La Requérante a porté à mon attention la décision du registraire dans Elysium Technology Investments Inc. c. Rogers Communications Inc. (2004), 44 C.P.R. (4th) 357 (C.O.M.C.) où ma collègue Jill W. Bradbury tenait les propos suivants dans une affaire où la requérante présentait sensiblement le même argument:

The applicant also submits that the Registrar has the necessary jurisdiction to prevent abuse of its process. I do not contest this; rather, I do not find that these opposition proceedings are an abuse of the opposition process.

[19]           Je ne mets pas en doute cette affirmation. Toutefois il faut que le registraire exerce ce pouvoir dans les limites de sa juridiction qui sont établies par la Loi. Or le mécanisme de prévention d’abus de procédures d’opposition frivoles et sans fondement adopté par le Législateur se retrouve à l’article 38(4) de la Loi. En vertu de cet article le registraire, sur réception d’une déclaration d’opposition, doit en faire la lecture afin de déterminer s’il existe au moins un motif d’opposition qui, à sa face-même, apparaît soulevé une question sérieuse. En signifiant la déclaration d’opposition à la Requérante le registraire a estimé, qu’à sa face même, elle n’était pas frivole. Le registraire a été créé par une loi. Ses pouvoirs en matière d’opposition sont clairement énoncés à l’article 38 de la Loi. Il n’a aucun pouvoir inhérent [voir Molson Canada 2005 c. Anhauser-Bush, Incorporated 2010 C.F. 283 (C.F.P.I.)].

[20]           Quant à l’argument de la Requérante que l’Opposante n’aurait aucun intérêt à contester la présente demande d’enregistrement je suis d’accord avec les propos de l’agent de l’Opposante. La procédure d’opposition a un certain caractère « d’intérêt public ». À l’article 38 de la Loi le législateur emploie l’expression « Toute personne… » pour identifier les personnes qui peuvent produire une déclaration d’opposition. Toutefois certains motifs d’opposition sont limités aux personnes qui peuvent revendiquer certains droits. À titre d’exemple je réfère à l’article 17 de la Loi.

Disposition

[21]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

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