Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 123

Date de la décision : 2013-07-12
TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Cassels Brock & Blackwell LLP, visant l’enregistrement no LMC694448 de la marque de commerce AIRPOINTS DOLLARS au nom d’Air New Zealand Limited

[1]               Le 31 mars 2011, à la demande de Cassels Brock & Blackwell LLP (la Partie requérante), le registraire a envoyé un avis aux termes de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T-13) (la Loi) à Air New Zealand Limited (le Propriétaire), le propriétaire inscrit de l’enregistrement LMC694448 pour la marque de commerce AIRPOINTS DOLLARS (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée en vue de son emploi en liaison avec les services suivants : 

Gestion financière; fourniture, stockage, classement et enregistrement d’informations financières, transfert électronique de fonds; services fournis par les compagnies aériennes, sous forme de programmes pour les grands voyageurs et autres programmes incitatifs; programmes de reconnaissances des privilèges et de la fidélité des membres sous forme de services de voyage

[3]                Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l’égard de chacune des marchandises et de chacun des services énumérés dans l’enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période au cours de laquelle l’emploi doit être établi s’étend du 31 mars 2008 au 31 mars 2011.

[4]               La définition pertinente quant à l’« emploi » en liaison avec des services est énoncée au paragraphe 4(2) de la Loi sur les marques de commerce :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que, dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45, de simples affirmations ne suffisent pas à prouver qu’il y a eu emploi [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. Même si, dans une telle instance, le seuil pour établir l’emploi d’une marque est relativement peu exigeant [Woods Canada Ltd c. Lang Michener et al (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)] et qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.), le propriétaire doit présenter des faits suffisants pour que le registraire puisse conclure à l’emploi de la marque de commerce au cours de la période pertinente en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services énumérés dans l’enregistrement.

[6]               En réponse à l’avis, le Propriétaire a déposé la déclaration solennelle de Lisa Robertson, avocate interne du Propriétaire, faite le 27 octobre 2011. Les deux parties ont produit des observations écrites et ont participé à une audience orale.

[7]               Selon la preuve qui m’a été présentée et comme son nom le suggère, le Propriétaire est une compagnie aérienne qui offre principalement ses services à partir de Nouvelle-Zélande et qui y ajoute un programme pour grands voyageurs appelé « Airpoints ». Dans sa déclaration, maître Robertson confirme que la Marque a été utilisée par le Propriétaire au cours de la période pertinente en liaison avec [TRADUCTION] « la promotion, la publicité et l’exécution des services du Propriétaire », principalement par le biais de son site Web, le www.airnewzealand.ca (le site Web).

[8]               Pour étayer ses affirmations, elle a fourni les preuves suivantes :

         L’annexe A est composée d’une impression de la base de données pour les noms de domaine Whois.Net, laquelle indique que le Propriétaire possède le nom de domaine du site Web depuis 2005.

         Les annexes B à G, pour leur part, contiennent des impressions du site Web pour chaque année, de 2006 à 2011; chaque annexe comprend un formulaire d’inscription au programme Airpoints ainsi que les modalités pour la participation au programme applicables pour l’année visée (les modalités). Je constate que la mise en page et le contenu du site Web varient d’année en année; toutefois, les différences sont mineures et elles ne sont pas litigieuses dans le cadre de la présente procédure. Les impressions donnent des détails quant au fonctionnement du programme Airpoints et aux avantages qui y sont reliés. Par exemple, dans l’annexe E (contenu de 2009), la page d’accueil du programme, « Welcome to Airpoints », annonce que [TRADUCTION] « le programme Airpoints offre diverses façons d’utiliser les dollars Airpoints, que ce soit en voyageant sur les ailes de Air New Zealand, des compagnies aériennes Star Alliance ou des autres transporteurs aériens partenaires, ou même en louant une voiture ou en réservant une chambre d’hôtel ». En outre, sous l’en-tête « Airpoints Online », le site Web explique que les membres peuvent utiliser [TRADUCTION] « leur page personnelle Air New Zealand, laquelle rassemble tous les renseignements relatifs à leur compte Airpoints et les informations sur les vols à venir et d’autres caractéristiques de voyage additionnelles ».

         L’annexe H contient un rapport de Google Analytics pour le site Web, indiquant le trafic Web durant la période du 1er août 2010 au 1er août 2011. Maître Robertson confirme que [TRADUCTION] « le rapport signale que 602 492 visites du site Web avaient été faites dans 1 256 villes au Canada. »

         L’annexe I consiste pour sa part de cinq déclarations envoyées à des membres du programme Airpoints Dollars annonçant leur solde en dollars Airpoints. Je constate que seulement une des déclarations porte une adresse canadienne.

         L’annexe J est une liste de six noms et adresses postales qui, selon maître Robertson, constitue « un échantillon représentatif des membres appartenant au programme AIRPOINTS DOLLARS et vivant au Canada ».

[9]               Nonobstant le volume de la preuve jointe à la déclaration de maître Robertson, au mieux, cette preuve étaye l’emploi de la Marque en liaison avec des « services fournis par les compagnies aériennes, sous forme de programmes pour les grands voyageurs et autres programmes incitatifs » et « programmes de reconnaissances des privilèges et de la fidélité des membres sous forme de services de voyage » (le programme pour grands voyageurs).

[10]           Pour ce qui est des autres services, c’est-à-dire « Gestion financière; fourniture, stockage, classement et enregistrement d’informations financières, transfert électronique de fonds », les articles 7 et 12 des modalités (comme ils sont indiqués dans l’annexe E) font effectivement référence à la Marque en lien avec la gestion, le stockage et le transfert de points pour grands voyageurs; toutefois, à mon avis, ces services ne sont pas de nature financière. J’aimerais souligner que l’article 15.6 des modalités clarifie le fait que les dollars Airpoints visés ne peuvent pas être convertis en argent et que les membres ne sont pas autorisés à vendre, à affecter ou à transférer leurs dollars Airpoints pour quelque raison que ce soit.

[11]           De même, les services de cartes de crédit décrits dans l’article 1.4.5 des modalités, lesquels pourraient autrement être vus comme étant de la catégorie générale des services financiers, ne sont offerts que dans certains pays, et il n’y a aucune preuve que de tels services sont disponibles au Canada.

[12]           Par contre, en ce qui a trait aux services pour grands voyageurs, je suis convaincu que les impressions du site Web déposées comme preuves constituent un affichage de la Marque en liaison avec ces services durant la période visée. Le site Web précise que [TRADUCTION] « Airpoints est le programme pour grands voyageurs d’Air New Zealand » et « que grâce aux dollars Airpoints, la monnaie du programme, il est encore plus facile de gagner et de réclamer des récompenses Airpoints. » De même, les modalités font référence à la Marque en liaison avec l’accumulation et l’utilisation de points en échange de récompenses telles que des vols, des réservations d’hôtel et des services de location automobile, des activités qui, j’en suis convaincu, sont représentatives de services pour grands voyageurs.

[13]           La Partie requérante affirme que le terme « Airpoints » est utilisé en référence au programme pour grands voyageurs du Propriétaire alors que la Marque, « Airpoints Dollars », n’apparaît qu’en référence à la monnaie ou aux points qui peuvent être recueillis dans le cadre du programme. La Partie requérante étaye son argument en soumettant la définition donnée dans les modalités, laquelle explique que [TRADUCTION] « les Airpoints Dollars sont les points pour grands voyageurs d’Air New Zealand ».

[14]           Cependant, la définition de « services » doit être interprétée de façon plus générale et inclure les services qui pourraient être considérés comme « supplémentaires » ou « connexes » [Kraft Ltd c. Registraire des marques de commerce (1984), 1 C.P.R. (3d) 457 (C.F. 1re inst.]; ainsi, selon moi, la distinction formulée par la Partie requérante est trop restreignante. L’emploi de la Marque, comme le définissent les modalités, est connexe à l’exécution et à la publicité des services pour grands voyageurs. À titre d’exemple, la Marque est utilisée dans l’ensemble de modalités pour décrire comment les membres du programme peuvent accumuler et utiliser leurs points en échange de vols et d’autres avantages. En outre, il est possible d’utiliser conjointement deux marques de commerce pour un même service [AW Allen Ltd c. Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 C.P.R. (3d) 270 (C.F. 1re inst.)], comme c’est le cas présentement avec les termes « Airpoints » et « dollars Airpoints » en lien avec les services pour grands voyageurs.

[15]           Néanmoins, la Partie requérante affirme également que les services pour grands voyageurs n’étaient pas exécutés au Canada. En règle générale, la publicité au Canada en elle-même ne suffit pas à prouver l’emploi en liaison avec des services; à tout le moins, il faut que les services puissent être exécutés au Canada [Wenward (Canada) Ltd c. Dynaturf Co (1976), 28 C.P.R. (2d) 20 (COMC)]. Dans Marineland Inc c. Marine Wonderland and Animal Park Ltd (1974), 16 C.P.R. (2d) 97 (C.F. 1re inst.), la Cour fédérale a tranché que lorsque l’exécution des services offerts par le propriétaire d’une marque de commerce, par nécessité, ne peut être accomplie qu’en voyageant à l’extérieur du pays, la vente au Canada de billets pour l’admission ne peut pas être considérée comme l’exécution de services au Canada. De même, dans Motel 6 Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.) et dans Porter c. Don the Beachcomber (1966), 48 C.P.R. 280 (C. de l’É.), il est dit que l’association d’une marque de commerce à la publicité au Canada pour des services qui ne peuvent être exécutés qu’à l’extérieur du pays ne permet pas de prouver l’emploi adéquat de la marque de commerce.

[16]           Pour ce qui est de l’exécution des services pour grands voyageurs au Canada, la preuve n’est pas abondante. L’article 1.3 des modalités (tel qu’il est à l’annexe E) précise que les membres peuvent recueillir des points de grands voyageurs lorsqu’ils voyagent en partance ou à destination du Canada sur les vols d’Air Canada et d’autres compagnies aériennes; pour étayer cette assertion, le Propriétaire fait référence aux déclarations de l’annexe I envoyées à cinq membres différents du programme Airpoints, qui indiquent entre autres les points recueillis pour des vols en partance ou à destination du Canada durant la période pertinente. Par ailleurs, je constate que la Marque est affichée sur chacune des déclarations produites pour indiquer les points pour grands voyageurs accumulés. Comme je l’ai mentionné plus haut, toutefois, une seule des cinq déclarations est adressée à un résident canadien.

[17]           Dans tous les cas, le Propriétaire a fourni d’autres preuves pour appuyer son affirmation que les services pour grands voyageurs ont fait l’objet de publicité et pouvaient être exécutés au Canada. À ce titre, les impressions du site Web fournies dans les annexes B à G montrent que les visiteurs qui consultent le site Web sont invités à s’inscrire au programme Airpoints en cliquant sur le lien « Register Now », lequel figure sur le site Web au bas de la section portant sur les grands voyageurs. Même si les statistiques sur le trafic Web présentées dans l’annexe H n’indiquent pas si les personnes s’inscrivent réellement pour le service, j’estime que le site Web a été consulté au Canada, ce qui étaye la conclusion qu’à tout le moins, les services pour les grands voyageurs ont été annoncés et pouvaient être exécutés au Canada.

[18]           Également, le site Web annonce que les membres peuvent consulter en ligne [TRADUCTION] « leur page personnelle contenant toutes les informations sur leurs vols à venir et d’autres caractéristiques de voyage additionnelles ». Encore une fois, il n’y a pas de preuve directe que les membres gèrent effectivement leur compte de grand voyageur lorsqu’ils sont au Canada, mais il est raisonnable de conclure qu’ils pouvaient le faire au Canada durant la période pertinente.

[19]           Ainsi, je suis convaincu que la preuve, dans son ensemble, étaye le fait que le Propriétaire a exécuté les services pour grands voyageurs au Canada durant la période pertinente.

Règlement

[20]           Ainsi, selon l’information qui m’a été présentée, je ne suis pas convaincu que le Propriétaire a prouvé l’emploi de la Marque en liaison avec les services « gestion financière; fourniture, stockage, classement et enregistrement d’informations financières, transfert électronique de fonds », au sens du paragraphe 4 et de l’article 45 de la Loi, puisqu’aucune preuve ne m’a été présentée pour expliquer des circonstances particulières justifiant l’absence de cet emploi.

[21]           Conformément aux pouvoirs qui me sont accordés aux termes du paragraphe 63(3) et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’énoncé des services modifié se lira comme suit : « Services fournis par les compagnies aériennes, sous forme de programmes pour les grands voyageurs et autres programmes incitatifs; programmes de reconnaissances des privilèges et de la fidélité des membres sous forme de services de voyage. »

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Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad. A.

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