Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

the registrar of trade-marks

 

                                                                                                 Référence : 2012 COMC 116

Date de la décision : 2012-05-31

                                                                            TRADUCTION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par JTI-Macdonald TM Corp. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1317127 pour la marque de commerce Dessin DE PAQUET ORANGE au nom d’Imperial Tobacco Products Limited

[1]               Le 19 septembre 2006, Imperial Tobacco Products Limited (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce Dessin DE PAQUET ORANGE (reproduite ci‑dessus) fondée sur l'emploi de la marque de commerce au Canada depuis le 10 avril 2006. Les marchandises visées par la demande, telles que modifiées, sont des « produits de tabac fabriqué, [traduction] nommément cigarettes ». La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 mai 2007. La Marque publiée est décrite comme suit :

ORANGE PACKAGE DESIGN

La marque de commerce est constituée de la couleur orange appliquée sur la surface visible de l’emballage particulier comme le montre le dessin ci-joint. Le dessin est hachuré pour représenter les couleurs.

[2]               JTI-Macdonald TM Corp. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition à l'encontre de cette demande en date du 1er octobre 2007. Les motifs d'opposition, tels qu'invoqués, sont reproduits ci-dessous :

[traduction]

3. a) Suivant l'alinéa 38(2)a), la demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30 en ce que :

(i) la Requérante n'a pas employé le Dessin (la Marque) au Canada depuis la date alléguée dans la demande;

(ii) la Requérante n'a pas employé le dessin au Canada à titre de marque de commerce, au sens de l'article 2 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi);

(iii) la demande ne comporte pas un dessin précis et une représentation du Dessin parce que le paquet complet, y compris sa forme et sa taille, constitue le Dessin, et aucun de ces éléments ne figure dans le dessin joint à la demande.

b)     Suivant l'alinéa 38(2)b), le Dessin n'est pas enregistrable au motif que tout octroi d'emploi exclusif du Dessin à la Requérante risque de limiter déraisonnablement le développement de l'industrie, plus particulièrement la production, la commercialisation et la vente de produits de tabac fabriqués au Canada.

c)     Suivant l'alinéa 38(2)d), le Dessin n'est pas distinctif parce qu'il n'est pas adapté à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles la Requérante peut l’utiliser des marchandises et services d'autres personnes, ni ne les distingue véritablement.

[3]               La Requérante a produit et signifié, dans chaque opposition, une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[4]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit les affidavits de Richard Sue (directeur, création de scénarios et prévisions de l'Opposante), de Michael Bower (analyse des ventes et directeur administratif pour la région de l'Ouest de l'Opposante), de Kevin Tanton (directeur des opérations sur le terrain pour la région du Centre de l'Opposante), de Pierre Fortin (analyse des ventes et directeur administratif pour la région de l'Est de l'Opposante) et de Chantal Dyal (marque de portefeuilles et stratégie commerciale – directrice des marques Prestige, Premium et Sub-Premium de l'Opposante).

[5]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de David Bussey (directeur, stratégie de commercialisation d’Imperial Tobacco Products Limited), de Jayson B. Dinelle (stagiaire en droit employé par l'agent de la Requérante) et de Gay Owens (recherchiste en marques de commerce pour les agents de l'Opposante). L'Opposante a obtenu une ordonnance l'autorisant à contre‑interroger M. Bussey et une copie de la transcription du contre-interrogatoire a été versée au dossier.

[6]               Par une lettre datée du 16 avril 2011, l'Opposante a produit la réponse de M. Bussey à l'engagement fourni à la page 11 de la transcription. L'Opposante a expliqué que c’est par inadvertance que cette réponse n'avait pas été produite plus tôt. Je confirme que cette réponse écrite à l'égard de l'engagement fait maintenant partie du dossier. Il a également été constaté que compte tenu de la nature de la réponse fournie par M. Bussey, l'Opposante a déclaré dans sa lettre du 16 avril 2011, qu'elle ne faisait plus valoir l'argument selon lequel la Marque n’était pas distinctive en raison de son emploi par un tiers sans détenir de licence. 

[7]               Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit.

[8]               Une audience a été tenue à laquelle les deux parties ont été bien représentées. 

Résumé de la preuve

Preuve de l’Opposante

[9]               L'Opposante fabrique et distribue des cigarettes, des cigares et d’autres produits du tabac. Monsieur Sue, en qualité de directeur, création de scénarios et prévisions de l'Opposante, déclare qu'il a la responsabilité d'élaborer des prévisions de ventes, de réaliser des analyses de marché, d'administrer les données de vente de l'Opposante, d'élaborer des prévisions détaillées pour la planification stratégique, de recueillir et d’analyser les données de vente des détaillants, des grossistes et des fournisseurs de services indépendants. 

[10]           Monsieur Sue explique que certains grossistes et détaillants fournissent volontairement à l'Opposante des données liées aux volumes de ventes de tous les produits du tabac qu'ils vendent, y compris les produits de tiers. Les grossistes et les détaillants fournissent directement les données de vente à l'Opposante et les employés de cette dernière les saisissent dans une base de données toutes les semaines. Cette base de données est l'un des registres commerciaux de l'Opposante.

[11]           Monsieur Sue fournit les renseignements quant à l'emploi de la couleur par l'Opposante et les autres intervenants dans le domaine d'activités des parties. À cet égard, M. Sue fournit des données de vente concernant les produits suivants :

         Amphora Mellow Blend Tobacco [mélange de tabac]

         Bullseye Cigarillos (Peach) [cigarillos, à la pêche]

         Hav-A-Tampa Jewels Cigars [cigares]

         Honey Time (Peach) [cigarettes, cigarillos, cigares, à la pêche]

         Mini by Colts (Peach) [cigarillos, à la pêche] (à l'égard desquels les données de vente n'ont été fournies que pour les neuf dernières semaines de 2007 ou plus tard)

         Twinkle Kwiki Cigarillos (Peach) [cigarillos, à la pêche]

Des photos numériques imprimées de chacun des produits ci-dessus sont jointes à son affidavit comme pièces A à F.

[12]           Monsieur Sue explique que les données de ventes pour les produits mentionnés dans son affidavit étaient fondées sur des renseignements concernant les volumes de ventes fournis par 131 grossistes et détaillants de tout le pays, y compris des grossistes ou des détaillants dans chaque province à l'exception de l'Île‑du‑Prince‑Édouard. Il déclare qu'il a exclu le volume de ventes des détaillants qui achètent chez les grossistes. Il explique que les grossistes et les détaillants représentent environ 50 % des points de vente au détail au Canada.

[13]           On a demandé à M. Bower et à M. Tanton de fournir des renseignements sur la popularité du tabac et des produits du tabac à l'égard desquels M. Sue a fourni des données de ventes, ainsi que sur les produits suivants dans leur région respective (soit la région de l'Ouest du Canada et la région du Centre du Canada) :

         Brown Sugar Tobacco Wrapper [papier à rouler le tabac]

         Juicy Jay Cigarette Paper (Orange) [papier à cigarettes, à l'orange]

         Manta Cigarette Paper (Peach) [papier à cigarettes, à la pêche]

         Juicy Blunts Orange Overload [feuilles de tabac géantes, à l'orange]

         Roll-N-Save Cigarette Tobacco Pouch [blague de tabac à cigarettes]

         Smoking Rolling Paper (Orange) [papier à rouler, à l'orange]

[14]           Outre les produits mentionnés ci-dessus, on a demandé à M. Fortin de fournir des renseignements concernant les produits supplémentaires suivants dans la région de l'Est du Canada :

         Mini by Colts (Peach) [cigarillos, à la pêche]

         Cigarettes de la marque Number 7

         Cigarettes de la marque Peter Jackson

[15]           Messieurs Bower, Tanton et Fortin ont tous trois demandé aux promoteurs des ventes de leur région de préciser si le produit était offert en vente sur leur territoire et de fournir une estimation de la durée depuis laquelle le produit était offert en vente. 

[16]           Bien que je sois d'accord avec la Requérante que la plus grande partie de la preuve de l'Opposante constitue du ouï‑dire, je suis disposée à lui accorder un certain poids parce qu'elle répond aux critères de nécessité et de fiabilité. À mon avis, les témoignages de MM. Bower, Tanton et Fortin appuient la fiabilité des données de ventes fournies par M. Sue. De plus, compte tenu du nombre élevé de grossistes et de détaillants de tabac et autres produits de tabac au Canada, je suis convaincue qu'il était aussi nécessaire que MM. Bower, Tanton et Fortin obtiennent des renseignements sur le tabac et autres produits du tabac offerts en vente dans leur région par l'entremise de leurs promoteurs de ventes. Enfin, bien que les données de ventes fournies à l'Opposante par les grossistes et les détaillants ne constituent peut-être pas la meilleure preuve, je suis convaincue qu'un certain poids devrait leur être accordé, compte tenu de l'explication de M. Sue selon laquelle la base de données, mise à jour toutes les semaines, est l'un des registres commerciaux de l'Opposante.

[17]           Selon le témoignage de Mme Dyal, l'Opposante a lancé en octobre 2007 les cigarettes MORE dans un paquet orange. Depuis son lancement, le produit MORE est offert en vente dans les points de vente au détail en Colombie‑Britannique, en Alberta, en Ontario, au Québec et au Nouveau‑Brunswick, et plus de 2,8 millions de cigarettes orange MORE (ou 140 000 paquets) ont été vendues au Canada. Au dernier trimestre de 2007, l'Opposante a lancé une campagne publicitaire dans la presse écrite pour ses cigarettes MORE. La campagne s'est déroulée de décembre 2007 à janvier 2008 et on prévoyait qu'elle produise 510 035 impressions (un mot utilisé en publicité pour désigner une exposition à une annonce). Les annonces ont paru dans les Summum (français), Nightlife, Voir, Hour, Mirror et Ici. Les chiffres de diffusion pour ces publications n'ont pas été fournis.

Preuve de la Requérante

[18]           Monsieur Bussey explique qu'en vertu d'un accord de licence liant la Requérante et Imperial Tobacco Canada Limitée (ITCan), cette dernière est autorisée à employer toutes les marques de commerce de la Requérante en liaison avec la fabrication et la vente de produits du tabac. Conformément à cette licence, ITCan a fabriqué des cigarettes de la famille de marques Peter Jackson, y compris les cigarettes Peter Jackson « Saveur Veloutée » au Canada depuis au moins avril 2006. ITCan commercialise et vend la famille de marques de cigarettes Peter Jackson à des détaillants de cigarettes comme les épiceries, les dépanneurs, les bars et les stations-service, parfois par l'entremise de grossistes et parfois par l'entremise de distributeurs, notamment Imperial Tobacco Company Limited, qui à leur tour vendent les cigarettes à des fumeurs adultes.

[19]           En avril 2006, ITCan a lancé les nouvelles cigarettes Peter Jackson « Saveur Veloutée ». Les cigarettes Peter Jackson « Saveur Veloutée » sont vendues à la fois aux détaillants et aux fumeurs adultes dans un paquet orange. Des photographies de paquets et de l'emballage d'une cartouche de cigarettes Peter Jackson « Saveur Veloutée » sont jointes à l'affidavit de M. Bussey à titre de pièce A, en guise d'exemple illustrant l'emploi de la Marque par ITCan au Canada.  

[20]           Monsieur Bussey déclare au paragraphe 7 de son affidavit que la Requérante et ITCan ont choisi précisément d'utiliser la couleur orange pour l'emballage des cigarettes Peter Jackson « Saveur Veloutée », et d'employer principalement la couleur orange pour promouvoir la famille de marques de cigarettes Peter Jackson parce qu'elles estimaient que la couleur orange était hautement distinctive, inoubliable et accrocheuse et parce qu'aucun autre fabricant, importateur ou distributeur de cigarettes n'employait la couleur orange à ce moment‑là.

[21]           Depuis le lancement en avril 2006 des nouvelles cigarettes Peter Jackson « saveur veloutée » en liaison avec la Marque et du lancement de la nouvelle campagne de commercialisation axée sur la couleur orange, ITCan a vendu approximativement entre 25 et 30 millions de paquets de cigarettes Peter Jackson « Saveur Veloutée » en liaison avec la Marque à des détaillants, des distributeurs et des grossistes de cigarettes au Canada, représentant des ventes de plus de 90 millions de dollars canadiens. Entre avril 2006 et le 14 août 2007, ITCan a vendu approximativement entre neuf et onze millions de paquets de cigarettes Peter Jackson « Saveur Veloutée » en liaison avec la Marque à des détaillants, des distributeurs et des grossistes de cigarettes au Canada, représentant des ventes de plus de 34 millions de dollars canadiens. Des copies de factures représentatives de ventes de cigarettes Peter Jackson « Saveur Veloutée » en liaison avec la Marque à différents détaillants de cigarettes au Canada sont jointes à l'affidavit de M. Bussey à titre de pièce B.

[22]           Entre le mois d'avril 2006 et le 14 août 2007, ITCan a dépensé plus de 3,5 millions de dollars pour la promotion et la publicité de sa nouvelle marque. Des exemples de différents types de publicité et d’articles promotionnels, notamment des documents de communication, des photographies d’un cendrier, un carton d'allumettes, un dépliant à gratter et des articles de marchandisage pour points de vente étaient joints à l'affidavit de M. Bussey.

[23]           Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante a souligné les faits suivants admis par M. Bussey lors de son contre‑interrogatoire :

         Les cigarettes MORE sont vendues dans un [traduction] « paquet dont la couleur de base est orange ».

         Un autre tiers, Philip Morris, vend et offre en vente au Canada des cigarettes dans un paquet dont la couleur prédominante est l'orange. Ce produit a été lancé sur le marché en mars 2008 et la Requérante n'a pris aucune mesure pour faire interdire à Philip Morris l'emploi d'un paquet orange.

         Un autre tiers, Lanwest, offre des cigarettes PODIUM Smooth Flavour dans un paquet orange au Canada depuis juillet 2007.

[24]           Monsieur Dinelle joint à son affidavit une copie de l'énoncé de pratique du 6 décembre 2000 intitulé « Marques à trois dimensions », qu'il a trouvé sur le site Web de l’OPIC.

[25]           Madame Owens joint à son affidavit environ dix enregistrements de marques de commerce, concernant diverses marques de couleur visant différentes marchandises, qu'elle a imprimés depuis le système CDNameSearch Corp le 29 juillet 2009.

Le fardeau de preuve

[26]           Le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l'Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la page 298].

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[27]           L'Opposante a invoqué trois motifs d'opposition fondés sur l'article 30 de la Loi. La date pertinente pour l'examen du motif fondé sur l'article 30 est celle de la production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c Scott Paper Ltd., 3 CPR (3d) 469, à la page 475].

[28]           En ce qui a trait au motif d’opposition énoncé au sous-alinéa 3a)(i) ci-dessus, le fardeau de preuve de l'Opposante concernant la question de l'inobservation de l'alinéa 30b) de la Loi par la Requérante n'est pas très lourd (voir Tune Masters c Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 CPR (3d) 84 (AAMC), à la page 89). De plus, l'Opposante peut se servir de l'affidavit de la Requérante pour s'acquitter de son fardeau de preuve concernant ce motif. Dans ce cas cependant, l’Opposante doit établir que la preuve de la Requérante est « manifestement » incompatible avec les allégations figurant dans sa demande.

[29]           En l’espèce, l'Opposante s'appuie sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter de sa charge initiale. À cet égard, l'Opposante fait valoir que la preuve présentée dans l'affidavit de M. Bussey n'établit pas que la Marque a été employée au Canada en association avec les marchandises. Elle soutient que selon la demande, la Marque consiste en la couleur orange appliquée sur la surface visible du paquet en question sans élément nominal, ni autre élément figuratif ni autre ornementation quels qu’ils soient. L'Opposante prétend donc que la preuve fournie n’établit pas l'emploi de la Marque parce que le paquet joint à l'affidavit de M. Bussey comporte la marque de commerce PETER JACKSON et le filigrane d'une licorne. En outre, l'Opposante soutient que la preuve établit que la Marque n'est pas d'une couleur orange unie, mais qu'elle passe plutôt de l'orange foncé à l'orange plus clair. 

[30]           J'estime que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait relativement à ce motif. À cet égard, rien dans la preuve de la Requérante n'est manifestement incompatible avec la date de premier emploi alléguée. La demande telle que produite présente clairement par la limite pointillée la surface du paquet auquel la couleur orange doit être appliquée. La preuve de la Requérante montre la couleur orange sur la surface de ses paquets de cigarettes. Bien que la preuve de la Requérante établisse également l'emploi des marques PETER JACKSON et du dessin d'une licorne sur ses paquets de cigarettes, il est bien établi que des marques de commerce multiples peuvent être utilisées ensemble sur le même produit, y compris des combinaisons de marques de commerce nominales et figuratives [voir AW Allen Ltd. c Warner‑Lambert Canada Inc. (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst), à la page 272]. Enfin, l'article 28 du Règlement sur les marques de commerce n’exige pas qu’un requérant précise la teinte de la couleur visée par la demande. En conséquence, rien n’empêche la Requérante d’employer la Marque avec différentes teintes d’orange. Ce motif d’opposition n’est donc pas retenu.

[31]           En ce qui concerne le motif d'opposition énoncé au sous‑alinéa 3a)(ii) ci‑dessus, l'Opposante n'a fourni dans son plaidoyer aucun fait pour expliquer la raison pour laquelle la Marque n'est pas une marque de commerce. Dans son plaidoyer écrit, elle fait valoir que la Marque n'est pas employée sur l'emballage des marchandises; elle n’est pas non plus employée d’une manière qui permette d'indiquer aux consommateurs, au moment du transfert de possession les marchandises, qu’il existe une association entre la Marque et les marchandises données. L'Opposante prétend de plus que la couleur orange employée pour les paquets de cigarettes est intrinsèquement une marque de commerce très faible et rien n’établit, ni sur l'emballage du produit fourni par la Requérante ni sur les articles et les documents de commercialisation joints à l'affidavit de M. Bussey, que la Requérante a avisé ou tenté d'aviser le public que la couleur orange était sa marque de commerce. En l'absence d'un tel avis, plus particulièrement dans le contexte d'autres éléments sur le paquet, l'Opposante soutient que la couleur orange ne peut pas être considérée comme une marque de commerce, mais qu’elle est une ornementation ou un dessin et, en conséquence, qu’elle ne peut faire l'objet de l'enregistrement d'une marque de commerce. 

[32]           À mon avis, les allégations de l'Opposante contreviennent à l'alinéa 38(3)a) de la Loi parce que le motif tel qu'allégué n'a pas été énoncé de façon suffisamment détaillée pour permettre à la Requérante d'y répondre. De plus, j'estime que la preuve produite par l'Opposante ne remédie pas au défaut dans ce motif [voir Novopharm Ltd. c AstraZeneca AB (2002), 21 CPR (4th) 289 (CAF)].

[33]           Dans l'hypothèse où je commettrais une erreur à cet égard, ce motif d'opposition n'aurait pas été retenu parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. La preuve établit que la Requérante a entrepris une campagne de commercialisation d’envergure pour communiquer l'offre de cigarettes Peter Jackson Saveur Veloutée à la fois aux détaillants de cigarettes et aux fumeurs adultes au Canada et faire ressortir le dessin du paquet orange. Je conviens avec la Requérante que sa preuve établit que la Marque a été employée à titre de marque de commerce au Canada aux fins expresses de distinguer ses marchandises de celles de ses concurrents. Ce motif d’opposition n’est donc pas retenu.

[34]           En ce qui concerne le motif d'opposition énoncé au sous‑alinéa 3a)(iii), l'Opposante allègue que la demande ne comporte pas un dessin précis et une représentation du Dessin parce que le paquet complet, y compris sa forme et sa taille, constitue le Dessin, et qu’aucun de ces éléments ne figure dans le dessin joint à la demande. Toutefois, dans son plaidoyer écrit et à l'audience, l'Opposante a soutenu que la Marque était un signe distinctif.

[35]           La Requérante s’est opposée à cet argument à l'audience parce qu’il n’est pas allégué dans le motif que la Marque est un signe distinctif. Je suis d’accord. Si l'Opposante voulait faire valoir que la Marque était un signe distinctif, elle aurait dû l'alléguer en application de l'alinéa 38(2)b) (comme elle l'a fait pour le dossier connexe de la demande no 1317128). 

[36]           L'Opposante allègue plutôt dans cet aspect du motif d’opposition que la demande ne comporte pas un dessin précis et une représentation de la Marque parce que le paquet complet, y compris sa forme et sa taille, constitue la Marque Dessin, et aucun de ces éléments ne figure dans le dessin joint à la demande. 

[37]           L’alinéa 30h) de la Loi est dispose :

30. Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant : […]

h) sauf si la demande ne vise que l’enregistrement d’un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque; […].

[38]           La Requérante m’a également renvoyée à l’énoncé de pratique du 6 décembre 2000 de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada qui indique ce qui suit sous la rubrique « Marques bidimensionnelles apposées sur des objets à trois dimensions » :

Selon un principe général valable pour toute demande d'enregistrement de marque bidimensionnelle, le dessin de la marque doit représenter seulement la marque et non la marque apposée sur un objet à trois dimensions.

[39]           Je suis d'accord avec la Requérante pour dire que sa demande est conforme à l'énoncé de pratique du 6 décembre 2000. À cet égard, bien que l'Opposante allègue que la Marque n'est pas bien décrite dans la demande parce que le paquet en entier n'est pas présenté, l'énoncé de pratique indique clairement qu'il est préférable pour les marques bidimensionnelles que le dessin de la marque représente seulement la marque et non la marque apposée sur un objet tridimensionnel sur lequel elle doit être appliquée. 

[40]           Dans Apotex Inc. c Monsanto Canada, Inc. (2000), 6 CPR (4th) 26 (CF 1re inst), la Cour fédérale a statué que pour respecter l'alinéa 30h), le dessin présenté doit être une représentation significative de la Marque dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande et doit permettre de déterminer les limites de l'objet sur lequel la couleur est appliquée. À cet égard, la demande telle que produite représente clairement au moyen de la ligne pointillée la surface du paquet sur lequel la couleur orange doit être appliquée. La description de la Marque dans la demande délimite clairement la marque à la surface visible de l'emballage comme le montre le dessin. La Requérante n'allègue pas que l'emballage constitue sa marque de commerce, elle allègue plutôt qu’il s’agit du paquet dans la mesure où il définit les limites de la couleur orange revendiquée. Comme je suis convaincue que le dessin présenté par la Requérante respecte les exigences 30h), ce motif d'opposition est donc rejeté.

Motifs relatifs à l’enregistrabilité

[41]           En ce qui concerne le motif d’opposition énoncé à l’alinéa 3b), l'Opposante allègue qu'en vertu de l'alinéa 38(2)b), la Marque n'est pas enregistrable au motif que tout octroi d'emploi exclusif du Dessin à la Requérante risque de limiter déraisonnablement le développement de l'industrie, plus particulièrement la production, la commercialisation et la vente de produits de tabac fabriqués au Canada.

[42]           Selon mon interprétation, ce motif d'opposition indique que la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle contrevient au paragraphe 13(3) de la Loi. Dans Ipex Inc c Royal Group Technologies Limited dba Royal Pipe Company (2009), 77 CPR (4th) 297 (COMC), Mme Bradbury, membre de la COMC’  a souligné que le paragraphe 13(3) ne pouvait pas constituer le fondement d'un motif d'opposition en vertu de l'alinéa 38(2)b), car celui-ci vise les enregistrements, non les demandes, et ne renvoie pas à l'enregistrabilité. Je suis de cet avis. Dans l'hypothèse où je commettrais une erreur à cet égard, le motif d'opposition que l'Opposante a énoncé à l'alinéa 3b) ne serait pas retenu du fait que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau initial à cet égard.

Motif relatif au caractère distinctif

[43]           En ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, la date pertinente pour examiner les circonstances entourant cette question est la date de production de l'opposition (soit le 1er octobre 2007) (voir Andres Wines Ltd. c E & J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF), à la page 130, et Park Avenue Furniture Corp. c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF), à la page 424. La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa Marque est adaptée pour distinguer ses marchandises de celles d'autres propriétaires au Canada, ou qu’elle les distingue véritablement [voir Muffin Houses Inc. c The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)]. Enfin, l'Opposante a le fardeau de prouver les allégations de fait à l'appui de son motif fondé sur l'absence de caractère distinctif.

[44]           En l'espèce, l'Opposante doit établir que des tiers ont employé la couleur orange sur l'emballage de produits du tabac à tel point et de telle manière que celle-ci était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Motel 6, Inc. c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst), à la page 58]. En d’autres termes, il suffit uniquement que l'Opposante montre que des paquets orange étaient courants dans le commerce du tabac à la date pertinente [Novopharm c Astra Aktiebolag (2004), 36 CPR (4th) 158 (COMC), à la page 174]. L'Opposante n'est pas tenue de montrer que les acheteurs reconnaissaient la couleur orange des paquets de tabac comme marque de commerce [3M Co. c Tape Specialities Ltd (2008), 70 CPR (4th) 138 (COMC)].

[45]           La preuve produite par l'Opposante relativement à la vente au Canada de deux produits de cigarettes dont l’emballage, pourrait-on soutenir, est d’une teinte de la couleur orange (soit les cigarettes MORE de l'Opposante et les cigarettes NUMBER 7 de Philip Morris) est postérieure à la date pertinente pour ce motif d'opposition. À cet égard, l’affidavit de Mme Dyal indique que l'Opposante n'a pas commencé à vendre les cigarettes MORE au Canada avant octobre 2007. Les seuls renseignements concernant les cigarettes NUMBER 7 indiquent qu'elles ont commencé à être vendues au Canada en mars 2008 (contre‑interrogatoire de M. Bussey, questions 62 et 63). Compte tenu du fait que cette preuve n'est pas antérieure à la date de production de la déclaration d'opposition, j'estime qu'elle n'est pas pertinente pour la question du caractère distinctif. J’ai également estimé que le fait admis par M. Bussey selon lequel un autre tiers, Lanwest, offrait des cigarettes PODIUM saveur veloutée dans un paquet orange depuis juillet 2007, n'était pas pertinent pour ce motif d'opposition. À cet égard, en l'absence des chiffres de vente ou des dépenses de publicité pour ces cigarettes, il n'est pas possible d'établir la mesure dans laquelle cette marque était devenue connue au Canada avant la date pertinente.

[46]           En ce qui concerne les autres éléments de preuve de l'Opposante, comme je l’ai mentionné ci-dessus, la Requérante s'est opposée aux éléments de preuve de l'Opposante concernant la vente de produits qui n'étaient pas des cigarettes au motif qu'ils ne contenaient que du ouï‑dire et du double ouï‑dire. Bien qu'il soit reconnu que les affidavits de MM. Fortin, Tanton, Bower et Sue contiennent du ouï-dire, je leur ai accordé un certain poids, car j'estime que ces éléments de preuve répondent aux exigences de nécessité et de fiabilité.

[47]           La Requérante a également soutenu que la preuve de l'Opposante n'est pas pertinente parce qu'elle ne concerne pas précisément les cigarettes. À mon avis, puisque les cigarettes, les cigares, les cigarillos et le tabac non conditionné font tous partie de l'industrie du tabac, j'estime que la preuve visant les marchandises qui ne sont pas des cigarettes est pertinente pour ce motif d'opposition. À cet égard, je crois qu'il est possible d'établir une analogie entre l'industrie du tabac et l'industrie des boissons alcoolisées. Il a été statué que les vins, les spiritueux et autres boissons alcoolisées, comme les bières, font tous partie d'une industrie, nommément l'industrie de l'alcool [Carling Breweries Ltd. c Registrar of Trade-marks (1972), 8 CPR (2d), à la page 251]. Je crois qu'il est possible de dire la même chose pour les produits du tabac. Il y a également en l'espèce des éléments de preuve indiquant que les marchandises des parties pouvaient être vendues dans les mêmes points de vente au détail, voire même les unes à côté des autres.

[48]           Parmi les cinq produits du tabac de tiers à l'égard desquels M. Sue a fourni des données de ventes antérieures à la date pertinente, trois d'entre eux mentionnent le mot « peach » [pêche] sur leur emballage. Cela m'indique qu'il s'agit de la saveur associée à la marchandise. À mon avis, il s'ensuit que les consommateurs considéreraient que la couleur utilisée sur l'emballage était la couleur pêche par opposition à la couleur orange.    

[49]           Les deux autres produits à l'égard desquels M. Sue a fourni des données de ventes antérieures à la date pertinente étaient le tabac Amphora Mellow Blend et les cigares Hav‑A‑Tampa. L'emballage du tabac Amphora Mellow Blend est orange foncé et brun et l'emballage des cigares Hav‑A‑Tampa est blanc et orange, avec d'autres dessins. Les données de ventes du tabac Amphora Mellow Blend indiquent que 7 084 paquets ont été vendus en 2006 et 19 535 paquets en 2007. Les données de ventes des cigares Hav‑A‑Tampa indiquent que 38 675 paquets ont été vendus en 2006 et 40 864 paquets en 2007. Les affidavits de MM. Tanton, Bower et Fortin, pris ensemble, établissent que ces produits sont offerts en vente partout au Canada.

[50]           Bien que des photos de plusieurs autres paquets de produits du tabac soient jointes aux affidavits de MM. Tanton, Bower et Fortin, la majorité de ces paquets supplémentaires comporte aussi le mot pêche sur leur emballage. Parmi les exceptions, mentionnons le papier à cigarettes Juicy Jay Cigarette Paper (dont l'emballage indique une saveur à l'orange), les feuilles de tabac Juicy Blunts Orange Overload et le papier à rouler Smoking Rolling Paper (dont l'emballage mentionne « orange »). Bien que tous les auteurs de ces affidavits aient été en mesure de confirmer que ces produits du tabac avaient été offerts en vente dans la région avant la date pertinente, aucune donnée de vente n'a été fournie à leur égard.  

[51]           À mon avis, l'Opposante n'était pas tenue d’établir que la couleur orange telle qu'appliquée sur l'emballage était bien connue pour des produits du tabac au Canada avant la date pertinente, mais elle devait toutefois établir que la couleur orange telle qu'appliquée sur l'emballage était devenue connue par des tiers à un tel point et de telle manière qu'elle était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif. La jurisprudence n'établit pas clairement l'étendue des ventes ou de la publicité que l'Opposante doit fournir pour s'acquitter de son fardeau dans des situations comme celle de l'espèce. La preuve indique des ventes se situant entre 7 000 et 40 000 paquets de couleur orange pour le tabac Amphora Mellow Blend et les cigares Have‑A‑Tampa entre 2006 et 2007. À mon avis, ces chiffres de ventes semblent relativement faibles, particulièrement lorsqu'on les compare à la vente se situant entre neuf et onze millions de paquets du produit de la Requérante au cours de la même période. Comme j'estime que l'Opposante n'a pas établi que les paquets orange étaient courants dans le commerce du tabac à la date pertinente, l’Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif. Ce motif d’opposition n’est donc pas retenu.

Décision

[52]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

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