Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2014 COMC 225

Date de la décision: 2014-10-07

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de 88766 Canada Inc., visant l’enregistrement no LMC665,198 de la marque de commerce PROTECTION VITALE, au nom de Assomption Compagnie Mutuelle d’Assurance-Vie/Assumption Mutual Life Insurance Company

[1]               Le 12 mars 2013, à la demande de 88766 Canada Inc. (la Partie requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Assomption Compagnie Mutuelle d’Assurance-Vie/Assumption Mutual Life Insurance Company (l’Inscrivante), propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC665,198 pour la marque de commerce PROTECTION VITALE (la Marque).

[2]               Cet avis enjoignait l’Inscrivante de démontrer que sa Marque a été employée au Canada, à un moment quelconque entre le 12 mars 2010 et le 12 mars 2013 (la période pertinente), en liaison avec chacun des services spécifiés dans l’enregistrement, à savoir :

Services d'assurance, nommément: services d'assurance-maladie et d'assurance en cas de décès et de mutilation accidentels; services financiers, nommément: services de planification financière. (Ci-après parfois collectivement référés les Services.)

Et, dans la négative, la date à laquelle la Marque a été employée pour la dernière fois et la(les) raison(s) de son défaut d’emploi depuis cette date.

[3]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit un affidavit de Nathalie Allaire, Directrice des communications et du marketing au sein de l’Inscrivante, assermentée le 22 avril 2013.

[4]               Les deux parties ont produit des représentations écrites. Seule l’Inscrivante était représentée à l'audience tenue dans ce dossier.

Analyse

[5]               Il est bien établi que l’objet et la portée de l’article 45 de la Loi est de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à débarrasser le registre du « bois mort »; c’est pourquoi le test applicable est peu exigeant. Comme l’a affirmé le juge Russell dans Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF), à la p. 282 :

Nous savons que l’objet de l’article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l’emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l’article 45 et d’appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d’une affaire à l’autre, en fonction d’une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[6]               L’emploi en liaison avec des services est décrit comme suit au paragraphe 2 de l’article 4 de la Loi :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[7]               Considérant plus en détail la preuve soumise par l’Inscrivante, Mme Allaire affirme essentiellement ce qui suit :

         l’Inscrivante est une compagnie d’assurance constituée en vertu d’un projet de loi privée de la province du Nouveau-Brunswick. Elle œuvre dans le domaine des services financiers depuis 1903 [paragraphe 2];

         la gamme de produits offerts par l’Inscrivante comprend, entre autres, l’assurance-vie individuelle, l’assurance collective (vie, santé, dentaire, invalidité), les placements grâce aux fonds distincts et comptes à intérêt garanti (et les véhicules suivants : REER individuels et collectifs, CELI, FERR, FRV, CRI, des régimes de pension, des rentes) et les prêts hypothécaires [paragraphe 3];

         s’agissant plus particulièrement de la Marque, celle-ci est détenue par l’Inscrivante depuis son enregistrement le 30 mai 2006 [paragraphe 4];

         depuis 2006, l’Inscrivante emploie la Marque en liaison avec les Services [paragraphe 5]; et

         en date du 16 avril 2013, l’Inscrivante « est heureuse de servir quelques centaines de clients qui ont acheté ce produit d’assurance-vie. Dans [ses] communications avec [ses] clients, [l’Inscrivante réfère] encore au produit en utilisant la [Marque] » [mon soulignement] [paragraphe 9].

[8]               Au soutien de ses affirmations d’emploi, Mme Allaire joint à son affidavit, les pièces suivantes :

         Annexe A : copie d’encarts et des informations publiées sur le site Web de l’Inscrivante. Il ressort du témoignage de Mme Allaire que les encarts destinés au public ont été distribués « principalement par la force de vente » entre la mi-année 2006 et le mois de mai 2012 [paragraphe 6].

À la revue de la première page de l’encart reproduit à l’Annexe A, je note que les services offerts sous la Marque sont décrits comme des services d’assurance « en cas de maladies graves ». Plus particulièrement, cette assurance est décrite comme  « couvrant les maladies les plus courantes, dont certains types de cancer, l’AVC et la crise cardiaque » et incluant une «[c]ouverture des décès et mutilations accidentels » aussi décrite comme une « [g]arantie décès et mutilation accidentels »;

         Annexe B : copie d’une affiche et d’une brochure promotionnelle distribuées par l’Inscrivante à son réseau de vente à travers le Canada entre septembre 2007 et mai 2012. Mme Allaire explique que ces « outils marketing » ont pour but « de résumer les éléments essentiels [des] produits [de l’Inscrivante] dont celui qui se nomme ‘PROTECTION VITALE’ » [mon soulignement].

À la revue de ces documents, je note que les services décrits sous la Marque consistent en des services d’assurance. Plus particulièrement, ceux-ci sont décrits de la manière suivante dans la brochure datée de « NOV11 » :

Une couverture qui permet à vos clients de se concentrer sur leur guérison.

Protection Vitale, notre assurance vie en cas de maladies graves, offre une protection financière essentielle à vos clients et à leur famille. Ils peuvent ainsi se concentrer sur leur guérison en toute tranquillité. [mon soulignement]

         Annexe C : copie des textes des messages téléphoniques en attente qui furent placés sur les lignes téléphoniques de l’Inscrivante accessibles au public. Mme Allaire explique que ces messages ont été diffusés de façon aléatoire et entendus par les clients dont les appels étaient placés en attente. Y est fait mention de la Marque de la manière suivante :

Vous rétablir ou guérir d’une maladie grave sans vous soucier de vos engagements financiers, voilà ce qu’offre Protection Vitale. Parlez-en à un de nos conseillers.

[9]               La Partie requérante a fait plusieurs représentations concernant la preuve soumise par l’Inscrivante. J’estime que celles-ci couvrent, pour l’essentiel, les questions suivantes :

i)                    L’emploi démontré couvre-t-il la période pertinente?

[10]           Je conviens avec l’Inscrivante que contrairement aux représentations de la Partie requérante, la période d’emploi démontrée par l’Inscrivante couvre notamment un «moment quelconque » durant la période pertinente. Le fait qu’une partie de cet emploi ait débuté avant la période pertinente ne saurait être reproché à l’Inscrivante. De même, le fait que les pièces jointes à l’affidavit de Mme Allaire ne couvrent pas la totalité de la période pertinente n’est pas problématique en soi puisque l’Inscrivante n’a qu’à démontrer l’emploi de la Marque à un « moment quelconque » au cours de la période pertinente.

ii.         L’emploi démontré équivaut-il à l’emploi de la Marque?

[11]           Je conviens de plus avec l’Inscrivante que contrairement aux représentations de la Partie requérante, l’emploi démontré par les pièces jointes à l’affidavit de Mme Allaire, dont plus particulièrement les versions françaises des brochures retrouvées aux Annexes A et B, équivaut à l’emploi de la Marque. Le fait que la Marque soit tantôt employée comme telle (c.-à-d. comme marque nominale), tantôt sous forme de logo (tel que reproduit ci-après), n’est pas problématique en soi.

[12]           Même sous forme de logo, la Marque conserve son identité et demeure reconnaissable. [Voir Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF); Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].

iii.        L’emploi démontré vaut-il pour chacun des Services?

[13]           Je conviens avec l’Inscrivante que celle-ci a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les services décrits comme :

Services d'assurance, nommément: services d'assurance-maladie et d'assurance en cas de décès et de mutilation accidentels.

[14]           Qu’il suffise de rappeler sur ce point que l’encart reproduit à l’Annexe A de l’affidavit de Mme Allaire décrit les services offerts sous la Marque comme une assurance « couvrant les maladies les plus courantes, dont certains types de cancer, l’AVC et la crise cardiaque » et incluant une «[c]ouverture des décès et mutilations accidentels » aussi décrite comme une « [g]arantie décès et mutilation accidentels ».

[15]           Par contre, je conviens avec la Partie requérante que l’Inscrivante n’a pas démontré l’emploi de la Marque en liaison avec la deuxième catégorie de services décrits à l’enregistrement, à savoir les « services financiers, nommément: services de planification financière ».

[16]           Dans ses représentations écrites et/ou lors de l’audience, l’Inscrivante a fait valoir qu’en tant que compagnie d’assurance dûment constituée en vertu de la législation néo-brunswickoise, elle est habilitée à offrir des services financiers. Elle a également fait valoir que l’expression « services financiers » s’entend au sens large comme englobant des « services d’assurance » ou vice versa.

[17]           Que l’Inscrivante soit habilitée ou non à rendre des services financiers n’est pas la question. La question est plutôt de savoir si l’Inscrivante a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec pareil type de services.

[18]           Or, la position de l’Inscrivante selon laquelle les services d’assurance offerts sous la Marque valent également pour l’emploi de la Marque en liaison avec des services de planification financière en raison du fait que « toute vente de produit d’assurance implique que le représentant [de l’Inscrivante] effectue une analyse préalable des besoins [du client] en matière de services financiers et qu’il rend, à cet effet, des services de planification financière au nom de [l’Inscrivante] lorsqu’il vend une police d’assurance portant le nom ‘PROTECTION VITALE’ » ne résiste pas à l’analyse.

[19]           Il convient tout d’abord de mentionner sur ce point que l’Inscrivante a tenté d’introduire en preuve, par le biais de sa liste d’autorités transmise en vue de l’audience tenue dans le présent dossier, une référence à l’Insurance Act, RSNB 1973, c I-12 et une référence à la définition de « financial services » retrouvée sur le site Wikipedia.org. Qu’il suffise de mentionner que ces références s’avèrent non pertinentes en l’espèce.

[20]           En effet, l’état déclaratif des services identifie expressément deux catégories de services, séparées par un point-virgule, à savoir la catégorie des services d’assurance d’une part, et celle des services financiers d’autre part. Ces catégories de services sont de plus expressément définies comme consistant nommément en des « services d'assurance-maladie et d'assurance en cas de décès et de mutilation accidentels » et des « services de planification financière » respectivement.

[21]           Tant Mme Allaire elle-même que l’ensemble des pièces jointes à son affidavit décrivent le produit offert sous la Marque comme un produit d’assurance. Point.

[22]           Le fait que pareille assurance soit décrite dans la brochure de « NOV11 » mentionnée plus haut comme offrant « une protection financière essentielle » aux clients de l’Inscrivante et à leur famille en cas de maladies graves, ne signifie pas pour autant que l’Inscrivante offre, à proprement parler, des « services financiers, nommément des services de planification financière » sous la Marque.

[23]           Il convient de rappeler sur ce point que Mme Allaire, dans les paragraphes introductifs de son affidavit décrivant de manière générale les activités de l’Inscrivante, fait elle-même la distinction entre les produits d’assurance de l’Inscrivante et ses autres types de produits décrits notamment comme comprenant les placements grâce à des fonds distincts et comptes à intérêt garanti, et les prêts hypothécaires [voir paragraphe 3 de son affidavit]. Le fait que les services financiers et d’assurance de l’Inscrivante puissent se compléter l’un et l’autre ne saurait être suffisant en soi pour inférer en l’espèce que l’Inscrivante a employé la Marque en liaison avec des services de planification financière au cours de la période pertinente. Il convient de répéter sur ce point que l’affidavit de Mme Allaire passe complètement sous silence le prétendu volet « services de planification financière » offert sous la Marque.

Décision

[24]           Compte tenu de tout ce qui précède, et en l’absence de circonstances exceptionnelles pouvant justifier le non emploi de la Marque en liaison avec la catégorie de services financiers, l’enregistrement sera par conséquent modifié de manière à retrancher de l’état déclaratif pareils services.

[25]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera donc maintenu en ce qui a trait aux seuls services suivants :

Services d'assurance, nommément: services d'assurance-maladie et d'assurance en cas de décès et de mutilation accidentels.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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