Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION DE

Victory Cycle Ltd.

à la demande no 1 050 320

produite par Polaris Industries Inc.

en vue de l’enregistrement de la marque de commerce VICTORY

 

 

Le 10 mars 2000, la requérante, Polaris Industries Inc., a déposé une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce VICTORY fondée sur l’emploi projeté de la marque de commerce en liaison avec des véhicules-jouets et des jouets enfourchables.

 

La demande a été publiée en vue de la procédure d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 28 novembre 2001.  L’opposante, Victory Cycle Ltd., a déposé une déclaration d’opposition le 26 avril  2002.  La requérante a déposé et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste les allégations de l’opposante.

 

À titre de preuve relative à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, l’opposante a déposé l’affidavit de Dan Harrietha (le président de l’opposante) et une copie certifiée conforme de l’enregistrement no TMA557,789 de la marque de commerce.

 

Quant à la preuve relative à l’article 42 du Règlement, la requérante a déposé l’affidavit de sa vice-présidente et avocate-conseil, Mary P. McConnell.

 

Pour ce qui est de la preuve exigée par l’article 43 du Règlement, l’opposante a déposé des copies certifiées conformes de l’historique du dossier pour les demandes de marques de commerce canadiennes qui portent les numéros 876 811 et 836 594.

 

Seule la requérante a déposé une plaidoirie écrite.  Aucune audience n’a été demandée.

 

L’opposante doit s’acquitter du fardeau initial de la preuve à l’égard de chacun des motifs d’opposition.  L’opposante doit produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de ses motifs d’opposition. [Voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293 à la page 298.]  Toutefois, la loi impose à la requérante le fardeau d’établir que sa demande satisfait aux exigences de la Loi sur les marques de commerce.

 

Le premier motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce, l’opposante alléguant que les marchandises n’ont pas été décrites explicitement ou ne l’ont pas été dans les termes ordinaires du commerce.  Cependant, l’opposante n’a produit aucune preuve ni présenté aucun argument qui explique pourquoi elle croit que les « véhicules-jouets et les jouets enfourchables » ne répondent pas aux exigences de l’alinéa 30a).  Par conséquent, l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial de la preuve et ce motif est donc rejeté.

 

Le deuxième motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi, l’opposante alléguant que la requérante, ayant été au courant de la marque de commerce VICTORY CYCLE et des noms commerciaux VICTORY CYCLE et VICTORY CYCLE LTD. employés antérieurement par l’opposante, ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce demandée au Canada.  L’opposante plaide que la marque de la requérante crée de la confusion avec la marque de commerce et les noms commerciaux de l’opposante.

 

L’opposante a déposé des éléments de preuve qui montrent l’emploi de sa marque de commerce VICTORY CYCLE et du nom commercial VICTORY CYCLE LTD. antérieurement à la date pertinente du 10 mars 2000.  Elle a aussi prouvé que la requérante était au courant de ses activités en déposant une copie de la déclaration d’opposition que l’opposante a produite contre la demande n836 594 de la requérante pour VICTORY.  Dans cette déclaration d’opposition, qui a été signifiée à l’opposante le 29 février 2000, on allègue l’utilisation antérieure de la marque de commerce VICTORY CYCLE et des noms commerciaux VICTORY CYCLE et VICTORY CYCLE LTD. de l’opposante. L’opposante s’est donc déchargée du fardeau initial de la preuve pour ce qui est du motif prévu à l’alinéa 30i). Son succès au regard de ce motif dépend de la question de savoir s’il est raisonnable de conclure que la marque et les noms n’ont pas créé de confusion à compter du 10 mars 2000. Les questions liées à la confusion seront traitées ci-dessous au regard d’autres motifs.

 

Pour ce qui est du troisième motif d’opposition, on allègue que la marque de commerce de la requérante ne peut être enregistrée parce qu’elle crée de la confusion avec la marque déposée VICTORY CYCLE de l’opposante, qui fait l’objet de l’enregistrement no TMA557,789 pour l’emploi en liaison avec la vente au détail et la réparation de motocyclettes, pièces et accessoires.

 

La date pertinente, pour ce qui est de l’alinéa 12(1)d), est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. Le critère de la confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. En appliquant le critère de la confusion formulé au paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. Les facteurs expressément énoncés au paragraphe 6(5) sont : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. L’importance à accorder à chaque facteur pertinent peut varier selon les circonstances [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.); Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Le mot VICTORY a un caractère distinctif inhérent pour ce qui est des marchandises et des services des deux parties, parce qu’il n’est en rien lié à la nature de ces marchandises et de ces services. Le mot CYCLE, bien sûr, n’a pas un caractère distinctif inhérent pour ce qui est des services de l’opposante liés aux motocyclettes, mais cela n’empêche pas la marque de l’opposante de présenter un caractère distinctif inhérent dans son ensemble.

 

Même si Mme McConnell atteste que la requérante a employé sa marque au Canada et qu’elle en a fait la promotion sur Internet, il n’y a aucune preuve du nombre des ventes ni aucune preuve que les Canadiens ont vu les publicités sur Internet. D’autre part, M. Harrietha a fourni les chiffres de ventes annuelles réalisées au Canada par l’opposante et les dépenses reliées à la publicité pendant les années 1995 à 2001. Il a également fourni des copies de messages publicitaires et documents qui ont circulé au Canada et qui comportent sa marque de commerce. Bien que les ventes et la publicité de l’opposante ne soient pas considérables, j’estime, d’après la preuve, que la marque de commerce de l’opposante est devenue plus connue au Canada que la marque de commerce de la requérante. Un examen du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)b) joue donc en faveur de l’opposante.

 

La marque de l’opposante est employée au Canada depuis 1995, tandis que la requérante, selon la preuve, revendique l’utilisation de sa marque depuis « juin ou vers juin 2001 ». Par conséquent, l’alinéa 6(5)c) favorise l’opposante.

 

Les marchandises de la requérante ne sont pas les mêmes que celles liées aux services de l’opposante. Cependant, la description des marchandises de la requérante est suffisamment vaste pour comprendre des motocyclettes-jouets, si bien qu’il y a un rapport entre les marchandises de la requérante et les services de l’opposante liés aux motocyclettes. Le souscripteur d’affidavit de la requérante a effectivement fourni une [traduction] « photographie représentative » de ses marchandises VICTORY. La photographie montre un modèle réduit de motocyclette. De plus, nous avons obtenu des pages du site Web de la requérante qui montrent un modèle réduit de motocyclette, de camion-tirelire et de dragster. Ce sont des reproductions à édition limitée, dont les prix varient de 59,99 $ à 74,99 $ (probablement en dollars américains). Quoique Mme McConnell affirme que la marque a commencé à être employée en ce qui concerne les véhicules-jouets et les jouets enfourchables, je ne vois aucune preuve dans les pièces pour ce qui est des jouets enfourchables.

 

On s’attendrait à ce que les véhicules-jouets et les jouets enfourchables soient vendus par des magasins de jouets et autres réseaux de distribution semblables, et Mme McConnell déclare que les jouets de marque VICTORY de la requérante sont vendus au Canada par Walmart et par des détaillants d’objets récréatifs. L’opposante semble avoir un établissement à Brampton, en Ontario, mais sa marque de commerce figure sur des affiches présentées et vendues dans les BB Stunt Shows, qui se tiennent en Ontario et au Québec. En 1999, l’opposante est devenue promoteur des BB Stunt Shows, qui comportent en général des acrobaties de motocyclettes.

 

Il y a un haut degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son et dans les idées qu’elles suggèrent.

 

Comme autre circonstance de l’espèce, je remarque que la requérante a affirmé dans sa demande de marque de commerce no 836 594 (déposée le 14 février 1997) qu’elle a l’intention d’utiliser la marque de commerce VICTORY au Canada en liaison avec des motocyclettes.

 

La déclaration assermentée de M. Harrietha en ce qui concerne la confusion chez les clients constitue une circonstance particulière additionnelle. Il déclare au paragraphe 12 de son affidavit :

[traduction] L’opposante a reçu des demandes de renseignements de clients victimes de la confusion. Certains clients commencent leur conversation au sujet des spécifications et c’est seulement durant la conversation que nous découvrons qu’ils voulaient en fait la version Polaris de Victory cycle. L’opposante reçoit de nombreux appels téléphoniques de personnes qui demandent si nous sommes Polaris. Les clients demandent le prix de produits que nous ne vendons pas. Nous recevons même occasionnellement des plaintes acheminées à l’opposante par erreur.

 

Dans sa plaidoirie écrite, la requérante fait valoir que [traduction] « la preuve alléguée relative à la confusion » devrait être rejetée comme ouï-dire non admissible, parce que [traduction] « la seule référence concernant la source d’information est l’"opposante" (une société) par opposition à la connaissance personnelle du souscripteur d’affidavit ». Je suis toutefois prête à accorder une certaine valeur à la preuve pour les motifs suivants : 1) la requérante n’a pas contre-interrogé M. Harrietha; 2) M. Harrietha est à la fois président et propriétaire de l’opposante; 3) M. Harrietha a affirmé sous serment : [traduction] « à moins d’indication contraire, je suis personnellement au courant des questions en cause »; 4) M. Harrietha n’a pas utilisé la première personne dans son affidavit après la phrase citée ci-dessus et a plutôt utilisé le mot « opposante ».

 

La question à trancher est de savoir si un client qui a un souvenir général et imprécis de la marque de l’opposante sera porté à croire, en voyant la marque de la requérante, que les marchandises et services des parties ont une origine commune. Un examen de toutes les circonstances m’amène à conclure que, selon la prépondérance de la preuve, il y a une probabilité raisonnable de confusion entre les marques à la date d’aujourd’hui. Même si Mme McConnell déclare qu’à son avis, il n’y a aucune possibilité de confusion entre les marques des parties parce que la requérante vend ses marchandises [traduction] « par des moyens différents de ceux de l’opposante », je ne suis bien sûr pas liée par son opinion. De plus, je ne suis pas convaincue que des différences dans les circuits de commerce rendraient nécessairement la confusion peu probable, étant donné qu’on peut supposer que quelqu’un qui achète une version collectionneur d’une motocyclette croit qu’il s’agit d’une reproduction de la « vraie chose ». Tel que le montrent les pièces à l’appui de M. Harrietha, la marque de commerce de l’opposante apparaît sur les motocyclettes qui participent à des courses et à des spectacles d’acrobatie et il n’y a aucune preuve qu’un client qui est familier avec l’entreprise de l’opposante conclurait, à première vue, qu’une motocyclette-jouet VICTORY n’est pas une reproduction des motocyclettes en liaison avec l’entreprise de l’opposante.

 

Dans les quatrième et cinquième motifs d’opposition, on allègue que la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce, en raison de la confusion créée avec la marque de commerce VICTORY CYCLE de l’opposante et son nom commercial VICTORY CYCLE LTD., employés antérieurement et de façon continue en liaison avec les ventes au détail et les services de motocyclettes, pièces et accessoires. La date pertinente en ce qui concerne ces motifs d’opposition est la date du dépôt de la demande. L’opposante a satisfait à son fardeau initial quant au droit à l’enregistrement en démontrant qu’elle a employé sa marque de commerce et son nom commercial avant que la requérante ne dépose sa demande, et en prouvant qu’elle ne l’avait pas abandonnée à la date de la publication de la demande de la requérante. Comme je ne considère pas que la preuve à partir de la date pertinente du 10 mars 2000 est considérablement différente de la preuve en date d’aujourd’hui, j’arrive à la même conclusion, en ce qui a trait à la probabilité de confusion pour ces motifs, que pour ce qui concerne l’enregistrabilité. Par conséquent, les motifs d’opposition liés au droit à l’enregistrement sont également fondés.

 

Comme l’opposante a déjà eu gain de cause sur plus d’un motif d’opposition, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition.

 

Ayant été déléguée par le Registraire des marques de commerce en conformité avec le paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je refuse la demande de la requérante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO, EN ONTARIO, LE 25 JUILLET 2005.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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