Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

RELATIVEMENT À L’OPPOSITION de Neil P. Kelly,

faisant affaires sous le nom Creative Edge Communications,

à la demande no 834,984 produite par James M. Alexander et maintenant inscrite au nom de James M. Alexander, faisant affaires sous le nom de Creative Edge Communications, en vue d’obtenir l’enregistrement de la marque de commerce CREATIVE EDGE COMMUNICATIONS

                                                                                                                                                     

 

Le 31 janvier 1997, M. James M. Alexander, requérant en la présente instance, a produit une demande d’enregistrement pour la marque CREATIVE EDGE COMMUNICATIONS fondée sur l’emploi de la marque de commerce au Canada depuis le 29 janvier 1987 en liaison avec les services suivants :

 

[TRADUCTION]

(1) Services en production de films et vidéo, notamment des services de rédaction, de production et de réalisation.  Services de communication, notamment des services de conseil, de recherche, de rédaction et de révision.       

 

Le  11 février 1997, le requérant a produit une demande révisée, laquelle indique comme requérant M. James M. Alexander, unique propriétaire de Creative Edge Communications.  Une autre demande révisée a été produite le 20 février 1997, laquelle indique comme requérant M. James M. Alexander, faisant affaires sous le nom de Creative Edge Communications, Inc.  Une dernière demande révisée a été produite le 17 février 1999, laquelle indique comme requérant M. James M. Alexander, faisant affaires sous le nom de Creative Edge Communications.   

 

Le 26 mars 1997, la demande a été annoncée aux fins de la procédure d’opposition.

 


L’opposant, M. Neil P. Kelly, faisant affaires sous le nom Creative Edge Communications, a produit une déclaration d’opposition le 17 septembre 1997.  Selon le premier motif d’opposition, la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), en ce que le requérant n’avait pas employé sa marque de commerce à la date revendiquée dans sa demande, ni avant ni à aucun autre moment.  Dans son deuxième motif d’opposition, l’opposant soutient que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) en ce que la demande n’a pas été valablement produite avant la production de la demande no 807,934 de l’opposant en vue d’obtenir l’enregistrement de la marque de commerce CREATIVE EDGE COMMUNICATIONS, laquelle a été produite le 25 mars 1996 et était fondée sur l’emploi de la marque depuis le 20 juillet 1995 en liaison avec des services de création littéraire, de travail éditorial, de traduction, de rédaction de discours et de conseil en communication.  En conséquence, l’opposant allègue que le requérant n’a pas droit à l’enregistrement du fait que l’opposant a une demande en instance.  Le troisième motif d’opposition indique que la marque visée par la demande n’est pas distinctive compte tenu des faits allégués par l’opposant et du fait qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les services en liaison avec lesquels elle est employée par le requérant des marchandises ou services d’autres propriétaires, y compris les marchandises de l’opposant.

 

Le requérant a produit sa contre‑déclaration le 27 octobre 1997, dans laquelle il nie de façon générale les allégations figurant à la déclaration d’opposition.  La preuve fournie par l’opposant consiste en l’affidavit de M. Neil P. Kelly.  Les deux affidavits de M. James M. Alexander constituent la preuve du requérant.  M. Alexander a été contre‑interrogé sur le contenu de son premier affidavit, et la transcription du contre‑interrogatoire, de même que les pièces et les réponses aux engagements, font partie du dossier en l’instance.  Les deux parties ont produit une argumentation écrite et elles étaient représentées lors de l’audience.

 

S’agissant des deux premiers motifs, il incombe au requérant de démontrer que sa demande est conforme à l’article 30 de la Loi.  Les deux questions auxquelles il doit répondre pour s’acquitter de son fardeau sont de savoir si sa demande respecte les exigences de forme prévues à l’article 30 et si les déclarations qu’elle contient sont exactes.  Toutefois, dans la mesure où l’opposant étaye ses motifs fondés sur l’article 30 par des allégations de fait, c’est à lui qu’incombe le fardeau initial de prouver ces allégations (voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. v. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; et John Labatt Ltd. v. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293).  Pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe sur une question donnée, l’opposant doit soumettre suffisamment d’éléments de preuves admissibles pouvant raisonnablement permettre de conclure à l’existence des faits allégués à cet égard (voir John Labatt Limited v. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298).

 


S’agissant tout d’abord de l’examen du motif fondé sur l’alinéa 30b), le fardeau initial, comme je l’ai souligné précédemment, incombe à l’opposant qui doit établir les faits sur lesquels il s’appuie pour étayer ce motif.  À cet égard, pour ce qui est de la question de non‑conformité à l’alinéa 30b), son fardeau de preuve est moins exigeant (see Tune Masters v. Mr. P.s Mastertune, 10 C.P.R. (3d) 84, à la page 89).  L’opposant peut s’appuyer sur la preuve du requérant pour s’acquitter du fardeau qui lui incombe eu égard à ce motif (voir La compagnie de brassage Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson, société en nom collectif, 68 C.P.R. (3d) 216, à la page 230) mais s’il le fait, il devrait établir que la preuve du requérant est « manifestement » incompatible avec les allégations énoncées dans sa demande.  Enfin, l’alinéa 30b) exige également l’emploi continu de la marque depuis la date revendiquée (voir Georgia-Pacific Corp. v. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469, à la page 475).                     

 

S’agissant de ce motif d’opposition, l’opposant se fonde en partie sur l’affidavit de M. Neil P. Kelly dans lequel ce dernier indique qu’il est rédacteur de discours pour les ministres et les cadres supérieurs, et qu’il est titulaire d’une demande en co‑instance pour la marque CREATIVE EDGE COMMUNICATIONS.  Dans son affidavit, M. Kelly décrit comment il a mené ses propres enquêtes afin de déterminer si les termes CREATIVE EDGE COMMUNICATIONS étaient disponibles aux fins d’enregistrement en liaison avec ses services.  Selon les résultats qu’il a obtenus, aucune inscription pour Creative Edge Communications ne figure ni dans divers annuaires téléphoniques locaux, ni dans des publications, ni dans le cadre d’une recherche de noms d’entreprises effectuée par CCNC Corporate Services Ltd., soit avant la date de premier emploi revendiquée, soit après. 

 

L’opposant a également fait plusieurs observations sur la preuve du requérant afin d’établir que la marque n’avait pas été employée depuis la date de premier emploi revendiquée (soit, le 29 janvier 1987).  En premier lieu, l’opposant soutient que la preuve du requérant n’établit pas que ce dernier avait exécuté des services à la date de premier emploi.  À cet égard, l’opposant fait remarquer que la seule facture présentée par le requérant concernant l’exécution de services date de mars 1987 et porte sur des services exécutés en février 1987 (voir la pièce E annexée au premier affidavit de M. Alexander). En deuxième lieu, l’opposant soutient que la preuve du requérant n’établit pas que la marque a été employée ou montrée à des fins publicitaires à la date de premier emploi.  À cet égard, l’opposant souligne l’extrait suivant tiré du témoignage de M. Alexander pendant son contre‑interrogatoire : 

[TRADUCTION]

Q.                 Vous utilisez lexpression « continuellement en activité » au paragraphe 3 de votre affidavit pour décrire vos activités.  Vous dites : « Mon entreprise, Creative Edge Communications, a continuellement été en activité depuis le 29 janvier 1987 ».  Le voyez‑vous, là?

R.         Oui.

Q.                N’est‑il pas vrai qu’on pourrait dire que votre façon de concevoir l’expression « continuellement en activité » pourrait comprendre votre décision de vous donner le nom Creative Edge Communications, d’annoncer et de faire connaître vos services sous ce nom commercial?

R.        Je l’ai jugé à propos.

Q.                Mais c’est à ce moment, lorsque vous avez obtenu l’enregistrement du nom commercial, que vous n’avez plus eu d’hésitation pour annoncer et faire connaître vos services?

R.        Je n’ai pas hésité, mais le droit d’annoncer n’était pas nécessairement une obligation de ma part.

Q.                 Alors, c’est à ce moment, lorsque vous avez obtenu le nom commercial, c’est le moment où vous avez donc, en fait, commencé à annoncer activement vos services sous le nom commercial Creative Edge Communications, nest‑ce pas?


R.         Pouvez‑vous préciser ce que vous entendez par « annoncer »?

Q.                Essayer d’obtenir du travail.

R.                 Oui, à ce moment-là j’essayais d’obtenir du travail par le bouche à oreille, des appels téléphoniques et ainsi de suite.

Se fondant sur le témoignage reproduit ci‑dessus, l’opposant soutient que la preuve du requérant donne à penser que l’enregistrement du nom commercial était la seule chose qui s’est produite à la date de premier emploi revendiquée.  Même si le requérant paraissait également avoir commencé à solliciter du travail à cette date, rien n’indique que la marque était, à cette date, employée ou montrée, dans l’annonce de ses services, de la manière prescrite au paragraphe 4(2) de la Loi.  L’opposant s’appuie également sur le fait que le requérant n’a commencé à utiliser le papier à lettre avec l’en‑tête de son entreprise et ses cartes d’affaires qu’en juin 1987 (voir la transcription du contre‑interrogatoire de M. Alexander, pièce 1 et q. 23 et 24).  En troisième lieu, l’opposant soutient que la preuve du requérant est contradictoire concernant la date exacte de l’ouverture de son compte bancaire commercial en liaison avec la marque de commerce (affidavit de M. Alexander, par. 6; transcription de son contre‑interrogatoire, pages 28 à 30 et réponses aux engagements, réponse #3).  Enfin, l’opposant allègue que le deuxième affidavit de M. Alexander (ainsi que l’affidavit de Steven Leach) démontre qu’en fait le requérant n’a pas employé sa marque en liaison avec la rédaction d’un discours pour le Ministre Lloyd Axworthy, le contrat de rédaction du discours ayant été conclu entre Corvideocom et le ministère des Affaires étrangères, et la marque du requérant n’apparaissant nulle part sur le CD-ROM produit sous la cote A au soutien du deuxième affidavit de M. Alexander.  

 

Le requérant allègue qu’il emploie la marque visée par la demande depuis le 29 janvier 1987.  Pour étayer cette allégation, il se fonde sur les éléments suivants dans son argumentation écrite :

 

a)                  M. Alexander a déclaré sous serment que son entreprise CEC a continuellement été en activité à Ottawa depuis le 29 janvier 1987 et qu’il s’agissait du seul moyen dont il disposait depuis cette date pour pourvoir à ses besoins et à ceux de sa conjointe et de leurs trois enfants. (Affidavit de M. Alexander, par. 3)

 

b)                  Le 29 janvier 1987, M. Alexander a obtenu du ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario l’enregistrement du nom commercial CEC et, ultérieurement, des renouvellements le 27 juillet 1992 et le 3 juillet 1997.  (Affidavit de M. Alexander, pièce A)

 

c)                  Au moment où le nom commercial a été enregistré, le 29 janvier 1987, le requérant essayait déjà « d’obtenir du travail par le bouche à oreille, des appels téléphoniques et ainsi de suite ». (Transcription du contre‑interrogatoire de M. Alexander, p. 24, q. 120)

 

d)                 Peu après le 29 janvier 1987, le requérant a ouvert un compte bancaire et il a produit une facture pour des services exécutés en février 1987.

 

 


La preuve du requérant démontre également qu’il a annoncé ses services dans diverses publications, notamment le 1988-1989 Eastern Canada Film and Video Guide; le répertoire des écrivains indépendants d’Ottawa (éditions de 1991‑92 et de 1994); un répertoire publié par l’Association des écrivains indépendants d’Ottawa et distribué à ses membres, aux entreprises clientes et aux clients gouvernementaux; le Ottawa Region Film and Television Production Guide (éditions de 1992-93 et de 1998‑99); et le Guide national des services de rédaction et de révision 1998‑1999.  M. Alan White, président de Corvideocom, indique dans une lettre, produite sous la cote F au soutien du premier affidavit de M. Alexander, que depuis 1987 le souscripteur de l’affidavit a régulièrement fourni à son entreprise de nombreux services, notamment des services de rédaction, de réalisation et de production et, en particulier, la rédaction d’un discours pour un ministre fédéral, client de M. White.  

 

Comme je l’ai déjà mentionné, la question est de savoir si la preuve du requérant est manifestement incompatible avec la date de premier emploi qu’il revendique (soit, le 29 janvier 1987).  Le paragraphe 4(2) de la Loi est ainsi libellé :

 

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou dans l’annonce de ces services.             

 

La jurisprudence reconnaît par ailleurs que, dans la mesure où les services peuvent être exécutés au Canada, les exigences du par. 4(2) sont pleinement respectées du moment que la marque a été employée ou montrée dans l’annonce des services (voir Wenward (Canada) Ltd. v. Dynaturf Co., 28 C.P.R. (2d) 20).                                               

 

S’agissant de la preuve de l’opposant, je ne suis pas convaincu que la preuve de M. Leach soit suffisante pour établir que le requérant n’avait pas employé sa marque de façon continue depuis la date revendiquée.  À cet égard, le fait qu’il n’y ait aucune mention de son nom commercial dans plusieurs annuaires téléphoniques locaux, des publications et une recherche de nom commercial n’est pas en soi suffisant pour mettre en doute la date à laquelle il déclare avoir employé sa marque.  Le requérant a produit le certificat d’enregistrement qu’il a obtenu du ministère de la Consommation et du Commerce de l’Ontario pour son nom commercial, et il a également produit des copies de plusieurs autres annuaires locaux, parus entre 1988 et 1999, dans lesquels figure sa marque de commerce.

 


S’agissant des arguments de l’opposant concernant la preuve du requérant, je conviens avec lui que, dans l’ensemble, la preuve du requérant est manifestement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée.  Même s’il était possible que les services du requérant aient pu être exécutés la journée de l’enregistrement de son nom commercial (journée qui correspond à la date revendiquée de premier emploi), la preuve qu’il a produite donne à penser qu’aucune annonce de sa marque en liaison avec ses services n’a été faite avant une date ultérieure.  À cet égard, même si le requérant avait précisé son nom commercial lorsqu’il a fait connaître son entreprise par le bouche à oreille et des appels téléphoniques, ces éléments n’auraient pas été suffisants pour établir l’emploi visé au par. 4(2) de la Loi, étant donné qu’il n’y a pas nécessairement affichage de la marque dans cette façon de faire connaître les services du requérant.  Par ailleurs, le fait que le requérant n’a pas utilisé de papier à lettre avec en‑tête avant le 19 juin 1987 (voir la transcription du contre‑interrogatoire de M. Alexander, page 6, q. 24), ni commandé ses cartes d’affaires avant juin 1987 (voir la transcription du contre‑interrogatoire de M. Alexander, pièce 1), m’empêche de présumer que le requérant a employé ou montré sa marque dans l’annonce de ses services d’une quelqu’autre manière.  En conséquence, je considère que la preuve du requérant contient, dans l’ensemble, suffisamment d’éléments pour mettre en doute la date de premier emploi qu’il revendique.  Ce motif d’opposition est donc bien fondé.

 

Quant aux autres motifs d’opposition, après examen des documents, je ne me serais probablement pas prononcé en faveur de l’opposant pour l’un ou l’autre de ces motifs puisque son argumentation sur le deuxième motif n’était pas solide et qu’il ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombe au regard du troisième motif.  

 

En conséquence, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par le paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande du requérant en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À HULL (QUÉBEC), le   28   mai  2001.

 

 

C. R. Folz

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

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