Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                               THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 28

Date de la décision : 2012‑02‑08

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Maple Leaf Consumer Foods Inc. / Les Aliments de Consommation Maple Leaf Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1 285 751 pour la marque de commerce GRIDDLE STACKERS au nom de Kelbro Enterprises Inc.

 

 

[1]               Le 11 janvier 2006, Kelbro Enterprises Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce GRIDDLE STACKERS (la Marque). La demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes, telles qu’elles ont été modifiées : « sandwich comprenant un ou plusieurs des éléments suivants : crêpes, œufs, viande et fromage » (les Marchandises).

 

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 13 août 2008.

 

[3]               Le 8 janvier 2009, Maple Leaf Consumer Foods Inc. / Les Aliments de Consommation Maple Leaf Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle allègue que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi). La déclaration d’opposition mentionne aussi que la Marque n’est pas enregistrable, en application des alinéas 12(1)d) et 38(2)b) de la Loi, qu’elle n’est pas distinctive de la Requérante aux termes de l’article 2 et de l’alinéa 38(2)d) de la Loi, et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, suivant les dispositions des alinéas 16(3)b) et 38(2)c) de la Loi, du fait que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce STACKERS de l’Opposante, antérieurement déposée sous le numéro LMC708724 et employée au Canada par l’Opposante en liaison avec des « grignotines préemballées composées de viandes préparées, de fromage et de craquelins ». Toutefois, à l’audience, l’Opposante a retiré de son propre chef le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b).

 

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit souscrit le 11 septembre 2009 par Brian Wernham, directeur principal du marketing de l’Opposante. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit souscrit le 6 janvier 2010 par John Kelly, secrétaire de la Requérante; l’affidavit souscrit le 22 décembre 2009 par Michael Stephan, enquêteur principal à l’agence d’enquête King Reed & Associates Inc.; l’affidavit souscrit le 15 décembre 2009 par Lisa Saltzman, directrice du service de recherche en marques de commerce d’Onscope, une division de Marque d’Or Inc.

 

[6]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience tenue en l’espèce.

 

Fardeau de preuve

 

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.);  Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Résumé de la preuve des parties

 

Preuve de l’Opposante : l’affidavit de M. Wernham

 

[8]               M. Wernham déclare qu’il travaille pour l’Opposante depuis près d’un an (au moment de la souscription de son affidavit) et occupe le poste de directeur principal du marketing responsable de la catégorie STACKERS depuis le 1er septembre 2008. À ce titre, il atteste qu’il a [traduction] « accès aux dossiers de [l’Opposante] relatifs aux ventes, à la publicité et à la promotion des produits alimentaires offerts et vendus par [l’Opposante] en liaison avec des grignotines préemballées composées de viandes préparées, de fromage et de craquelins ».

 

[9]               M. Wernham affirme que l’Opposante est maintenant la propriétaire inscrite de quelque 136 demandes et enregistrements de marque de commerce hérités de J.M. Schneider Inc. (J.M. Schneider) le 1er janvier 2006, lesquels comprennent la marque de commerce STACKERS qui fait l’objet de la demande no 1 079 760, produite le 23 octobre 2000. Il joint à son affidavit une copie des détails de cette demande, obtenus de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes et qui indiquent que la demande est inscrite au nom de l’Opposante. Comme l’a fait remarquer la Requérante dans son plaidoyer écrit, la copie papier de la demande no 1 079 760 ne fait état d’aucun document de cession ni autre document de changement de titre de propriété ayant été produit à l’égard de cette demande. Cependant, on peut y lire que la marque faisant l’objet de la demande a été enregistrée le 4 mars 2008 sous le numéro LMC708724, enregistrement qui correspond à celui invoqué par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire reconnu au registraire de consulter le registre et confirme que le changement de titre de propriété de J.M. Schneider à l’Opposante mentionné par M. Wernham a été porté au registre.

 

[10]           M. Wernham affirme que « J.M. Schneider » et « Schneider Foods » sont maintenant des dénominations commerciales et des noms commerciaux de l’Opposante. Il affirme notamment que le nom commercial « J.M. Schneider » est enregistré en Alberta, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick. Le nom commercial « Schneider Foods » est enregistré en Alberta, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Québec, en Nouvelle‑Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon.

 

[11]           M. Wernham poursuit en affirmant que la marque de commerce STACKERS est abondamment employée en liaison avec des grignotines préemballées composées de viandes préparées, de fromage et de craquelins (parfois ci-après désignées comme « le produit STACKERS ») depuis au moins 1994. Il déclare plus particulièrement que J.M. Schneider, de qui l’Opposante a obtenu la marque de commerce STACKERS, emploie la marque de commerce amplement et de façon continue partout au Canada depuis 1994. Comme l’a souligné la Requérante, la copie papier de l’enregistrement de la marque de commerce STACKERS produite en pièce A révèle que cette demande a été produite le 23 octobre 2000 et était fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada. Aucune déclaration d’emploi n’a été produite avant le 8 février 2008. Je conviens avec la Requérante que ces renseignements sont manifestement incompatibles avec la simple affirmation de M. Wernham – qui ne travaillait pour l’Opposante que depuis un an au moment de souscrire son affidavit et qui a accès aux dossiers de l’Opposante, mais pas à ceux de J.M. Schneider – selon laquelle l’emploi de la marque de commerce STACKERS a commencé en 1994. Comme cette situation deviendra manifeste au fil de mon analyse de l’affidavit de M. Wernham, je ne suis pas disposée à accorder du poids aux déclarations non corroborées de M. Wernham selon lesquelles l’emploi de la marque de commerce STACKERS remonte à 1994. Néanmoins, j’estime que l’affidavit de M. Wernham permet d’établir l’emploi de la marque de commerce STACKERS depuis au moins 2007.

 

[12]           M. Wernham affirme que les ventes du produit STACKERS ont été considérables, que le degré de pénétration du marché est important et que le produit a bien été accueilli par les consommateurs. S’il déclare que le produit STACKERS a été vendu de façon continue et connaît un franc succès sur le marché depuis 1994, M. Wernham ne fournit le résultat des ventes que pour 2007 et 2008, à savoir « 2 274 592 kilos et 2 103 215 kilos », respectivement. Comme l’a fait observer la Requérante, M. Wernham n’indique pas à quel montant se chiffrent ces ventes, et il n’aborde pas non plus la question de la distribution au Canada. À l’audience, l’Opposante a présenté des observations indiquant la valeur en dollars de ces quantités exprimées en kilos. Cependant, comme a objecté la Requérante à l’audience, je ne peux tenir compte de ces précisions, parce que les chiffres d’affaires auraient dû faire partie de la preuve produite par l’Opposante. Je suis néanmoins disposée à accepter que les ventes du produit STACKERS ont été considérables au Canada de 2007 à 2009, d’après mon examen des pièces jointes à l’affidavit de M. Wernham et mon estimation du nombre approximatif d’articles vendus, comme je l’expliquerai ci-dessous.

 

[13]           À l’appui des déclarations d’emploi susmentionnées, M. Wernham joint à son affidavit les pièces suivantes :

 

-          La pièce B, qui consiste en [traduction] « un tableau exposant le volume des ventes du produit STACKERS de [l’Opposante] par type de produit et par région, pour les années 2007, 2008 et 2009 jusqu’à [la date de souscription de l’affidavit] ». Les « régions » sont décrites comme étant les provinces de l’Ontario et du Québec ainsi que les provinces « de l’Atlantique » et « de l’Ouest ». Pour les années 2007, 2008 et 2009 (jusqu’au moment de la souscription de l’affidavit), le nombre de kilos vendus a été de 2 274 592, 2 103 215 et 1 075 283, respectivement;

-          La pièce C, qui consiste en [traduction] « un tableau présentant le National Grocery Banner Item Ranking [classement des articles dans les grandes chaînes d’épicerie nationales] pour le produit STACKERS de [l’Opposante] pour la période se terminant le 6 juin 2009. » Dans la colonne « description » du tableau se trouve une liste de produits Schneider, notamment « Schneider Lunchmate Stackers », « Schneider Lunchmate Pizzas », « Schneider Lunchmate Nacho Kit », « Schneider Lunchmate Hot Dogs », « Schneider Lunchmate Chicken Dunkers » et « Schneider Lunchmate Big Combo ». Parmi les 37 articles figurant sur la liste, seulement 7 font référence aux « Schneider Lunchmate Stackers ». Bien que M. Wernham affirme que [traduction] « le tableau montre que STACKERS occupe 97,5 % des parts du marché et a généré des ventes d’une valeur en dollars totale de 64 986 717 pour la catégorie », il ne donne aucune définition de la signification de ce passage. La source du tableau et son auteur ne sont pas non plus clairement indiqués. Toutefois, je constate que des montants dont le total excède 31 millions de dollars sont indiqués pour le produit STACKERS pour la période se terminant le 6 juin 2009;

-          La pièce D, à savoir [traduction] « six échantillons d’emballage qui montrent la gamme actuelle composant le produit STACKERS ». À l’examen de ces échantillons, je constate que la marque STACKERS figure sur l’emballage et qu’elle est immédiatement suivie du symbole ™, abréviation anglaise de « trade-mark », désignant une marque de commerce. La Requérante soutient que le nom de l’Opposante ne se trouve sur aucun des emballages fournis, mais je ferai remarquer que le nom commercial « Schneider Foods » de l’Opposante, suivi d’une adresse à Kitchener, en Ontario, y figure. Le poids indiqué sur l’emballage est 355 g pour le format « big combo super trousse » et 111 g pour ce qui semble être le format normal. Compte tenu de la valeur au poids par unité au regard du nombre de kilos vendus de 2007 à 2009, on peut raisonnablement conclure que les ventes du produit STACKERS durant cette période ont été considérables;

-          La pièce E, constituée d’exemples de divers documents promotionnels présentant la gamme composant le produit STACKERS et utilisés pour les promotions annuelles liées à la rentrée scolaire. M. Wernham explique que ces promotions comprennent une activité spéciale, un présentoir en magasin ainsi que du matériel d’appoint pour le magasin, comme des cartons, des papillons publicitaires, des affiches et d’autres documents de point de vente. On voit, à l’examen de ces éléments promotionnels, que l’un d’eux date de l’an 2000 et que deux autres datent de 2006. Les autres documents datent de 2007 et de 2009 ou ne sont pas datés;

-          La pièce F, constituée de copies de neuf factures datées du 1er janvier 2008 ou d’une date proche du 1er janvier 2008, adressées par l’Opposante à différents détaillants de partout au Canada qui ont commandé divers éléments de la gamme du produit STACKERS.

 

[14]           M. Wernham conclut son affidavit en déclarant qu’il possède [traduction] « une vaste expérience dans le secteur des produits alimentaires, particulièrement en ce qui concerne la gamme d’ensembles casse-croûte STACKERS de [l’Opposante]. La marque de commerce STACKERS est bien connue au Canada, et, par conséquent, [il] confirme que la requérante [sic] a droit à l’enregistrement de la marque de commerce STACKERS en liaison avec les marchandises consistant en des grignotines préemballées composées de viandes préparées, de fromage et de craquelins ». Je n’accorde aucun poids à cette opinion personnelle de M. Wernham. Le caractère distinctif de la marque de commerce STACKERS de l’Opposante soulève des questions de fait et de droit sur lesquelles il appartient au registraire de se prononcer selon la preuve versée au dossier dans la présente procédure. En outre, la présente affaire ne porte pas sur le droit de l’Opposante à l’enregistrement de la marque de commerce STACKERS, la validité de cet enregistrement n’étant pas en cause en l’espèce.

 

Preuve de la Requérante

 

               L’affidavit de M. Kelly

 

[15]           M. Kelly atteste qu’il est le secrétaire de la Requérante et qu’il est aussi le président d’Otter Valley Foods Inc. (Otter Valley), filiale en propriété exclusive de la Requérante. Il déclare qu’Otter Valley agit à titre de société exploitante pour la Requérante et que cette dernière octroie une licence à Otter Valley pour l’emploi de la Marque.

 

[16]           M. Kelly explique qu’Otter Valley est un fabricant d’aliments congelés commercialisés au moyen du conditionnement à forfait et sous marque maison; l’entreprise fait affaire avec une clientèle internationale. La Requérante octroie des licences aux clients d’Otter Valley pour l’emploi de la Marque.

 

[17]           M. Kelly affirme que la Requérante emploie la Marque, elle-même et par l’entremise de licenciés, en liaison avec un sandwich congelé composé d’un ou plusieurs des éléments suivants : crêpes, œufs, viande et fromage; elle emploie ainsi la Marque au Canada depuis le 31 janvier 2008, et aux États‑Unis depuis le 21 décembre 2005. Bien que M. Kelly précise qu’il désignera le produit vendu en liaison avec la Marque comme étant des [traduction] « sandwichs de déjeuner congelés », je désignerai ce produit par « les Marchandises », puisque c’est ainsi qu’il a été défini dans la présente demande.

 

 

[18]           M. Kelly précise que la Requérante fabrique les Marchandises vendues en liaison avec la Marque, et que l’emballage des Marchandises arbore la Marque ainsi que la marque maison de la société pour laquelle elles sont fabriquées.

 

[19]           M. Kelly déclare qu'en date du 30 septembre 2009, le chiffre d'affaires pour les Marchandises vendues en liaison avec la Marque dépassait 963 000 $CA au Canada et 11 750 000 $US aux États‑Unis.

 

[20]           À l’appui des déclarations d’emploi susmentionnées, M. Kelly joint à son affidavit les pièces suivantes :

 

-          Les pièces A et B, qui consistent en des tableaux exposant les ventes des Marchandises sur lesquelles figure la Marque aux licenciés du Canada et des États‑Unis respectivement;

-          Les pièces C et D, qui sont respectivement des copies certifiées conformes de la demande en cause de la Requérante et de l'enregistrement de la Marque aux États‑Unis;

-          Des échantillons d’emballages des Marchandises qui arborent la Marque et qui sont employés au Canada par divers licenciés tiers de la Requérante, à savoir :

                                                        i.            la pièce E, composée de trois étiquettes des aliments M & M, dont les produits sont vendus partout au Canada dans les points de vente au détail de M & M. Je constate que la Marque est immédiatement suivie du symbole ™, qui désigne une marque de commerce. La légende indique que la Marque est une marque de commerce de la Requérante employée sous licence; elle est suivie de la mention « PREPARED FOR/PRÉPARÉ POUR M & M MEAT SHOPS LTD. […] »;

                                                      ii.            la pièce F, un exemple d’étiquette pour Egg Solutions, dont le produit est offert à divers hôtels, services alimentaires et magasins populaires en Ontario. Je constate à nouveau que la Marque est immédiatement suivie du symbole ™. La légende indique que la Marque est une marque de commerce de la Requérante employée sous licence; elle est suivie de la mention « Prepared for/Préparé pour EggSolutions […] »;

                                                    iii.            la pièce G, qui montre deux exemples d’étiquettes pour Exclusive Selections, un produit vendu à La Compagnie du Nord-Ouest, qui l’offre dans ses magasins Northern à partir du site Web www.northernstores.ca. Là encore, la Marque est immédiatement suivie du symbole ™. La légende indique que la Marque est une marque de commerce de la Requérante employée sous licence; elle est suivie de la mention « Prepared for/Préparé pour The North West Company […] »;

-          La pièce H, une copie papier du répertoire de magasins Northern tiré du site Web www.northernstores.ca;

-          La pièce I, qui présente des échantillons représentatifs de factures pour la vente de Marchandises liées à la Marque à des licenciés du Canada et des États‑Unis. Les factures se rapportant aux ventes au Canada concernent les années 2008 et 2009 et ont été établies par Otter Valley;

-          La pièce J, constituée de copies de prospectus des aliments M & M pour l’année 2009 annonçant les Marchandises en liaison avec la Marque au Canada;

-          Les pièces K et L, qui sont des exemples d’étiquettes employées aux États-Unis pour les Marchandises liées à la Marque.

 

[21]           Je désire préciser, à cette étape de mon analyse, que le fait que la Marque est employée et déposée aux États‑Unis n'a pas de valeur probante dans la présente procédure. L'enregistrement de la Marque aux États‑Unis ne lie pas le registraire. De plus, aucun élément de preuve n’établit que les marques des parties ont coexisté sur le marché américain. Ma décision doit se fonder sur les normes canadiennes, eu égard à la situation au Canada [voir Quantum Instruments Inc. c. Elinca S.A. (1995), 60 C.P.R. (3d) 264 (C.O.M.C.)].

 

[22]           Revenons à l’affidavit de M. Kelly. Ce dernier affirme qu’en préparant son affidavit, il a remarqué que l’emballage des aliments M & M et le site Web www.mmmeatshops.com présentent la marque de commerce GRIDDLE STACKER sans le « S », même si les Marchandises sont correctement annoncées par « GRIDDLE STACKERS » dans les publicités imprimées. Il déclare qu’il fait actuellement des démarches pour que GRIDDLE STACKERS soit inscrit avec un S sur les emballages et le site Web des aliments M & M. Bien que M. Kelly ne mentionne pas expressément que la Requérante contrôle les caractéristiques et la qualité des Marchandises, je suis disposée à tirer une telle conclusion en me fondant sur une interprétation raisonnable de l’affidavit dans son ensemble et des pièces qui y sont jointes, lesquelles donnent un avis public quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi de la Marque fait l’objet d’une licence, conformément au paragraphe 50(2) de la Loi.

 

[23]           M. Kelly affirme qu’il n’a jamais entendu parler de cas de confusion entre la Marque employée en liaison avec les Marchandises et l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce STACKERS en liaison avec son produit. Il ajoute qu’il n’a connaissance d’aucune plainte des clients de la Requérante qui ont recours au conditionnement à forfait et à l’emploi d’une marque maison, relativement à l’emploi de la Marque sur leurs produits.

 

[24]           M. Kelly affirme aussi qu’il sait que le produit de l’Opposante est vendu en liaison avec la marque de commerce STACKERS. Cependant, il précise qu’il a toujours vu le produit vendu en liaison avec les marques de commerce SCHNEIDERS et LUNCH MATE, jamais sous son propre nom. En outre, il n’a jamais vu le produit de l’Opposante dans la section des aliments congelés d’aucun des magasins de détail qu’il a visités.

 

               L’affidavit de M. Stephan

 

[25]           M. Stephan est enquêteur principal à l’agence d’enquête King Reed & Associates. L’agent de marques de commerce de la Requérante a retenu les services de l’agence pour mener une enquête sur les marques de commerce relativement à l’emploi du mot STACKER(S) dans une marque de commerce visant des produits alimentaires au Canada.

 

[26]           M. Stephan avait pour tâche de se rendre dans chacune des épiceries suivantes de Toronto ou de la région du Grand Toronto : Loblaws, Sobeys, Costco, Metro, M & M Meat Shops [Les aliments M & M], No Frills, Food Basics, Price Chopper, Fortinos, Longo’s et Bruno’s Fine Foods. Il devait chercher et relever tous les produits alimentaires dont le nom ou la marque de commerce comprend le mot « STACKER(S) ». Il a joint à son affidavit un échantillon de chacun des produits STACKER(S) relevés, à savoir « Schneiders Lunchmate Stackers » (le produit STACKERS de l’Opposante), « Vlasic STACKERS Kosher Dills » [cornichons casher] (préparés pour la société Pinnacle Foods Canada) et le produit GRIDDLE STACKERS de la Requérante [pièces A à D de son affidavit].

 

[27]           M. Stephan s’est aussi rendu dans un Burger King et dans un Wendy’s pour chercher des noms de produits alimentaires et des documents contenant le mot « STACKERS(S) ». Il a joint à son affidavit les pièces suivantes :

 

-          la pièce F, constituée de documents de Burger King concernant le hamburger BK STACKER annoncé en tant que trio no 10 sur le menu du restaurant; ces documents incluent l’emballage du BK STACKER, le reçu d’achat et des pages imprimées depuis le site Web www.burgerking.ca portant sur le BK STACKER et présentant une description du hamburger BK STACKER ainsi que l’information nutritionnelle qui s’y rapporte. L’emballage indique que le produit est offert en format double, triple ou quadruple (nombre de galettes dans le « stacker » [pile]). Il comporte le slogan anglais « How do you stack up? », ainsi qu’un encadré avec, dans le haut, l’inscription BKSTACKER et, au-dessous, le texte suivant : « Regardez-moi cet empilage de bœuf, de fromage et de bacon. J’ai quasiment le goût de l’escalader. Mauvaise idée. Je ferais mieux de le manger pendant que c’est chaud. »;

-          la pièce G, qui consiste en des documents de Wendy’s sur le hamburger double au fromage Stack Attack, incluant l’emballage du hamburger, le reçu d’achat pour le trio « Stack Attack », une photo de l’affiche exposée au restaurant et des pages imprimées du site Web canadien de Wendy’s, www.wendys.ca, présentant une description du hamburger double au fromage Stack Attack ainsi que l’information nutritionnelle sur celui-ci.

 

               L’affidavit de Mme Saltzman

 

[28]           Mme Saltzman est directrice du service de recherche en marques de commerce d’Onscope. L’agent de marques de commerce de la Requérante a retenu ses services pour réaliser une recherche dans le registre des marques de commerce du Canada ainsi qu’une recherche sur le caractère distinctif incluant une recherche, dans Google™, du mot STACKER(S) employé à l’égard d’aliments ou de services.

 

[29]           La recherche dans le registre a permis de relever neuf marques de commerce contenant « stacker » ou « stackers » en liaison avec des marchandises ou des services alimentaires, y compris la Marque de la Requérante et la marque STACKERS de l’Opposante. La recherche effectuée par Mme Saltzman révèle notamment les enregistrements pour les marques de commerce de tiers suivantes :

 

-          LAMB WESTON STACKERS & Dessin (LMC632312), enregistrée le 8 février 2005 au nom de ConAgra Foods Packaged Foods Company, Inc. en liaison avec des galettes de pommes de terre rissolées, traitées et surgelées, à l’exclusion des goûters prêt- à-manger;

-          Rack Stacker (LMC749131), enregistrée le 30 septembre 2009 au nom de Steven M. Elmy en liaison avec de la nourriture pour animaux et des suppléments de nourriture pour animaux.

-          SANDWICH STACKERS (LMC645988 enregistrée le 18 août 2005 et LMC628707 enregistrée le 20 décembre 2004), STACKERS (LMC639109 enregistrée le 4 mai 2005) et SUPER STACKERS (LMC593273 enregistrée le 23 octobre 2002), tous au nom de la société Pinnacle Foods en liaison avec des marinades.

 

[30]           La recherche sur le caractère distinctif a révélé des définitions de dictionnaire pour « stacker » et « stackers », notamment la définition que donne le dictionnaire Webster en ligne pour le mot « stacker », soit « to arrange into a stack » [mettre en pile]. Le rapport de recherche comprend aussi, entre autres, des pages imprimées des recettes suivantes, dont le titre en anglais comporte le mot « stacker(s) » :

 

-          « My Hash Brown Stackers Recipe » et « Reuben Stackers Recipe », tirées du site Web www.grouprecipes.com;

-          « Grilled Eggplant Stackers » et « Fruit Roo-up Stackers Recipes », tirées du site Web http://recipes.sparkspeople.com;

-          « Sweet potato stackers », tirée du site Web www.bbcgood food.com;

-          « Raisin Bagel Stackers Recipe », tirée du site Web www.tasteofhome.com;

-          « Eggplant Stackers Recipe », tirée du site Web www.theworldwidegourmet.com;

-          « Veggie Cracker Stackers Recipe », tirée du site Web www.everydayhealth.com;

-          « Eggplant Stackers » et « Garden Vegetable Salad Stacker », tirées du site Web www.tastebook.com.

 

Analyse

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

[31]           L’Opposante soutient que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, du fait que :

 

[traduction] […] la marque de commerce de l’Opposante a été adoptée, produite, déposée et employée avant la date de la production de [la demande de la Requérante]. Par conséquent, la Requérante avait connaissance, est réputée avoir eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la marque de commerce de l’Opposante et ne pouvait donc être convaincue qu’elle avait droit d’employer la Marque au Canada, en liaison avec les [Marchandises].

 

[32]           Ce motif, tel qu’il est plaidé, ne constitue pas un motif d’opposition valable. La simple possibilité que la Requérante ait eu connaissance de l’existence de la marque de commerce STACKERS de l’Opposante au moment de produire la demande d’enregistrement pour la Marque ne l’empêche pas de faire, dans sa demande, la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi.

 

[33]           Même si le motif avait été valablement plaidé, lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve dénote la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Comme l’a reconnu l’Opposante à l’audience, il n’existe aucune preuve de cette nature en l’espèce.

 

[34]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

[35]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable, compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce STACKERS de l’Opposante mentionnée ci-dessus, enregistrée le 4 mars 2008. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire reconnu du registraire et ai vérifié que les enregistrements sont en règle en date d’aujourd’hui.

 

[36]           Comme l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la Requérante doit donc établir, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce STACKERS de l’Opposante.

 

[37]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[38]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive, et tous les facteurs pertinents doivent être examinés. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.); Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.)].

 

[39]           Ni l’une ni l’autre marque n’est intrinsèquement forte, car, dans le contexte des marchandises en liaison avec lesquelles chacune est employée, elles évoquent toutes les deux un produit alimentaire « arranged in a stack » [mis en pile]. C’est particulièrement le cas de la marque de l’Opposante, constituée du seul mot STACKERS. Quant au mot anglais « GRIDDLE » [plaque à grillade], il donne à entendre que les sandwichs de la Requérante ont été cuits sur une plaque à grillade.

 

[40]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou par l’emploi. D’après mon examen de l’affidavit de M. Kelly, la Requérante a commencé à employer la Marque au Canada le 31 janvier 2008. Compte tenu des chiffres d’affaires et des exemples de publicités fournis par M. Kelly, j’estime raisonnable de conclure que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada.

 

[41]           En ce qui concerne l’emploi et la promotion par l’Opposante de la marque de commerce STACKERS, l’affidavit de M. Wernham ne démontre pas que la marque de commerce STACKERS est employée de façon continue au Canada en liaison avec des grignotines préemballées composées de viandes préparées, de fromage et de craquelins depuis au moins 1994 ainsi qu’il l’allègue. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, l’affidavit de M. Wernham permet d’établir un emploi considérable de la marque de commerce STACKERS au Canada en liaison avec ces marchandises depuis au moins 2007. Cela dit, je ne suis pas disposée à aller jusqu’à convenir avec l’Opposante que la marque de commerce STACKERS elle-même a acquis un caractère distinctif appréciable et est devenue bien connue au sein de la population générale au Canada, puisque les affidavits de MM. Wernham et Stephan témoignent de ce que la marque de commerce STACKERS a toujours été employée à proximité immédiate des marques de commerce SCHNEIDERS® LUNCHMATE® de la Requérante. Étant donné la connotation suggestive ou descriptive du mot STACKERS et le fait que ce mot est placé dans la même position, au-dessous des mots « SCHNEIDERS LUNCHMATE », et dans la même taille de la police que les mots « pizza », « bagels », « s’mores » et « nachos » sur d’autres produits « SCHNEIDERS LUNCHMATE » [voir la pièce E de l’affidavit de M. Wernham], il est possible que les activités publicitaires et les ventes de l’Opposante aient fait connaître bien davantage ces autres marques que la marque STACKERS.

 

[42]           Pour conclure sur le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, je reconnais que chacune des marques en cause a été employée dans une certaine mesure au Canada, surtout la marque STACKERS de l’Opposante. Bien que cet emploi puisse avoir contribué à accroître le caractère distinctif acquis des marques en cause, particulièrement dans le cas de la marque de l’Opposante, j’estime que les marques demeurent néanmoins des marques faibles. La preuve au dossier ne me permet pas de conclure que l’une ou l’autre des marques en cause est connue à un point tel tel qu’il favorise, de manière marquée et déterminante, une partie au détriment de l’autre dans l’appréciation globale de ce premier facteur.

 

[43]           La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage ne favorise pas non plus vraiment une partie plus que l’autre, puisque l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque à compter d’un an seulement avant l’emploi de la Marque par la Requérante.

 

[44]           En ce qui concerne le genre des marchandises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante et celui qui figure dans l’enregistrement de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. L’enregistrement de l’Opposante vise des « grignotines préemballées composées de viandes préparées, de fromage et de craquelins», alors que la demande de la Requérante porte sur un « sandwich comprenant un ou plusieurs des éléments suivants : crêpes, œufs, viande et fromage ». Il existe certes des différences dans le genre exact des marchandises des parties, du fait qu’il appert de l’affidavit de M. Wernham que les marchandises de l’Opposante sont des ensembles casse-croûte réfrigérés alors que l’affidavit de M. Kelly permet d’établir que les Marchandises de la Requérante consistent en des sandwichs de déjeuner congelés, mais les états déclaratifs des marchandises ne mentionnent pas ces détails. Par conséquent, je conviens avec l’Opposante qu’il existe un certain recoupement dans le genre des marchandises des parties. En outre, comme le font ressortir les affidavits de MM. Wernham, Kelly et Stephan, les deux produits visent la même clientèle et empruntent soit les mêmes voies de commercialisation, soit des voies de commercialisation qui se recoupent.

 

[45]           Par ailleurs, je suis d’avis que les marques des parties présentent un degré de ressemblance relativement élevé en raison de l’élément commun « STACKERS ». Toutefois, compte tenu de la connotation suggestive ou descriptive de ce mot dans le contexte des marchandises des parties, l’importance de cet élément commun se trouve diminuée, étant donné surtout que la première partie de la Marque est formée du mot GRIDDLE, qui est, selon moi, l’élément dominant de la Marque. Cela m’amène à examiner, à titre de circonstances de l’espèce, la preuve de l’état du registre et la recherche sur le caractère distinctif présentées dans les affidavits de Mme Saltzman et de M. Stephan.

 

[46]           La preuve de l’état du registre sert à établir le caractère commun ou distinctif d’une marque ou d’une partie d’une marque par rapport au registre dans son ensemble. Cette preuve n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut en tirer des conclusions sur l’état du marché, et de telles conclusions ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont retracés [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

[47]           Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que le nombre d’enregistrements révélé par la recherche qu’a effectuée Mme Saltzman dans le registre est, en soi, insuffisant pour tirer des conclusions sur l’état du marché. Toutefois, cette preuve doit être considérée avec la preuve d’emploi du mot STACKER(S) sur le marché présentée dans l’affidavit de M. Stephan, qui fait état de l’emploi d’au moins une des marques de commerce de tiers pour STACKERS dont la recherche au registre révèle l’enregistrement en liaison avec des marinades, ainsi que l’emploi du mot STACKER ou STACK en liaison avec des hamburgers [voir les pièces B, F et G de l’affidavit de M. Stephan]. De plus, la recherche sur le caractère distinctif effectuée par MmeSaltzman montre que STACKER(S) est un mot employé couramment et de façon descriptive dans l’industrie alimentaire [voir la pièce 4 de l’affidavit de Mme Saltzman, qui comprend de nombreuses pages imprimées de recettes]. Compte tenu de cette preuve, je suis d’avis que l’on peut inférer que les consommateurs sont habitués à faire de subtiles distinctions entre les marques de commerce incluant le mot descriptif STACKER(S) sur le marché, comme le confirme l’absence de confusion entre les marques des parties malgré deux années de coexistence.

 

[48]           En effet, une autre circonstance qui doit être examinée en l’espèce est l’absence de confusion entre les marques malgré leur emploi considérable et leur coexistence de deux années au Canada dans des voies de commercialisation qui se recoupent. Tel qu’il est indiqué dans l’arrêt Dion Neckwear, précité :

 

En ce qui concerne l’insuffisance des éléments de preuve présentés par l’opposante au sujet de cas concrets de confusion, le registraire s’est dit d’avis qu’un opposant n’a pas à produire ce genre de preuve. C’est vrai en théorie, mais lorsque le requérant a présenté certains éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure à l’absence de risque de confusion, l’opposant court un grand danger si, se fiant à la charge de la preuve imposée au requérant, il présume qu’il n’a pas à produire de preuves au sujet de la confusion. Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion. (Voir l’arrêt Pink Panther [Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998], 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.)]; Multiplicant Inc. c. Petit Bateau Valton S.A. (1994), 55 C.P.R. (3d) 372 (C.F. 1re inst.); Bally Schuhfabriken AG/Bally’s Shoe Factories Ltd. c. Big Blue Jeans Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.)).

 

Conclusion relative à la probabilité de confusion

 

[49]           Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. Ma conclusion repose principalement sur le fait que les marques en cause sont des marques faibles qui ont coexisté pacifiquement pendant deux ans sans aucun incident de confusion. En outre, la Requérante a démontré l’emploi courant et descriptif du mot STACKER(S) dans l’industrie alimentaire. Par conséquent, j’estime que les différences qui existent entre les marques des parties et dans le genre des marchandises devraient être suffisantes pour éviter toute probabilité de confusion.

 

[50]           De ce fait, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

 

[51]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les Marchandises de la Requérante des marchandises de l’Opposante vendues en liaison avec la marque de commerce STACKERS.

 

[52]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve à l’égard d’un motif fondé sur le caractère distinctif s’il démontre qu’à la date de production de l’opposition, en l’occurrence le 8 janvier 2009, sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour annuler le caractère distinctif de la marque faisant l’objet de la demande [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. L’Opposante s’est acquittée de ce fardeau.

 

[53]           La différence dans les dates pertinentes a une certaine incidence sur mon analyse précédente portant sur le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), du fait que la période pendant laquelle les marques des parties ont coexisté est écourtée, passant à un an en date du 8 janvier 2009, et que les affidavits de M. Stephan et de Mme Saltzman sont tous les deux postérieurs à cette date pertinente. Cependant, je souligne qu’à l’exception de l’enregistrement no LMC749131, les enregistrements au nom de tiers révélés par la recherche de Mme Saltzman dans le registre ont tous été faits avant le 8 janvier 2009. Je ferai aussi remarquer que, selon l’information présentée dans au moins une des pages imprimées de recettes jointes comme pièce 4 à l’affidavit de Mme Saltzman, le mot STACKERS a été employé de façon descriptive avant le 8 janvier 2009, du fait qu’il été employé comme mot générique de la langue anglaise communément interprété comme signifiant « to arrange into a stack » [mettre en pile].

 

 

[54]           Je demeure d’avis que les différences qui existent entre les marques des parties et dans le genre des marchandises devraient être suffisantes pour éviter toute probabilité de confusion. J’estime que l’ajout du mot GRIDDLE dans la Marque permet de faire la distinction entre les marques, vu leur faible caractère distinctif.

 

[55]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

 

Décision

 

[56]           Pour les motifs exposés ci-dessus, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, LL.L., trad. a.

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