Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L'OPPOSITION
de The Scotch Whisky Association à la demande
no 1,081,867 produite par Glenora Distillers International Ltd.
en vue de l’enregistrement de la marque de commerce
GLEN BRETON
Le 8 novembre 2000, la demanderesse, Glenora Distillers International Ltd., a déposé une demande en vue de faire enregistrer la marque de commerce GLEN BRETON en se fondant sur l’emploi projeté de cette marque au Canada en liaison avec du « whisky de single malt ». La demande a été modifiée de manière à ce que la demanderesse se désiste du droit à l’usage exclusif du mot BRETON et elle a été annoncée le 14 août 2002 aux fins d’opposition.
Le 14 janvier 2003, l’opposante, The Scotch Whisky Association (l’Association), a produit une déclaration d’opposition dont copie a été envoyée à la demanderesse le 3 mars 2003. Selon le premier motif d’opposition, la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce parce que la demanderesse ne pouvait avoir la conviction d’être en droit d’employer la marque de commerce demandée étant donné qu’elle donne une description fausse et trompeuse des marchandises visées par la demande, le mot GLEN étant reconnu comme désignant du scotch whisky (ou whisky écossais). Selon le deuxième motif d’opposition, la marque de commerce demandée n’est pas enregistrable parce que, comme il est prévu à l’alinéa 12(1)b) de la Loi, elle donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises et/ou de leur nature ou de leur qualité étant donné que le mot est GLEN signifie [traduction] « Principalement en Écosse. Une vallée. », et parce que la marque demandée donne à penser que le whisky de la demanderesse est du scotch whisky fabriqué en Écosse.
Selon le troisième motif d’opposition, la marque de commerce demandée n’est pas enregistrable en raison de l’article 10 et de l’alinéa 12(1)e)de la Loi. L’opposante soutient que le mot GLEN est devenu connu au Canada comme désignant du scotch whisky et que la ressemblance entre la marque de la demanderesse et la marque interdite est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre. Selon le quatrième motif d’opposition, la marque de la demanderesse n’est pas distinctive étant donné qu’elle donne une description fausse et trompeuse des marchandises et qu’il s’agit d’une marque dont l’article 10 de la Loi interdit l’adoption et l’usage.
La demanderesse a produit et signifié une contre‑déclaration. L’opposante s’est appuyée sur les affidavits de James Devin et d’Ian Glen Barclay. La demanderesse a quant à elle produit les affidavits de Michael Kennedy, de David A. Copp et de Lauchie MacLean. En réponse, l’opposante a soumis un deuxième affidavit souscrit par Ian Glen Barclay. Les deux parties ont déposé des plaidoyers écrits. Une audience a été tenue et les deux parties y étaient représentées.
La preuve de l’opposante
Dans son affidavit, M. Devin se présente comme étant le directeur des finances et de l’administration de l’opposante. Sous la cote JD.1, il joint à son affidavit une copie du rapport statistique de l’opposante pour l’année 2002. Selon M. Devin, les statistiques qui figurent dans ce rapport sont tirées de documents publics, publiés au Royaume‑Uni par le service des douanes et accise de Sa Majesté. Le tableau 13 du rapport relatif à l’année 2002 indique que pendant l’année en question les importations de scotch whisky vers le Canada se sont élevés à 3 583 147 de litres d’alcool pur, ce qui représente plus de 34 millions de livres sterling ou plus de onze millions de bouteilles. Bien que M. Devin ne le mentionne pas expressément, le tableau indique que des volumes similaires ont été exportés au Canada en 2002. Il convient également de noter que le tableau 9 du rapport de 2002 fait état des exportations de scotch whisky selon qu’il s’agit de scotch de malt (malt scotch) ou de scotch mélangé (blended scotch) vendu en vrac et en bouteille. Aucun chiffre précis n’est fourni en ce qui concerne le Canada, mais il semble que, pour la plupart des pays, les importations de scotch de malt comptent pour moins de 10 pour cent du total des importations de scotch whisky. Autrement dit, les exportations de scotch mélangé constituent la majeure partie des exportations mondiales de scotch whisky. M. Devin ne fait mention d’aucun chiffre concernant les ventes ou les exportations réalisées au cours des années autres que l’année 2002.
Dans son premier affidavit, M. Barclay se présente comme étant un avocat occupant le poste de directeur des services juridiques chez l’opposante. L’opposante compte 57 membres, qui fabriquent plus de 95 % du scotch whisky vendu à l’échelle mondiale. La responsabilité première de M. Barclay est d’engager des poursuites, où que ce soit dans le monde, contre des entreprises qui violent les droits de l’opposante et de ses membres en matière de vente de scotch whisky fabriqué en Écosse. Son affidavit traite principalement de diverses actions intentées par l’opposante dans plusieurs pays.
Comme je l’ai signalé dans le cadre de l’examen de l’affidavit de M. Devin, il semble que le scotch whisky le plus vendu dans le monde est du scotch mélangé, à savoir du whisky élaboré à partir de whiskys écossais provenant de différentes distilleries. Un faible pourcentage du scotch whisky vendu est ce qu’on appelle le single malt scotch, à savoir un whisky écossais produit par une seule et même distillerie en Écosse. M. Barclay reconnaît que les whiskys qui ne sont pas des single malt scotchs peuvent être produits ailleurs qu’en Écosse.
M. Barclay indique qu’au Canada « Scotch Whisky » est une indication géographique protégée. Sous la cote IGB4, il joint à son affidavit une photocopie d’un certificat (dossier no 849997) indiquant que « Scotch Whisky » figure sur la liste des indications géographiques établie en application du paragraphe 11.12(2) de la Loi; le nom The Scotch Whisky Association y est inscrit à titre d’autorité compétente.
M. Barclay ajoute que le mot GLEN est la version anglaise du mot « Gleann » ou « Ghlinne » en gaélique d'Écosse, qui désigne une vallée étroite ou un vallon. Il ajoute que le mot est d’origine écossaise. Toutefois, selon les définitions habituelles des dictionnaires, le mot GLEN est un terme d’application universelle.
M. Barclay ajoute également que le mot GLEN, lorsqu’il est utilisé en liaison avec du whisky renvoie à du scotch whisky. Il fait mention de plusieurs marques formées du préfixe GLEN et qui sont utilisées par divers producteurs ou vendeurs de scotch whisky. La plupart de ces marques — composées du préfixe GLEN — sont utilisées en liaison avec du single malt scotch whisky plutôt qu’en liaison avec du scotch whisky mélangé. M. Barclay signale que la plupart des distilleries qui produisent du single malt scotch whisky sont situées dans les vallons d’Écosse. Plusieurs de ces noms composés du préfixe GLEN ont été enregistrés au Canada en tant que marques de commerce.
M. Barclay conclut qu’au Canada le mot GLEN est depuis plus de cent ans associé au scotch whisky lorsqu’il est utilisé en liaison avec du whisky et du single malt whisky. Toutefois, M. Barclay n’a pas réussi à démontrer que du single malt ou du scotch whisky mélangé avait été vendu au Canada sous des marques formées du préfixe GLEN. S’il est quand même permis de conclure qu’au moins quelques ventes ont été réalisées au pays parce que plusieurs de ces marques figurent sur les listes de prix de la Régie des alcools de l’Ontario, on ne peut, faute de preuve additionnelle à cet égard, présumer que ces ventes ont été importantes.
Dans son premier affidavit, M. Barclay fait brièvement l’historique de la société demanderesse. Apparemment, Glenora Distillers, le prédécesseur de la demanderesse, a vendu du single malt scotch whisky au Canada sous la marque KENLOCH à compter de 1990. Selon M. Barclay, le prédécesseur le plus ancien de la demanderesse est Glencoe Distillers Limited. L’opposante a soulevé des préoccupations concernant ce nom et, en 1987, il a été modifié pour devenir Glenora Distillers Limited. Glenora Distillers Limited était l’associée commanditée de la société Glenora Distillers Limited Partnership, qui est devenue insolvable en 1991. La demanderesse a apparemment acquis l’entreprise en 1994. En 2000 et en 2002, l’opposante a écrit à la demanderesse pour lui faire part de ses préoccupations concernant l’emploi du nom GLEN BRETON en liaison avec le single malt whisky de la demanderesse. Les lettres de l’opposante sont restées sans réponse.
M. Barclay fait mention d’une annonce du produit de la demanderesse ayant paru dans une publication de la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) ayant faussement donné à penser que le produit de la demanderesse est du scotch whisky. Toutefois, l’annonce n’indique pas expressément que GLEN BRETON est un scotch whisky (voir la pièce IGB13 jointe au premier affidavit de M. Barclay). De plus, si erreur il y a eu, elle a été corrigée dans une publication ultérieure.
La preuve de la demanderesse
Dans son affidavit, M. Kennedy se présente comme étant un expert en études canadiennes en langue gaélique des maritimes. Se fondant sur les études qu’il a effectuées, il conclut que, dans la région des hautes terres de l'île du Cap‑Breton en Nouvelle‑Écosse, la culture gaélique d’origine écossaise est une culture indigène.
L’affidavit de M. Copp fait état de diverses recherches qu’il a effectuées en ligne dans les dossiers du registre des marques de commerce canadien concernant les marques renfermant le mot GLEN. Comme il fallait s’y attendre, M. Copp a repéré de nombreuses marques de commerce renfermant le mot GLEN employé en liaison avec divers services et marchandises. Par contre, pour ce qui est des marques de commerce formées du préfixe GLEN utilisées en liaison avec du whisky, presque toutes les inscriptions repérées concernent du scotch whisky. M. Copp a également effectué des recherches dans le registre des marques de commerce des États‑Unis à partir du site Web du bureau des marques de commerce américain. Les résultats de ces recherches ne sont toutefois d’aucune utilité en l’espèce.
Dans son affidavit, M. MacLean se présente comme étant le président et le principal propriétaire de la demanderesse. Il donne en ce qui concerne sa société un aperçu historique dans lequel il est question des prédécesseurs de la demanderesse. Cet aperçu est conforme à celui que fournit M. Barclay dans son premier affidavit. M. MacLean indique que la première entreprise à avoir exploité la distillerie Glenora est devenue insolvable en 1990. La société qui lui a succédé a exploité la distillerie de 1991 à 1993, après quoi elle a été mise sous séquestre. La demanderesse a par la suite acquis l’entreprise. La demanderesse fabrique, entre autres produits, un single malt whisky qui porte la marque de commerce GLEN BRETON.
M. MacLean précise que le nom Glenora tire son origine de la ville voisine Glenora Falls. La marque nominative GLEN BRETON a été retenue parce qu’elle évoque l’île du Cap‑Breton ainsi que Glenora, Glenville et le MacLellan’s Brook, le ruisseau se trouvant dans une vallée et dont l’eau entre dans la fabrication du produit de la demanderesse. Il ajoute que, de façon générale, le nom GLEN est couramment utilisé dans les toponymes en Nouvelle‑Écosse et en particulier au cap Breton. M. MacLean précise que le single malt whisky GLEN BRETON est vendu depuis 2000. Sous la cote M, il fournit en outre un échantillon d’étiquette indiquant qu’il s’agit d’un produit fabriqué au Canada. L’inscription suivante « Canada’s Only Single Malt Whisky » ainsi qu’une feuille d’érable rouge y figurent.
La contre‑preuve de l’opposante
Le deuxième affidavit de M. Barclay a été soumis en contre‑preuve. Toutefois, une bonne partie de cet affidavit comprend des arguments ou des éléments de preuve qui ne se limitent pas aux matières pouvant être soulevées en contre‑preuve. L’affidavit est donc presque entièrement inadmissible. Les parties du deuxième affidavit de M. Barclay qui constituent une contre‑preuve admissible visent à répondre à la preuve soumise par la demanderesse en ce qui concerne l’état du registre et, de façon générale, elles établissent que presque toutes les marques de commerce formées du préfixe GLEN, inscrites dans le registre des marques de commerce canadien en liaison avec des boissons alcoolisées, concernent du scotch whisky.
Les motifs d’opposition
Conformément aux règles habituelles de preuve, il incombe à l’opposante de mettre en preuve les faits qui sous‑tendent les prétentions invoquées à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Vu le fardeau de preuve qui incombe à l’opposante concernant chacun des motifs d’opposition, il est nécessaire, pour qu’un motif soit examiné, qu’une preuve suffisante ait été produite, de telle sorte qu’à partir de celle‑ci on puisse raisonnablement conclure à la véracité des faits allégués à l’appui dudit motif : voir Joseph E. Seagram & Sons c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330 (C.O.M.C.), et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, aux pages 297 à 300 (C.F. 1re inst.).
Le premier motif d’opposition n’est pas valide. L’allégation selon laquelle la marque demandée n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)b) et de l’alinéa 12(1)e) de la Loi ne dit rien de la bonne foi de la demanderesse lorsqu’elle prétend être convaincue d’avoir le droit d’utiliser la marque demandée au Canada. On peut présumer que l’opposante entendait alléguer que la demanderesse a adopté sa marque sachant qu’elle n’était pas enregistrable. Or, même si tel était le cas, pour que le premier motif d’opposition soit accueilli, il faudrait que les deuxième et troisième motifs le soient également. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.
Il convient de signaler, à propos du deuxième motif d’opposition, que suivant la décision Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 254 (C.F. 1re inst.), fondée sur l’arrêt Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932] R.C.S. 189, de la Cour suprême du Canada, la date pertinente pour l’examen de motifs d’opposition relevant de l’alinéa 12(1)b) de la Loi est — et a toujours été — la date du dépôt de la demande d’enregistrement. En outre, il y a lieu d’aborder les questions relevant de cet alinéa du point de vue de l’utilisateur habituel des marchandises. Enfin, il convient de ne pas décomposer la marque en ses éléments constitutifs pour l’analyser en détail, mais de l’examiner dans son ensemble sous l'angle de la première impression : voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25, aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183, page 186.
Essentiellement, l’opposante soutient que les utilisateurs et les acheteurs canadiens de whisky ont été habitués à associer le mot GLEN uniquement à du scotch whisky. Toutefois, l’argument de l’opposante n’est pas étayé par la preuve. Par leurs affidavits, MM. Barclay et Devin n’ont pas établi que du scotch whisky avait été vendu au Canada à la date pertinente (soit la date du dépôt de la demande). Même si on tient compte des ventes réalisées ultérieurement en 2001 et en 2002 — dans la mesure où on peut soutenir que les chiffres en question ont été mis en preuve —, il s’agit de tout le scotch whisky vendu au Canada, et dans la vaste majorité des cas il s’agissait de whisky mélangé. Les ventes de single malt scotchs whiskys représentent une petite fraction des ventes en question et un nombre limité de ces whiskys a été vendu au Canada en liaison avec les marques de commerce formées du préfixe GLEN. La liste des prix de la LCBO donne à penser qu’au moins quelques‑uns de ces produits ont été vendus en Ontario. Toutefois, étant donné que l’opposante n’a pas réussi à établir quelle quantité de scotch whisky (que ce soit du scotch whisky mélangé ou du single malt scotch whisky) portant les marques formées du préfixe GLEN a été vendue au pays, je dois conclure que ces marques n’ont qu’une réputation limitée au Canada.
Il semble que l’opposante s’appuie également sur la preuve relative à l’état du registre pour démontrer que les maques formées du préfixe GLEN utilisées en liaison avec du scotch whisky ont acquis une réputation au Canada. La preuve tirée de l’état du registre n’est utile que dans la mesure où elle permet de faire des inférences en ce qui concerne l'état du marché : voir la décision rendue en matière d’opposition dans Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et la décision Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il y a également lieu de signaler la décision Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), qui appuie la proposition selon laquelle il faut qu'un grand nombre d'enregistrements ait été repéré pour faire des inférences concernant l'état du marché à partir de la preuve tirée de l'état du registre. En l’espèce, le registre comporte plusieurs marques formées du préfixe GLEN en liaison avec du whisky, de sorte qu’il est permis de conclure qu’au Canada au moins certaines d’entre elles sont employées activement dans le commerce. Beaucoup trop peu de marques ont toutefois été repérées pour qu’il soit permis de conclure qu’elles ont été largement utilisées au pays. Quoi qu'il en soit, l’usage qu’en font les tiers donne tout au plus à penser qu’il est loisible aux négociants d’utiliser, en liaison avec du whisky, une marque de commerce dans laquelle figure le mot GLEN.
Si l’opposante était d’avis que les Canadiens ont été amenés à attribuer un sens particulier au mot GLEN eu égard au whisky, elle aurait facilement pu présenter une preuve à cet effet concernant les consommateurs canadiens. Sur ce sujet, une preuve par sondage aurait sans doute été particulièrement utile. En fait, l’absence de preuve établissant que les consommateurs seraient ou ont été induits en erreur par l’usage d’une marque de commerce formée du préfixe GLEN en liaison avec du whisky non écossais tend à affaiblir la cause de l’opposante
Pour ce qui est de la première impression, le consommateur moyen, qui verrait la marque de commerce GLEN BRETON en liaison avec un single malt whisky, pourrait réagir de plusieurs manières. Premièrement, il est possible qu’il croit que GLEN BRETON est un nom, peut‑être celui de la personne qui fabrique le whisky. Comme en témoigne le second prénom de M. Barclay, Glen est un prénom courant et la demanderesse s’est désistée en ce qui concerne le mot BRETON par suite d’une objection de l’examinateur fondée sur l’alinéa 12(1)a) de la Loi concernant l’emploi d’un nom de famille.
Deuxièmement, le consommateur pourrait penser que le whisky en liaison avec lequel la marque est utilisée est produit dans un vallon ou une vallée ou près de l’un de ces endroits, quelque part au cap Breton. Troisièmement, les quelques personnes qui connaissent les marques des tiers formées du préfixe GLEN pourraient conclure que la marque a une connotation vaguement écossaise ou gaélique, qui évoque quelque peu l’Écosse. Toutefois, le fait qu’une marque puisse être suggestive de la nature, de la qualité ou du lieu d’origine des marchandises (ou qu’elle puisse induire en erreur à ce sujet) ne fait pas en sorte qu’elle ne peut en raison de l’alinéa 12(1)b) de la Loi être enregistrée. Qui plus est, le fait que la marque soit susceptible de susciter diverses réactions montre qu’on ne peut compter sur une seule réaction, encore moins une réaction supposant que la marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse des marchandises. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est rejeté.
Pour ce qui est du troisième motif d’opposition, l’opposante fait valoir que la marque de commerce demandée n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)e) parce que l’article 10 de la Loi, qui est libellé comme suit, en interdit l’adoption :
10. Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.
10. Where any mark has by ordinary and 'bona fide' commercial usage become recognized in Canada as designating the kind, quality, quantity, destination, value, place of origin or date of production of any wares or services, no person shall adopt it as a trademark in association with such wares or services or others of the same general class or use it in a way likely to mislead, nor shall any person so adopt or so use any mark so nearly resembling that mark as to be likely to be mistaken therefor.
La date pertinente pour déterminer si, pour les besoins de l’article 10, la marque fait l’objet « d’une pratique commerciale ordinaire et authentique » serait la date à laquelle la décision est rendue : voir Olympus Optical Company Ltd. c. Canadian Olympic Association (1991), 38 C.P.R. (3d) 1, aux pages 3 et 4 (C.A.F.).
Pour juger du bien‑fondé du troisième motif d’opposition, il faut essentiellement déterminer s’il est interdit d’enregistrer une phrase ou un mot particulier parce qu’il s’agit d’un terme générique, d’usage courant dans le commerce ou par ailleurs non distinctif. En l’espèce, il n’a pas été démontré que le mot GLEN est visé par cette interdiction. Au mieux, la preuve démontre qu’au Canada un certain nombre de tiers utilisent des marques formées du préfixe GLEN en liaison avec du scotch whisky. Même s’il avait été établi que GLEN est une marque interdite en raison de l’article 10, la marque de la demanderesse GLEN BRETON ne ressemble pas au mot GLEN au point d’être vraisemblablement confondue avec celui-ci. Le troisième motif est donc rejeté. En fait, il semble quelque peu inhabituel que l’opposante tente d’établir qu’il devrait être interdit d’utiliser le mot GLEN en liaison avec du whisky et donc que l’enregistrement d’une marque formée du préfixe GLEN devrait par conséquent être refusé parce qu’un certain nombre de ses membres sont les propriétaires inscrits de telles marques au Canada.
Pour ce qui est du quatrième motif d’opposition, il incombe à la demanderesse de démontrer que sa marque permet de distinguer ou distingue véritablement ses marchandises de celles d'autres propriétaires au Canada : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 C.O.M.C.). En outre, la date pertinente pour l’examen de cette question est la date de la production de l’opposition (soit le 14 janvier 2003) : voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.).
Selon le quatrième motif d’opposition, la marque de la demanderesse n’est pas distinctive parce qu’elle est fausse et trompeuse et parce qu’elle contrevient à l’article 10 de la Loi. Même en tenant compte des diverses dates pertinentes, mes conclusions concernant le deuxième et le troisième motif d’opposition s’appliquent. Le quatrième motif d’opposition est donc rejeté. Encore une fois, l’opposante cherche à obtenir des droits exclusifs concernant l’emploi du mot GLEN en liaison avec du whisky. Cela paraît étrange étant donné que plusieurs tiers utilisent différentes marques formées du préfixe GLEN justement à l’égard de ce produit. Ce fait constitue plutôt une preuve de la faiblesse du mot GLEN en tant qu’élément figurant dans les marques de whisky et une preuve que les consommateurs peuvent facilement distinguer ces marques en tenant compte de leurs autres éléments.
Il semble que l’opposante soit allée trop loin en l’espèce. Le fait que des membres de l’Association utilisent une certaine forme de marque de commerce (soit GLEN suivi d’un autre mot) n’empêche pas d’autres personnes d’utiliser une marque dont la forme est similaire. Si l’opposante croit vraiment que le mot GLEN devrait bénéficier d’une protection spéciale, accordée à l’intention des fabricants de scotch whisky, il y a longtemps qu’elle aurait dû faire des démarches pour que ce mot soit protégé en tant qu’indication géographique désignant l’Écosse comme lieu d’origine comme elle l’a fait en ce qui concerne les mots « Scotch Whisky ». L’opposante aurait aussi pu enregistrer GLEN en tant que marque de certification et ainsi appliquer des normes particulières concernant le whisky vendu sous cette marque par ses membres et par d’autres personnes. Étant donné qu’elle a choisi de s’abstenir de prendre ces mesures, elle ne peut empêcher d’autres personnes d’enregistrer des marques formées du préfixe GLEN, utilisées de façon légitime dans la pratique du commerce en liaison avec des whiskys autres que des whiskys écossais.
Vu ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui m'ont été conférés par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3), je rejette l'opposition.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), CE 10 JANVIER 2007.
David J. Martin,
Membre,
Commission des oppositions des marques de commerce