Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L'OPPOSITION de The Procter & Gamble Company à la demande numéro 1,065,175 produite par SmithKline Beecham Inc. en vue de l'enregistrement de la marque de commerce BLANCHISSANT MULTI-ACTION________

 

 

Le 28 juin 2000, la requérante, SmithKline Beecham Inc., a déposé une demande en vue d’enregistrer la marque de commerce BLANCHISSANT MULTI-ACTION. La demande est actuellement fondée sur l’emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec : dentifrices, rince-bouche et rafraîchisseurs d’haleine. La requérante renonce à l’usage exclusif du mot BLANCHISSANT en lien avec les marchandises en dehors de la marque de commerce.

 

La demande a été publiée à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 mai 2002. Le 10 juillet 2002, l’opposante, The Procter & Gamble Company, a déposé un avis d’opposition à l’égard de la demande.

 

La requérante a déposé et signifié une contre-déclaration.

 

À l’appui de son opposition, l’opposante a produit l’affidavit d’une stagiaire en droit, Lindsey Van Poorten, alors que la requérante a produit l’affidavit d’une recherchiste en matière de marques de commerce, Karen E. Thompson, à l’appui de sa demande. Aucune des déposantes n’a été contre-interrogée.

 

Chacune des parties a déposé une plaidoirie écrite et était représentée à l’audience.

Il incombe à la requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi sur les marques de commerce , L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), mais l'opposante a le fardeau initial de soumettre suffisamment de preuves admissibles permettant de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués pour appuyer chaque motif d’opposition [voir John Labatt Ltée. c. Les Compagnies Molson Ltée. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Analyse des motifs d’opposition

 

Les motifs d’opposition visés aux alinéas 38(2)b) et d) de la Loi ont été invoqués. Je discuterai d’abord du dernier.

 

Alinéa 38(2)d) – Caractère distinctif

 

Ce motif d’opposition a été plaidé de la façon suivante :

[traduction] La marque de commerce n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi dans la mesure où elle ne distingue pas, ni n’est adaptée à distinguer, les marchandises en liaison avec lesquelles elle serait employée par la requérante des marchandises fournies par l’opposante ou par ses prédécesseurs en titre, ou par d’autres fournisseurs, vendeurs ou fabricants des mêmes produits. La marque de commerce de la requérante ne distingue pas et ne peut pas distinguer ses marchandises.

 

Puisque des tiers utiliseraient naturellement le terme BLANCHISSANT MULTI-ACTION pour décrire les mêmes produits qui jouent le même rôle, ce terme ne permettrait pas de distinguer les marchandises d’un fabricant de tels produits de celles d’un autre fabricant des mêmes produits. Tout produit qui a un rôle de blanchissant à action multiple devrait pouvoir être décrit comme tel par son fabricant, quel qu’il soit.

 

La date pertinente en ce qui a trait au caractère distinctif est la date de dépôt de la déclaration d'opposition [voir Andres Wines Ltd. c. E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.) à la page130, et Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.) à la page 424].

 

Dans Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.), le juge Denault a déclaré ce qui suit à la page 428 :

Bien que le caractère distinctif d'une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l'examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens de l'article 6 de la Loi, il est possible de rejeter une demande d'enregistrement au motif qu'elle n'est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, à condition que ce moyen soit invoqué dans une opposition […]. Le caractère distinctif est une caractéristique fondamentale et essentielle d'une marque de commerce. Le moyen fondé sur l'absence de caractère distinctif peut donc être soulevé en opposition par quiconque et s'appuyer sur le défaut de distinguer ou d'être adapté à distinguer la marque de commerce projetée des marchandises de tous les autres propriétaires.

 

 

De plus, dans Conseil canadien des ingénieurs professionels c. APA - Engineered Wood Association (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 à la page 253, le juge O'Keefe a dit :

Bien qu'il puisse être vrai qu'une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse soit nécessairement sans caractère distinctif, il n'est pas exact de soutenir que, du simple fait qu'une marque de commerce est considérée comme ne donnant pas une description simple ou une description fausse et trompeuse, elle est par conséquent distinctive.

 

L’opposante a soumis les définitions suivantes tirées du dictionnaire :

[traduction]

multi- élément signifiant : 1. plusieurs 2. plus de deux 3. beaucoup plus que

action 1. le fait de faire quelque chose 2. une chose faite 3. [pl.] comportement

4. un effet (p. ex. d’une drogue) 5. la manière de fonctionner (p. ex. d’une machine) […]

blanchir 1. rendre blanc, clair […]

 

De plus, après vérification dans un autre dictionnaire français-anglais (Cassell’s), j’ai constaté que le mot exact « blanchissant » s’y trouve, avec la traduction suivante : [traduction] a. qui blanchit ou qui devient blanc; moussant.

 

Simplement à partir de ce qui précède, je conclus que la marque de la requérante, une combinaison de mots descriptifs, n’est pas de façon inhérente adaptée à distinguer ses marchandises de marchandises similaires offertes par d’autres. Je constate qu’il ne s’agit pas d’une situation où la marque incorpore une caractéristique distinctive comme un élément graphique ou possède une construction linguistique inhabituelle. Il ne s’agit pas d’une affaire comme Pizza Pizza Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 67 C.P.R. (2d) 202 (C.F. 1re inst.), où le juge Rouleau a dit à la page 204 :

 

 

 Elle en a fait « inventé » une expression. La Cour est convaincue que la marque de commerce projetée n'a pas de connotation propre et qu'elle permet d'établir une distinction entre les marchandises de l'appelante et celles des autres. Les mots « PIZZA PIZZA » ne sont pas juxtaposés de façon naturelle et la Cour est convaincue qu'ils ne sont pas descriptifs et qu'ils peuvent acquérir un sens propre en tant que marque de commerce.

 

Je trouve plutôt que cette affaire ressemble davantage à l’affaire Les Compagnies Molson Ltée c. John Labatt Ltée. et al. (1981), 58 C.P.R. (2d) 157 (C.F.1re inst.). La Cour s’était alors penchée sur la question de savoir si une marque de commerce formée d’un nom de famille et d’un terme descriptif ne pouvait être distinctive parce qu’une telle marque, dans son ensemble, n’était pas adaptée à distinguer les services de la requérante de services semblables offerts par d’autres personnes ayant le même nom de famille. À la page 164 de cette décision, le juge Cattanach a déclaré :

La marque de commerce LABATT EXTRA sert donc à distinguer les boissons de « Labatt » des boissons des autres brasseurs dont les noms de famille sont différents. Elle ne possède aucun caractère qui la rende apte à distinguer les boissons de la requérante des marchandises d'autres brasseurs qui fabriquent des boissons de qualité comparable, d'après eux, et qui portent également « Labatt » comme nom de famille.

 

Dans la présente affaire, même si BLANCHISSANT MULTI-ACTION peut servir à établir une distinction entre les dentifrices, rince-bouche et rafraîchisseurs d’haleine de la requérante et ceux offerts par d’autres qui ne blanchissent pas, ou qui blanchissent par une action unique, je ne vois pas comment la marque de commerce pourrait servir à établir une distinction entre les produits d’hygiène buccale de la requérante et d’autres produits d’hygiène buccale qui produisent aussi des effets de blanchiment par des actions multiples.

 

De plus, la requérante n’a pas présenté de preuve d’emploi ou de promotion de sa marque. Il n’y a donc rien qui permette de conclure que l’emploi proposé de la marque en question a acquis un certain caractère distinctif au Canada.

 

Par conséquent, ce moyen d’opposition est accueilli.

 

Alinéa 38(2)b) - Enregistrabilité

Comme j’ai déjà rejeté la demande pour un des motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que je me penche sur le deuxième, même si je vais le faire brièvement.

 

L’opposante plaide qu’en vertu de l’alinéa 12(1)b), la marque BLANCHISSANT MULTI-ACTION n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises, soit des « dentifrices, rince-bouche et rafraîchisseurs d’haleine » ayant une faculté de « blanchiment multi-action », ou alors la marque de commerce donne une description fausse et trompeuse. L’opposante allègue que BLANCHISSANT MULTI-ACTION signifie clairement que les dentifrices, rince-bouche et rafraîchisseurs d’haleine blanchissent par plusieurs procédés. À l’appui, l’opposante invoque la définition ordinaire, que l’on trouve dans les dictionnaires, des mots BLANCHISSANT, MULTI- et ACTION, et elle déclare que le terme « multi-action » est employé pour décrire divers produits, notamment d’autres produits dentifrices, qui procurent des avantages en empruntant des avenues multiples.

 

L’article de la Loi qui est visé est formulé ainsi :

12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants :

b) qu'elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d'origine de ces marchandises ou services.

 

Pour la Commission d’opposition, la date pertinente en ce qui a trait à l’alinéa 12(1)b) est la date du dépôt de la demande [voir Havana Club Holdings S. A. c. Bacardi & Company Limited (2004), 35 C.P.R. (4th) 541 (C.O.M.C.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F.1re inst.)]. Je reconnais qu’au moment où l’opposante a déposé sa preuve, la date pertinente acceptée pour ce qui est de l’alinéa 12(1)b) était la date de la décision. De plus, l’opposante a plaidé que la date de la décision devrait toujours être considérée comme la date pertinente parce que, contrairement à ce qui a été dit dans Fiesta Barbeques, précitée, les affirmations que l’on trouve dans Lubrication Engineers, Inc. c. Le Conseil canadien des ingénieurs professionnels (1992), 41 C.P.R. (3d) 243 (C.A.F.) concernant la date pertinente n’ont pas été faites de manière incidente. Un argument semblable a été formulé dans Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. Management Engineers GmbH (2004), 37 C.P.R. (4th) 277 (C.O.M.C.). Dans cette affaire, le membre de la Commission, Herzig, avait de la sympathie pour l’argument de l’opposante, mais il a finalement choisi de suivre le principe de la courtoisie à l’égard des décisions antérieures et a retenu comme date pertinente la date du dépôt de la demande. Je fais de même pour des raisons similaires.

 

La question de savoir si la marque de la requérante donne une description claire de la nature des marchandises doit être examinée du point de vue du consommateur ordinaire de ces marchandises. De plus, il ne faut pas décomposer la marque en ses éléments constitutifs ni l'analyser avec soin, mais il faut plutôt la considérer dans son ensemble selon l'impression générale qui s'en dégage [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 aux pages 27 et 28; Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 à la p.186]. La « nature » des marchandises signifie un aspect, un trait ou une caractéristique des marchandises, et « claire » signifie « facile à comprendre, évident, ou simple » [voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29 à la page 34]. Le fait qu’une certaine combinaison de mots ne figure dans aucun dictionnaire n’empêche pas qu’on puisse trouver qu’une marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse. Si chaque élément de la marque a un sens bien connu en anglais ou en français, il se peut que la combinaison de ces éléments contrevienne à l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

La déposante de l’opposante, Mme Van Poorten, a fourni plusieurs exemples de produits qui affichent un ou plusieurs des mots BLANCHISSANT, MULTI-ACTION, DUAL ACTION, MULTI-ACTIVE, etc., mais tous ces produits avaient été achetés en 2003, bien après la date pertinente.

 

J’estime que BLANCHISSANT MULTI-ACTION est très suggestif, et même descriptif, mais qu’il ne donne pas une description claire de la nature des marchandises. J’en arrive à cette conclusion parce que le mot « multi-action » est plutôt vague et qu’il faut plus d’information pour comprendre les différents moyens employés par les marchandises pour parvenir à blanchir.

 

Je conclus donc que BLANCHISSANT MULTI-ACTION ne contrevient pas à l’alinéa 12(1)b) de la Loi et que le motif d’opposition portant que la marque n’est pas enregistrable doit être rejeté.

 

Avant de terminer, je dirai qu’à mon avis, la preuve présentée par la requérante n’a pas été très utile à sa cause relativement à ce dernier motif. Cette preuve consistait en une recherche dans le registre canadien des marques de commerce visant des marques qui comprenaient les mots MULTI ou MULTIPLE combinés aux mots ACTIVE ou ACTION, dans toutes les catégories. Cinq demandes ou enregistrements ont ainsi été trouvés. Il ressort clairement de la jurisprudence qu’une preuve fondée sur l’état du registre n’est pertinente que si elle permet d’en tirer des inférences sur l’état du marché, et que celles-ci peuvent être tirées de l’état du registre seulement lorsqu’il y a un grand nombre d’enregistrements pertinents. Cinq demandes ou enregistrements ne suffisent pas pour que je puisse en tirer des inférences significatives [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F.1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]

 

Dans sa plaidoirie écrite, la requérante a fait valoir que les demandes et enregistrements présentés en preuve montrent que [traduction] « le Bureau des marques de commerce a clairement affirmé que les termes MULTI-ACTION et MULTI-ACTIVE ne donnent pas une description claire ou une description fausse et trompeuse ». L’opposante, par contre, a réussi à contrer cet argument en s’appuyant sur la décision Neptune S. A. c. Procureur général du Canada (2003), 29 C.P.R. (4th) 497 (C.F.1re inst.). Comme l’opposante l’a résumé, [traduction] « dans cette affaire, la requérante avait relevé des inscriptions déjà portées au registre, mais celles-ci ont été examinées et rejetées par le registraire, et la Cour fédérale, en appel, a conclu que le registraire pouvait raisonnablement s’appuyer sur le fait que, s’il y avait déjà eu des erreurs par le passé, il n’y avait aucune raison de perpétuer ces erreurs » [voir aussi Aetna Life Insurance Co. of Canada et al. c. S. N. J. Associates, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 539 (C.O.M.C.) à la page 550].

 

Décision

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le Registraire des marques de commerce en conformité avec le paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 27E JOUR DE MARS 2006.

 

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission d’opposition des marques de commerce

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