Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
RELATIVEMENT À L’OPPOSITION de MUTUAL INVESTCO INC., faisant maintenant affaires sous le nom de CLARICA INVESTCO INC., à la demande no 768,254 produite par KNOWLEDGE IS POWER INC. en vue d’obtenir l’enregistrement de la marque de commerce KNOWLEDGE IS POWER
Le 10 novembre 1994, la société KNOWLEDGE IS POWER INC., requérante en la présente instance, a produit une demande d’enregistrement pour la marque KNOWLEDGE IS POWER fondée sur l’emploi de cette marque au Canada depuis aussi loin que le 5 octobre 1994 en liaison avec les marchandises suivantes :
[TRADUCTION] des bulletins et du matériel didactique écrit, savoir des articles, des livrets, des relieurs à feuilles mobiles pour le matériel didactique, des bulletins et des documents de cours consacrés aux industries de l’assurance et des services financiers
et sur l’emploi de cette marque au Canada depuis aussi loin que le 22 novembre 1990 en liaison avec les services suivants :
[TRADUCTION] Animer des colloques, des conférences, des cours, des ateliers et fournir du matériel didactique concernant les industrie de l’assurance et des services financiers.
Cette demande a été annoncée aux fins de la procédure d’opposition dans le numéro du 29 novembre 1995 du Journal des marques de commerce et la société MUTUAL INVESTCO INC., opposante en l’espèce, a produit une déclaration d’opposition le 29 janvier 1996, dont copie a été transmise à la requérante le 20 février 1996. Le 19 juin 1996, la requérante a signifié et produit une contre‑déclaration en réponse à la déclaration d’opposition. La preuve fournie par l’opposante consiste en l’affidavit de M. Vincent P. Ryan, vice‑président des affaires administratives de l’opposante, alors que la requérante a choisi de ne présenter aucun élément de preuve. M. Ryan a été contre‑interrogé sur le contenu de son affidavit et la transcription de ce contre‑interrogatoire fait partie du dossier d’opposition. Les parties n’ont pas produit d’argumentation écrite mais elles étaient représentées lors de l’audience. Pendant le déroulement de l’opposition, l’opposante a changé sa raison sociale pour CLARICA INVESTCO INC.
L’opposante a fait valoir les motifs d’opposition suivants dans sa déclaration d’opposition :
a) La requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce KNOWLEDGE IS POWER en vertu de l’alinéa 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, en ce que, à la date de production de la présente demande, sa marque créait de la confusion avec la marque KNOWLEDGE IS POWER de l’opposante, laquelle en avait fait un emploi continu au Canada depuis au moins le 1er mars 1992 en liaison avec des publications imprimées et électroniques, et avec des logiciels traitant de services financiers, à savoir des services de fonds de placement;
b) La marque visée par la demande n’est pas distinctive puisqu’elle ne distingue pas véritablement les marchandises ou services de la requérante, ou n’est pas adaptée à les distinguer ou ne peut les distinguer, tels que ceux‑ci sont décrits dans la présente demande, des marchandises ou services à l’égard desquels l’opposante a employé au Canada la marque KNOWLEDGE IS POWER et continue de l’employer.
Fondant son premier motif d’opposition sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, l’opposante conteste, sur la base de l’emploi qu’elle a fait antérieurement de sa marque KNOWLEDGE IS POWER, le droit de la requérante d’enregistrer la marque KNOWLEDGE IS POWER. Vu les dispositions prévues aux paragraphes 16(5) et 17(1) de la Loi, l’opposante a le fardeau initial d’établir qu’elle a employé sa marque KNOWLEDGE IS POWER au Canada, en liaison avec des publications imprimées et électroniques et des logiciels traitant de services financiers, avant les dates de premier emploi revendiquées par la requérante, c’est‑à‑dire le 22 novembre 1990 et le 5 octobre 1994, et elle doit également démontrer qu’elle n’avait pas abandonné sa marque à la date de publication de la présente demande [soit le 29 novembre 1995].
L’opposante se fonde autant sur l’affidavit de M. Vincent P. Ryan que sur la transcription de son contre‑interrogatoire pour étayer l’argument selon lequel elle a employé la marque KNOWLEDGE IS POWER au Canada en liaison avec des publications, imprimées et électroniques, et avec des logiciels traitant de services financiers, à savoir des services de fonds de placement, d’une façon continue depuis le 1er mars 1992. Plus particulièrement, l’opposante soutient que sa preuve établit qu’elle a distribué, de façon continue depuis le 1er mars 1992, des publications imprimées et électroniques affichant la marque KNOWLEDGE IS POWER à ses représentants inscrits indépendants, lesquels ont ensuite distribué les publications imprimées au public canadien. M. Ryan a annexé, comme pièces au soutien de son affidavit, un échantillonnage des publications imprimées qui, selon l’opposante, ont été distribuées à ses représentants inscrits indépendants.
Vu que la preuve de l’opposante tend à démontrer qu’elle a employé sa marque KNOWLEDGE IS POWER seulement depuis le 22 mars 1992, date ultérieure à la date de premier emploi [le 22 novembre 1990] revendiquée par la requérante en lien avec ses services, sans négliger le fait que l’opposante n’a pas fait valoir un motif fondé sur l’alinéa 30b) pour contester la date de premier emploi revendiquée par la requérante, j’estime que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombe en vertu des alinéas 16(5) et 17(1) de la Loi s’agissant des services couverts dans la présente demande. En conséquence, je conclus au rejet de cet aspect du premier motif d’opposition. En revanche, vu que l’opposante allègue avoir employé sa marque à une date antérieure à celle du premier emploi [le 5 octobre 1994] revendiquée par la requérante en lien avec ses marchandises, les allégations de l’opposante appuient cet aspect du motif fondé sur l’alinéa 16(1)a). Par conséquent, la question qui se pose est de savoir si l’opposante s’est acquittée du fardeau qui lui incombe en vertu des paragraphes 16(5)et 17(1) de la Loi en lien avec les marchandises couvertes dans la présente demande.
Après avoir examiné l’affidavit de M. Ryan et la transcription de son contre‑interrogatoire, je suis convaincu que l’opposante a établi qu’elle a employé sa marque KNOWLEDGE IS POWER comme marque de commerce en liaison avec des brochures et d’autre matériel publicitaire, et avec la version électronique de sa brochure, laquelle a été distribuée, depuis mars 1992, à plus de 770 représentants de commerce indépendants par l’intermédiaire de ses succursales sur tout le territoire canadien. Même si la requérante allègue que l’opposante n’a pas, dans ses publications, présenté sa marque comme une marque de commerce, je suis convaincu que la requérante a employé sa marque d’une manière qui correspond à la perception que les représentants indépendants de l’opposante et les clients de ses sociétés de fonds mutuel se font d’une marque de commerce. La preuve étaye la conclusion selon laquelle les représentants indépendants de l’opposante ont distribué des brochures aux clients potentiels des sociétés de fonds mutuel de l’opposante avant octobre 1994, ces brochures faisant partie d’un système de ventes utilisé de concert avec les fonds communs de placement que l’opposante vend à ses clients. En revanche, j’estime que l’opposante a offert sa brochure en version vidéo et en version électronique seulement à ses représentants autorisés et non à ses clients potentiels. En outre, j’estime qu’à la date de publication de la présente demande, l’opposante n’avait pas abandonné sa marque de commerce KNOWLEDGE IS POWER s’agissant de ses brochures et de la version électronique de celles‑ci.
La transcription du contre‑interrogatoire de M. Ryan [voir la réponse à la Q. 47] établit que l’opposante a distribué sans frais ses brochures à ses représentants de commerce indépendants, lesquels ont ensuite distribué les brochures aux clients potentiels des sociétés de fonds mutuel de l’opposante. La question qui se pose est donc de savoir si la distribution gratuite des brochures de l’opposante constitue, dans la pratique normale du commerce, un emploi de sa marque KNOWLEDGE IS POWER au sens du paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce. Dans la décision Royal Bank of Canada/Banque Royale du Canada c. Le Registraire des marques de commerce et al., 63 C.P.R. (3d) 322, le juge Dubé a fait, à la page 327, la remarque suivante concernant la question de « l’emploi » d’une marque de commerce dans un contexte où des publications sont distribuées gratuitement :
Le seul élément de preuve concernant l'emploi de la marque de commerce INFORMACTION avant le 12 novembre 1991 correspond à un bulletin qui a circulé au sein de la Banque Royale et à l'apposition de la marque comme en‑tête sur du papier à lettres vierge. Ce n'est pas suffisant pour affirmer que la marque de commerce a été employée « dans la pratique normale du commerce ». Le déposant doit expliquer ce qu'est la pratique normale du commerce et établir comment la marque de commerce a été employée dans ce contexte.
À ce chapitre, la preuve est mince et imprécise étant donné que rien n'indique comment la marque de commerce était liée à des marchandises vendues ou cédées : Professional Gardener Co. c. le Registraire des marques de commerce (1985), 5 C.P.R. (3d) 568 aux pages 571 et 572, 5 C.I.P.R. 314 (C.F. 1re inst.) (le juge Strayer). Le mot « commerce » implique une forme de paiement ou d'échange à l'égard des marchandises fournies ou, à tout le moins, que le transfert des marchandises a eu lieu dans le cadre d'un marché. La preuve établit seulement que la marque de commerce était liée à des communications internes ou, au mieux, à des brochures remises gratuitement à certains clients à une occasion : Renaud Cointreau & Cie v. Cordon Bleu International Ltd., (1993) 52 C.P.R. (3d) 284 (B.M.C.)[C.O.M.C.], à la page 287. En somme, aucun élément n'établit que les marchandises visées par la marque de commerce INFORMACTION ont été fabriquées, vendues, données à bail ou louées pour distinguer les marchandises de la Banque Royale de celles d'autrui sur le marché.
À mon avis, le fait de distribuer gratuitement au public une publication en liaison avec une marque de commerce peut, à la rigueur, constituer l’emploi d’une marque de commerce au sens du paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce [voir, à cet égard, Now Communications Inc. v. Chum Ltd., 5 C.P.R. (4d) 275]. Toutefois, en l’espèce, et même si les représentants indépendants ne sont pas des employés chez l’opposante, ils sont exclusivement autorisés par elle et se désignent comme ses mandataires. Vue sous cet angle, la distribution de brochures aux représentants inscrits ne constitue pas, à mon avis, une distribution de brochures qui, dans la pratique normale du commerce, vise le public en général. De plus, la preuve n’établit pas clairement dans quelle mesure les représentants inscrits ont distribué les brochures de l’opposante aux acheteurs potentiels de ses fonds communs de placement. Je ne suis donc pas disposé à conclure que la distribution de brochures faite par l’opposante constitue un emploi de sa marque de commerce KNOWLEDGE IS POWER au sens envisagé au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce. Par conséquent, et vu que l’opposante n’a pas su établir qu’elle avait employé, avant le 5 octobre 1994, sa marque KNOWLEDGE IS POWER en liaison avec des brochures, j’ai rejeté cet aspect du premier motif d’opposition.
Le deuxième motif concerne le caractère non distinctif de la marque de commerce de la requérante au regard de l’emploi que l’opposante fait au Canada de la marque KNOWLEDGE IS POWER. Bien qu’il incombe à la requérante de démontrer que sa marque KNOWLEDGE IS POWER distingue véritablement ses marchandises ou services de ceux qu’offrent d’autres propriétaires sur tout le territoire canadien [voir Muffin Houses Incorporated v. The Muffin House Bakery Ltd., 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], l’opposante a le fardeau initial d’établir l’existence des faits sur lesquels elle s’appuie pour étayer ce motif. De plus, le moment pertinent pour apprécier les circonstances entourant le motif fondé sur le caractère non distinctif est le 29 janvier 1996, soit la date de production de la déclaration d’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery, 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.); Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.); et Merrill Lynch & Co. c. Banque de Montréal, 66 C.P.R. (3d) 150, à la page 64 (C.F. 1re inst.)].
Je ferai d’abord remarquer que, à toute date précédant son opposition, l’opposante ne connaissait rien de la requérante ni de son emploi présumé de la marque KNOWLEDGE IS POWER au Canada. De plus, s’agissant d’évaluer si l’opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, je suis conscient qu’il n’est pas nécessaire que l’emploi de sa marque KNOWLEDGE IS POWER relativement à ses brochures corresponde à la définition envisagée au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce pour qu’elle puisse l’invoquer dans le cadre d’une contestation du caractère distinctif de la marque de la requérante. Compte tenu de la preuve au dossier, je suis convaincu que, pendant la période de trois ans et demi au cours de laquelle l’opposante a distribué ses vidéos, ses brochures et leur version électronique, plus de 770 représentants inscrits indépendants de l’opposante sur tout le territoire canadien avaient pris connaissance de sa marque KNOWLEDGE IS POWER avant la date de l’opposition. En outre, je suis conscient que la preuve au dossier n’indique pas clairement dans quelle mesure les clients, ou les clients potentiels, des sociétés de fonds mutuel de l’opposante avaient pris connaissance de sa marque avant la date pertinente, mais je suis disposé à induire, de l’affidavit de M. Ryan et de la transcription de son contre‑interrogatoire, qu’au moins certains de ses clients avaient pris connaissance de sa marque avant la date pertinente lorsqu’ils ont reçu ses brochures par l’intermédiaire des représentants de commerce indépendants. Conséquemment, et tout en étant bien conscient que les marques en cause sont identiques, que les marchandises de la requérante sont étroitement liées aux brochures, et que la vente des fonds communs de placement de l’opposante et la distribution de ses brochures semblent avoir un lien avec le matériel didactique de la requérante relativement, entre autres, à l’industrie des services financiers, je conclus qu’il y a suffisamment d’éléments au dossier pour que l’opposante réussisse à s’acquitter de son fardeau eu égard au motif fondé sur le caractère non distinctif.
Compte tenu de ce qui précède, la requérante a le fardeau de convaincre le registraire que sa marque KNOWLEDGE IS POWER était distinctive à la date pertinente. Vu que la requérante n’a présenté aucune preuve au soutien de sa demande, et vu que ses arguments n’établissent pas que sa marque était effectivement distinctive à la date d’opposition, je conclus que ce motif d’opposition est bien fondé.
Vu ces conclusions, et à titre de personne déléguée par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la présente demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi sur les marques de commerce.
FAIT À HULL (QUÉBEC), le 23 AVRIL 2001.
G.W. Partington,
Agent d’audience