Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 82

Date de la décision : 2012-04-27

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION produite par Donald Durham Company à l’encontre de la demande d’enregistrement n° 1,405,289 pour la marque de commerce ROCKHARD au nom de Calera Corporation

 

 

 

Le dossier

[1]               Le 29 juillet 2008, Calera Corporation (la Requérante) a produit la demande n° 1,405,289 pour l’enregistrement de la marque de commerce ROCKHARD (la Marque) en alléguant un emploi projet au Canada. À la suite d’une lettre officielle, la Requérante a produit une demande révisée qui englobe les marchandises suivantes :

Matériaux de construction non métalliques, nommément matériaux cimentaires à base de minéraux, nommément ciment Portland, ciment hydraulique, ciment blanc, ciment de maçonnerie, enduit pâteux, stuc et ciment pour puits de pétrole, autres matériaux cimentaires à base de minéraux et matériaux pouzzolaniques, nommément laitier de haut fourneau, mâchefer et cendres volantes; mélanges de ciment et liants, béton, mortier, pierre, granulats, sable, mosaïque, carreaux, chaux, plâtre, gypse, gravier, briques, carreaux de couverture, carreaux de sol, éléments de maçonnerie, systèmes de murs de soutènement, asphalte, papier feutre, matériaux de construction faits à partir de béton, nommément blocs, briques, pierres, murs, conduits, canalisations, pavés, poteaux, socles, pouter cloisons, barrières, tuyaux, modules, panneaux, colonnes, monuments, contenants, murets, bases, dalles, clôtures, poutres, planches, dalots et bassines (les Marchandises).

[2]               La Requérante revendique une date de priorité du 29 janvier 2008 en se fondant sur une demande produite aux États-Unis d’Amérique à cette date sous le n° 77/383,687 en vue de l’enregistrement de la même ou sensiblement la même marque de commerce pour emploi en liaison avec le même genre de marchandises.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 10 juin 2009. Donald Durham Company (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition le 10 novembre 2009, qui a été transmise par le registraire à la Requérante le 22 décembre 2009.

[4]               La Requérante a produit le 22 février 2010 une contre-déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition.

[5]               L’Opposante a produit comme preuve un certificat d’authenticité de l’enregistrement n° LMC537,701 pour la marque de commerce ROCK HARD, ainsi que l’affidavit de Ronald D. Lindhart, tandis que l’Opposante a produit l’affidavit de Lindsay E. Lanthier.

[6]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Ni l’une ni l’autre des parties n’ont demandé la tenue d’une audience.

Les motifs d'opposition

[7]               Les motifs d'opposition avancés par l’Opposante peuvent être résumés comme il suit :

1.      la Marque n’est pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi), car elle crée de la confusion avec la marque déposée ROCK HARD de l’Opposante, enregistrement n° LMC537,701;

2.      la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque en application de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, car, à la date de production de la demande, et à la date de priorité revendiquée par la Requérante, la Marque créait de la confusion avec la marque ROCK HARD de l’Opposante, qui a été employée antérieurement au Canada par l’Opposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec le mastic;

3.      selon l’alinéa 38(2)d), la Marque de la Requérante n’est pas distinctive, et elle n’est pas non plus adaptée à distinguer les Marchandises de la Requérante au Canada des marchandises « mastic » de l’Opposante, antérieurement et continûment vendues au Canada en liaison avec sa marque susdite ROCK HARD, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque susdite de l’Opposante.

 

Le fardeau de la preuve dans les procédures d’opposition en matière de marque de commerce

[8]               C’est à la Requérante qu’il appartient de montrer que la demande est conforme aux dispositions de la Loi, mais il incombe d’abord toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d'opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d'opposition. Après que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les divers motifs d'opposition ne sauraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd et al c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) et Wrangler Apparel Corp. c The Timberland Company [2005] CF 722].

Non-enregistrabilité de la Marque aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[9]               Pour s’acquitter de son fardeau initial selon ce motif d'opposition, l’Opposante doit établir l’existence de l’enregistrement invoqué pour ce motif d'opposition. Comme il est indiqué ci-dessus, l’Opposante a produit une copie certifiée conforme de l’enregistrement n° LMC537,701 qui vise le mastic. J’ai vérifié le registre, et cet enregistrement est encore existant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats Ltée c Manu Foods Ltd, 11 CPR (3d) 410].

[10]           L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial. Par conséquent, il appartient à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises n’est pas susceptible d’entraîner une confusion avec la marque déposée ROCK HARD de l’Opposante.

[11]           La date pertinente est la date de la décision du registraire [voir l’arrêt Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 CPR (3d) 413, page 424 (CAF)].

[12]           Le test à appliquer pour trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Je dois prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; enfin le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[13]           Ces critères ne sont pas limitatifs, et tous n’auront pas nécessairement le même poids. Dans un arrêt récent, Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc et al, 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada écrivait sans ambiguïté que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques. Dans la présente affaire, les marques sont pour ainsi dire identiques, la seule différence entre elles étant l’absence d’un espace, dans la Marque, entre « rock » et « hard ». Le dossier ne contient aucune preuve d’emploi de la Marque. La preuve de la Requérante, sur laquelle je m’exprimerai plus loin, se limite à des extraits du registre joints à l’affidavit de M. Lanthier, sans aucune analyse, et sans les paramètres employés pour obtenir ces résultats.

[14]           Dans ces conditions, le seul moyen pour la Requérante d’obtenir gain de cause est de prouver qu’il n’y a aucune probabilité de confusion des marques respectives des parties compte tenu des différences entre les marchandises des parties et leurs voies de commercialisation.

[15]           M. Lindhart est le président de l’Opposante depuis 1998. De 1994 à 1998, il était le vice-président, et de 1978 à 1994, il était le chef d’usine de l’Opposante.

[16]           Il affirme que l’Opposante, dont le siège est à Des Moines, en Iowa, aux États-Unis, a été constituée en société en 1924. L’unique produit de l’Opposante est un mastic vendu en liaison avec la marque de commerce ROCK HARD aux États-Unis depuis 1932, et au Canada depuis au moins 1955. Il dit que le mastic en liaison avec lequel l’Opposante emploie la marque de commerce ROCK HARD est une poudre à base de gypse qui devient très dure quand elle est mélangée avec de l’eau. Elle est généralement utilisée pour combler des trous et des fissures dans le bois, le plâtre, les meubles, la pierre et le béton. Les utilisateurs finals types du mastic ROCK HARD de l’Opposante au Canada sont les peintres, les décorateurs, les menuisiers, les électriciens, les charpentiers, les ébénistes, les plombiers, les bricoleurs, les artistes et les amateurs (les utilisateurs finals).

[17]           M. Lindhart affirme que les utilisateurs finals au Canada achètent le mastic ROCK HARD de l’Opposante dans des quincailleries indépendantes, chez des marchands de bois et dans des magasins de peinture, ainsi que dans des chaînes nationales telles que Rona et Home Hardware (les détaillants). Il explique que les détaillants achètent le mastic ROCK HARD de l’Opposante auprès de distributeurs qui, quant à eux, achètent le mastic ROCK HARD auprès de l’Opposante. Il a fait la liste de certains des distributeurs en question et produit des échantillons de factures attestant les ventes, par l’Opposante, de son produit au Canada, la plus ancienne remontant au 6 septembre 1990.

[18]           M. Lindhart a indiqué le chiffre d’affaires annuel au Canada de 2000 à 2009 inclusivement, ainsi que le chiffre d’affaires de 2010, connu à la date de signature de son affidavit (16 juin 2010). Il a produit des modèles des boîtes de une livre et de quatre livres sur lesquelles apparaît la marque de commerce ROCK HARD de l’Opposante et qui sont vendues au Canada. Il a produit des exemples d’annonces du mastic ROCK HARD de l’Opposante qui ont été insérées dans des magazines diffusés au Canada. Il a indiqué les chiffres de diffusion de ces magazines, mais il s’agit là d’une déposition sur la foi d’autrui. Comme je ne puis admettre d’office que les magazines cités ont déjà été distribués au Canada, je n’ai pas la preuve que ces annonces ont été vues par la population au Canada.

[19]           Au vu de la preuve produite, j’arrive à la conclusion que manifestement les Marchandises de la Requérante et le mastic de l’Opposante se recouvrent partiellement. Comme la Requérante ne s’est pas exprimée sur la nature des voies de commercialisation auxquelles elle entend recourir, je dois présumer, vu le genre des Marchandises, qu’elles seraient vendues, par l’entremise de détaillants comparables, aux mêmes utilisateurs finals. Par conséquent, non seulement la Marque est pour ainsi dire identique à la marque de commerce ROCK HARD de l’Opposante, mais les marchandises des parties et leurs voies de commercialisation sont également similaires.

[20]           Malheureusement, en l’absence d’un plaidoyer écrit ou d’une audience, la Requérante n’a pas fourni une analyse du contenu de l’affidavit de M. Lindsay. Il y a 39 références dans la pièce A de son affidavit. Il est dans l’intérêt d’une partie qui produit ce genre de preuve de faire sa propre analyse des résultats afin de présenter un solide argument en sa faveur. J’ai examiné les références, et il semble effectivement que la Requérante voulait montrer qu’il existe des enregistrements ou des demandes visant des marques de commerce comportant les mots ou éléments « rock », « roc » ou « hard ». Il est intéressant de noter que la liste fournie par M. Lindsay comprend la demande de la Requérante, mais non l’enregistrement de l’Opposante. De plus, hormis la présente demande de la Requérante, aucune des références indiquées dans l’affidavit Lindsay ne concerne une marque de commerce qui est phonétiquement pareille ou identique à la marque de commerce ROCK HARD de l’Opposante. Une telle preuve ne saurait établir que les consommateurs sont devenus accoutumés à l’emploi courant de marques de commerce composées des mots « rock » et « hard » en liaison avec des produits utilisés dans des travaux de construction et/ou de réparation. Dans ces conditions, je ne vois pas comment cette preuve pourrait être de quelque utilité pour la Requérante.

[21]           J’arrive donc à la conclusion que la Requérante ne s’est pas acquittée de son obligation de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne serait vraisemblablement pas confondue avec la marque déposée ROCK HARD de l’Opposante. La Marque est identique à la marque déposée ROCK HARD de l’Opposante. Les marchandises des parties appartiennent à la même catégorie, à savoir les matériaux de construction, et elles seraient vendues par l’entremise des mêmes voies de commercialisation.

[22]           Le premier motif d'opposition est admis.

Absence de droit à l’enregistrement selon l’alinéa 16(3)a)

[23]           Pour ce motif d'opposition, la date pertinente est la date de production de la demande (29 juillet 2008) [voir le paragraphe 16(3) de la Loi]. L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en montrant qu’elle avait employé sa marque de commerce ROCK HARD au Canada en liaison avec le mastic avant la date pertinente et qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi à la date de l’annonce [voir le paragraphe 16(5) de la Loi]. Je me réfère au sommaire de la preuve de l’Opposante que j’évoquais dans l’examen du motif précédent d'opposition.

[24]           Cet autre motif d'opposition est lui aussi fondé sur la probabilité de confusion de la Marque avec la marque de commerce ROCK HARD de l’Opposante. La différence entre le motif d'opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) d’une part (la non-enregistrabilité) et le motif d'opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) d’autre part (l’absence de droit à l’enregistrement) est la date pertinente antérieure rattachée à ce dernier motif d'opposition.

[25]           Les mêmes conclusions tirées en ce qui concerne la non-enregistrabilité vaudraient également pour ce motif d'opposition puisque la date pertinente antérieure n’aurait aucun effet favorable pour la Requérante dans l’analyse des divers facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi. Par conséquent, le deuxième motif d'opposition est lui aussi admis.

Absence de caractère distinctif

[26]           Ayant statué en faveur de l’Opposante pour les deux premiers motifs d'opposition, il n’est pas nécessaire d’analyser ce dernier motif d'opposition.

Dispositif

[27]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque, en application du paragraphe 38(8).

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L., réviseure

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