Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION DE

Novopharm Limited et d’Apotex Inc.

à la demande no 815,152 visant

l’enregistrement de la marque de commerce Red-brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design

produite par Astra Aktiebolag et appartenant maintenant à AstraZeneca AB


 

 

 

Le 12 juin 1996, Astra Aktiebolag a produit une demande visant l’enregistrement de la marque de commerce Red-brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design. La demande se fonde sur l’emploi de la marque de commerce au Canada en liaison avec des comprimés pharmaceutiques contenant du magnésium d’oméprazole utilisé pour le traitement de l’ulcère duodénal, de l’ulcère gastrique, de l’œsophagite peptique, du syndrome de Zollinger-Ellison et d’autres maladies pour lesquelles une réduction des sécrétions d’acide gastrique est nécessaire, depuis au moins février 1996. La demande a été publiée aux fins d’une opposition dans le Journal des marques de commerce du 27 mai 1998. La partie anglaise de l’annonce est reproduite ci‑dessous :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 27 octobre 1998, Apotex Inc. et Novopharm Limited ont chacune déposé une déclaration d’opposition relativement à la demande no 815,152. Le 22 décembre 1998, la requérante a produit et signifié ses contre‑déclarations.

 

Le 29 juillet 1999, Apotex Inc. et Novopharm Limited ont demandé l’autorisation de regrouper leur opposition en une seule instance et de produire une déclaration d’opposition modifiée. Dans une lettre datée du 8 décembre 1999, la Commission d’opposition des marques de commerce autorisait la modification de la déclaration d’opposition. Elle ne mentionnait pas précisément le regroupement des oppositions, mais je considère que celui‑ci était implicite par l’acceptation d’une seule déclaration d’opposition qui renvoie aux coopposantes. Si je fais erreur à ce sujet, j’autorise maintenant le regroupement des opposantes. Dans le texte qui suit, « opposante » renvoie à Novopharm Limited et à Apotex Inc. ensemble.

 

L’opposante a déposé sept affidavits à titre de preuve visée à l’article 41 du Règlement, soit les affidavits de Phillip Lackman (pharmacien), de Brian Walsh (représentant de Novopharm Limited), d’Andrew Chabursky (pharmacien), d’Alan Joseph Mihic (omnipraticien), de Gregory Haber (gastro‑entérologue), de Colin Simpkin (représentant d’Apotex Inc.) et d’Anna Hucman (assistante juridique). La requérante a obtenu des ordonnances visant le contre‑interrogatoire de chacun de ces déposants. L’opposante n’a pu libérer M. Walsh pour le contre‑interrogatoire et a donc demandé et obtenu l’autorisation de substituer un affidavit de John Andonoff, autre représentant de Novopharm Limited, à celui de M. Walsh. L’affidavit de M. Walsh ne fait donc plus partie du dossier. Les transcriptions des contre‑interrogatoires de chacun des déposants de l’opposante ont été produites et font partie du dossier. En outre, les engagements donnés relativement aux questions 179 et 416 du contre‑interrogatoire de M. Chabursky font partie du dossier.

 

La requérante a déposé deux affidavits à titre de preuve visée à l’article 42 du Règlement, soit les affidavits de Stephen Wilton (représentant d’AstraZeneca Inc.) et d’Adam Pignataro (pharmacien). L’opposante a demandé et obtenu l’autorisation de contre‑interroger ces deux déposants, et les transcriptions des contre‑interrogatoires sont versées au dossier.

 

À titre de preuve visée à l’article 43 du Règlement, l’opposante a produit l’affidavit de Lindsay Martineau, stagiaire en droit.

 

Le 29 février 2000, la requérante a demandé l’autorisation de modifier sa contre‑déclaration. Le 23 mars 2001, l’opposante a demandé de nouveau l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition. Dans deux lettres datées du 23 novembre 2001, la Commission d’opposition des marques de commerce a fait droit à la demande de chaque partie.

 

Le 22 février 2001, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a inscrit AstraZeneca AB comme propriétaire de la présente demande.

 

Chaque partie a déposé une argumentation écrite et chacune était représentée à l’audience.

 

Quelques jours avant l’audience, la requérante a déposé une lettre contenant les modifications proposées de sa demande. Trois des modifications visaient l’enregistrement, qui ne pourrait s’appliquer aux marchandises ne contenant pas d’oméprazole ou de magnésium d’oméprazole. Dans une lettre datée du 8 décembre 2003, la Commission d’opposition l’a informée que ces modifications proposées ne seraient pas versées au dossier.

 

Introduction – Motifs d’opposition

 

L’opposante a allégué que la demande n’est pas conforme, à de nombreux égards, à l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce. En outre, elle a soutenu que la marque de la requérante n’est pas enregistrable parce que a) c’est un signe distinctif et que les exigences prévues à l’article 13 n’ont pas été respectées et b) parce que c’est une marque interdite au sens de l’article 10. Enfin, elle soutient que la marque n’est pas distinctive pour plusieurs raisons.

 

La date pertinente pour chacun des motifs d’opposition est la suivante : article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. v. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469, p. 475]; article 13 – la date de production de la demande; alinéa 12(1)e) – la date de ma décision [voir Allied Corporation v. Canadian Olympic Association (189), 28 C.P.R. (3d) 161 (C.A.F.) et Olympus Optical Company Limited v. Canadian Olympic Association (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.)]; le caractère non distinctif – la date de production de l’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.)].

 

La requérante a la charge ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi sur les marques de commerce. Toutefois, l’opposante a le fardeau initial de déposer suffisamment d’éléments de preuve admissibles qui permettraient de conclure de façon raisonnable que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited v. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, p. 298]. 

 

Résumé de la preuve

Avant d’examiner les motifs précis d’opposition, résumons quelques‑uns des éléments de preuve.

 

Le médicament à l’égard duquel la requérante soutient avoir employé la marque de commerce visée par la demande est commercialisé sous la marque LOSEC. La requérante vend son magnésium d’oméprazole LOSEC en deux doses. La dose de 20 mg est vendue sous la forme que la présente demande vise à protéger. La dose de 10 mg fait l’objet d’une autre demande de marque de commerce. Les comprimés des deux doses portent la marque de commerce LOSEC, écrite en noir, et en dessous 20 ou 10, selon la dose. Avant 1996, la requérante vendait le médicament sous la marque de commerce LOSEC qui contenait de l’oméprazole plutôt que du magnésium d’oméprazole, et ce produit LOSEC se présentait sous la forme d’une gélule bicolore. Cependant, je souligne que certains des déposants renvoient au produit LOSEC actuel simplement sous le nom d’oméprazole plutôt que de magnésium d’oméprazole.

 

Le produit LOSEC 20 mg de la requérante se vend le plus souvent sous emballage aide‑mémoire, qui consiste en une boîte de carton extérieure qui renferme des plaquettes à alvéoles contenant les comprimés. Les plaquettes à alvéoles portent bien en vue la marque de commerce LOSEC, à l’endos. Le devant de la boîte extérieure figure ci‑dessous, agrandi pour en faciliter la reproduction :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lors de la production de la preuve dans l’instance, le magnésium d’oméprazole n’était vendu au Canada que sur ordonnance, et la requérante était la seule source de magnésium d’oméprazole. Toutefois, à un moment donné, d’autres entreprises pharmaceutiques pourraient avoir le droit de commercialiser le magnésium d’oméprazole. En outre, du moins en vertu de certains régimes provinciaux, lorsqu’une ordonnance est délivrée pour un ingrédient actif particulier, le pharmacien a le droit et est parfois tenu d’offrir la version la moins chère sauf si l’ordonnance indique une marque précise et « aucune substitution ». Lorsque des produits pharmaceutiques génétiques entrent sur le marché canadien, ils se présentent habituellement dans les mêmes couleur, taille et forme que le produit original [affidavit de M. Lackman, par. 16; affidavit du Dr Mihic, par. 22].

 

Sur le fondement de la preuve produite, je conclus que les médecins ne sont pas particulièrement familiarisés avec l’apparence des préparations pharmaceutiques qu’ils prescrivent [affidavit du Dr Haber, par. 7 et 9; affidavit du Dr Mihic, par. 12]. Les pharmaciens connaissent naturellement mieux l’apparence des divers médicaments étant donné que c’est à eux de s’assurer que le médicament prescrit est bien le médicament délivré. Lorsqu’il délivre un produit pharmaceutique, le pharmacien vérifie le numéro d’identification du médicament (« DIN ») sur la bouteille ou la boîte et le nom de la marque. Les pharmaciens qui ont témoigné diffèrent quelque peu d’opinion sur le rôle joué par les inscriptions sur le comprimé ainsi que la couleur, la forme ou la taille de celui‑ci. M. Chabursky indique qu’il vérifie également les inscriptions, la couleur, la forme et la taille des comprimés lorsqu’il les délivre [affidavit de M. Chabursky, par. 31; contre‑interrogatoire, questions 375‑401]. M. Lackman affirme que l’apparence du comprimé est un moyen de contre‑vérification utile lorsqu’il délivre des médicaments qui ne sont pas dans des plaquettes à alvéoles [affidavit de M. Lackman, par. 25]. Dans le cas du LOSEC, M. Lackman n’ouvre pas souvent la boîte. Lorsqu’il l’ouvre, il ne peut s’empêcher de noter les inscriptions, la couleur, la taille et la forme des comprimés [contre‑interrogatoire de M. Lackman, questions 171‑180]. M. Pignataro affirme [par. 4 de son affidavit] [TRADUCTION] « Lorsque je prépare l’ordonnance, je me fie à la couleur, à la forme et à la taille des comprimés de magnésium d’oméprazole de marque LOSEC pour confirmer qu’il s’agit du bon produit, à savoir la marque LOSEC ». Pendant son contre‑interrogatoire, M. Pignataro a confirmé que, lorsqu’il prépare l’ordonnance, il se fonde sur la marque de commerce LOSEC, la couleur, la forme et les inscriptions figurant sur le comprimé, ainsi que le DIN [questions 171‑173]. Il a ajouté que, s’il était devant une pilule de même couleur, de même forme et de même taille que la pilule LOSEC 20, qui ne porterait cependant pas l’inscription LOSEC, il ne la délivrerait pas comme un comprimé LOSEC [question 181].

 

Lorsqu’un patient vient chercher son ordonnance à la pharmacie, le médicament est habituellement dans un sac en papier que l’acheteur ne peut donc voir. Toutefois, lorsqu’un nouveau médicament est prescrit, le pharmacien peut montrer au client le produit pendant qu’il l’informe sur la façon de l’employer.

 

C’est en consommant leur médicament que les patients apprennent à en connaître l’apparence. D’après l’emballage, LOSEC est habituellement prescrit, une première fois, pour une période de une à huit semaines, mais la monographie de produit mentionne effectivement des thérapies d’entretien un peu plus longues. Le Dr Haber a indiqué (par. 8 de son affidavit) qu’il prescrit des programmes de traitement de quatre à six semaines, mais qu’il prescrit habituellement le produit pour une période de trois à six mois. MM. Wilton et Pignataro affirment que le magnésium d’oméprazole est souvent utilisé pour des maladies chroniques [affidavit de M. Wilton, par. 5; affidavit de M. Pignataro, par. 2]. L’exposition des patients au produit par la consommation n’est pas considérée comme un emploi en vertu de l’article 4, mais elle peut contribuer à faire la réputation de la marque de commerce. Les patients peuvent prendre plus d’un type de médicament à la fois, et plus d’un type de comprimés rouge-brun.

 

Selon les professionnels de la santé qui rencontrent les patients, ces derniers semblent associer surtout la couleur, la taille et la forme d’un médicament avec les fins thérapeutiques de celui‑ci. Au contre‑interrogatoire, ils ont reconnu qu’ils ne savaient pas si les patients pouvaient également associer la couleur, la taille et la forme avec la source du médicament, mais il n’y a aucune preuve que c’est effectivement le cas.

 

Les ventes de comprimés LOSEC 20 mg de la requérante sont substantielles. Toutefois, des comprimés rouge-brun, des comprimés rouge-brun, circulaires, et même des comprimés rouge‑brun, circulaires d’une taille similaire à celle des comprimés visés par la présente demande, étaient sur le marché canadien avant même l’introduction du produit de la requérante. Je souligne que ce qui peut être considéré comme rouge-brun peut, dans une certaine mesure, être une notion subjective. Les ventes des comprimés rouge‑brun, circulaires, biconvexes de la requérante et d’autres comprimés rouge-brun sont examinées plus en détail ci‑dessous.

 

Le droit relatif au caractère distinctif

Dans la décision Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., [2000] 2 C.F. 553, [1999] A.C.F. no 1661 (1re inst.) conf. par (2000) 9 C.P.R. (4th) 304 (C.A.F.), le juge Evans a énoncé certains principes de droit relatifs au caractère distinctif appliqués aux marques de produits pharmaceutiques visant la couleur, la forme et la taille (p. 575‑577, par. 72 à 79) :

Tout d'abord, il y a lieu d'indiquer que, tant au cours de la procédure d'opposition tenue devant le registraire que dans le cadre de la procédure d'appel qui se déroule devant cette Cour, le fardeau d'établir le caractère distinctif de la marque incombe à la requérante. Ainsi, Bayer doit établir selon la probabilité la plus forte qu'en 1992, lorsque Novopharm a déposé son opposition à la demande, les consommateurs ordinaires associaient les comprimés de 10 mg à libération progressive "Adalat" ronds et rose antique à Bayer ou à un seul fournisseur ou fabricant: voir Standard Coil Products Can. Ltd. c. Standard Radio Corp., [1971] C.F. 106 (1re inst.), à la page 123, 1 C.P.R. (2d) 155; confirmé par [1976] 2 C.F. iv (C.A.).

Deuxièmement, pour répondre à cette question, les "consommateurs ordinaires" dont il faut tenir compte sont non seulement les médecins et les pharmaciens, mais aussi les "consommateurs ultimes", c'est-à-dire les patients pour lesquels les comprimés "Adalat" sont prescrits et à qui ils sont fournis, même si ceux-ci ne peuvent se procurer de la nifédipine que sur ordonnance médicale: voir l'arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, 44 C.P.R. (3d) 289.

Dans l'arrêt Ciba-Geigy, la Cour a statué que les éléments du délit de passing-off (ou commercialisation trompeuse) s'appliquaient aux produits pharmaceutiques comme à tout autre produit. Par conséquent, il convenait d'examiner si l'"apparence" des produits de la demanderesse avait acquis un caractère distinctif susceptible d'amener les patients à identifier cette "apparence" à une seule source, de sorte qu'ils risquent de croire à tort que le produit de quelqu'un d'autre, d'apparence similaire, émane de la même source que ceux de la demanderesse.

Il faut aussi remarquer que, bien que les actions engagées pour le délit de passing-off (ou de commercialisation trompeuse) et les procédures d'opposition à l'enregistrement d'une marque de commerce se distinguent par des différences évidentes, elles ont aussi un lien important qui les unit. Le rejet de l'opposition de Novopharm permettra à Bayer d'empêcher ses concurrents de commercialiser un produit interchangeable avec "Adalat" sous forme de comprimés ayant une apparence similaire à ses comprimés de nifédipine.

Par conséquent, Bayer, dans toute poursuite qu'elle engagerait pour la contrefaçon de sa marque de commerce, ne serait pas tenue de prouver que la couleur, la forme et la taille de son produit ont une notoriété propre, comme elle devrait le faire dans une action en passing-off (commercialisation trompeuse) si elle n'était pas titulaire d'une marque de commerce valide. En vertu de la définition que la Loi donne d'une marque de commerce, l'enregistrement valide de la marque en litige dans la présente procédure établit effectivement, et de façon irréfutable, que les consommateurs relient la présentation des comprimés "Adalat" à une seule source.

Troisièmement, bien que j'accepte qu'en droit, la couleur, la forme et la taille d'un produit peuvent, ensemble, constituer une marque de commerce, la marque résultante risque généralement d'être faible: voir la décision Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerces), [1987] 2 C.F. 633 (1re inst.), aux pages 634 à 636.

En l'espèce, comme les petits comprimés ronds et roses sont courants sur le marché des produits pharmaceutiques, Bayer doit s'acquitter d'un lourd fardeau pour établir, selon la probabilité la plus forte, qu'en 1992, ces propriétés avaient une notoriété propre, de sorte que les consommateurs ordinaires associaient ces comprimés à une seule source: voir la décision Standard Coil, précitée, à la page 123. Le fait qu'à l'époque du dépôt de l'opposition de Novopharm, "Adalat" était le seul comprimé de nifédipine à libération progressive sur le marché n'est pas suffisant en soi pour établir une notoriété propre: voir les arrêts Cellular Clothing Company v. Maxton & Murray, [1899] A.C. 326 (H.L.), à la page 346; Canadian Shredded Wheat Co. Ltd. c. Kellogg Co. of Canada, [1939] R.C.S. 329.

Quatrièmement, il n'est pas fatal à une demande que les consommateurs puissent aussi avoir recours à d'autres moyens que la marque pour identifier le produit à une seule source. Ainsi, bien que les pharmaciens se fient principalement au nom de marque et à d'autres indices d'identification apparaissant sur les bouteilles et l'emballage contenant le produit, ou à l'inscription sur les comprimés, laquelle ne fait pas partie de la marque, s'il ressort, selon certains éléments de preuve, qu'ils reconnaissent aussi, d'une manière significative, le produit par son apparence (à l'exception des marques inscrites sur le comprimé, parce qu'elles ne font pas partie de la marque), cette preuve peut suffire à établir le caractère distinctif de la marque.

 

En outre, le juge Dawson a fait les observations suivantes au sujet du caractère distinctif dans les cas de ce genre, dans la décision Novopharm Ltd. c. AstraZeneca AB, [2003] A.C.F. no 1535 (1re inst.) (AstraZeneca 2) (par. 5 à 8) :

Il s’ensuit que ce qu’il faut décider en l’espèce est la question de savoir si Astra s’est acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que les marques de commerce projetées étaient distinctives à la date de l’opposition. Il s’agit de répondre à la question factuelle de savoir si, à la date de l’opposition, des comprimés commercialisés sous une apparence similaire à celle des comprimés de 5 mg et de 10 mg d’Astra rendent non distinctives les marques d’Astra et empêchent par conséquent l’enregistrement de la marque de commerce.

 

Le mot « distinctive » est défini comme suit à l’article 2 de la Loi :

 

 

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

 

"distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them.

 

 

Comme l’a énoncé la Cour d’appel dans l’arrêt AstraZeneca AB c. Novopharm Ltd., 2003 CAF 57 au paragraphe 16 :

 

[traduction] Une marque distingue véritablement en acquérant le caractère distinctif par l’emploi, ce qui lui confère un caractère distinctif en fait. Une marque qui est « adaptée à les distinguer ainsi » est une marque qui ne dépend pas de l’emploi pour son caractère distinctif, parce qu’elle possède un caractère distinctif inhérent. Une marque se composant d’un mot forgé ou inventé entre dans cette catégorie : Standard Coil Products (Canada) Ltd. c. Standard Radio Corp., [1971] C.F. 106 (1re inst.), à la page 115; The Molson Companies Limited c. Les Brasseries Carling O'Keefe du Canada Limitée, [1982] 1 C.F. 175 (1re inst.), aux pages 278 et 279.

 

Les principes qui doivent être appliqués à l’examen de cette question sont les suivants :

 

1.         Le requérant de l’enregistrement de la marque de commerce doit satisfaire au critère à trois volets formulé par le juge Rouleau dans la décision Phillip Morris c. Imperial Tobacco Ltd. (1985), 7 C.P.R. (3d) 254 (C.F. 1re inst.), à la page 270. Voir l’arrêt AstraZeneca AB c. Novopharm, précité, au paragraphe 19. La troisième partie du  critère à trois volets exige que la liaison entre la marque et le produit permette au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui des autres.

 

2.         La couleur seule n’a pas été jugée comme ayant un caractère distinctif inhérent. Voir l’arrêt AstraZeneca AB c. Novopharm, paragraphe 18.

 

3.         La preuve que la marque distingue véritablement n’est pas un fardeau aisé. Voir l’arrêt AstraZeneca AB c. Novopharm, paragraphe 20.

 

4.         Lorsque l’ingrédient actif du produit pharmaceutique n’est pas demandé comme marque de commerce et que la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé se compose de la couleur et de la forme du comprimé, le requérant doit démontrer que la couleur et la forme distinguent le comprimé des comprimés d’autres fabricants. Voir l’arrêt AstraZeneca AB c. Novopharm, paragraphe 22.

 

5.         Il incombe au requérant de l’enregistrement d’une marque de commerce de démontrer que médecins, pharmaciens ou patients peuvent employer et emploient en fait la marque de commerce projetée pour choisir de prescrire, délivrer ou demander le produit. Voir Novopharm Ltd. c. Astra Aktiebolag (2000), 6 C.P.R. (4th) 16 (C.F. 1re inst.); conf. par (2001) 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.).

 

6.                  Il n’est pas fatal à une demande que les consommateurs puissent aussi avoir recours à d’autres moyens que la marque pour identifier le produit à une seule source. Comme l’a écrit le juge Evans (maintenant juge à la Cour d’appel) dans la décision Novopharm Ltd. c. Bayer Inc. (1999), 3 C.P.R. (4th) 305 au paragraphe 79, confirmée par (2000) 9 C.P.R. (4th) 304 (C.A.F.) :

 

      [traduction] Ainsi, bien que les pharmaciens se fient principalement au nom de marque et à d’autres indices d’identification apparaissant sur les bouteilles et l’emballage contenant le produit, ou à l’inscription sur les comprimés, laquelle ne fait pas partie de la marque, s’il ressort, selon certains éléments de preuve, qu’ils reconnaissent aussi, d’une manière significative, le produit par son apparence (à l’exception des marques inscrites sur le comprimé, parce qu’elles ne font pas partie de la marque), cette preuve peut suffire à établir le caractère distinctif de la marque.

 

En l’espèce, comme la requérante ne soutient pas que sa marque est distinctive en soi, je n’ai qu’à examiner la question de savoir si la marque de la requérante avait acquis un caractère distinctif à la date pertinente. La requérante a soutenu que les deux parties conviennent que les patients reconnaissent la couleur, la forme et la taille de leurs médicaments. Ce sur quoi elles ne s’entendent pas, c’est ce avec quoi les patients associent la couleur, la forme et la taille des médicaments, c’est‑à‑dire les fins thérapeutiques ou une source unique. À mon avis, il s’agit essentiellement du troisième volet du critère à trois volets établi par la décision Phillip Morris v. Imperial Tobacco Ltd. (supra).

Le marché pertinent à prendre en considération pour le caractère distinctif

Les décisions AstraZeneca AB c. Novopharm Ltd. et al., [2003] A.C.F. no 166 (C.A.F.) [AstraZeneca 1] et AstraZeneca 2 portent toutes deux sur une opposition à une demande d’enregistrement d’une marque de commerce composée de la forme et de la couleur d’un comprimé pharmaceutique. Les opposantes ont eu gain de cause quant au caractère non distinctif, et l’une des questions examinées par les tribunaux était le marché pertinent à prendre en considération. La requérante a soutenu que le marché pertinent devrait se restreindre à l’ingrédient actif énoncé dans l’état déclaratif des marchandises. L’opposante a rétorqué que le marché pertinent est celui de toutes les pilules pharmaceutiques. Dans la décision AstraZeneca 1, le juge Stone a affirmé ce qui suit (par. 22) : « Cependant, il faut relever que l'ingrédient actif en tant que tel n'est pas demandé par l'appelante comme marque de commerce. La marque de commerce dont l'enregistrement est demandé se compose de la couleur et de la forme, ou de l'apparence, des comprimés de 2,5 mg qui se trouvent à contenir l'ingrédient actif. Pour que la marque dont l'enregistrement est demandé satisfasse à ce volet de la définition du terme "distinctive" à l'article 2, l'appelante devait donc démontrer que, par suite de l'emploi sur une période de temps, la couleur et la forme distinguent véritablement ses comprimés de ceux d'autres fabricants. »

 

Dans AstraZeneca 2, le juge Dawson a commencé son examen du « caractère distinctif acquis » ainsi (par. 15‑18), en se reportant à AstraZeneca 1 :

Il est d’abord nécessaire d’examiner la question de savoir si la marque de commerce doit distinguer la félodipine de 10 mg d’Astra de :

 

            i) la félodipine de ses concurrents qui est interchangeable avec la félodipine d’Astra;

 

            ii) tous les médicaments de la même catégorie thérapeutique, c’est-à-dire tous les comprimés utilisés pour le traitement de l’hypertension;

 

            iii) tous les ingrédients actifs sur le marché, même ceux qui ne sont pas concurrents.

 

Astra soutient que le marché pertinent se limite à celui des comprimés contenant de la félodipine et qui sont interchangeables avec la félodipine d’Astra.

 

Cette question a été examinée par la Cour d’appel dans l’arrêt AstraZeneca AB c. Novopharm, précité, dans lequel la Cour d’appel a rejeté l’argument d’Astra voulant que le marché pertinent soit celui des comprimés de félodipine. Au paragraphe 22, le juge Stone a écrit au nom de la Cour :

 

[traduction] La preuve ne semble pas non plus établir que la combinaison de couleur et de forme des comprimés de l’appelante avait l’effet de « distinguer véritablement » les marchandises de l’appelante de celles d’autres fabricants. L’avocat signale que, comme les comprimés de l’appelante constituaient le seul médicament antihypertenseur délivré sur ordonnance sur le marché canadien qui contenait de la « félodipine » comme ingrédient actif, cela distingue aisément ce médicament des autres médicaments délivrés sur ordonnance puisqu’aucun des autres médicaments invoqués ne contenait cet ingrédient actif. Il n’y avait donc pas de possibilité qu’un autre médicament soit substitué au comprimé de 2,5 mg de PLENDIL. La « félodipine » est même identifiée dans la demande d’enregistrement comme les « marchandises » en liaison avec lesquelles la marque de commerce a été employée au Canada depuis 1994. L’appelante soutient, sur ce fondement, que le registraire et le juge Kelen ont tous deux commis une erreur à cet égard en étendant le marché pertinent à tous les comprimés ronds et jaunes servant au traitement de l’hypertension au lieu de le restreindre aux marchandises indiquées, soit la « félodipine » . En fait, l’intimée a présenté certains éléments de preuve au sujet d’autres comprimés antihypertenseurs jaunes et ronds sur le marché pharmaceutique canadien et fait valoir que le marché de comparaison pertinent est celui de toutes les pilules pharmaceutiques, qui comprend notamment d’autres comprimés antihypertenseurs jaunes et ronds. Cependant, il faut relever que l’ingrédient actif en tant que tel n’est pas demandé par l’appelante comme marque de commerce. La marque de commerce dont l’enregistrement est demandé se compose de la couleur et de la forme, ou de l’apparence, des comprimés de 2,5 mg qui se trouvent à contenir l’ingrédient actif. Pour que la marque dont l’enregistrement est demandé satisfasse à ce volet de la définition du terme « distinctive » à l’article 2, l’appelante devait donc démontrer que, par suite de l’emploi sur une période de temps, la couleur et la forme distinguent véritablement ses comprimés de ceux d’autres fabricants.

 

Astra fait valoir qu’il faudrait tirer une conclusion différente en l’espace parce que le caractère distinctif est une question de fait et que l’analyse faite par la Cour d’appel [traduction] « était déficiente en ce qu’elle confondait les “marchandises” avec la “marque de commerce” ». Je ne suis pas disposée à écarter la conclusion de la Cour d’appel. Bien que le caractère distinctif soit fondamentalement une question de fait, la conclusion de la Cour d’appel au paragraphe précité n’est pas, à mon avis, simplement une conclusion de fait.

 

Lorsque la demande d’enregistrement de la marque de commerce ne porte pas sur l’ingrédient actif comme tel, la Cour d’appel a décidé que le requérant doit démontrer que, par suite de l’emploi sur une période de temps, la couleur et la forme de ses comprimés les distinguent véritablement de ceux d’autres fabricants. Je m’estime liée par cette conclusion.

 

Étant donné la conclusion du juge Dawson selon laquelle la déclaration du juge Stone est une conclusion de droit, je suis clairement tenu de considérer tous les autres comprimés pharmaceutiques dans mon examen de la question du caractère distinctif, du fait que la requérante n’a pas demandé l’enregistrement de l’ingrédient actif comme marque de commerce. Je ne vois pas comment une requérante peut revendiquer un ingrédient actif dans une marque de commerce, mais je constate à l’évidence que la marque de commerce en litige ne comporte pas plus l’ingrédient actif que les marques en cause dans les décisions AstraZeneca 1 et AstraZeneca 2.

 

Je souligne que AstraZeneca 2 a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale. L’autorisation d’appeler de la décision AstraZeneca 1 a été rejetée par la Cour suprême du Canada.

 

Avant de poursuivre, je préciserais que si la requérante avait eu gain de cause relativement aux modifications qu’elle avait proposées pour sa demande en novembre dernier, l’incidence de la déclaration du juge Stone, interprétée par le juge Dawson, aurait été la même. En soutenant que les modifications proposées devraient être autorisées parce qu’elles ne modifient pas la marque de commerce, la requérante semble reconnaître que, par la modification, l’ingrédient actif ne serait pas revendiqué dans la marque de commerce. Quoi qu’il en soit, le juge Stone n’a pas été le premier à considérer le marché pharmaceutique en général comme le marché de comparaison approprié [voir Novopharm Ltd. v. Astra Aktiebolag (2000), 6 C.P.R. (4th) 16 (C.F. 1re inst.), p. 25, conf. par (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.), autorisation d’appel rejetée [2001] S.C.C.A. no 646 (C.S.C.); Apotex Inc. v. Searle Canada, Inc. (2000), 6 C.P.R. (4th) 26 (C.F. 1re inst.), p. 35; Novopharm Ltd. v. Ciba-Geigy Canada Ltd. (2000), 6 C.P.R. (4th) 224 (C.F. 1re inst.), p. 233, conf. par (2001) 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.), autorisation d’appel rejetée, [2001] S.C.C.A. no 646 (C.S.C.)].

 

Autres « comprimés rouge-brun »

Dans sa déclaration d’opposition, l’opposante a énuméré 26 comprimés rouge‑brun qui, selon elle, [TRADUCTION] « étaient et sont, pendant toute la période pertinente, courants sur le marché des comprimés pharmaceutiques et ont été prescrits par des médecins, délivrés par des pharmaciens et pris par des patients, au Canada, en même temps que les comprimés LOSEC de la requérante ».

 

M. Chabursky atteste (par. 4 de son affidavit) que [TRADUCTION] « Depuis que j’exerce ma profession de pharmacien, selon mon expérience, les comprimés rouge‑brun sont courants, comme les comprimés circulaires, biconvexes. La description « comprimés pharmaceutiques rouge‑brun, circulaires, biconvexes » pourrait s’appliquer à différents médicaments disponibles depuis 1996 ». Il poursuit ainsi (par. 10) : [TRADUCTION] « Depuis que j’ai commencé à exercer, j’ai délivré de nombreux comprimés rouge‑brun, tant des médicaments sur ordonnance qu’en vente libre, notamment les médicaments figurant dans la liste ci‑dessous ». Le tableau, qui énumère 20 comprimés, indique combien de prescriptions M. Chabursky a délivrées pour chacun, par année (plus de 500 par année). M. Chabursky a joint neuf échantillons de comprimés à son affidavit. Il a également fourni des photocopies couleurs de pages du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques de 1997 (publication qui énumère les produits pharmaceutiques disponibles au Canada), montrant six autres de ces comprimés. Enfin, il a fourni des copies couleurs de tableaux indiquant un autre de ces comprimés rouge‑brun.

 

M. Lackman atteste qu’il a [TRADUCTION] « délivré de nombreux autres comprimés rouge‑brun au cours des 30 dernières années ». Il énumère 11 comprimés rouge‑brun qu’il dit être actuellement sur le marché et qu’il délivre depuis au moins 1994. Le tableau qu’il fournit indique le nombre de fois qu’il délivre chacun de ces médicaments par mois [affidavit de M. Lackman, par. 8]. Parmi ces 11 comprimés, un seul n’a pas été mentionné par M. Chabursky.

 

M. Andonoff renvoie à quatre comprimés rouge‑brun commercialisés par Novopharm Limited, dont deux n’ont pas été mentionnés par M. Lackman ou M. Chabursky. M. Andonoff fournit des copies couleurs de ces quatre comprimés. Il cite les chiffres de ventes annuelles pour ceux‑ci, de 1993 à 1998, mais la requérante les a contestés parce qu’ils constituent du ouï‑dire. Les chiffres proviennent peut‑être d’un tiers fiable, mais je reconnais qu’ils ne sont pas admissibles parce qu’ils sont effectivement du ouï‑dire, car M. Andonoff ne m’a pas convaincu qu’il était nécessaire de présenter les chiffres de cette façon et il n’a donc pas satisfait au volet nécessité de la règle d’exemption du ouï‑dire.

 

M. Simpkin fournit les chiffres de ventes annuelles au Canada, pour les années 1995 à 1998, de trois comprimés rouge‑brun vendus par Apotex Inc., dont M. Chabursky avait également témoigné. Le total des ventes s’élevait à plus de 600 000 $ avant la date pertinente.

 

Dans l’ensemble, il a été établi qu’il existe environ 25 autres comprimés rouge‑brun sur le marché canadien, à la date pertinente. Sur le fondement de cette preuve, je conclus que l’opposante s’est acquittée du fardeau d’établir que les comprimés rouge‑brun étaient courants sur le marché des produits pharmaceutiques à la date pertinente [Motel 6, Inc. v. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58 (C.F. 1re inst.)].

 

Je souligne que, parmi les 25 comprimés rouge‑brun, environ 14 sont ronds et que, parmi ceux qui sont rouge‑brun et ronds, environ quatre sont d’une taille très semblable à celle des comprimés visés par la présente demande. Toutefois, selon les témoins de la requérante, la couleur d’un comprimé est l’élément le plus remarquable, suivi de la forme et enfin de la taille [affidavit de M. Wilton, par. 16; affidavit de M. Pignataro, par. 2]. En outre, le juge Evans, tel était alors son titre, a examiné la preuve de pilules qui n’avaient que la couleur de la marque visée par la demande, dans la décision Novopharm Ltd. c. Bayer Inc,. [2000] 2 C.F. 553, [1999] A.C.F. no 1661 (1re inst.), où il a dit ce qui suit (p. 587, par. 118) :

Cette preuve, il est vrai, ne porte pas toujours à la fois sur la couleur et la forme et la grosseur des médicaments autres qu'"Adalat". Toutefois, à mon avis, elle tend à réduire à néant la prétention de Bayer selon laquelle la couleur et la forme d'"Adalat" sont distinctives du produit, surtout que la couleur rose appliquée à une petite pilule ronde, biconvexe peut difficilement être considérée comme ayant un caractère distinctif inhérent: Novopharm Ltd. c. Searle Canada Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 400 (C.O.M.C.).

 

Je souligne également que, parmi les 25 comprimés rouge‑brun, il est établi qu’au moins neuf sont utilisés en même temps que le magnésium d’oméprazole et que deux autres sont utilisés pour les mêmes fins thérapeutiques que la magnésium d’oméprazole. Cependant, je considère que tous les comprimés rouge‑brun sont importants pour ce qui est du caractère distinctif parce que le marché des produits pharmaceutiques en général est le marché de comparaison approprié [AstraZeneca 2; AstraZeneca 1; Novopharm Ltd. v. Astra Aktiebolag (2000), 6 C.P.R. (4th) 16 (C.F. 1re inst), p. 25, conf. par (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.), autorisation d’appel rejetée [2001] S.C.C.A. no 646 (C.S.C.); Apotex Inc. v. Searle Canada, Inc. (2000), 6 C.P.R. (4th) 26 (C.F. 1re inst.), p. 35; Novopharm Ltd. v. Ciba-Geigy Canada Ltd. (2000), 6 C.P.R. (4th) 224 (C.F. 1re inst.), p. 233, conf. par (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.), autorisation d’appel rejetée [2001] S.C.C.A. no 646 (C.S.C.)].

 

 

Preuve de l’emploi de la marque de la requérante à la date d’opposition

La vente des comprimés LOSEC 20 mg Red-Brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design de la requérante a commencé, au Canada, dès février 1996 au moins. En 1997, la requérante a vendu environ 234 millions de comprimés LOSEC 20 mg, pour une valeur d’environ 106 millions de dollars. Le chiffre des ventes de 1998 a également été fourni, mais comme il n’était pas ventilé lors de la production de l’opposition, il n’est pas utile pour l’évaluation du caractère distinctif à cette date [affidavit de M. Wilton, par. 6 et 26].

 

Même si nous pondérons les chiffres de la requérante en tenant compte du nombre de pilules prises par un seul patient pendant un traitement faisant appel à ce médicament, nous avons toujours un nombre important de Canadiens qui ont consommé les comprimés LOSEC 20 mg de la requérante.

 

M. Wilton a attesté que [TRADUCTION] « la marque de magnésium d’oméprazole LOSEC est la préparation pharmaceutique de prescription la plus vendue au Canada, compte tenu du montant des ventes » [affidavit de M. Wilton, par. 26]. Toutefois, M. Wilton se reporte de toute évidence aux ventes combinées de toutes les doses du produit LOSEC. En outre, il ne dit pas que la marque LOSEC est la préparation pharmaceutique de prescription qui se vend le mieux au Canada compte tenu du nombre de pilules vendues. Enfin, M. Wilton parle au présent, c’est‑à‑dire après la date en cause. Quoi qu’il en soit, dans la décision Novopharm Ltd. c. Astra Aktiebolag [2000] A.C.F. 496, (1re inst.), conf. par 15 C.P.R. (4th) 327, le juge Rouleau a indiqué que des ventes considérables ne permettent pas en soi de satisfaire au fardeau qui incombe à la requérante, comme il l’explique dans sa décision (par. 15) :

[15] Le registraire des marques de commerce semble s'être fondé sur les ventes de LOSEC pour conclure que la marque d'Astra était distinctive. Cependant, des chiffres de vente impressionnants ne permettent pas à une partie requérante de prouver qu'une marque de commerce est distinctive. De plus, le registraire a été saisi de certains éléments de preuve indiquant que les chiffres de vente ne donnent pas une idée exacte du marché. Ainsi, le Dr Joseph a dit au cours de son témoignage que seulement 10 p. 100 à 15 p. 100 de ses patients qui souffrent de troubles gastro-intestinaux prennent le LOSEC. Dans la même veine, le Dr Shulman a mentionné que seulement 50 patients parmi plusieurs milliers prenaient le LOSEC, tandis que M. Droznika a souligné que le LOSEC ne faisait pas partie des médicaments les plus couramment utilisés pour le traitement des troubles gastro-intestinaux dans sa région. Par ailleurs, si M. Dixon a déclaré dans son affidavit qu'un [TRADUCTION] « nombre important de patients auquel le produit oméprazole de marque LOSEC avait été prescrit ont utilisé la marque de façon chronique », il a admis en contre-interrogatoire qu'il ignorait quel était le nombre de patients en question.

 

En l’espèce, M. Chabursky a affirmé au contre‑interrogatoire que, sur les 200 ordonnances environ que sa pharmacie délivre tous les jours, il y a seulement deux ou trois prescriptions pour le LOSEC 20 et qu’il délivre moins de magnésium d’oméprazole que de ranitidine, qui est un autre ingrédient actif prescrit pour les ulcères gastriques [questions 56, 69‑87; affidavit de M. Chabursky, par. 7 et 8]. Le Dr Mihic a affirmé que, sur environ 5 000 patients qu’il traite par année, il prescrit du magnésium d’oméprazole à une cinquantaine [contre‑interrogatoire du Dr Mihic, questions 132‑138].

 

M. Wilton atteste que la requérante a dépensé plus de deux et de cinq millions de dollars par année, au Canada, en 1997 et en 1998, relativement à la promotion [TRADUCTION] « de la marque de magnésium d’oméprazole LOSEC, y compris la couleur, la forme et la taille des comprimés » [affidavit de M. Wilton, par. 28]. Cependant, il est difficile de dire dans quelle mesure, le cas échéant, ces efforts ont fait la promotion de la marque visée par la présente demande. M. Wilton produit sous la cote F des exemplaires en noir et blanc du matériel publicitaire. La première page semble faire la promotion du LOSEC 20 mg auprès des médecins ou des pharmaciens, dans le cadre d’une trithérapie. La photocopie n’est pas entièrement lisible, mais elle comporte l’avis de marque de commerce suivant : [TRADUCTION] « LOSEC® 1-2-3 MMC et LOSEC® 1-2-3 AMC sont des marques de commerce d’Astra Pharma Inc. ». Je ne vois pas comment ce document fait la promotion de la marque visée par la demande. Le deuxième document semble être une monographie partielle de LOSEC, dont la fin contient le texte suivant : [TRADUCTION] « DOSES SUIVANTES DISPONIBLES : les comprimés LOSEC 20 mg (magnésium d’oméprazole) sont rouge‑brun, circulaires et biconvexes, portant l’inscription LOSEC 20 sur les deux côtés ». Le troisième document semble être une brochure destinée aux consommateurs. Il comporte des images du comprimé LOSEC 20 mg ainsi que de l’emballage, et le texte suivant : [TRADUCTION] « LOSEC est disponible en deux doses : un comprimé rouge‑brun (20 mg) et un comprimé rose (10 mg). L’avis de marque de commerce suivant figure à la fin de la brochure : [TRADUCTION] « LOSEC® (magnésium d’oméprazole) est une marque de commerce déposée du groupe de sociétés AstraZeneca. Le logo d’AstraZeneca est une marque de commerce d’AstraZeneca PLC et est utilisé en vertu d’une licence par Astra Pharma Inc. et Zeneca Pharma Inc. » Dans l’ensemble, il ne me semble pas que ces documents publicitaires servent à informer les médecins, les pharmaciens ou les patients que la couleur et la forme du comprimé LOSEC 20 est une marque de commerce, ou indiquent une source unique. En fait, les documents suggèrent que la couleur sert à distinguer les doses de magnésium d’oméprazole, et les avis de marque de commerce, qui ne visent que d’autres marques liées au produit, laissent entendre que la source du produit n’est ni AstraZeneca AB ni son prédécesseur, Astra Aktiebolag.

 

À l’appui de sa déclaration selon laquelle elle a informé le public que la couleur et la forme de son comprimé étaient une indication de la marque de commerce, la requérante mentionne l’avis qui figure sur le devant de l’emballage, à la droite d’une image colorée de son comprimé portant l’abréviation TM/MC et les mots « Actual size Grosseur réelle », comme le montrait la section intitulée « Résumé de la preuve ». L’avis est ainsi libellé : [TRADUCTION] « Si vos comprimés de magnésium d’oméprazole ressemblent à cela, vous êtes certain qu’ils proviennent d’Astra Pharma Inc. » J’ai toutefois de la difficulté à reconnaître que cet avis informe le public que la couleur, la forme et la taille du comprimé, à elles seules, attestent que les comprimés proviennent d’Astra Pharma Inc., pour la bonne raison que l’image ne montre pas simplement un comprimé rouge‑brun, circulaire, biconvexe d’une certaine taille, mais plutôt un comprimé rouge‑brun, circulaire d’une certaine taille portant l’inscription LOSEC 20. Rien ne prouve que les médecins, les pharmaciens ou les patients interprètent l’avis figurant sur l’emballage comme voulant dire que les comprimés rouge‑brun, circulaires, biconvexes d’une certaine taille proviennent d’une seule et unique source, et en l’absence d’une telle preuve je ne suis pas disposé à conclure que les gens le comprendraient effectivement. Pour quelque raison que ce soit, la requérante a jugé approprié d’afficher le comprimé portant l’inscription LOSEC 20, de sorte que l’on interprète son message comme voulant dire que cette caractéristique doit être présente pour que l’on puisse conclure que la préparation pharmaceutique provient d’Astra Pharma Inc. Je suis plutôt d’accord avec la requérante pour dire que si quelqu’un peut lire l’avis sur l’emballage, il peut lire l’inscription qui figure sur la représentation de la pilule.

 

Conclusion – Premier motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

À l’alinéa 5a) de sa déclaration d’opposition, l’opposante soutient que la marque de la requérante ne distingue pas les marchandises de la requérante de celles d’autres personnes, ni n’est adaptée à les distinguer, parce que des comprimés rouge‑brun, y compris les 26 énumérés, [TRADUCTION] « étaient et sont, pendant toute la période pertinente, courants sur le marché des comprimés pharmaceutiques et ont été prescrits par des médecins, délivrés par des pharmaciens et pris par des patients, au Canada, en même temps que les comprimés LOSEC de la requérante ».

 

Selon la preuve, je conclus que, lorsqu’un pharmacien voit des pilules portant la marque de commerce LOSEC, il sait qu’elles proviennent d’une source unique, à savoir la requérante. Lorsqu’il voit un comprimé rouge‑brun, circulaire, biconvexe portant l’inscription LOSEC 20, il sait également qu’il provient de cette source unique. S’il voyait l’inscription LOSEC 20 sur un comprimé qui n’était pas rouge‑brun, il vérifierait pour s’assurer que c’est effectivement le médicament qu’il faut. Toutefois, si un pharmacien voit un comprimé rouge‑brun, circulaire, biconvexe sans aucune inscription, il comprend qu’il peut provenir de l’une des nombreuses sources, parce que cette apparence n’est pas caractéristique d’une source unique, et il a besoin d’autres indications pour identifier la source du comprimé. Dans AstraZeneca 2, le juge Dawson a affirmé (au par. 22) que « La bonne question est celle de savoir ce que signifie pour un pharmacien une pilule rouge‑brun ». En l’espèce, il est évident que la réponse n’est pas « un médicament provenant d’une source particulière ». La requérante ne s’acquitte pas de la charge ultime en indiquant que les pharmaciens savent que ses comprimés de magnésium d’oméprazole ne sont pas, par exemple, verts.

 

Dans l’ensemble, je n’estime pas que la preuve des professionnels de la santé produite en l’espèce diffère beaucoup de celle produite dans de nombreuses autres affaires antérieures où une marque fondée sur la couleur, la taille ou la forme a été tenue pour ne pas distinguer la préparation pharmaceutique d’une source particulière. Quant aux patients, pour les motifs déjà mentionnés, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’un nombre important de patients associent l’apparence d’un comprimé rouge‑brun, circulaire, biconvexe, d’une certaine taille avec une source unique. Comme l’a dit le juge Evans dans Novopharm Ltd. c. Bayer Inc. (supra) (p. 588, par. 122), il n’est pas nécessaire de produire une preuve directe montrant que les patients associent la marque visée par la demande à une seule source, mais l’absence d’une telle preuve « est préjudiciable lorsque des éléments de preuve provenant de pharmaciens et de médecins indiquent qu’habituellement les patients n’associent pas l’apparence d’un médicament à une seule source ».

 

Le fait que la requérante a vendu une très grande quantité de comprimés Red-brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design ne nie pas le fait que ce n’est pas la seule entité à vendre un médicament ayant cette apparence générale, au Canada ni qu’elle n’était pas non plus la première à le faire. Par conséquent, le fait que d’autres entités utilisent une apparence semblable pour des produits appartenant à la même catégorie générale de marchandises, soit des préparations pharmaceutiques, veut dire que la requérante ne devrait pas avoir le droit exclusif de monopoliser cette apparence en l’enregistrant. La requérante ne s’est pas déchargée du fardeau de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, la marque de commerce fondée sur la couleur, la forme et la taille visée par la demande était distinctive de ses marchandises à la date pertinente. Le premier motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif est donc retenu.

 

Le caractère distinctif est essentiellement une question de fait. En l’espèce, la requérante a soutenu que les faits diffèrent grandement des oppositions antérieures concernant les marques de comprimés pharmaceutiques fondées sur la couleur, la forme et la taille que la décision devrait être en sa faveur. En particulier, elle prétend que l’espèce présente deux grandes différences : 1. une représentation du comprimé figure à l’extérieur de l’emballage; 2. un message sur l’emballage vise à informer le public de la nature de la marque de commerce. Toutefois, pour les motifs énoncés ci‑dessus, je n’estime pas qu’il a été établi que les deux nouvelles façons dont la requérante a commercialisé ce produit pharmaceutique particulier ont l’effet souhaité chez les patients, soit qu’ils associent cette couleur et cette forme particulières à une source unique.

 

Deuxième et troisième motifs d’opposition fondés sur le caractère distinctif

Aux alinéas 5b) et 5c) de la déclaration d’opposition, l’opposante mentionne des motifs fondés sur le fait que le marché de comparaison est restreint à celui du magnésium d’oméprazole. Comme j’ai déjà décidé qu’il ne s’agit pas du bon marché de comparaison, je n’ai pas besoin d’examiner ces motifs.

 

Quatrième motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

Voici le texte de l’alinéa 5d) de la déclaration d’opposition :

[TRADUCTION] La requérante n’a pas octroyé de façon régulière une licence de la marque de commerce à Astra Pharma. Toutes les licences liant la requérante et Astra Pharma relatives au magnésium d’oméprazole ne visent pas la marque de commerce en cause. Tout emploi de la marque de commerce par Astra Pharma ne s’applique donc pas au profit de la requérante. La marque de commerce n’est donc pas distinctive de la requérante.

 

Ce motif d’opposition a été ajouté après que l’opposante eut contre‑interrogé M. Wilton et jugé insatisfaisantes ses réponses concernant l’octroi de la licence de la marque.

 

Dans son affidavit, M. Wilton a attesté qu’Astra Pharma Inc. (Astra Pharma) [TRADUCTION] « vend des préparations pharmaceutiques contenant du magnésium d’oméprazole, au Canada […] depuis au moins février 1996, sous la forme de comprimés rouge‑brun contenant 20 mg de magnésium d’oméprazole » [affidavit de M. Wilton, par. 6]. Il a ajouté que les comprimés rouge‑brun [TRADUCTION] « ont toujours été de forme ronde et biconvexe, de même taille, et se sont toujours vendus sous la marque LOSEC ».

 

Voici le texte du paragraphe 7 de l’affidavit de M. Wilton :

   [TRADUCTION] « Astra Pharma est une filiale à cent pour cent d’Astra AB, propriétaire au Canada de la marque de commerce LOSEC et des marques de commerce visées par les demandes canadiennes 815,151, 815,153 et 815,155 (les marques de commerce). Astra Pharma a la permission d’Astra AB pour employer les marques de commerce en liaison avec des préparations pharmaceutiques contenant du magnésium d’oméprazole. Astra AB contrôle directement les caractéristiques et la qualité des produits LOSEC (les mots « produit » et « marque » sont utilisés indifféremment et ont le même sens) vendus par Astra Pharma au Canada, notamment la couleur, la forme et la taille des produits, et le magnésium d’oméprazole qu’ils contiennent. Naturellement, tout comprimé de magnésium d’oméprazole vendu au Canada par Astra Pharma a été fabriqué par Astra AB.

 

Selon l’affidavit de M. Wilton, Astra Pharma Inc. était une filiale à cent pour cent d’Astra Aktiebolag jusqu’à la fin de 1999. À compter de janvier 2000, Astra Pharma Inc. et Zeneca Pharma Inc. ont fusionné pour former AstraZeneca Canada Inc., filiale à cent pour cent du propriétaire actuel de la présente demande, AstraZeneca AB. M. Wilton fournit l’emballage comme celui utilisé par la requérante. Sur le côté de l’emballage, se trouve le message [TRADUCTION] « MC marque de commerce d’Astra AB utilisée en vertu d’une licence par Astra Pharma Inc. ».

 

À l’appui de son allégation selon laquelle la marque n’est pas distinctive en raison de l’octroi de la licence, l’opposante se fonde sur les questions 92 à 96 du contre‑interrogatoire de M. Wilton, au cours duquel ce dernier a dit qu’il supposait l’existence d’une licence écrite, et l’avocat de la requérante a refusé de produire ce document. L’opposante demande que je tire une conclusion défavorable, soit que cette licence ne porte pas sur la marque visée par la demande. À l’audience, l’opposante a soutenu que la question en litige porte sur l’objet de la licence, p. ex. 2D ou 3D, avec ou sans inscription, et non sur la question de savoir si le propriétaire de la marque de commerce contrôle les caractéristiques ou la qualité des marchandises. Il s’agit d’une concession raisonnable, puisque le propriétaire de la marque de commerce semble contrôler les caractéristiques et la qualité puisqu’il fabrique les marchandises.

 

Selon le paragraphe 50(2) de la Loi sur les marques de commerce, « dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire ». L’avis figurant sur le côté de l’emballage est probablement lié à l’application de cette disposition. Cependant, je suis troublé par le fait qu’il n’est pas clair, sur l’emballage, à quelle marque de commerce le sigle MC est censé renvoyer, car il figure à la droite de l’image d’un comprimé rouge‑brun portant la marque LOSEC 20.

 

La question devient quelque peu plus complexe du fait que l’avocat de la requérante a indiqué qu’il n’était pas disposé à produire le contrat de licence parce qu’aucun motif d’opposition ne soulevait la question. L’opposante a ensuite modifié sa déclaration d’opposition pour faire valoir un tel motif, mais comme elle ne l’a pas avancé lors du refus opposé par l’avocat de la requérante, il me semble difficile de tirer une conclusion défavorable de ce refus.

 

En l’espèce, l’opposante se fonde sur la preuve de la requérante pour s’acquitter de son fardeau initial. Toutefois, je juge que la preuve de la requérante ne satisfait pas au fardeau initial de l’opposante. M. Wilton a attesté que le propriétaire de la marque de commerce avait octroyé une licence à la partie dont le nom figure sur le produit. Il a attesté que la licence porte sur la marque de commerce visée par la présente demande, et il est évident que le propriétaire de la marque de commerce contrôle les caractéristiques et la qualité des marchandises connexes. L’existence d’une licence écrite visant la marque de commerce n’est pas nécessaire. Le témoignage de M. Wilton, tant dans son affidavit qu’au contre‑interrogatoire, ne me porte certainement pas à conclure que, selon la prépondérance des probabilités, tout emploi de la marque de commerce par la filiale canadienne du propriétaire ne s’applique pas au profit du propriétaire en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi sur les marques de commerce. Je rejette donc ce motif d’opposition.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

L’opposante a invoqué cinq alinéas de l’article 30.

 

Le sens du premier alinéa invoqué n’est pas très clair. L’opposante semble alléguer que Red‑brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design n’est pas une marque de commerce parce qu’elle ne peut servir à distinguer les marchandises de la requérante. Je considère qu’il ne s’agit pas d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30 qui est régulier. Quoi qu’il en soit, le caractère distinctif de la marque a déjà été examiné à l’égard d’un motif d’opposition différent.

 

Non-conformité à l’alinéa 30a)

L’opposante a restreint son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) à l’allégation selon laquelle la demande ne renferme pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles la marque sera employée, car la requérante n’a pas défini en termes ordinaires du commerce précis l’expression [TRADUCTION] « autres maladies pour lesquelles une réduction des sécrétion d’acide gastrique est nécessaire ». Après examen des arguments des parties, je conclus que l’état déclaratif des marchandises est suffisamment précis et libellé dans les termes ordinaires du commerce. Pour ce qui est du deuxième élément, je souligne que le Dr Mihic a confirmé, au contre‑interrogatoire, qu’il comprenait les termes utilisés dans l’état déclaratif des marchandises de la requérante [questions 254‑256]. Quant au premier élément, je considère que l’état déclaratif des marchandises de la requérante est plus précis que les exemples d’états déclaratifs acceptables mentionnés dans l’Énoncé de pratique publié dans le Journal des marques de commerce du 6 août 2003, parce que l’ingrédient actif figure dans l’état déclaratif des marchandises ainsi que le type de maladies à traiter. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) n’est donc pas retenu.

 

Non-conformité à l’alinéa 30b)

L’opposante soutient que la requérante n’a jamais utilisé la marque Red‑brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design seule afin de distinguer ses marchandises de celles d’autres personnes parce que 1) la marque n’était pas visible lors du transfert de propriété, comme l’exige l’article 4; 2) le consommateur pertinent ne saura pas qu’une marque a été appliquée aux marchandises, celui‑ci connaissant de façon générale les comprimés rouge‑brun; 3) ce sont les inscriptions LOSEC 20 qui peuvent distinguer les marchandises; 4) la requérante n’a jamais utilisé la marque Red‑brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design, mais elle a en fait utilisé la couleur, la forme, la taille et les inscriptions en même temps, comme une seule et unique marque de commerce. La majeure partie de cet argument conteste le caractère distinctif de la marque, mais cette question a déjà été examinée. Je traiterai donc de la question de savoir si l’article 4 a été respecté. Voici le texte du paragraphe 4(1) :

4.(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

D’après moi, la requérante estime que l’image de la pilule sur l’emballage respecte le paragraphe 4(1). Toutefois, la représentation de la pilule à l’extérieur de la boîte n’est pas une marque de commerce en soi, malgré l’ombragé qui suggère la profondeur, puisque l’image figurant sur le devant de la boîte est bidimensionnelle, et la requérante cherche clairement à enregistrer une marque tridimensionnelle. Je ne pense pas que l’emploi de l’un est l’utilisation de l’autre, sinon quelqu’un qui a enregistré une image pourrait alors soutenir qu’il utilisait sa marque lorsqu’il a vendu un objet tridimensionnel ressemblant à l’image, ce qui n’a pas été autorisé dans N.V. Sumatra Tobacco Trading Co. v. Imperial Tobacco Ltd. (2001), 11 C.P.R. (4th) 501 (C.F. 1re inst.). Cependant, je ne vais pas refuser la demande pour ce motif d’opposition, car je suis convaincu que certains pharmaciens au moins ouvrent l’emballage qui contient les comprimés LOSEC 20 mg de la requérante et montrent le médicament au patient, la première fois qu’il lui est prescrit, ce qui respecte l’article 4 [contre‑interrogatoire de M. Pignataro, questions 37‑40].

 

Non-conformité à l’alinéa 30h)

Selon le premier volet de cet argument, les dessins de la requérante ne définissent pas de façon régulière les limites du monopole de la marque de commerce faisant l’objet de la demande parce que toute marque de commerce de la requérante doit comprendre la marque au complet telle que la perçoit le public, soit la couleur, la forme, la taille et les inscriptions qui ne figurent pas sur le dessin. Des inscriptions, à savoir LOSEC 20, figurent sur les comprimés de la requérante se trouvant sur le marché. Cependant, je n’estime pas que, en l’absence de cette inscription du dessin de la marque de commerce visée par la demande, cette demande n’est pas conforme à l’alinéa 30h). Il est évident, selon moi, que la requérante croit que l’apparence de son comprimé, abstraction faite de l’inscription qui y figure, peut servir à distinguer ses marchandises. Que la requérante ait prouvé ou non qu’il en était ainsi sur le marché, je considère comme acceptable que la requérante ait adopté cette position au sujet d’une question préliminaire, car c’est sur la couleur, la taille et la forme que la requérante désire acquérir un monopole. Par voie d’analogie, je soulignerais que des échantillons de dessin‑marque peuvent souvent indiquer une autre marque de commerce figurant sur l’étiquette ou l’emballage, mais cela ne veut pas dire que le dessin de la marque de commerce est inexact [voir Nightingale Interloc Ltd. v. Prodesign Ltd.,  2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.), p. 538-539]. Je ne veux pas dire cependant que l’inscription n’aura aucune conséquence sur le marché.

 

Le deuxième volet du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30h) porte sur l’incompatibilité apparente entre les mots par lesquels la forme et la taille du comprimé illustré sont revendiquées et les mots qui indiquent que le comprimé en pointillé ne fait pas partie de la marque de commerce. Je comprends qu’une telle façon de s’exprimer peut sembler quelque peu contradictoire, mais la deuxième partie de l’énoncé avait en fait été exigée par l’examinateur, et il est donc difficile pour moi de reprocher à la requérante de s’être conformée à la demande de l’examinateur. Je souligne que le juge Rouleau n’a pas réglé de façon définitive une situation semblable dans l’affaire Novopharm Ltd. c. Astra Aktiebolag (supra). Cependant, dans Novopharm Ltd. c. Bayer Inc. (supra). le juge Evans a affirmé ce qui suit (p. 566, par. 34) : « J’estime que ces mots [[TRADUCTION] « le comprimé en pointillé ne fait pas partie de la marque de commerce »] parviennent effectivement à établir la distinction voulue entre le produit lui‑même et ses propriétés physiques de forme et de couleur extérieure ».

 

Non-conformité à l’alinéa 30i)

Je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) parce que l’opposante n’a pas soutenu que la requérante connaissait l’existence des autres comprimés rouge‑brun. Quoi qu’il en soit, cet argument est simplement une autre allégation relative au caractère non distinctif.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité

Non‑conformité à l’article 13

L’opposante a soutenu que la marque de commerce de la requérante est, tout au plus, un signe distinctif. Cependant, la jurisprudence va à l’encontre de la thèse de l’opposante. En général, la décision Smith, Kline & French v. Registrar of Trade-marks, [1987] 2 C.F. 633 constitue le fondement de la position de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, à savoir qu’une marque de commerce composée seulement d’une ou de plusieurs couleurs appliquées à l’ensemble de la surface visible d’un objet tridimensionnel particulier est considérée comme une marque de commerce ordinaire et non un signe distinctif.

 

La marque visée par la demande est interdite en vertu de l’article 10

L’opposante semble soutenir que la marque de commerce Red‑brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, est devenue reconnue au Canada comme désignant les marchandises figurant dans l’état déclaratif des marchandises de la requérante. Toutefois, étant donné les autres comprimés rouge‑brun mentionnés ci‑dessus, je ne vois pas comment une telle conclusion est possible. Quoi qu’il en soit, comme l’a souligné la requérante, l’article 10 interdit l’adoption d’une marque qui désigne déjà certaines marchandises, et il est impossible de soutenir que la marque Red‑brown, Circular, Bi‑convex Tablet Design était reconnue comme désignant du magnésium d’oméprazole lorsque la requérante a adopté un tel dessin. Ce motif n’est donc pas retenu.

 

Décision

Par le pouvoir que m’a délégué le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je rejette la demande de la requérante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 20e JOUR DE JANVIER 2004.

 

 

 

Jill W. Bradbury

commissaire

Commission d’opposition des marques de commerce

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