Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 32

Date de la décision : 2015-02-24

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Mata Amritanandamayi Math, visant l'enregistrement no LMC657,000 de la marque de commerce WORLD EMBRACE au nom de Kathryn Mainse

[1]               La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l'égard de l'enregistrement no LMC657,000 de la marque de commerce WORLD EMBRACE (la Marque) appartenant à Kathryn Mainse.

[2]               La Marque a été enregistrée le 20 janvier 2006 en liaison avec les produits (les Produits) et les services (les Services) suivants :

Produits :
Articles promotionnels, nommément t-shirts, pulls d’entraînement, casquettes de baseball; papeterie, nommément papier, stylos, blocs-notes et enveloppes; bandes vidéo préenregistrées et cassettes vidéo et audio préenregistrées; publications imprimées, nommément revues, livres, dépliants et manuels d’instruction ayant trait à la foi et à la doctrine chrétienne.

Services :
Services évangéliques, religieux et ministériels; services évangéliques et ministériels fournis au moyen de la télévision et de la radio; services éducatifs religieux, nommément enseignement de doctrines religieuses et de l’Évangile; production et diffusion d’émissions de radio et de télévision ayant toutes trait à la religion; services de collecte de fonds de bienfaisance; services missionnaires; services de secours humanitaires; organisation, coordination, aide et facilitation pour organismes engagés dans les services missionnaires et les services de secours humanitaires; affichage et placement de messages sous forme électronique accessibles par Internet.

[3]               Le 19 avril 2013, à la demande de Mata Amritanandamayi Math (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 à Mme Mainse (l'Inscrivante). L'avis enjoignait à l'Inscrivante de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada à un moment quelconque entre le 19 avril 2010 et le 19 avril 2013, en liaison avec chacun des Produits et des Services. À défaut d'avoir ainsi employé la Marque, l'Inscrivante devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               Les définitions d'« emploi » qui s'appliquent en l'espèce sont énoncées aux articles 4(1) et 4(2) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

[5]               Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d'offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort ». Les critères pour établir l'emploi sont peu exigeants et il n'est pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve. Il n'en faut pas moins, cependant, présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et services spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)]. En outre, de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[6]               En réponse à l'avis du registraire, l'Inscrivante a produit son propre affidavit, souscrit le 29 juin 2013, accompagné des pièces 1 à 15. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; seule l'Inscrivante était représentée à l'audience qui a été tenue.

[7]               Pour les motifs exposés ci-après, je conclus qu'il y a lieu de radier l'enregistrement.

[8]               Avant d'exposer les motifs de ma décision, je présenterai un résumé de la preuve.

La preuve

[9]               Dans son affidavit, Mme Mainse explique que la Marque a été [traduction] « conçue originalement en 2001 en vue d'être employée comme titre pour un projet de mise sur pied d'un ministère international, dont les activités devaient être le reflet de ce nom commercial ». Elle explique également qu'à la suite de l'enregistrement de la Marque, [traduction] « des plans supplémentaires ont été élaborés pour que les activités du ministère international liées à l'avancement de la foi chrétienne soient exercées par l'entremise d'une organisation de bienfaisance constituée en société appelée « Heaven’s Rehearsal » (la Société) ». Il était entendu que cette organisation, constituée en société le 5 août 2008, constituerait la structure juridique dans le cadre de laquelle les activités du ministère seraient exercées. Mme Mainse affirme qu'elle est l'une des directrices de la Société depuis la date de constitution de cette dernière; et l'était encore à la date à laquelle elle a souscrit son affidavit.

[10]           Mme Mainse affirme avoir commencé, avant la création de la Société, à préparer un plan d'affaires ainsi que des documents d'enseignement connexes destinés à être utilisés dans le cadre des activités du ministère international visant à réaliser les objectifs de la Société. Ce programme d'enseignement « World Embrace », explique-t-elle, a été élaboré sur une période de sept ans, et une version officielle du programme est maintenant enseignée dans le cadre des activités de la Société depuis janvier 2013.

[11]           Mme Mainse explique que la Marque est une composante distinctive et promotionnelle clé du plan d'affaires, du programme d'enseignement et de la publicité future dont feront l'objet les activités du ministère international de la Société. Elle affirme qu'il est prévu que la première activité du ministère international associée à la Marque aura lieu en 2014. Pour étayer ses dires, elle a fourni les pièces 3(i) à (viii) qu'elle décrit comme des copies des cinq premières pages et des trois dernières pages de la version préliminaire du Guide d'enseignement « World Embrace », qui, indique-t-elle, a été préparée avant la date de l'avis en vertu de l'article 45.

[12]           Mme Mainse explique qu'en 2007 et en 2008, la Société a tenu des célébrations liturgiques au Air Canada Centre et au Rogers Centre, tous deux situés à Toronto, dans le cadre du ministère « World Embrace ». Ces célébrations ont été enregistrées sur DVD et ont ainsi pu bénéficier d'une diffusion internationale.

[13]           Mme Mainse affirme que, depuis la date de l'enregistrement, la Marque a fait partie intégrante et a été activement employée dans le cadre de l'organisation, de la coordination, de l'aide et de la facilitation pour organismes engagés dans les services missionnaires, ainsi que dans le cadre d'activités promotionnelles, de présentations audio et vidéo et de l'élaboration d'un programme d'enseignement pour un manuel d'instruction ayant trait à la foi et à la doctrine chrétiennes. Pour étayer ses dires, elle a fourni les pièces 4 à 15, lesquelles sont résumées ci-dessous :

         une affiche arborant la Marque, datée du vendredi 21 octobre 2005, annonçant « An Evening of Worship and Intercession » [Une soirée d'adoration et d'intercession] (pièce 4);

         l'énoncé de vision pour « World Embrace », lequel comprend un avis de droit d'auteur daté de 2012 (pièce 5);

         un document intitulé « Creative Brief » [Présentation créative] daté du 24 mai 2006, qui semble être un plan de marketing préparé par un tiers pour un projet ou un événement intitulé « Heaven’s Rehearsal » pour le compte d'une société ayant pour nom World Embrace (pièce 6);

         un courriel daté du 12 novembre 2009 fournissant de l'information à un destinataire non identifié au sujet d'un événement de Heaven’s Rehearsal et World Embrace s'étant tenu en Ouganda plus tôt cette année-là (pièce 7);

         un courriel daté du 26 février 2008 adressé aux membres du conseil de World Embrace portant sur les questions financières relatives aux projets à venir (pièce 8);

         des présentations PowerPoint au sujet de World Embrace et Heaven’s Rehearsal, qui auraient été utilisées lors de réunions de planification en 2008 et en avril 2009 respectivement (pièces 9 et 10);

         un courriel de l'Inscrivante daté du 29 mai 2013 portant sur les activités de missions réalisées en 2010 au Kenya, en Ouganda, en Inde et en Finlande (pièce 11);

         le procès-verbal d'une réunion de planification de Heaven’s Rehearsal/World Embrace tenue en mars 2012 (pièce 12);

         un courriel daté du 8 décembre 2012 concernant une réunion de planification pour les activités à venir de World Embrace.

[14]           Mme Mainse poursuit en affirmant que les activités qui sont exercées [par l'Inscrivante] ont une portée internationale et ont nécessité des années de planification, de promotion, de préparation et de développement du leadership. Elle prévoit qu'en raison de ces efforts, il sera possible de lancer le programme « World Embrace » à l'échelle internationale en 2014. Comme pièces 14 et 15, elle a joint une copie d'un logo et une photographie d'un t-shirt arborant ce même logo, qui, affirme-t-elle, ont été produits et utilisés dans le cadre d'un voyage en Ouganda qu'elle a réalisé en juin 2013 dans le but d'organiser la célébration liturgique « Heaven’s Rehearsal » de 2014. Elle affirme que des t-shirts ont été fournis aux organisateurs ougandais pour promouvoir l'événement de 2014.

[15]           Mme Mainse conclut son affidavit en affirmant que la Marque sera, par la suite, employée en liaison avec l'ensemble des produits et services, et qu'elle lancera le site Web www.worldembrace.org le 7 juillet 2013. Elle ajoute qu'étant donné la planification, les dépenses et les efforts réalisés au cours des 10 dernières années pour donner vie au ministère international « World Embrace », la radiation de la Marque, alors qu'elle est si près d'être pleinement employée selon ce qui était prévu lors de son enregistrement, serait un revers.

Analyse et motifs de la décision

[16]           La Partie requérante soutient, et je suis d'accord avec elle, qu'il n'y a aucune preuve de l'emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente. Il n'y a pas la moindre preuve qu'un ou plusieurs des Produits arborant la Marque ont été vendus au Canada, et qu'un ou plusieurs des services ont été exécutés ou offerts en liaison avec la Marque au Canada pendant la période pertinente.

[17]           En effet, la preuve produite se rapporte à des activités qui ont eu lieu à l'extérieur du Canada, des activités qui ont eu lieu en dehors de la période pertinente et des documents de planification interne – rien que l'on puisse considérer comme un emploi de la Marque au Canada pendant la période pertinente au sens des articles 4(1) ou 4(2) de la Loi.

[18]           Une marque de commerce qui n'a pas été employée est susceptible de radiation, sauf si le défaut d'emploi de la marque est attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient. Pour déterminer s'il existe des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi, il faut tenir compte des trois critères suivants : 1) la durée de la période pendant laquelle la marque de commerce n'a pas été en usage; 2) la question de savoir si les raisons invoquées pour justifier le défaut d'emploi de la marque de commerce étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et 3) la question de savoir s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi à court terme [Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)].

[19]            L'arrêt Scott Paper Ltd c Smart & Biggar (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF) a apporté des précisions quant à l’interprétation du critère des circonstances spéciales énoncée dans Harris Knitting, précité. Plus précisément, la Cour a indiqué que le test qu'il convient d'appliquer pour déterminer s’il existe des circonstances spéciales, qui justifieraient le défaut d’emploi d’une marque, doit se limiter à la cause du défaut d'emploi et qu'aucune autre considération n'entre en ligne de compte. Après examen de la jurisprudence relative à l'article 45(3) de la Loi, la Cour en est arrivée aux conclusions suivantes :

1- La règle générale porte que le défaut d’emploi est sanctionné par la radiation.

2- Il existe une exception à la règle générale lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales.

3- Les circonstances spéciales sont des circonstances qui ne se retrouvent pas dans la majorité des cas de défaut d’emploi de la marque.

4- Les circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi de la marque doivent être les circonstances auxquelles le défaut d’emploi est attribuable.

[20]           Il appert de cette analyse que le deuxième critère du test énoncé dans Harris Knitting doit être satisfait pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi d’une marque. En outre, les « circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit » visées par le deuxième critère s’entendent de « circonstances de nature inhabituelle, peu courantes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)]. Cela ne signifie pas que les deux autres critères ne sont pas des facteurs pertinents, mais simplement que ces critères ne peuvent, à eux seuls, constituer des circonstances spéciales. En effet, la pertinence du premier critère est évidente, car les raisons qui peuvent justifier une brève période de non‑usage peuvent ne pas justifier un défaut d'emploi prolongé [Harris Knitting, précité; Goldwell Ltd, Re (1974), 29 CPR (2d) 110 (COMC)]. Dans tous les cas, l'intention de reprendre l'emploi doit être corroborée par la preuve [Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst); NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4e) 73 (CF 1re inst)].

[21]           À l'audience, l'Inscrivante a présenté des observations au sujet de circonstances spéciales. Plus précisément, l'Inscrivante a fait valoir que les raisons du défaut d'emploi pendant la période pertinente étaient attribuables à des circonstances financières, notamment un manque à gagner subséquent aux célébrations liturgiques qui se sont déroulées au Air Canada Centre de Toronto en 2007-2008, conjuguées à la nature même de l'entreprise, c'est-à-dire sa portée internationale qui exigeait une longue période de planification. L'Inscrivante a allégué que la Marque avait fait l'objet d'un emploi minimal à des fins promotionnelles au cours de la phase de planification du ministère, entre 2010 et 2013. Or, comme je l'ai indiqué précédemment, les seuls éléments de preuve produits à cet égard se rapportent à des communications internes.

[22]           En ce qui concerne les raisons invoquées pour justifier le défaut d'emploi de la Marque pendant la période pertinente, je souligne qu'en règle générale, les circonstances de nature financière ou économique ne sont pas considérées comme des circonstances peu courantes, inhabituelles ou exceptionnelles [au sens de Harris Knitting, précité]. En outre, bien que des difficultés financières puissent, dans certaines circonstances bien précises, justifier un bref défaut d'emploi (voir, à titre d'exemple, Rogers & Scott c Naturade Products Inc (1988), 19 CPR (3d) 504 (COMC); et Lapointe Ronsenstein c Maxwell Taylor’s Grill Inc (2001), 19 CPR (4th) 263 (COMC), je ne suis pas convaincue qu'en l'espèce, elles constituent des circonstances spéciales qui justifient le défaut d'emploi pendant une aussi longue période. En effet, la date du dernier emploi de la Marque à être corroboré par la preuve produite en l'espèce est octobre 2005 (selon la pièce 4). Et, je souligne que cet emploi concerne uniquement certains services bien précis.

[23]            J'ajouterai qu'aucun détail n'a été fourni en ce qui concerne les difficultés financières auxquelles était confrontée l'Inscrivante. Ainsi, même s'il pouvait être démontré que les circonstances financières dans lesquelles se trouvait l'Inscrivante étaient inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles, la preuve dont je dispose indique seulement que l'Inscrivante a pris délibérément la décision de concentrer ses activités à l'extérieur du Canada pendant la période pertinente.

[24]           Quant à l'observation de l'Inscrivante selon laquelle une longue période de planification était requise en raison de la nature même de l'entreprise (le fait qu'elle ait une portée internationale), j'estime qu'il n'y a rien dans la preuve qui puisse me convaincre que la nature de l'entreprise justifie un défaut d'emploi sur une aussi longue période. Je le répète, la preuve démontre que l'Inscrivante axait ses efforts sur ses activités à l'extérieur du Canada, y compris pendant la période pertinente; cela indique que l'Inscrivante avait pris la décision délibérée de ne pas employer la Marque au Canada.

[25]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l'Inscrivante n'a pas établi que le défaut d'emploi de la Marque est attribuable à des circonstances spéciales qui auraient justifié un tel défaut d'emploi. En outre, même si la preuve démontrait qu'il existe une intention de reprendre l'emploi de la Marque à court terme, cette intention ne serait pas, en soi, suffisante pour justifier le maintien de l'enregistrement [Scott Paper, précité].

Décision

[26]           Compte tenu de tout ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement no LMC657,000 sera radié, conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

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Kathryn Barnett

Agente d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

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