Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 99

Date de la décision : 2016-06-20

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Fortune Mfg. Co. Ltd. et Archmetal Industries Corp.

Opposantes

et

 

JAG flocomponents n.a., une société en nom collectif de l’Alberta ayant JAG Flocomponents (North America) Inc. comme associé majoritaire

Requérante

 

 

 



 

1,303,692 pour la marque de commerce FUSION

 

Demande

Le dossier

[1]               Le 31 mai 2006, « JAG flocomponents n.a., une société en nom collectif de l’Alberta ayant JAG Flocomponents (North America) Inc. comme associé majoritaire » a produit la demande d’enregistrement no 1,303,692 pour la marque de commerce FUSION (la Marque).

[2]               La demande, telle que produite à l'origine, était basée sur l’emploi de la Marque depuis déjà au moins août 2002/depuis aussi tôt qu’août 2002 par la requérante ou les prédécesseurs en titre de la requérante, JAG Flocomponents Inc. (JAG Inc.) et JAG Flocomponents (North America) Inc. (JAG North America). Toutefois, pendant l'examen de la demande, la requérante a retiré de la demande toute référence à ces prédécesseurs en titre. L’état déclaratif des produits et des services visés par la demande, dans la dernière version révisée par la requérante, est reproduit à l’annexe « A » jointe aux présentes.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 10 avril 2013. Fortune Mfg. Co. Ltd. (Fortune) et Archmetal Industries Corp. (Archmetal) (parfois appelées collectivement les Opposantes) se sont opposées à la demande en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) en produisant une déclaration d'opposition le 10 juin 2013. Les motifs d'opposition sont fondés sur les articles 30b), 30i), 16(1)a) et 2 de la Loi.

[4]               Les Opposantes ont produit une preuve par la voie d'un affidavit d’Henry Chen, secrétaire et directeur d’Archmetal, ainsi que directeur des ventes de Fortune, souscrit le 18 mars 2014 (l’affidavit Chen). La requérante a produit une preuve par la voie d’un affidavit de Warren Williams, président et chef de l'exploitation de « JAG Flocomponents N.A. » et de JAG North America, souscrit le 27 novembre 2014 (l’affidavit Williams). D'après ce que je comprends, « JAG Flocomponents N.A. » et la requérante « JAG flocomponents n.a., une société en nom collectif de l’Alberta ayant JAG Flocomponents (North America) Inc. comme associé majoritaire » constituent une seule et même entité. Je désignerai de manière interchangeable cette entité comme JAG N.A. ou la Requérante.

[5]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit. Toutefois, aucune des parties n'a sollicité la tenue d'une audience.

[6]               Pour les raisons exposées ci-dessous, l'opposition est accueillie.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[7]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois aux Opposantes de s'acquitter du fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Aperçu de la preuve

[8]               Tel qu'il ressortira de mon examen des affidavits Chen et Williams ci-dessous, les parties à la procédure en l’espèce ne sont pas des étrangères. Elles (et/ou des sociétés liées ou des prédécesseurs en titre) ont des antécédents relativement à l'emploi de la Marque au Canada et ont à cet égard eu quelques litiges, y compris celui qui a mené à la décision de la Cour fédérale dans l'affaire JAG Flocomponents N.A. c Archmetal Industries Corporation, 2010 CF 627, confirmée par la Cour d'appel fédérale (bien que pour des motifs différents) dans l'affaire Archmetal Industries Corporation c JAG Flocomponents N.A., 2011 CAF 235 (ci-après mentionnée).

[9]               Je souligne que je n'accorde aucun poids aux déclarations des déposants qui constituent des opinions personnelles sur le bien-fondé de cette procédure. De plus, seuls les faits les plus saillants seront mentionnés.

L’affidavit Chen

[10]           M. Chen fournit en premier lieu des renseignements généraux relatifs aux Opposantes. Il explique qu’Archmetal est constituée sous le régime des lois de la province de la Colombie-Britannique, et est également enregistrée dans une autre province, soit en Alberta. Archmetal est une filiale en propriété exclusive de Fortune, une entreprise chinoise. Archmetal importe pour la vente en Amérique du Nord des clapets fabriqués par Fortune.

[11]           M. Chen fournit également des renseignements relatifs à l’historique de la demande en l’espèce. Plus précisément, il joint à son affidavit en pièces « A », « B » et « C » des extraits des dossiers de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada montrant que :

-          lorsqu’elle a été produite en premier lieu, la demande en l’espèce revendiquait l'emploi de la Marque au Canada depuis déjà au moins août 2002/depuis aussi tôt qu’août 2002 par la Requérante [Traduction] « ou le(s) prédécesseur(s) en titre de la [R]equérante JAG Flocomponents Inc., puis JAG Flocomponents (North America) Inc., puis JAG flocomponents n.a., une société en nom collectif de l’Alberta ayant JAG Flocomponents (North America) Inc., comme associé majoritaire »; et

-          la demande a été révisée par la Requérante le 11 avril et le 22 septembre 2008. Dans la demande, toutes les références aux prédécesseurs en titre de la Requérante ont été retirées sans explication et n’apparaissent pas dans les deux demandes révisées.

[12]           Au paragraphe 5 de son affidavit, M. Chen affirme que, à toutes les dates pertinentes, Archmetal était l’importateur des clapets de Fortune pour le marché nord-américain, quoique cette relation ait légèrement changé au cours de la période allant de 2001 à 2003 pour comprendre également JAG Inc. À cet égard, M. Chen joint à son affidavit en pièce « D » une lettre d’intention datée du 28 novembre 2001 qui détermine la relation d’affaires entre JAG Inc. et Fortune telle que prévue à ce moment. Plus précisément, il souligne que la relation d’affaires prévoyait ce qui suit :

-          JAG Inc. devait être le distributeur canadien exclusif des clapets industriels actuels et futurs de Fortune, qui devaient tous être des gammes de produits [Traduction] « de marque Fortune »;

-          Archmetal devait diriger ses clients de clapets industriels vers JAG Inc. et concentrer ses activités commerciales sur les marchés non industriels;

-          Archmetal devait acquérir une participation de 30 % dans JAG Inc.; et

-          Fortune devait vendre ses clapets à JAG Inc. par voie de consignation.

[13]           M. Chen joint également à son affidavit en pièce « E » une entente de consignation datée du 1er janvier 2002 conclue entre JAG Inc. et Archmetal exposant plus en détail la relation d’affaires entre les parties à ce moment, y compris la nomination par Archmetal de JAG Inc. au titre de son « agent » et [Traduction] « maître-distributeur canadien » à l’égard des produits de clapets industriels fournis par Fortune. M. Chen souligne qu’en vertu de l’entente de consignation :

-          Archmetal expédiait des produits de clapets industriels à JAG Inc. mais en conservait la propriété tant que JAG Inc. ne les avait pas vendus; et

-          après que JAG Inc. ait dans les faits vendu les produits, Archmetal facturerait JAG Inc. à la fin de chaque mois et JAG Inc. paierait ces factures dans les plus brefs délais.

[14]           Au paragraphe 7 de son affidavit, M. Chen affirme que, en 2002, l’équipe de recherche et développement de Fortune a conçu dans ses installations chinoises une gamme de clapets industriels qui devaient être commercialisés et vendus au Canada sous la Marque. Il affirme que, depuis déjà au moins septembre 2002, et de façon continue jusqu’à aujourd’hui, Fortune fournit des clapets arborant la Marque à Archmetal pour la vente et la distribution au Canada, et Archmetal vend ces clapets arborant la Marque au Canada dans la pratique normale du commerce d’Archmetal, y compris pendant un certain temps par l’intermédiaire de JAG Inc.

[15]           À l’appui de ce qui précède, M Chen joint en pièce « F » de son affidavit des photographies de clapets fabriqués par Fortune et arborant la Marque, importés au Canada et vendus au Canada par Archmetal, qui sont représentatifs des clapets arborant la Marque vendus depuis septembre 2002 et jusqu’à aujourd’hui. Il joint également en pièce « G » une copie d’une facture émise par Archmetal le 30 septembre 2002 à l’intention de JAG Inc. pour des clapets arborant la Marque vendus dans les faits le 2 septembre 2002.

[16]           Au paragraphe 8 de son affidavit, M. Chen affirme que, parfois, les clapets fabriqués/fournis par Fortune à Archmetal pour la vente au Canada sous la Marque comprennent également une marque « F dessin » appartenant à Fortune. Les clapets montrés dans la pièce « F » arborent cette marque F dessin, tout comme la facture en pièce « G ».

[17]           Aux paragraphes 9 à 11 et dans les pièces « J », « K » et « L », M. Chen fournit une preuve des activités et dépenses promotionnelles de l’Opposante au Canada en lien avec les clapets de Fortune arborant la Marque depuis 2002. Il affirme que les Opposantes ont dépensé des milliers de dollars par année pour la promotion des clapets de Fortune arborant la Marque. Entre autres :

[Traduction]
Les Opposantes font la promotion des clapets de Fortune arborant la [Marque] en participant à des salons professionnels, en distribuant du matériel imprimé arborant la [Marque] qui comprend des renseignements relatifs aux clapets de Fortune et en distribuant des échantillons de produit. Depuis 2002, les Opposantes ont dépensé entre 26 000 $ et 41 000 $ par année au Canada durant les premières années et encore plus aujourd’hui pour faire la promotion de la [Marque] en liaison avec des clapets fournis par Fortune. [au para 11]

[18]           Au paragraphe 12 de son affidavit, M. Chen fournit un tableau des chiffres de vente approximatifs d’Archmetal relatifs aux clapets de Fortune arborant la Marque pour les années 2002 à 2004. M. Chen affirme qu’Archmetal [Traduction] « vend pour des millions de dollars » de ces clapets et que [Traduction] « même au cours des premières années de 2002 à 2004, alors que la gamme de produits FUSION venait d’être lancée, les ventes représentaient au moins des centaines de milliers de dollars, déjà à l’époque, pour se chiffrer dans les millions de dollars aujourd’hui ».

[19]           Au paragraphe 13 de son affidavit, M. Chen affirme que, jusqu’en juillet 2013, JAG Inc. est demeurée la consignataire et l'agente de commercialisation exclusive des clapets de Fortune arborant la Marque au Canada.

[20]           Au paragraphe 14 de son affidavit, M. Chen affirme que Jerôme Chen, le président des Opposantes, est devenu un des mandants de JAG Inc. après que la relation d’affaires prévue par la lettre d’intention et l’entente de consignation est entrée en vigueur. Il explique que les deux autres mandants de JAG Inc. étaient John McCrae et Gary Williams et que les actionnaires de JAG Inc. étaient Archmetal, 944898 Alberta Ltd. (dont le mandant était John McCrae), et G.R.W. Oilfield International (1993) Inc. (dont le mandant était Gary Williams). À l’appui de ce qui précède, il joint en pièce « M » de son affidavit un imprimé des détails de l’inscription au registre des entreprises de l’Alberta pour JAG Inc. en date du 14 décembre 2004.

[21]           Aux paragraphes 15 et 16 et dans les pièces « N » à « O », M. Chen fournit d'autres renseignements tirés du registre des entreprises de l’Alberta montrant que, entre autres, JAG North America (dont les mandants sont John McCrae et Gary Williams) a été constituée en société le 6 septembre 2002 et que la Requérante JAG N.A. a été établie le 30 septembre 2004 (c.-à-d. après les dates de premier emploi revendiquées par la Requérante).

[22]           Au paragraphe 19 de son affidavit, M. Chen affirme que les Opposantes n’ont jamais fourni de clapets arborant la Marque à JAG North America ou à la Requérante.

[23]           Au paragraphe 20 de son affidavit, M. Chen affirme que, le 12 avril 2006, Archmetal a obtenu l’enregistrement canadien no LMC662,598 de la marque de commerce FUSION en liaison avec des [Traduction] « clapets à bille pour usage industriel » fondé sur l'emploi au Canada depuis déjà au moins septembre 2002 et il joint en pièce « P » les détails de cet enregistrement. M. Chen explique ensuite que cet enregistrement a toutefois été radié le 10 juin 2010 par la Cour fédérale [voir la décision dans l’affaire JAG Flocomponents N.A. c Archmetal Industries Corporation, supra] et que, à la suite d’un appel, la Cour d’appel fédérale a confirmé la radiation de l’enregistrement, le 11 août 2011, mais pour des motifs différents que ceux présentés par la Cour fédérale [voir la décision dans l’affaire Archmetal Industries Corporation c JAG Flocomponents N.A., supra, dont une copie est jointe en pièce « Q » de son affidavit].

[24]           Au paragraphe 21 de son affidavit, M. Chen affirme que, compte tenu de la décision de la Cour d’appel fédérale, Archmetal a signé une cession le 19 août 2011 transférant à Fortune tous les droits qu’Archmetal pouvait avoir acquis à l'égard de la Marque et il joint en pièce « R » de son affidavit une copie de cette cession.

L’affidavit Williams

[25]           Au premier paragraphe de son affidavit, M. Williams affirme être le président et chef de l'exploitation de Jag N.A. et de Jag North America (« Jag »), et qu’à ce titre, il a une connaissance personnelle des questions et des faits déclarés dans cet affidavit.

[26]           Comme M. Williams fait par la suite référence dans son affidavit à « Jag », je ferai de même dans l’examen de son affidavit. Toutefois, je tiens à souligner que la référence de M. Williams à « Jag » est ambiguë en ce sens qu'on ne sait pas trop s'il est fait référence à JAG North America ou collectivement à la Requérante et à JAG North America. De plus, tel qu'il ressortira de mon examen de son affidavit, la référence de M. Williams à « Jag » est contredite par certaines des pièces produites en preuve, non seulement par les Opposantes, mais également par M. Williams lui-même.

[27]           Aux paragraphes 2 et 3 de son affidavit, M. Williams affirme ce qui suit :

[Traduction]
[2] Jag a été créée le 1er octobre 2001 par John McCrae et Gary Williams pour vendre les modèles actuels de clapets dans l’industrie des champs pétrolifères et concevoir et produire de nouveaux clapets. L’objectif de l’entreprise était de vendre, de concevoir et de produire des clapets à bille, mais Jag avait aussi besoin de vendre d’autres sortes de clapets pour générer un flux de trésorerie pour financer le lancement de l’entreprise.

[3] Le 18 novembre 2001, Jag a signé une lettre d’intention avec [Fortune]. Jointe en pièce « A » de cet affidavit se trouve une copie de la lettre d’intention. La lettre d’intention exposait la relation établie entre les parties : (1) Fortune accordait à Jag l'exclusivité en ce qui concerne la commercialisation au Canada de tous les clapets actuels et futurs de Fortune; (2) toute conception de clapet que Fortune n’avait pas la capacité de fabriquer serait obtenu auprès d’autres fabricants; et (3) les clapets fabriqués par Fortune seraient consignés à Jag selon les conditions énoncées dans l’entente de consignation datée du 1er janvier 2002. Jointe en pièce « B » de son affidavit se trouve une copie de l’entente de consignation.

[28]           Je souligne que la [Traduction] « date de création » du 1er octobre 2001 est contredite par les détails de l’inscription au registre des entreprises de l’Alberta produits en pièces « N » et « O » de l’affidavit Chen, lesquels indiquent que JAG North America a été constituée en société le 6 septembre 2002 et que JAG N.A. a été établie le 30 septembre 2004. Je souligne également que, contrairement à l’affirmation de M. Williams, la lettre d’intention et l’entente de consignation ont toutes deux été signées par JAG Inc., et non pas par JAG North America ou JAG N.A. À cet égard, il convient de mentionner que les détails de l’inscription au registre des entreprises de l’Alberta produits en pièce « M » de l’affidavit Chen indiquent que JAG Inc. a été constituée en société le 2 octobre 2001, ce qui est plus près de la date déclarée par M. Williams.

[29]           Au paragraphe 4 de son affidavit, M. Willians affirme ce qui suit :

[Traduction]
[4] Après la signature de la lettre d’intention, Jag a informé Fortune que l’acceptation sur le marché des produits arborant la marque « Fortune » posait problème en raison de la perception que les produits fabriqués en Chine présentaient des problèmes de qualité. Motivé par cette observation, en janvier 2002, John McCrae a conçu le nom « FUSION » à apposer sur les produits et le style à utiliser pour sa présentation sur les produits.

[30]           Aux paragraphes 5 à 9 de son affidavit, M. Williams affirme que Fortune était incapable de fabriquer des clapets à bille de grand diamètre pour Jag et que Gary Williams a trouvé un sous-traitant, Suzhou Neway Machinery Co., Ltd. (Neway) en Chine pour produire ces clapets. M. Williams affirme également que Jag a conclu une entente de représentation sur le marché avec Neway en date du 27 février 2002 (qui est devenue un accord de représentation exclusive en juin 2002) afin que les produits de clapets à bille de Neway arborent la Marque. M. Williams affirme que [Traduction] « Fortune n’a ni fabriqué ni exercé un contrôle de la qualité des produits quelconque à l’égard de ces clapets FUSION » et que « Gary Williams était responsable de la conception et du contrôle de qualité des clapets fabriqués par Neway pour Jag ».

[31]           Au paragraphe 9 de son affidavit, M. Williams affirme que la relation entre Jag et Neway [Traduction] « ne découlait pas de l’entente de consignation et l’entente de consignation ne s’appliquait pas à cette relation ». Il affirme ensuite que [Traduction] « l’entente de consignation était considérée comme ayant été conclue en juillet 2003 ».

[32]           Au paragraphe 10 de son affidavit, M. Williams affirme ce qui suit :

[Traduction]
Dans la dernière partie de l’année 2002, le nom FUSION a été employé sur certains clapets fabriqués par Fortune. Toutefois, Jag ne pouvait pas vendre ces clapets en raison des problèmes de qualité et de prix qui n’ont jamais été résolus. En fin de compte, les clapets ont été retournés à Fortune en juillet 2003.

[33]           Aux paragraphes 11 à 13 de son affidavit, M. Williams fait référence aux décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale mentionnées ci-dessus. Il conclut ensuite son affidavit en affirmant qu’il souscrit son affidavit [Traduction] « à l’appui de la Demande [en l’espèce] de Jag ». Une fois de plus, la référence à Jag est incorrecte du fait que la demande a été produite par le partenariat JAG N.A., et non pas par JAG North America ou collectivement par JAG N.A. et JAG North America.

Analyse des motifs d'opposition

Motif d'opposition fondé sur l'article 30b) de la Loi

[34]           Les Opposantes allèguent ce qui suit :

[Traduction]
En violation des articles 38(2)a) et 30b) de la [Loi], à la date de production de la demande, la Requérante n’avait pas employé la [Marque] telle qu’elle est alléguée, ou depuis la date alléguée, ni autrement; ou avait subséquemment abandonné la [Marque]; ou n'avait fait qu'un emploi illégal de la [Marque] sur laquelle elle n’avait pas le droit de s’appuyer.

[35]           L'article 30b) de la Loi prévoit que, pour enregistrer une marque de commerce, un requérant doit produire auprès du registraire une demande contenant :

[...] dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande. [Je souligne.]

[36]           La date pertinente pour l'examen d’un motif d’opposition fondé sur l'article 30b) est la date de production de la demande de la Requérante [voir Georgia-Pacific Corporation c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 à la p 475 (COMC)]. À cet égard, l'article 30b) de la Loi exige qu'il y ait eu emploi continu de la Marque depuis la date revendiquée [voir Labatt Brewing Co c Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst)].

[37]           Dans la mesure où les faits pertinents relatifs à un motif d'opposition fondé sur l'article 30b) de la Loi sont plus facilement accessibles à la Requérante, le fardeau de preuve qui incombe aux Opposantes relativement à un tel motif d'opposition est moins exigeant [voir Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. En outre, les Opposantes peuvent s'acquitter de ce fardeau en s'appuyant non seulement sur leur propre preuve, mais aussi sur la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst) 216]. Les Opposantes ne peuvent toutefois s'appuyer avec succès sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter de leur fardeau de preuve initial que si les Opposantes démontrent que la preuve de la Requérante met en doute les revendications énoncées dans la demande de la Requérante [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323, aux para 30 à 38 (CanLII)].

[38]           Étant donné la preuve des Opposantes, je suis convaincue que les Opposantes ont mis en doute la conformité de la demande à l'article 30b) de la Loi. Il suffit de se rappeler que ni le partenariat « JAG Flocomponents N.A. » ni JAG North America n’existait aux dates de premier emploi revendiquées par la Requérante [voir les pièces « N » et « O » de l’affidavit Chen].

[39]           Compte tenu de cette preuve, il incombait à la Requérante d'établir l’emploi de la Marque depuis la date revendiquée et d'inclure le prédécesseur en titre approprié dans la propriété de sa demande pour corroborer cette date de revendication, ce qui n'a pas été fait.

[40]           Au contraire, toutes les références aux prédécesseurs en titre de la Requérante ont été retirées de la demande sans explication. De plus, les déclarations de M. Williams à l’égard de la conception et de l’emploi allégués de la Marque au cours de l’année 2002 soulèvent plus de questions qu’elles ne fournissent de réponses en l’espèce.

[41]           Comme je l’ai déjà indiqué, M. Williams affirme que la Marque a été conçue en janvier 2002 par John McCrae (au nom de « Jag »?), qui a proposé le nom FUSION parce que le nom « Fortune » ne serait pas accepté d’emblée sur le marché canadien. Selon M. Williams, le nom FUSION a été choisi pour être employé sur les clapets de Neway le 27 février 2002 et, en juin 2002, la relation entre « Jag » et Neway est devenue un accord de représentation exclusive et tous les clapets de Neway arboraient le nom FUSION. Il convient de noter que les dates de premier emploi revendiquées de la Marque [Traduction] « depuis au moins août 2002 » et « depuis aussi tôt qu’août 2002 » ne sont mentionnées nulle part dans son affidavit. Son affidavit ne cherche pas non plus à établir d’une quelconque façon que ce soit l’emploi de la Marque en liaison avec chacun des produits et des services énumérés dans la demande à quelque moment que ce soit. Qui plus est, comme je l’ai déjà indiqué, la référence de M. Williams à « Jag » est ambiguë et est contredite par, entre autres, la lettre d’intention et l’entente de consignation [dont des copies ont été produites par M. Williams et par M. Chen] et le registre des entreprises de l’Alberta selon lequel la Requérante n’existait même pas en août 2002 [voir la pièce « O » de l’affidavit Chen].

[42]           Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'article 30b) est accueilli parce que la Requérante ne s'est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif de la Marque invoqué suivant l'article 2 de la Loi

[43]           Le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, tel qu'il a été invoqué par les Opposantes, comporte deux volets. Le premier volet est libellé comme suit :

[Traduction]
12.(d) La [Marque] n’est pas distinctive, eu égard aux dispositions des articles 38(2)d) et 2 de la [Loi], parce qu’elle n’est pas apte à distinguer les marchandises ou les services de la Requérante des marchandises et des services de tiers, en particulier les clapets vendus par les Opposantes sous la [Marque], pas plus qu’elle n’est adaptée à les distinguer.

[44]           Pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer que, à la date de production de sa déclaration d'opposition (en l'espèce, le 10 juin 2013), sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst)].

[45]           J'estime que les Opposantes se sont acquittées de leur fardeau de preuve. Il suffit de se rappeler que l’affidavit Chen démontre ce qui suit :

-          la Marque était apposée (avec la marque « F dessin » de Fortune) sur les clapets fabriqués par Fortune et importés au Canada et vendus par Archmetal [voir la pièce « F » de l’affidavit Chen];

-          la Marque (avec la marque « F dessin » de Fortune) a été apposée sur les spécifications techniques des clapets de Fortune arborant la marque FUSION [voir la pièce « L » de l’affidavit Chen], lesquelles, selon l’affirmation de M. Chen, étaient distribuées par les Opposantes dans des salons professionnels, dans leurs bureaux d’affaires et dans les installations de leurs clients, à des acheteurs et des acheteurs potentiels des clapets de Fortune arborant la Marque. À cet égard, M. Chen affirme au paragraphe 10 de son affidavit que [Traduction] « [m]ême dès 2004, des milliers de spécifications avaient été distribuées au Canada »; et

-          les Opposantes ont fait la promotion de la Marque en liaison avec les clapets de Fortune et continuent de le faire dans divers salons professionnels au Canada, dont l'ISH North America Show de Toronto en 2002, le Global Petroleum Show de Calgary en 2002 [voir la pièce « J » de l’affidavit Chen] et en 2004, et l'Oil Sands Trade Show and Conference de Fort McMurray en 2004.

[46]           M. Chen fournit également les chiffres des ventes et les frais de commercialisation pour les clapets de Fortune arborant la Marque.

[47]           Il convient également de rappeler que la Requérante ne nie pas que [Traduction] « dans la dernière partie de l’année 2002, le nom FUSION a été employé sur certains clapets fabriqués par Fortune ». De plus, selon l’affirmation de M. Williams, le fait que [Traduction] « Fortune n’a ni fabriqué ni exercé un contrôle de la qualité des produits » à l’égard des clapets FUSION apparemment fabriqués par Neway n'a aucune incidence sur mon analyse. Les Opposantes sont seulement tenues de démontrer qu'elles ont employé la marque de commerce FUSION dans une mesure suffisante pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif.

[48]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[49]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 2006 CSC 22 (CanLII), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23 (CanLII), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 2011 CSC 27 (CanLII), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour un examen exhaustif des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[50]           Si l'on transpose les remarques formulées par l’ancienne membre Bradbury dans Archmetal Industries Corp c Jag Flocomponents NA Inc, 2007 CanLII 80803 (COMC) à l’affaire en l’espèce, l’analyse de la probabilité de confusion est une question simple en l’espèce. Les marques de commerce sont identiques et possèdent par conséquent un caractère distinctif inhérent équivalent. Seules les Opposantes ont produit une preuve à l’égard de l’emploi de la marque de commerce FUSION. Les produits et/ou services des parties sont les mêmes et se recoupent, comme ce serait le cas de leurs activités commerciales et de leurs voies de commercialisation.

[51]           Par conséquent, le premier volet du motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est accueilli parce que la Requérante ne s'est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait.

Autres motifs d'opposition

[52]           Comme j'ai déjà tranché en faveur des Opposantes relativement à deux des motifs d'opposition, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine les autres motifs d'opposition.

Décision

[53]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

Annexe « A »

 

État déclaratif des produits et des services visés par la demande no 1,303,692 (dans leur version révisée par la Requérante)

 

Produits [traduction] :

(1) Clapets à bille pour utilisation dans les industries de l'énergie, pétrolière et gazière, de l'eau, des produits chimiques et de l'exploitation minière.

(2) Valves en métal pour utilisation dans les industries de l'énergie, pétrolière et gazière, de l'eau, des produits chimiques et de l'exploitation minière.

(3) Valves en métal à commande manuelle pour utilisation dans les industries de l'énergie, pétrolière et gazière, de l'eau, des produits chimiques et de l'exploitation minière.

(4) Valves et dispositifs de régulation du débit automatiques, nommément valves pour utilisation dans les industries pétrolière et gazière, pétrochimique, de la plomberie, du chauffage, du transport et de l'eau.

(5) Clapets à bille.

(6) Clapets à flotteur pour utilisation dans les industries de l'énergie, pétrolière et gazière, de l'eau, des produits chimiques et de l'exploitation minière.

(7) Robinets à tournant sphérique guidé pour utilisation dans les industries de l'énergie, pétrolière et gazière, de l'eau, des produits chimiques et de l'exploitation minière.

(8) Dispositifs de régulation du débit, nommément valves pour utilisation dans les industries pétrolière et gazière, pétrochimique, de la plomberie, du chauffage, du transport et de l'eau.

(9) Valves et dispositifs de régulation du débit, nommément valves ainsi que pièces et accessoires connexes pour utilisation dans les industries pétrolière et gazière, pétrochimique, de la plomberie, du chauffage, du transport et de l'eau.

(10) Publications imprimées, nommément manuels d'installation, d'entretien et d'utilisation concernant les valves ainsi que dispositifs de régulation du débit, nommément valves.

 

Services [traduction] :

(1) Conception et fabrication de robinets à tournant sphérique conformément aux spécifications des clients pour utilisation dans l'industrie énergétique et dans d'autres applications de tuyauterie.

(2) Élaboration, conception, fabrication, test, vente, importation, distribution, installation, révision, réparation et entretien de duses, de valves et de dispositifs de régulation du débit.

(3) Élaboration, conception et fabrication sur mesure de duses, de valves et de dispositifs de régulation du débit selon les spécifications de tiers.

(4) Services d'ingénierie, nommément mise au point, conception, fabrication et essais de duses, de valves et de dispositifs de régulation du débit.

(5) Exploitation d'une entreprise d'élaboration, de conception, de fabrication, de test, de vente, d'importation, de distribution, d'installation, de réparation et d'entretien de duses, de valves et de dispositifs de régulation du débit ainsi que de pièces et d'accessoires connexes pour utilisation dans les industries pétrolière et gazière, pétrochimique, de la plomberie, du chauffage, du transport et de l'eau.

(6) Recherche et développement dans le domaine des duses, des valves et des dispositifs de régulation du débit ainsi que des pièces et des accessoires connexes.

(7) Conseils dans le domaine des duses, des valves et des dispositifs de régulation du débit ainsi que des pièces et des accessoires connexes.

(8) Offre de soutien technique et d'information sur les produits aux clients dans le domaine des duses, des valves et des dispositifs de régulation du débit.

(9) Offre de soutien technique et de formation sur les produits aux représentants sur le terrain, les distributeurs et les utilisateurs finaux de duses, de valves et de dispositifs de régulation du débit.

(10) Création de prototypes de duses, de valves et de dispositifs de régulation du débit ainsi que vérification connexe.

 

Revendications :

Employée au Canada depuis au moins aussi tôt qu'août 2002 en liaison avec les produits (1), (2), (3), (4), (5), (6), (7), (8), (10) et en liaison avec les services.

Employée au Canada depuis aussi tôt qu'août 2002 en liaison avec les produits (9).

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

Aucune audience tenue

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Owen Wiggs Green & Mutala LLP                                                     POUR LES OPPOSANTES

 

Dentons Canada LLP                                                                          POUR LA REQUÉRANTE

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