Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 92

Date de la décision : 2011-06-02

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par 2076631 Ontario Limited cba The Shoe Club à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1251806 pour la marque de commerce SHOE CLUB au nom 2169-5762 Québec Inc.

[1]               Le 15 avril 2005, 2169-5762 Québec Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SHOE CLUB (la Marque) fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec l’« exploitation de magasins effectuant la vente au détail de souliers, bottes, sandales et pantoufles pour hommes, femmes et enfants et d’accessoires, nommément : sacs à main et bourses » (les Services).

[2]               La demande a été annoncée dans l’édition du 4 octobre 2006 du Journal des marques de commerce.

[3]               Le 5 mars 2007, 2076631 Ontario Limited cba The Shoe Club (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante a sollicité une décision interlocutoire concernant la suffisance de deux des motifs d’opposition initiaux de l’Opposante. En réponse, l’Opposante a demandé et reçu l’autorisation le 24 janvier 2008 de produire une déclaration d’opposition modifiée datée du 17 août 2007 conformément à l’art. 40 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96‑195 (le Règlement), dans laquelle elle a précisé davantage ses motifs d’opposition. L’Opposante a demandé l’autorisation de produire une autre déclaration d’opposition modifiée datée du 27 août 2008. Elle a reçu l’autorisation de le faire le 10 septembre 2008. La déclaration d’opposition du 27 août 2008 est actuellement au dossier.

[4]               Les motifs d’opposition peuvent se résumer comme suit :

         non‑respect de l’al. 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) au motif que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services puisque l’Opposante et ses prédécesseurs en titre, à savoir Mallorca Limited, Budget Shoe Warehouse Inc., Shoe Barn Inc., 542060 Ontario Limited, The Shoe Club Inc. et les frères Gil (Vincent, Victor, John (Juan) et Camilo Gil), ont antérieurement employé et révélé au Canada la marque de commerce THE SHOE CLUB (la Marque de l’Opposante) en liaison avec l’exploitation de magasins de détail, en liaison avec des services de vente de chaussures au détail, nommément vente de chaussures, de bottes, de sandales et de pantoufles pour hommes, femmes et enfants, et des accessoires nommément bourses et sacs à main ainsi qu’en liaison avec des cartes de réduction offrant des rabais sur des achats aux clients fidèles (les Services de l’Opposante);

         la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’al. 16(3)a) de la Loi en ce qu’à la date de production de la demande d’enregistrement pour la Marque, soit le 15 avril 2005, la Marque créait de la confusion avec la Marque de l’Opposante qui avait antérieurement été employée et révélée au Canada par l’Opposante et ses prédécesseurs en titre, à savoir Mallorca Limited, Budget Shoe Warehouse Inc., Shoe Barn Inc., 542060 Ontario Limited, The Shoe Club Inc. et les frères Gil, en liaison avec les Services de l’Opposante, et n’a jamais été abandonnée;

         la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’al. 16(3)c) de la Loi en ce qu’à la date de production de la demande d’enregistrement pour la Marque, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial THE SHOE CLUB (le Nom commercial de l’Opposante), lequel a été antérieurement employé au Canada par l’Opposante et ses prédécesseurs en titre, à savoir Mallorca Limited, Budget Shoe Warehouse Inc., Shoe Barn Inc., 542060 Ontario Limited, The Shoe Club Inc. et les frères Gil, en liaison avec les Services de l’Opposante, et n’a jamais été abandonné;

         la Marque n’est pas distinctive des Services, eu égard à l’art. 2 de la Loi, au motif que la Marque ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les Services des marchandises et services de l’Opposante et de ses licenciés et ses prédécesseurs en titre, à savoir Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc., Shoe Barn Inc., 542060 Ontario Limited, The Shoe Club Inc. et les frères Gil (Vincent, Victor, John (Juan) et Camilo Gil), lesquels ont été annoncés, offerts et exécutés au Canada en liaison avec la Marque et le Nom commercial de l’Opposante bien avant la date de la présente déclaration d’opposition;

         à titre subsidiaire, la Marque n’est pas distinctive des Services eu égard à l’art. 2 de la Loi au motif que la Marque ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les Services des marchandises et services de l’Opposante, Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc., Shoe Barn Inc., 542060 Ontario Limited, The Shoe Club Inc. et les frères Gil (Vincent, Victor, John (Juan) et Camilo Gil), lesquels ont été annoncés, offerts et exécutés au Canada en liaison avec la Marque et le Nom commercial de l’Opposante bien avant la date de production de la présente déclaration d’opposition.

[5]               La Requérante a signifié et produit une contre-déclaration le 19 juillet 2007, dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante et exige que celle-ci en fasse la preuve stricte. La Requérante a demandé l’autorisation de produire une contre‑déclaration modifiée datée du 29 juillet 2009, qui porte sur la déclaration d’opposition du 27 août 2008 de l’Opposante. La Requérante a reçu l’autorisation de produire sa contre‑déclaration modifiée le 5 novembre 2009.

[6]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Vince Gil souscrit le 19 février 2008 auquel sont jointes les pièces A à D à titre de preuve conformément à l’art. 41 du Règlement. En application de l’art. 44 du Règlement, l’Opposante a également reçu l’autorisation de produire le deuxième affidavit de Vince Gil, souscrit le 27 août 2008, sans pièces jointes. Monsieur Gil a été contre-interrogé au sujet de ses deux affidavits le 17 septembre 2008. La transcription de ce contre‑interrogatoire, ainsi que les réponses aux engagements produits le 17 octobre 2008, ont été produites auprès du registraire.

[7]               À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit d’Eric Chatila, souscrit le 13 février 2009, auquel sont jointes les pièces A-Z et AA à EE. Monsieur Chatila n’a pas été contre-interrogé au sujet de son affidavit.

[8]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. À la demande des deux parties, une audience a été tenue à laquelle les deux étaient représentées.

 

 

La preuve de l’Opposante

Premier affidavit de Vince Gil

[9]               Monsieur Gil est le président de l’Opposante.

[10]           Dans son premier affidavit, M. Gil affirme que depuis 1992, et sans interruption jusqu’à la date de souscription de son affidavit, l’Opposante et ses prédécesseurs en titre, à savoir The Shoe Club Inc., 542060 Ontario Limited et les frères Gil, conjointement, ont exploité des magasins à rayons de vente au détail sous la Marque et le Nom commercial de l’Opposante.

[11]           Monsieur Gil confirme qu’il est copropriétaire de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante ainsi que le dirigeant et/ou l’administrateur de The Shoe Club Inc., 542060 Ontario Limited ou l’Opposante depuis 1992.

[12]           Monsieur Gil affirme que l’Opposante détient ou exploite 13 magasins de chaussures, ou autorise l’exploitation de ces magasins en vertu d’une licence, et fournit l’adresse de 11 magasins, tous situés dans la région du Grand Toronto (RGT). De 1992 à la date de souscription de son affidavit, l’Opposante et ses prédécesseurs en titre ont contrôlé la nature et la qualité des marchandises et des services offerts à chacun des magasins de détail exploités en vertu d’une licence.

[13]           Monsieur Gil affirme que la Marque et le Nom commercial de l’Opposante ont toujours apparu sur des affiches situées à l’extérieur et à l’intérieur des magasins de détail. Monsieur Gil fournit des photos non datées qui selon lui exposent la Marque et le Nom commercial de l’Opposante sur des affiches dans certains magasins de détail de l’Opposante partout dans la RGT (pièces B et C).

[14]           Monsieur Gil affirme que l’Opposante offre des primes, des rabais et des cartes‑cadeaux aux clients de ses magasins de détail. Il affirme que la Marque est apposée sur ces cartes et joint des photocopies d’échantillons de cartes (pièce D).

[15]           Monsieur Gil estime qu’entre le 1er janvier 1992 et la date de souscription de son affidavit, le chiffre d’affaires brut des magasins de détail de l’Opposante exerçant leurs activités sous sa Marque et son Nom commercial équivalait à plus de 100 millions de dollars. Monsieur Gil affirme que les ventes nettes annuelles de tous les produits vendus dans les magasins de détail de l’Opposante de 1996 à 2007 équivalaient à environ 10 millions de dollars.

[16]           Monsieur Gil affirme que depuis le 1er janvier 1992, l’Opposante a consacré plus de deux millions de dollars à la promotion et à la publicité de sa Marque et de son Nom commercial et des services connexes offerts en magasin. Il précise que l’Opposante a fait de la publicité dans des médias imprimés, en particulier dans des journaux et des magazines distribués à grande échelle. Je remarque que M. Gil n’a fourni aucun échantillon d’annonces publicitaires ni aucun chiffre détaillé relatif à la diffusion. Monsieur Gil affirme que les dépenses publicitaires moyennes de l’Opposante pour les années 1996 à 2007 équivalaient à plus de 190 000 $ par année.

[17]           Monsieur Gil affirme que depuis au moins 1998, l’Opposante exploite un site Web à l’adresse www.shoeclub.com. Il affirme que le site Web affiche la Marque et le Nom commercial de l’Opposante (pièce E). Je remarque que la pièce E n’a pas été jointe à l’affidavit tel qu’il a été déposé auprès de la Commission. En réponse à un engagement que M. Gil a pris dans son contre‑interrogatoire, l’Opposante a fourni une copie du site Web datée du 8 octobre 2008, laquelle, selon M. Gil, correspond à la pièce E. J’admets cette pièce comme preuve démontrant l’existence du site Web de l’Opposante en date du 8 octobre 2008.

[18]           Pour conclure son affidavit, M. Gil indique que la Marque et le Nom commercial de l’Opposante sont bien connus et reconnus dans le sud de l’Ontario. Je ne ferai pas référence à ces déclarations et n’y accorderai pas de poids non plus puisqu’elles constituent l’opinion des déposants sur des questions qui concernent le fond des oppositions [voir British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48, p. 53 (Battle), et Les Marchands Déco Inc. c. Société Chimique Laurentide Inc. (1984), 2 C.P.R. (3d) 25 (C.O.M.C.)].

Deuxième affidavit de Vince Gil

[19]           Dans son deuxième affidavit, M. Gil affirme que depuis 1992 et sans interruption jusqu’à la date de souscription de son affidavit, l’Opposante, ses entités apparentées et ses prédécesseurs en titre, à savoir The Shoe Club Inc., 542060 Ontario Limited, les frères Gil conjointement, Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc., ont exploité des magasins à rayons sous la Marque et le Nom commercial de l’Opposante. Monsieur Gil affirme qu’il est au courant de ce fait parce que depuis 1992, il est copropriétaire de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante ainsi que le dirigeant et/ou l’administrateur de The Shoe Club Inc., 542060 Ontario Limited, Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. ou l’Opposante.

[20]           Monsieur Gil affirme que ces entités et prédécesseurs en titre sont tous liés puisqu’ils sont contrôlés par les mêmes personnes (soit M. Gil et ses frères) et sont exploités conjointement au même endroit dans des bureaux communs.

[21]           Monsieur Gil fournit des détails sur chacune de ces entités apparentées, comme suit :

Nom

Date de constitution en personne morale

Dirigeants/Administrateurs

Mallorca Shoes Limited

30 août 1979

Juan, Vincent et Camilo Gil

Budget Shoe Warehouse Inc.

25 février 1982

Vincent et Juan Gil

Shoe Barn Inc.

22 octobre 1982

Victor Gil

542060 Ontario Limited

25 février 1983

Camilo, Vincent et Juan Gil

The Shoe Club Inc.

21 septembre 1992

Dirigeants : Juan, Camilo et Victor Gil

Administrateurs : Juan, Camilo, Victor et Vincent Gil

L’Opposante

7 juillet 2005

Dirigeants : Vincent, Victor, Juan, Camilo Gil

Administrateurs : Vincent et Camilo Gil

 

[22]           Monsieur Gil affirme qu’au moment où il a souscrit son affidavit, l’Opposante et ses sociétés apparentées (Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc.) détenaient et exploitaient ou exploitaient en vertu d’une licence 13 magasins en Ontario. Je remarque que, comme nous le verrons en détail plus loin, M. Gil a contredit cette déclaration en contre‑interrogatoire et en réponse aux engagements.

[23]           Monsieur Gil affirme que du 7 juillet 2005 à mai 2006, l’Opposante à elle seule a exploité des magasins de souliers à quatre endroits différents dans la RGT. Il affirme qu’à la même période, Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc. exploitaient chacune des magasins en liaison avec la Marque et le Nom commercial de l’Opposante, dont la nature et la qualité des marchandises et services offerts étaient habituellement contrôlées par cette dernière.

[24]           Monsieur Gil affirme que l’Opposante a été constituée en personne morale pour exercer ses activités sous la Marque et le Nom commercial de l’Opposante soit a) directement aux magasins de chaussures qui avaient été antérieurement exploités par 542060 Ontario Limited, soit b) en vertu d’une entente avec Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc., à l’égard des magasins antérieurement exploités par ses sociétés dont la nature et la qualité des marchandises et services étaient habituellement contrôlées par l’Opposante.

[25]           Dans ses déclarations, M. Gil indique que Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc. sont des licenciées de l’Opposante plutôt que des prédécesseurs en titre. Je remarque que dans la déclaration d’opposition, ces entités sont appelées prédécesseurs en titre. À l’audience, la Requérante a soutenu, et je suis d’accord avec son point de vue, qu’une entité ne peut être à la fois une licenciée et un prédécesseur en titre comme propriétaire.

[26]           Suivant mon analyse de la preuve versée au dossier, je suis d’avis que Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc. peuvent au mieux être qualifiées de licenciées, et non de prédécesseurs en titre comme propriétaires.

[27]           Comme je l’indiquerai en détail plus loin, M. Gil a admis en contre‑interrogatoire qu’il n’y avait aucune licence conventionnelle écrite ou document écrit démontrant que l’Opposante et ses prédécesseurs en titre avaient le contrôle des marchandises et services offerts par les présumées licenciées. Toutefois, M. Gil a indiqué qu’à un certain moment, ces entités avaient conclu oralement des licences.

[28]           Monsieur Gil a fourni le calendrier suivant en vue d’établir la chaîne de titres à l’égard de l’exploitation des magasins de détail de l’Opposante :

         à partir de 1992, le magasin situé sur l’avenue Finch à Toronto, en Ontario, a été exploité par The Shoe Club Inc., ensuite par 542060 Ontario Limited et finalement par l’Opposante;

         à partir de 1997, le magasin situé sur l’avenue Steeles à Brampton, en Ontario, a été exploité par The Shoe Club Inc., ensuite par 542060 Ontario Limited et finalement par l’Opposante;

         à partir de 1998, le magasin situé sur Queensplate à Etobicoke, en Ontario, a été exploité par The Shoe Club Inc., ensuite par 542060 Ontario Limited et finalement par l’Opposante;

         à partir de 2003, le magasin situé sur la rue East Mall à Etobicoke, en Ontario, a été exploité par The Shoe Club Inc. et ensuite par l’Opposante.

[29]           Monsieur Gil fournit les mêmes renseignements relativement aux magasins exploités par les présumées licenciées, comme suit :

a.       Mallorca Shoes Limited exploite un magasin sur Queensway à Etobicoke, en Ontario, depuis 1992 et un autre magasin sur l’avenue St. Clair Ouest à Toronto depuis novembre 1995. Monsieur Gil confirme qu’il a toujours été un dirigeant et un administrateur de Mallorca Shoes Limited.

b.      Budget Shoe Warehouse Inc. exploite un magasin dans le centre commercial Dixie à Mississauga, en Ontario, depuis 1992, un magasin sur Bramalea à Brampton depuis janvier 1997 et un autre magasin à la place Eglinton à Scarborough depuis septembre 2004. Ces dates et endroits ont été confirmés en contre‑interrogatoire. Monsieur Gil affirme qu’il est un dirigeant et un administrateur de Budget Shoe Warehouse Inc. depuis sa constitution en personne morale.

c.       Shoe Barn Inc. exploite un magasin de détail dans le centre commercial Agincourt depuis 1992 et un autre dans le centre commercial Bridlewood depuis mars 1999. Monsieur Gil affirme que son frère Victor Gil a toujours été le seul dirigeant et administrateur de Shoe Barn Inc.

Contre‑interrogatoire de M. Gil au sujet de ses affidavits et réponses aux engagements

[30]           Monsieur Gil a été contre‑interrogé au sujet de ses deux affidavits.

 

Crédibilité de M. Gil en tant que témoin

[31]           En général, il est évident que M. Gil était quelque peu confus concernant la terminologie employée (p. ex. la différence entre une licence et un licencié) et avait de la difficulté à se souvenir des différents faits concernant l’exploitation des magasins de détail de l’Opposante (p. ex. du nombre de magasins exploités par l’Opposante sous sa Marque et son Nom commercial) ainsi que des détails exacts concernant la chaîne de titres pour la Marque et le Nom commercial de l’Opposante. Monsieur Gil a affirmé qu’il se sentait [traduction] « stressé » durant son contre‑interrogatoire, qu’il souffre de la maladie de Parkinson et que sa [traduction] « mémoire n’est pas aussi bonne qu’avant » (Q149).

[32]           La Requérante prétend également que M. Gil a fait d’autres déclarations dans son contre‑interrogatoire qui contredisent celles qu’il a formulées dans ses affidavits. Par exemple, la Requérante a attiré l’attention sur la déclaration que M. Gil a fait en contre‑interrogatoire selon laquelle ses frères et lui n’ont jamais personnellement exploité des magasins sous la Marque et le Nom commercial de l’Opposante (Q534-39). Selon la Requérante, ces déclarations contredisent directement celles qu’il avait formulées dans ses affidavits et dans la déclaration d’opposition, laquelle indique que les frères Gil sont des « licenciés et/ou des prédécesseurs en titre » de l’Opposante.

[33]           La Requérante soutient qu’en raison de ces contradictions, M. Gil manque de crédibilité en tant que témoin. À l’audience, la Requérante a fait valoir qu’en raison de ce qui précède, M. Gil n’était pas la meilleure personne à citer comme témoin pour l’Opposante.

[34]           Au contraire, l’Opposante soutient que toutes les contradictions entre le témoignage oral de M. Gil en contre-interrogatoire et les déclarations qu’il a dites dans ses affidavits étaient mineures et attribuables à sa confusion quant aux questions posées ou à la terminologie utilisée.

[35]           Selon une analyse des affidavits et de la transcription dans leur ensemble, je ne suis pas disposée à conclure que M. Gil manque de crédibilité. Les erreurs qu’il a commises dans son contre‑interrogatoire (p. ex. son incertitude concernant le nombre de magasins exploités par l’Opposante) ne sont pas suffisantes selon moi pour me permettre de conclure qu’il manque de crédibilité.   

La chaîne de titres de l’Opposante

[36]           En contre-interrogatoire, on a posé des questions pour tenter d’établir la chaîne de titres entre l’Opposante et ses présumés prédécesseurs en titre. Monsieur Gil n’a pas été en mesure de fournir la date précise du transfert de droits rattachés à la Marque et au Nom commercial de l’Opposante de The Shoe Club Inc. à 542060 Ontario Limited, mais a indiqué que le titre a été transféré à l’Opposante en janvier ou février 2006.

[37]           En réponse à un engagement, M. Gil a fourni des copies de conventions de sûreté accordée à M&V Sales Inc. par The Shoe Club Inc. le 7 juillet 2000 et par 542060 Ontario Limited le 1er juillet 2004. Je remarque que les conventions de sûreté indiquent que la Marque et le Nom commercial de l’Opposante sont en garantie. La convention de sûreté accordée par The Shoe Club Inc. fournit également l’adresse de toutes les propriétés louées à The Shoe Club Inc. à cette époque. Je souligne que cette convention de sûreté indique que trois des magasins exploités par l’Opposante et The Shoe Club Inc. à titre de prédécesseur en titre sont des propriétés qui étaient louées à The Shoe Club Inc. en date du 7 juillet 2000 (c.‑à‑d. les magasins de l’avenue Finch Ouest, de l’avenue Steeles Est et de la rue Queensplate). De plus, je remarque que la convention de sûreté énonce les dates d’expiration des baux détenus par ces magasins comme suit : le bail du magasin de l’avenue Finch Ouest a expiré le 30 septembre 2003; le bail du magasin de l’avenue Steeles a expiré en 2007; le bail du magasin de la rue Queensplate a expiré le 31 mai 2008.

[38]           La Requérante a introduit en preuve le fait que The Shoe Club Inc. et 542060 Ontario Limited ont toutes deux déclaré faillite [voir respectivement les pièces U et Y de l’affidavit de M. Chatila, analysées en détail plus loin]. On a posé une série de questions à M. Gil concernant la faillite de ces entités. Monsieur Gil a confirmé que les seuls actifs de ces entreprises étaient leurs stocks et que leur seul créancier garanti était M&V Sales Inc.

[39]           On a demandé à M. Gil de fournir la libération, ou l’entente, provenant du syndic de faillite, qui a été remise à M&V Sales Inc. ou à une autre société appartenant à l’un des frères Gil, pour The Shoe Club Inc. et 542060 Ontario Limited. Monsieur Gil a indiqué qu’il n’a pas été en mesure de trouver une telle libération ou entente. On a également demandé à M. Gil de fournir une copie des stocks énumérés dans les documents de faillite pour The Shoe Club Inc. et 542060 Ontario Limited, mais n’a pas été en mesure de les trouver. Le défaut de M. Gil de fournir les documents de faillite sera analysé plus loin dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’absence du droit à l’enregistrement.

Présumée licence d’emploi de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante

[40]           S’agissant de la question des présumées licenciées de l’Opposante, je remarque qu’au cours de son contre‑interrogatoire, M. Gil a clairement indiqué que les décisions liées à l’exercice des activités de l’Opposante étaient prises par lui et ses frères en tant que dirigeants des différentes entités. Monsieur Gil a semblé quelque peu confus quant à la définition de « contrôle », mais a indiqué que ses frères et lui ont discuté des logos, des affiches, des marchandises et de la publicité concernant la Marque et les Services de l’Opposante. Monsieur Gil a confirmé que l’emploi de la Marque de l’Opposante est contrôlé par ses frères et lui, par l’entremise de leurs sociétés, mais qu’il n’existe aucune entente écrite indiquant quelles sociétés emploient quelles marques et de quelle façon. De plus, M. Gil a confirmé que l’Opposante n’a pas de politique écrite concernant le contrôle de l’emploi de la Marque de l’Opposante. Toutefois, il a fait allusion au fait que des licences peuvent avoir été conclues oralement à un certain moment. 

[41]           Selon ma lecture de la transcription dans son ensemble, je ne suis pas convaincue que M. Gil a compris la définition des termes « licence », « licencié » ou le concept de « contrôle » relativement à la licence d’emploi de la marque conformément à l’art. 50 de la Loi. La Requérante a indiqué que l’Opposante n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour me permettre de conclure que l’Opposante a exercé le degré nécessaire de contrôle sur les présumées licenciées comme l’exige l’art. 50 de la Loi. Je suis d’accord. Par conséquent, tout emploi de la Marque qu’aurait effectué Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. ou Shoe Barn Inc. ne profitera pas à l’Opposante.

Documents à l’appui des revendications d’emploi de l’Opposante

[42]           On a demandé à M. Gil de fournir, et c’est ce qu’il a fait, l’adresse de chacun des magasins exploités en liaison avec la Marque et le Nom commercial de l’Opposante dans la RGT.

[43]           On a demandé à M. Gil de fournir les contrats de location initiaux pour chacun des magasins exploités par l’Opposante et ses sociétés apparentées ou, s’ils ne sont pas disponibles, les coordonnées des propriétaires et l’autorisation de communiquer avec eux. La Requérante a soutenu que ces baux étaient nécessaires pour étayer les déclarations de M. Gil concernant quelles entités exploitaient quels magasins et à quel endroit. Monsieur Gil n’a pas été en mesure de fournir une copie des baux; toutefois, il a fourni les coordonnées des propriétaires. Monsieur Gil n’a pas autorisé la Requérante à communiquer avec les propriétaires. J’estime que le défaut de M. Gil de fournir les baux est acceptable et je suis convaincue que de fournir les coordonnées des propriétaires était suffisant. Je ne considère pas que la demande de la Requérante visant à obtenir l’autorisation de communiquer avec les propriétaires de l’Opposante est acceptable. À cet égard, je suis convaincue que les déclarations sous serment de M. Gil concernant les entités qui exploitaient des magasins à des endroits précis sont suffisantes et que la documentation à l’appui, sous forme de baux, n’est pas nécessaire pour admettre ces déclarations.

[44]           On a également demandé à M. Gil de fournir une copie des états financiers vérifiés de The Shoe Club Inc. pour l’année 2000 ainsi que ses déclarations de revenus déposées auprès des autorités fiscales fédérale et provinciale et ses cotisations correspondantes. Monsieur Gil a refusé de les fournir. J’accepte le refus de M. Gil au motif que les documents demandés sont de nature confidentielle et, par conséquent, je ne tirerai aucune conclusion défavorable de ce refus.

[45]           Toutefois, M. Gil a confirmé que le revenu de The Shoe Club Inc. pour l’année 2000 était d’environ 7,3 millions de dollars. De plus, M. Gil a également fourni la valeur nette de tous les produits vendus aux magasins SHOE CLUB de l’Opposante de 1992 à 2007 relativement aux magasins exploités par The Shoe Club Inc., 542060 Ontario Limited, Shoe Barn Inc., Budget Shoe Warehouse Inc., Mallorca Shoes Limited et l’Opposante, comme suit :

 Année

Valeur nette des produits vendus (CAD)

1992

702 010

1993

776 111

1994

4 322 112

1995

5 321 940

1996

6 542 100

1997

7 401 010

1998

7 493 084

1999

8 139 666

2000

15 445 922

2001

13 331 572

2002

12 962 782

2003

11 840 239

2004

11 483 173

2005

11 021 677

2006

6 825 299

2007

7 580 626

 

[46]           Monsieur Gil a également fourni une liste des dépenses publicitaires pour les mêmes années et les mêmes magasins exploités par les mêmes entités, comme suit :

Année

Dépenses publicitaires annuelles (CAD)

1992

15 162

1993

20 519

1994

42 075

1995

62 089

1996

87 010

1997

74 300

1998

45 113

1999

439 976

2000

337 011

2001

66 966

2002

122 598

2003

199 894

2004

173 898

2005

319 450

2006

42 308

2007

81 032

[47]           On a demandé à M. Gil de fournir des reçus affichant la marque de commerce THE SHOE CLUB provenant de ventes par The Shoe Club Inc. en 1992 et 1993. Monsieur Gil n’a pas été en mesure de trouver de tels reçus. À l’audience, l’Opposante a soutenu qu’elle n’est pas tenue de conserver les dossiers pendant plus de 20 ans. De plus, la Requérante a reconnu que les documents de cette époque ont peut-être été détruits. Les factures de 1992 et 1993 auraient été utiles pour étayer davantage les déclarations sous serment de M. Gil concernant les ventes de l’Opposante, mais je ne crois pas que le défaut de fournir ces documents devrait m’inciter à rendre une conclusion défavorable.

[48]           On a demandé à M. Gil de fournir une copie des bons de commande pour des cartes‑cadeaux dont il est question à la pièce D de son premier affidavit. Monsieur Gil a indiqué qu’il n’était pas en mesure de trouver de tels bons de commande, mais a fourni une photocopie d’un échantillon de carte de primes The Shoe Club achetée à Keystone Manufacturing Ltd.

[49]           En résumé, la Requérante a fait valoir à l’audience que le refus de M. Gil de fournir le registre de la société, malgré le fait qu’il ait dit l’avoir examiné et qu’il ait confirmé qu’il était sous son contrôle, devrait donner lieu à une conclusion défavorable. Plus précisément, la Requérante a soutenu que lorsqu’une partie allègue des chiffres d’affaires, elle doit être en mesure de fournir des éléments de preuve à l’appui de ces chiffres.

[50]           Au contraire, l’Opposante a soutenu que les éléments de preuve de M. Gil sont conformes à la « règle de la meilleure preuve ». La Requérante n’était pas en mesure de démontrer que les chiffres d’affaires revendiqués de l’Opposante étaient inexacts ou faux et par conséquent, il n’y a aucune raison de douter de la véracité des déclarations sous serment de M. Gil concernant les chiffres d’affaires de l’Opposante.

La nature de l’emploi de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante

[51]           Monsieur Gil a expliqué la façon dont les magasins de détail de l’Opposante exercent leurs activités. Plus précisément, M. Gil a affirmé que tous les stocks sont achetés par l’entremise de M&V Sales Inc. Monsieur Gil a affirmé que les dirigeants et administrateurs de M&V Sales Inc. sont également les frères Gil. Il a indiqué que M&V Sales Inc. distribue ensuite les stocks aux magasins, que ceux‑ci lui paient.

[52]           On a également posé des questions à M. Gil concernant la publicité de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante. Il a expliqué que l’Opposante a fait la publicité sur des autobus dans la RGT, a distribué des dépliants (2,2 millions, 120 000 distribués chaque fois à des domiciles et parfois insérés dans des journaux) et a fait la publicité sur des panneaux d’affichage dans la RGT. Monsieur Gil a affirmé que l’Opposante a également fait de la publicité à la radio et à la télévision dans le passé, mais ne l’a pas fait pendant bon nombre d’années. Monsieur Gil a confirmé que les dépenses publicitaires étaient payées par tous les magasins faisant affaire sous la Marque et le Nom commercial de l’Opposante.

[53]           En contre‑interrogatoire, M. Gil a confirmé que l’Opposante n’a jamais exploité des magasins sous les noms « Shoe Barn » ou « Mallorca Shoes »; toutefois, il a admis que Budget Shoe Warehouse Inc. a exploité des magasins sous le nom « Budget Shoe Warehouse ». Monsieur Gil a également admis que les frères Gil n’ont jamais personnellement exploité un magasin de détail sous la Marque et le Nom commercial de l’Opposante.

Demande pour la marque THE SHOE CLUB INC. produite par The Shoe Club Inc.

[54]           On a posé une série de questions à M. Gil concernant la demande d’enregistrement pour la marque de commerce THE SHOE CLUB INC. produite le 17 septembre 1997 par The Shoe Club Inc., marque dont l’existence a été produite en preuve au moyen de l’affidavit de M. Chatila. La Requérante a également présenté en preuve un rapport du Bureau émis à l’encontre de cette demande dans laquelle l’examinateur a cité les marques CLUB CHAUSSURES de la Requérante dans le contexte d’une objection fondée sur l’al. 12(1)d). Monsieur Gil a affirmé que sa société a choisi de ne pas faire avancer la demande et a tenté de s’opposer à la citation des marques CLUB CHAUSSURES appartenant à la Requérante ou de poursuivre la Requérante puisqu’elle n’avait aucun intérêt à entrer sur le marché francophone.

[55]           La Requérante a également fait valoir qu’il était important de souligner que The Shoe Club Inc. n’a identifié aucun prédécesseur en titre dans la demande. Toutefois, je remarque que dans la demande produite en 1997 et revendiquant l’emploi depuis 1992/1993, The Shoe Club Inc. existait aux dates pertinentes et la preuve au dossier appuie la conclusion que The Shoe Club Inc. aurait pu employer la marque de commerce THE SHOE CLUB INC. depuis ce temps.

Preuve de la Requérante

Affidavit d’Eric Chatila

[56]           Monsieur Chatila affirme que la Requérante exploite une entreprise qui a été dûment constituée en personne morale le 30 avril 1984 et qui se spécialise dans la vente de chaussures, de sacs à main et de vêtements de cuir.

[57]           Dans son affidavit, M. Chatila fournit des éléments de preuve concernant deux points principaux : a) les marques de commerce CLUB CHAUSSURES de la Requérante; b) les activités et les livres comptables de l’Opposante.

[58]           Monsieur Chatila affirme que le ou vers le 10 novembre 2004, J.B. Lefebvre Ltée. (J.B. Lefebvre) a cédé à la Requérante ses droits à l’égard des marques de commerce CLUB CHAUSSURES (LMC419750), CLUB CHAUSSURES ET BOTTES D’AMERIQUE (LMC425,542) et CLUB CHAUSSURES & Dessin (LMC605,991) ainsi que l’achalandage rattaché à ces marques moyennant le paiement de 23 000 $ plus les taxes au syndic de faillite de J.B. Lefebvre.

[59]           Monsieur Chatila affirme que la Requérante a enregistré les cessions susmentionnées auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC) le ou vers le 26 mai 2006.

[60]           Monsieur Chatila affirme que J.B. Lefebvre, le prédécesseur en titre de la Requérante, exploitait plus de 12 magasins au Canada au début des années 1990 jusqu’en 2004 sous les marques de commerce CLUB CHAUSSURES, CLUB CHAUSSURES ET BOTTES D’AMERIQUE. Les magasins étaient tous situés au Québec. Monsieur Chatila affirme que J.B. Lefebvre a obtenu l’enregistrement du nom commercial CLUB CHAUSSURES ET BOTTES D’AMERIQUE au Québec au moins le 14 novembre 1991.

[61]           Monsieur Chatila affirme que les enregistrements figurant au paragraphe 58 ci-dessus résultaient de demandes déposées par le prédécesseur en titre de la Requérante, dont les détails sont les suivants :

Marque de commerce

Date de demande

Date d’enregistrement

CLUB CHAUSSURES

18 septembre 1991

19 novembre 1993

CLUB CHAUSSURES ET BOTTES D’AMERIQUE

5 novembre 1991

25 mars 1994

CLUB CHAUSSURES & DESSIN

23 janvier 2002

23 mars 2004

[62]           Monsieur Chatila indique que le prédécesseur en titre de la Requérante a déclaré faillite le 5 octobre 2004.

[63]           Monsieur Chatila affirme que la Requérante a commencé à employer la marque de commerce CLUB CHAUSSURES après la cession et a également commencé à exploiter cinq magasins de détail antérieurement exploités par J.B. Lefebvre. Monsieur Chatila joint à son affidavit des photos des magasins (pièce M). Je remarque que ces photos ne sont pas datées.

[64]           Monsieur Chatila affirme que la Requérante a également ouvert six autres magasins de détail en liaison avec les marques CLUB CHAUSSURES dans d’autres villes au Québec. Il indique que ces magasins ont ouvert respectivement à la fin de 2005, au début de 2006, en juin 2008, à l’automne 2008, en juin 2006, en été 2007 et au printemps 2008. Monsieur Chatila fournit aussi des photos de certains magasins (pièce N). Je remarque que ces photos ne sont pas datées non plus.

[65]           Monsieur Chatila affirme qu’au cours des deux années après la souscription de son affidavit, la Requérante avait l’intention d’ouvrir au moins sept magasins de plus, tous au Québec.

[66]           Monsieur Chatila affirme que la Requérante a demandé l’enregistrement de la Marque parce qu’elle avait éventuellement l’intention d’étendre ses activités dans des provinces anglophones, en particulier en Ontario et au Nouveau‑Brunswick. Monsieur Chatila indique que la Requérante a choisi la Marque parce qu’il s’agit de l’équivalent anglais exact de la marque CLUB CHAUSSURES de la Requérante. Monsieur Chatila affirme que cela permettrait à la Requérante d’uniformiser le message de sa marque partout dans les régions anglophones et francophones du Canada.

[67]           Monsieur Chatila a indiqué que comme la Requérante est propriétaire des marques CLUB CHAUSSURES, personne d’autre ne devrait être autorisé à employer les équivalents anglais de ces marques. Autrement dit, l’Opposante ne devrait pas être autorisée à employer sa Marque puisqu’il s’agit de l’équivalent anglais de CLUB CHAUSSURES. Monsieur Chatila a également exprimé son point de vue sur la question du caractère distinctif de la Marque et de l’équivalence linguistique entre les marques des parties. Je ne ferai pas référence ni accorderai de poids à ces déclarations puisqu’elles constituent l’opinion du déposant sur des questions portant sur le bien‑fondé des oppositions [voir Battle, précité].

[68]           Monsieur Chatila affirme que la Requérante a consacré environ 300 000 $ à 450 000 $ par année à la publicité des marques CLUB CHAUSSURES. Il affirme également que depuis 1990, la Requérante et son prédécesseur en titre ont diffusé des annonces publicitaires à la télévision (soit à TQS et à TVA), à la radio (soit à Astral Media) et sur des imprimés (soit des journaux et des dépliants) pour les marques CLUB CHAUSSURES et les magasins de détail apparentés. Je remarque que M. Chatila a fourni des échantillons d’annonces publicitaires de 2005 et 2006 (pièce EE); toutefois, il n’a pas fourni de chiffres détaillés relatifs à la diffusion  de ces annonces publicitaires.

[69]           Monsieur Chatila fournit beaucoup de documents concernant l’Opposante et ses présumés prédécesseurs en titre. Je dois commencer par souligner que toutes les déclarations de M. Chatila concernant l’Opposante et ses prédécesseurs en titre ont été formulées selon des renseignements et des croyances et, par conséquent, constituent une preuve par ouï‑dire prima facie [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)].

[70]           Monsieur Chatila fournit les documents suivants concernant l’Opposante et ses présumés prédécesseurs en titre, qui constituent tous une preuve par ouï‑dire prima facie :

         les détails de l’entreprise de l’Opposante obtenus du ministère des Services gouvernementaux de l’Ontario (pièce R);

         la demande d’enregistrement pour la marque THE SHOE CLUB INC. produite par The Shoe Club Inc. le 17 septembre 1997 (demande no 856,321) (pièce S);

         une lettre du registraire adressée à The Shoe Club Inc. datée du 23 octobre 1998 relativement à la demande pour THE SHOE CLUB INC. (pièce T);

         un avis de défaut concernant la demande no 856,321 (pièce T);

         les renseignements concernant la demande no 856,321 obtenus à partir de la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC (pièce T);

         les documents de faillite de The Shoe Club Inc. datés du 17 mai 2001 (pièce U);

         les détails de l’entreprise M&V Sales Inc. (pièce V);

         les documents de faillite de M&V Sales Inc. datés du 17 février 2006 (pièce W);

         les détails de l’entreprise 542060 Ontario Limited obtenus du ministère des Services gouvernementaux de l’Ontario  (pièce X);

         les documents de faillite de 542060 Ontario Limited [TRADUCTION] « exerçant ses activités sous le nom SHOE CLUB » datés du 2 janvier 2006 (pièce Y);

         les détails de l’entreprise Mallorca Shoes Limited obtenus du ministère des Services gouvernementaux de l’Ontario (pièce Z);

         les détails de l’entreprise Budget Shoe Warehouse Inc. obtenus du ministère des Services gouvernementaux de l’Ontario (pièce AA);

         des documents imprimés du site canada411.ca concernant Budget Shoe Warehouse Inc. (pièce BB);

         les renseignements concernant l’enregistrement no LMC333,748 pour BUDGET SHOE WAREHOUSE obtenus à partir de la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC (pièce BB);

         les détails de l’entreprise Shoe Barn Inc. obtenus du ministère des Services gouvernementaux de l’Ontario (pièce CC);

         des documents imprimés du site canada411.ca concernant Shoe Barn Inc. (pièce DD).

 

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[71]           Il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. L’Opposante doit toutefois s’acquitter du fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

[72]           Les dates pertinentes applicables aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         al. 38(2)a)/30i) – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475; et Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428 (C.O.M.C.), p. 432];

         al. 38(2)c)/16(3)a) et c) – la date de production de la demande [voir le par. 16(3) de la Loi];

         al. 38(2)d)/art. 2 – la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.) (MGM)].

Les motifs fondés sur l’article 30

L’alinéa 30i)

[73]           Il est clair en droit que lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’al. 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co., (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. En l’espèce, la Requérante a fourni la déclaration nécessaire et il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel; le motif fondé sur l’al. 30i) est donc rejeté.

[74]           Les soumissions exhaustives de la Requérante relativement au motif d’opposition fondé sur l’al. 30i) concernant les actions des parties avant la date de production à l’égard de l’emploi de la Marque et de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante sont tout aussi pertinentes pour les motifs d’opposition fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement et seront donc examinées dans l’analyse de ces derniers motifs.

Motifs fondés sur l’absence du droit à l’enregistrement

Alinéas 16(3)a) et c) de la Loi

[75]           Bien qu’il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la Marque et le Nom commercial de l’Opposante, cette dernière a le fardeau initial de démontrer que la marque de commerce ou le nom commercial allégués au soutien de ses motifs d’opposition fondés sur les al. 16(3)a) et c) de la Loi ont été employés ou révélés au Canada avant la date de production indiquée dans la demande de la Requérante (le 15 avril 2005) et qu’ils n’ont pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque (le 4 octobre 2006) [par. 16(5) de la Loi].

[76]           Le premier affidavit de M. Gil fait référence notamment aux trois magasins exploités par l’Opposante, comme suit :

         avenue Finch Ouest à Toronto depuis 1992 (ci‑après appelé le Magasin no 1);

         avenue Steeles Est à Brampton depuis mai 1997 (ci‑après appelé le Magasin no 2);

         rue Queensplate à Etobicoke depuis mai 1998 (ci‑après appelé le Magasin no 3).

[77]           Dans son premier affidavit, M. Gil fournit des photos des Magasins nos 1, 2 et 3 (pièces B3, B5 et B7) et indique que la Marque et le Nom commercial de l’Opposante [traduction] « sont actuellement affichés dans chacun des magasins, et ce, depuis leur ouverture ». Bien que les photos ne soient pas datées, comme l’a fait remarquer la Requérante, j’estime que la déclaration sous serment de M. Gil selon laquelle la Marque et le Nom commercial de l’Opposante ont été affichés aux magasins depuis leur ouverture, ainsi que les échantillons de photos, sont suffisantes pour me permettre de conclure que la Marque de l’Opposante a été annoncée sur des affiches dans les Magasins nos 1, 2 et 3 depuis leur date d’ouverture respective.

[78]           Comme je l’ai déjà dit, en réponse aux engagements, l’Opposante a fourni une convention de sûreté conclue entre The Shoe Club Inc. et M&V Sales Inc. le 7 juillet 2000. Dans l’entente, The Shoe Club Inc. a donné en garantie la Marque et le Nom commercial de l’Opposante ainsi que les baux des Magasins nos 1, 2 et 3. Cela étaye la prétention de l’Opposante selon laquelle son présumé prédécesseur en titre, The Shoe Club Inc., exploitait des magasins au moins à ces trois endroits en 2000. Cela, conjointement avec le chiffre d’affaires net de The Shoe Club Inc. en 2000 équivalant à 7,3 millions de dollars ainsi que le chiffre d’affaires annuel fourni par M. Gil dans ses réponses aux engagements des magasins exerçant leurs activités sous la Marque et le Nom commercial de l’Opposante pour les années 1992-2007, étaye l’allégation de l’Opposante selon laquelle son prédécesseur en titre The Shoe Club Inc. employait la Marque et le Nom commercial de l’Opposante avant le 15 avril 2005. Je remarque que les ventes nettes annuelles fournies par M. Gil s’appliquent à tous les magasins exploités par l’Opposante et ses prédécesseurs et ses licenciées et ne visent donc pas précisément ces trois magasins. Toutefois, j’estime que ces ventes sont raisonnables d’après l’examen de la preuve dans son ensemble pour me permettre d’accepter qu’au moins une partie de ces ventes est liée aux Magasins nos 1, 2 et 3 exploités par The Shoe Club Inc. à la date pertinente.

[79]           Toutefois, la question de savoir si l’Opposante ou ses prédécesseurs en titre n’ont pas abandonné la Marque et le Nom commercial de l’Opposante en date du 4 octobre 2006 est plus compliquée. Selon la Requérante, le fait que la liste des actifs ou les documents de cession démontrant le transfert de titre lors de la faillite de The Shoe Club Inc. ne faisaient aucune mention de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante me permet de conclure que la faillite de The Shoe Club Inc. en 2001 équivalait à un abandon de la Marque de l’Opposante.

[80]           Dans son deuxième affidavit, M. Gil affirme que les Magasins nos 1, 2 et 3 étaient exploités d’abord par The Shoe Club Inc., ensuite par 542060 Ontario Limited et enfin par l’Opposante. L’Opposante n’a fourni aucun document de cession à l’appui desdits transferts. En contre‑interrogatoire, M. Gil a réitéré cette chaîne de titres et a tenté de fournir quelques détails relativement aux dates de transfert de titres. Si je comprends bien, puisque le témoignage de M. Gil porte quelque peu à confusion, M. Gil allègue que les Magasins nos 1, 2 et 3 étaient exploités par The Shoe Club Inc. jusqu’en 2001 lorsque la société a fait faillite, ensuite par 542060 Ontario Limited jusqu’en janvier ou février 2006 lorsque l’Opposante a commencé à exploiter les magasins. Vraisemblablement, le transfert final des titres doit avoir eu lieu le ou vers le 2 janvier 2006, date à laquelle 542060 Ontario Limited a déclaré faillite.

[81]           Après un examen complet de la preuve, j’ai seulement pu reconstituer la chaîne de titres suivante pour l’Opposante, qui selon moi n’est pas suffisante pour lui permettre de s’acquitter du fardeau que lui imposent les al. 16(3)a) et c) de la Loi.

[82]           Je conviens avec la Requérante que les documents de faillite de The Shoe Club Inc. et 542060 Ontario Limited tels qu’ils sont joints à l’affidavit de M. Chatila (pièces U et Y) n’indiquent pas que la Marque et le Nom commercial de l’Opposante sont des actifs ayant une valeur pécuniaire. Je conviens également que l’on ne m’a fourni aucun document à l’appui desdites cessions de The Shoe Club Inc. par l’entremise de son syndic de faillite à 542060 Ontario Limited et ensuite à l’Opposante.

[83]           On m’a fourni une convention de sûreté conclue entre 542060 Ontario Limited et M&V Sales Inc. en date du 1er juillet 2004, laquelle fait référence à la Marque et au Nom commercial de l’Opposante appartenant à 542060 Ontario Limited à cette date. Cette entente me permet de conclure qu’il doit y avoir eu transfert de titres de The Shoe Club Inc. à 542060 Ontario Limited à un certain moment entre 2001, lorsque The Shoe Club Inc. a déclaré faillite, et 2004, lorsque 542060 Ontario Limited détenait le titre de propriété de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante.

[84]           On m’a également fourni la déclaration que M. Gil a faite sous serment en contre‑interrogatoire selon laquelle 542060 Ontario Limited a transféré les droits de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante à l’Opposante en janvier ou en février 2006. Cette date concorde avec le fait que 542060 Ontario Limited a déclaré faillite le 2 janvier 2006. Vraisemblablement, l’Opposante a obtenu les droits de la Marque et du Nom commercial de l’Opposante lorsque 542060 Ontario Limited a fait faillite.

[85]           Il y a beaucoup d’ambiguïtés dans la preuve relativement à la chaîne de titres. Je remarque qu’il est clair en droit que toute ambiguïté dans l’affidavit devrait être résolue à l’encontre de la partie présentant la preuve [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure que l’Opposante, par l’entremise de ses prédécesseurs en titre, n’avait pas abandonné sa Marque ou son Nom commercial à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement pour la Marque, soit le 6 octobre 2006.

[86]           De plus, je ne suis pas en mesure de me fonder sur l’emploi allégué par Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. ou Shoe Barn Inc. à titre de présumées licenciées puisque j’ai déjà déterminé que l’Opposante n’a pas fourni suffisamment de preuve pour me permettre de conclure que l’emploi par ces entités reviendrait à l’Opposante conformément à l’art. 50 de la Loi.

[87]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’Opposante a fourni suffisamment d’éléments de preuve pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve et, par conséquent, je rejette les motifs d’opposition fondés sur les al. 16(3)a) et c).

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif – alinéa 38(2)d) de la Loi

[88]           Ce motif d’opposition repose essentiellement sur la question de la confusion entre la Marque et la Marque et/ou le Nom commercial de l’Opposante employés et révélés en liaison avec l’exploitation de magasins effectuant la vente au détail de chaussures.

[89]           Bien qu’il incombe à la Requérante de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ses Services ou qu’elle distingue véritablement ses Services de ceux d’autres propriétaires partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], l’Opposante a le fardeau initial d’établir les faits au soutien du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[90]           Selon le fardeau qui lui incombe, l’Opposante est tenue de démontrer que, au moment de la production de la déclaration d’opposition, la Marque ou le Nom commercial de l’Opposante étaient devenus suffisamment connus pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, confirmée par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.)].

[91]           Je souligne qu’à l’audience, l’Opposante a soutenu que la date pertinente pour examiner le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif devrait être la date de production de la dernière déclaration d’opposition modifiée, alors que la Requérante a indiqué que la date pertinente devrait être la date à laquelle l’Opposante a produit une demande de prolongation de délai pour s’opposer à la demande d’enregistrement pour la Marque. Je n’accepte aucune des observations des parties à cet égard. La date pertinente pour examiner ce motif d’opposition est la date de production de la première déclaration d’opposition, à savoir le 5 mars 2007 [voir MGM, précité].

[92]           L’Opposante a soulevé deux motifs d’opposition fondés sur l’absence de caractère distinctif : un fondé sur l’emploi par l’Opposante et ses présumés licenciées et prédécesseurs en titre et l’autre fondé sur l’emploi par l’Opposante, Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc., Shoe Barn Inc., 542060 Ontario Limited, The Shoe Club Inc. et les frères Gil à titre de tiers indépendants.

[93]           Bien que l’emploi par Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc. ne profite pas à l’Opposante pour l’application de l’art. 50 de la Loi, on peut s’y appuyer pour prouver l’absence de caractère distinctif de la Marque étant donné que l’Opposante s’est précisément fondée sur l’emploi par ces entités lorsqu’elle a invoqué un de ses motifs fondés sur l’absence de caractère distinctif. C’est un peu comme si on s’appuyait sur l’emploi d’un tiers pour prouver l’absence de caractère distinctif [voir Loblaws Inc. c. Premium Label Foods Ltd. (2000), 8 C.P.R. (4th) 558 (C.O.M.C.)].

[94]           Compte tenu des ambiguïtés concernant la chaîne de titres de l’Opposante analysée dans le motif d’opposition fondé sur l’absence du droit à l’enregistrement, j’analyserai le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif qui est basé sur l’emploi par chacune des entités à titre de tiers indépendant, puisque je suis d’avis que la preuve de l’Opposante est plus solide à l’égard de ce motif.

[95]           La preuve de l’Opposante établit que le chiffre d’affaires net de tous les magasins de détail exerçant leurs activités sous la marque de commerce THE SHOE CLUB équivalait à plus de 7,5 millions de dollars en 2007, et les dépenses publicitaires équivalaient à environ 80 000 $ cette année-là. De plus, le chiffre d’affaires a fluctué, s’établissant à un montant aussi peu élevé que 702 010 $ en 1992 à un montant aussi élevé que 15 445 922 $ en 2000, les ventes étant relativement constantes dans les années intermédiaires. Je reconnais que les chiffres d’affaires nets fournis constituent une somme globale des ventes pour tous les magasins exploités par les entités invoquées dans la déclaration d’opposition.

[96]           La preuve de l’Opposante établit que les dépenses publicitaires ont fluctué, s’établissant à un montant aussi peu élevé que 15 162 $ en 1992 à un montant aussi élevé que 439 976 $ en 1999, les dépenses étant relativement constantes dans les années intermédiaires. En contre‑interrogatoire, M. Gil a confirmé que chacune des entités exploitant des magasins sous la marque de commerce THE SHOE CLUB paie une partie des dépenses publicitaires.

[97]           Comme je l’ai déjà mentionné, M. Gil a fourni les détails des magasins exploités par l’Opposante (trois magasins en activité depuis environ 2006), Mallorca Shoes Limited (un magasin en activité depuis 1992 et un depuis novembre 1995), Budget Shoe Warehouse Inc. (deux magasins en activité depuis 1992, un depuis janvier 1997 et un autre depuis septembre 2004) et Shoe Barn Inc. (un magasin en activité depuis 1992 et un depuis mars 1999), tous en liaison avec la marque de commerce THE SHOE CLUB.

[98]           Monsieur Gil affirme que chacune de ces entités a exploité des magasins sans interruption jusqu’à la date de souscription de son affidavit.

[99]           Je souligne qu’en contre‑interrogatoire, M. Gil a admis que, contrairement à ce qui a été plaidé, les frères Gil n’ont jamais personnellement exploité de magasins de chaussures sous la marque de commerce THE SHOE CLUB. 

[100]       Dans son premier affidavit, M. Gil affirme que les magasins ont toujours annoncé la marque de commerce THE SHOE CLUB sur des affiches depuis l’ouverture du premier magasin. Monsieur Gil fournit également des photos de certains magasins exerçant leurs activités sous la marque de commerce THE SHOE CLUB comme suit :

a.       le magasin de l’Opposante situé au 1295, avenue Finch Ouest, à Toronto (pièce B3);

b.      le magasin de l’Opposante situé au 575, avenue Steeles Est, à Brampton (pièce B5);

c.       le magasin de l’Opposante situé au 200, rue Queensplate, à Etobicoke (pièce B7);

d.      le magasin de Mallorca Shoes Limited situé au 1255, Queensway, à Etobicoke (pièces B2 et B8);

e.       le magasin de Budget Shoe Warehouse Inc. situé au centre commercial Dixie, à Mississauga (pièce B6);

f.       le magasin de Budget Shoe Warehouse Inc. situé au 25, rue Peel Centre, à Brampton (pièce B4);

g.      le magasin de Budget Shoe Warehouse Inc. situé au 1-70, place Eglinton, à Scarborough (pièce B2);

h.      le magasin de Shoe Barn Inc. situé au centre commercial Bridlewood, à Scarborough, depuis mars 1999 (pièce B1).

[101]       Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l’Opposante a établi que la marque de commerce THE SHOE CLUB a devenu suffisamment connus pour annuler le caractère distinctif de la Marque en date du 5 mars 2007.

[102]       Il incombe maintenant à la Requérante d’établir que la Marque est distinctive des Services. Plus précisément, la Requérante doit me persuader selon la prépondérance des probabilités qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce THE SHOE CLUB.

[103]       Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[104]       Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisément énumérées au par. 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)].

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connues

[105]       Les marques des parties sont essentiellement identiques, la seule différence étant l’ajout de la préposition « the » [le] à la marque de commerce THE SHOE CLUB. Par conséquent, j’estime que les Marques possèdent le même caractère distinctif inhérent. Toutefois, je remarque que compte tenu de la nature descriptive des mots « shoe » [chaussure] et « club » [club] employés en liaison avec l’exploitation de magasins effectuant la vente au détail de chaussures, les deux marques de commerce sont intrinsèquement faibles.

[106]       Puisqu’il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître au Canada par la promotion ou l’usage, j’examinerai maintenant la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[107]       Comme la Requérante n’a produit aucune preuve relativement à l’emploi de la Marque après la production de la demande, je ne suis pas en mesure de tirer une conclusion concernant la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue.

[108]       À l’opposé, comme il a été précédemment énoncé, l’Opposante a fourni la preuve d’emploi de la marque THE SHOE CLUB depuis environ 1992 ainsi que les chiffres d’affaires annuels et les dépenses publicitaires.

[109]       Par conséquent, je conclus que ce facteur est favorable à l’Opposante.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[110]       La Marque a fait l’objet d’une demande fondée sur son emploi projeté au Canada le 15 avril 2005. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve concernant l’emploi de la Marque après la production de la demande.

[111]       À l’opposé, l’Opposante a établi l’emploi de la marque de commerce THE SHOE CLUB par elle‑même, Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc. depuis environ 1992.

[112]       Par conséquent, je conclus que ce facteur est favorable à l’Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de services ou entreprises et la nature du commerce

[113]       La Requérante a produit une demande d’enregistrement pour la Marque en liaison avec l’exploitation de magasins offrant la vente au détail de chaussures et d’accessoires. L’Opposante a établi que la marque de commerce THE SHOE CLUB sont en usage en liaison avec l’exploitation de magasins de chaussures.

[114]       Compte tenu de ce qui précède, j’estime que le genre de services ou entreprises des parties et la nature de leurs commerces sont essentiellement identiques et, par conséquent, ce facteur est favorable à l’Opposante.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[115]       Les marques des parties sont essentiellement identiques, et l’ajout de la préposition « the » à la marque de commerce THE SHOE CLUB n’est pas suffisant pour créer une différence importante dans les marques des parties.

[116]       De plus, les idées que les marques des parties suggèrent sont identiques, à savoir un club de chaussures.

[117]       Par conséquent, ce facteur est favorable à l’Opposante.

Autre circonstance : les Marques CLUB CHAUSSURES de la Requérante

[118]       La Requérante est propriétaire d’une série de marques de commerce comportant l’élément CLUB CHAUSSURES, qui est essentiellement l’équivalent français de SHOE CLUB.

[119]       La Requérante affirme que le fait qu’elle soit propriétaire des marques CLUB CHAUSSURES lui donne droit à l’enregistrement de la Marque. 

[120]       Au contraire, l’Opposante a soutenu à l’audience que les marques CLUB CHAUSSURES ne sont pas pertinentes quant à la présente opposition. À l’appui de ces observations sur cette question, l’Opposante se fonde sur la décision de la Commission dans Restaurant Au Chalet Suisse Inc. c. Cara Operations Ltd. (1988), 20 C.P.R. (3d) 331 (C.O.M.C.) (Chalet Suisse). Les faits dans la décision Chalet Suisse coïncident directement avec ceux de l’espèce. Par souci de commodité, je résumerai brièvement les faits de l’affaire Chalet Suisse.

[121]       Dans la décision Chalet Suisse, la Requérante a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce CHALET SUISSE & Dessin fondée sur l’emploi projeté et a soutenu que son droit à cette marque découlait de son utilisation de ses marques de commerce anglaises SWISS CHALET et SWISS CHALET & Dessin. La Commission a conclu que le cadre de protection accordé par les enregistrements SWISS CHALET devait empêcher l’utilisation ou l’enregistrement par quelqu’un d’autre de la version française de la Marque, mais que les droits dans la version française de la Marque ne pouvaient être acquis que par l’utilisation de la marque CHALET SUISSE & Design elle‑même. La Commission a conclu que l’emploi par la Requérante de ses marques SWISS CHALET n’était pas pertinent quant à la question du droit de la Requérante à l’enregistrement de la marque CHALET SUISSE & Dessin pour l’emploi proposé. L’Opposante prétend qu’il faudrait adopter le même raisonnement en l’espèce à l’égard des marques CLUB CHAUSSURES de la Requérante.

[122]       À l’opposé, la Requérante a indiqué à l’audience que la décision Chalet Suisse est erronée et qu’il faudrait établir une distinction entre cette décision et l’espèce. La Requérante a cité une série de décisions dans lesquelles le test en matière de confusion est analysé dans les cas où l’on a affaire à des marques de commerce françaises et anglaises (Smithkline Beecham Corporation c. Pierre Fabre Médicament (2001), 11 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.), Vie Sportive Inc. c. Coffee Life Inc. 2009 CanLII 82094 (C.O.M.C.), Rose et al. c. Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité et al. (1977), 32 C.P.R. (2d) 42 (C.F. 1re inst.)) et a soutenu que ces décisions étaient défavorables à la conclusion dans Chalet Suisse. Bien que je convienne avec la Requérante que les décisions citées énoncent clairement le test en matière de confusion lorsqu’on a affaire à des marques de commerce françaises et anglaises, je ne crois pas que ces décisions servent à « infirmer » la décision Chalet Suisse.

[123]       À l’audience, la Requérante a également fait valoir qu’il faut établir une distinction entre la décision Chalet Suisse et l’espèce. La Requérante a soutenu que la question en l’espèce est différente de celle dans la décision Chalet Suisse puisque l’Opposante et ses prédécesseurs connaissaient les marques CLUB CHAUSSURES de la Requérante avant de produire sa déclaration d’opposition et, pour cette raison, les marques CLUB CHAUSSURES sont nécessairement pertinentes. Je ne suis pas d’accord.

[124]       Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Requérante ne peut se fonder sur les marques CLUB CHAUSSURES pour appuyer son droit à l’enregistrement de la Marque. Par conséquent, je rejette l’observation de la Requérante selon laquelle elle devrait avoir droit à l’enregistrement de la Marque simplement parce qu’elle est propriétaire des marques CLUB CHAUSSURES, qui selon elle lui donne priorité sur la Marque depuis le 18 septembre 1991 (date à laquelle le prédécesseur de la Requérante a produit une demande d’enregistrement pour CLUB CHAUSSURES fondée sur l’emploi projeté).

Autre circonstance : l’allégation de la Requérante de l’emploi illégal

[125]       La Requérante s’est opposée à l’emploi revendiqué de l’Opposante de la marque de commerce et le nom commercial THE SHOE CLUB au motif qu’un tel emploi équivaudrait à un « emploi illégal », lequel ne peut constituer le fondement d’un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif [voir Lin Trading Co. c. CBM Kabushiki Kaisha (1988), 21 C.P.R. (3d) 417 (C.A.F.); McCabe c. Yamamoto & Co. (America) Inc. et. al., (1989), 23 C.P.R. (3d) 498 (C.F.) (McCabe); Lunettes Cartier Ltée. c. Cartier, Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 391 (C.O.M.C.) (Lunettes Cartier)].

[126]       La Requérante allègue que l’emploi de l’Opposante est illégal pour deux raisons, énoncées ci‑dessous.

[127]       La Requérante soutient que l’Opposante et les autre entités n’ont pas respecté le par. 2(1) de la Loi sur les noms commerciaux et que, par conséquent, tout emploi par l’Opposante ou ces autre entités constituerait un emploi illégal qui ne peut servir à contester le caractère distinctif de la Marque. Plus précisément, la Requérante indique que les détails des entreprises joints à l’affidavit de M. Chatila (pièces R, X, Z, AA, CC) démontrent que ni l’Opposante ni les autre entités n’ont enregistré de noms commerciaux comportant l’élément SHOE CLUB. Par conséquent, la Requérante prétend que tout emploi de la marque de commerce et le nom commercial THE SHOE CLUB par ces entités de l’Opposante serait illégal.

[128]       Deuxièmement, la Requérante soutient que l’emploi de l’Opposante de sa Marque et de son Nom commercial est illégal puisqu’il équivaudrait à une contrefaçon des marques CLUB CHAUSSURES de la Requérante. Elle a soutenu que l’emploi par l’Opposante est postérieur aux droits préexistants de la Requérante dans les marques CLUB CHAUSSURES, qui remontent à la demande d’enregistrement pour l’emploi projeté de la marque CLUB CHAUSSURES produite par le prédécesseur de la Requérante le 18 septembre 1991.

[129]       J’estime que le passage suivant de la décision Sunbeam Products, Inc. c. Mister Coffee Services Inc. (2001), 16 C.P.R. (4th) 53 (C.F.) [Sunbeam] est instructif à cet égard :

[traduction]

Dans l’affaire McCabe, la Cour fédérale avait été saisie de la preuve qu’un tribunal américain avait conclu que l’emploi de la marque de commerce par l’intimée constituait une atteinte aux droits de l’appelante. Dans l’affaire Lunettes Cartier, la Commission des oppositions avait été saisie d’éléments de preuve indiquant que l’intimée était visée par une injonction de la Cour fédérale lui interdisant d’employer les marques de commerce, les mêmes marques de commerce qu’invoquait l’intimée au soutien de son opposition.

En l’espèce, la preuve n’indique pas clairement que l’emploi de la marque de commerce MISTER COFFEE par la défenderesse est illégal. Cette question nécessite la tenue d’une audience […] Dans le cadre d’une opposition faite en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, le registraire n’a pas compétence pour procéder à une audience complète avec présentation de preuves orales pour déterminer la légalité de l’emploi par la défenderesse de sa marque de commerce. Si la question de la légalité est claire, le registraire a alors compétence pour statuer que la défenderesse ne peut pas invoquer son emploi de la marque de commerce parce que cet emploi n’est pas légal. En l’espèce, le registraire ne peut pas en arriver à cette conclusion claire dans la procédure d’opposition.

[130]       Comme le juge l’a conclu dans Sunbeam, j’estime que la question de la légalité de l’emploi de la marque de commerce THE SHOE CLUB par l’Opposante et les autre entités en l’espèce n’est pas claire. De plus, j’estime que la question de savoir si l’Opposante, l’emploi de la marque de commerce THE SHOE CLUB, violerait les marques CLUB CHAUSSURES de la Requérante et si l’Opposante et les autre entités respectent le par. 2(1) de la Loi sur les noms commerciaux ne relève pas de la compétence du registraire en vertu de l’art. 38 de la Loi. Enfin, je remarque que l’Opposante et ses entités apparentées ont employé la marque de commerce THE SHOE CLUB pendant des années sans objection de la part de la Requérante.

[131]       Par conséquent, je suis convaincue que l’Opposante peut se fonder sur l’emploi de la marque de commerce et THE SHOE CLUB par elle‑même, Mallorca Shoes Limited, Budget Shoe Warehouse Inc. et Shoe Barn Inc. à l’appui de son motif fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Conclusion

[132]       Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier du chevauchement quant au genre de services des parties et à la nature de leur commerce, ainsi que du fait que les marques de commerce des parties sont essentiellement identiques, je ne suis pas convaincue que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce THE SHOE CLUB.

[133]       Vu ce qui précède, je conclus que le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque est accueilli.

Décision

[134]       Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du par. 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du par. 38(8) de la Loi.

______________________________

Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

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