Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION
de McCain Foods Limited à la demande d’enregistrement
nº 742782 de la marque de commerce PIZZA CHIPS
produite par 1009222 Ontario Inc.
Le 6 décembre 1993, la requérante, 1009222 Ontario Inc., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce PIZZA CHIPS fondée sur l’emploi projeté au Canada. La demande d’enregistrement a été annoncée en vue de la procédure d’opposition le 26 juillet 1995. La demande d’enregistrement annoncée, qui comportait un désistement à l’égard des mots PIZZA et CHIPS, visait les marchandises suivantes :
[TRADUCTION] Aliments et produits alimentaires, nommément des produits de grignotage à base de maïs, des croûtes à pizza cuites, des croûtes à pizza non cuites, de la pizza, des aliments de grignotage de type pizza.
Le 23 mai 2001, la requérante a présenté une demande d’enregistrement révisée où le nouvel état déclaratif des marchandises était ainsi libellé :
[TRADUCTION] Aliments et produits alimentaires, nommément des produits de grignotage à base de pâte de maïs, chips de maïs exclus, des croûtes à pizza cuites, des croûtes à pizza non cuites, de la pizza, des aliments de grignotage de type pizza, nommément des aliments de grignotage comportant des garnitures et des ingrédients à pizza, pommes de terre exclues.
L’opposante, McCain Foods Limited, a produit une déclaration d’opposition le 28 novembre 1995, dont une copie a été envoyée à la requérante le 12 janvier 1996. Le premier motif d’opposition est que la demande d’enregistrement de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle ne renferme pas un état des marchandises projetées dressé dans les termes ordinaires du commerce. Le deuxième motif d’opposition est que la demande de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi parce que la requérante n’avait pas l’intention d’employer la marque de commerce elle-même ou par l’entremise de licenciés. Le troisième motif d’opposition est que la demande d’enregistrement de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi parce que la requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer au Canada la marque de commerce faisant l’objet de la demande d’enregistrement.
Le quatrième motif d’opposition est que la marque de commerce de la requérante n’est pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)b) de la Loi parce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises à l’égard desquelles on projette de l’employer. Le cinquième motif d’opposition est que la marque de commerce de la requérante n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi parce qu’elle est constituée du nom des marchandises.
Suivant le sixième motif d’opposition, la marque de commerce de la requérante n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes, qui sont la propriété de l’opposante :
Marque de commerce |
Nº d’enr. |
Marchandises |
MCCAIN PIZZA POCKETS |
429837 |
pain surgelé fourré de garniture à pizza (ingrédients de garniture à pizza) entièrement recouverte |
DOLLAR CHIPS |
160955 |
pommes de terre surgelées |
CHIP WAGON FRIES |
441798 |
frites surgelées |
PANTASTIC PIZZA |
400158 |
pan pizza |
POCKET PIZZA |
326395 |
pizza |
PIZZA SUB |
269891 |
sandwiches ouverts surgelés |
|
269898 |
sandwiches ouverts surgelés |
Le septième motif d’opposition est que la marque de commerce de la requérante n’est pas enregistrable aux termes de l’article 10 et de l’alinéa 12(1)e) de la Loi parce que, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, elle est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité et la valeur des marchandises à l’égard desquelles elle est demandée. Selon le huitième motif d’opposition, la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la marque de commerce faisant l’objet de la demande d’enregistrement créait de la confusion avec les sept marques de commerce déposées mentionnées ci-dessus antérieurement employées au Canada par l’opposante. Suivant le neuvième motif d’opposition, la marque de commerce de la requérante n’est pas distinctive parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées employées par l’opposante.
La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. L’opposante a présenté en preuve un affidavit de son vice-président au marketing, Steven A. Yung. La requérante a présenté en preuve un affidavit d’Igor Muratovic et un affidavit de son président, Alfio Pasquarelli. M. Pasquarelli a subi un contre-interrogatoire au sujet de son affidavit et la transcription du contre-interrogatoire et les réponses déposées ultérieurement selon l’engagement convenu font partie du dossier d’opposition. Les deux parties ont présenté des plaidoyers écrits et une audience s’est tenue le 24 mai 2001 où les deux parties étaient représentées.
Questions préliminaires
À l’ouverture de l’audience, j’ai traité un certain nombre de demandes de la part des parties. En premier lieu, j’ai accepté la demande d’enregistrement révisée produite par la requérante le 23 mai 2001.
Le 23 mai 2001, la requérante a indiqué qu’elle souhaitait s’appuyer sur 1) la définition figurant au dictionnaire du terme [TRADUCTION] « pourrait », 2) une photocopie d’un imprimé d’ordinateur de l’enregistrement nº 478670 de sa marque de commerce POPCORN PIZZA et 3) de photocopies d’imprimés d’ordinateur de 17 demandes d’enregistrement produites et abandonnées par l’opposante. Étant donné que j’ai connaissance d’office des définitions du dictionnaire, j’ai accepté le premier élément de preuve. Comme l’opposante ne s’opposait pas au deuxième élément de preuve, je l’ai également accepté. Toutefois, étant donné que la troisième élément a été présenté très tard, qu’on peut s’interroger sur sa pertinence et qu’il pourrait causer un préjudice à l’opposante, je refuse d’autoriser cet élément de preuve.
Immédiatement avant l’audience du 24 mai 2001, l’opposante a demandé l’autorisation de présenter une photocopie d’un imprimé d’ordinateur de l’enregistrement nº 503653, en date du 4 novembre 1998, de la marque de commerce PIZZARIFIC pour des chips pizza, entre autres. À l’audience, après avoir entendu les observations des deux parties, j’ai rejeté la demande de l’opposante en raison de son caractère tardif, de la pertinence limitée de la preuve proposée et de l’absence d’explication du retard considérable mis à présenter la demande.
L’agente de l’opposante a également demandé que l’audience soit reportée pour tenir compte de sa demande visant la production d’un imprimé d’ordinateur de l’enregistrement nº 503653 et de la modification apportée à la demande d’enregistrement. S’agissant du premier motif, j’ai indiqué que la demande de l’opposante de présenter des éléments de preuve supplémentaires pouvait être traitée sur‑le‑champ, ce que j’ai fait. En ce qui concerne le deuxième motif, l’agente de l’opposante a fait observer que la demande d’enregistrement modifiée pourrait nécessiter la production d’une preuve additionnelle et/ou la poursuite du contre-interrogatoire de M. Pasquarelli au sujet de son affidavit. Cependant, comme la modification de la demande d’enregistrement restreignait la portée de l’état déclaratif des marchandises, je ne voyais aucune justification à la présentation d’éléments de preuve supplémentaires ni à la poursuite du contre-interrogatoire. J’ai donc rejeté la demande d’ajournement d’audience de l’opposante.
La preuve de l’opposante
Dans son affidavit, M. Yung décrit la McCain Foods Limited (McCain) comme une société multinationale qui a son siège au Canada et qui exerce son activité dans l’industrie de l’alimentation. Selon M. Yung, McCain produit des frites, des mets cuisinés, des légumes, des jus, de la pizza, des produits carnés, des produits fromagers et des produits de la pomme de terre. M. Yung déclare en outre qu’il dirige le secteur des produits surgelés tant au Canada qu’aux États-Unis.
M. Yung indique que le produit vendu par McCain sous la marque de commerce MCCAIN PIZZA POCKETS appartient à la catégorie [TRADUCTION] « Repas et mets surgelés - catégorie collation » qui comprend également des produits de concurrents comme les divers produits PILLSBURY et les [TRADUCTION] « Collations pizza de marque privée ». Selon les études de marketing, pour l’exercice se terminant le 20 juillet 1996, la part de McCain dans les ventes de cette catégorie représentait 43 %. Au cours de cette période, McCain a consacré plus de 2 millions de dollars en dépenses de publicité et de commercialisation reliées à sa marque de commerce MCCAIN PIZZA POCKETS.
M. Yung affirme que les produits de sa société vendus sous les marques de commerce DOLLAR CHIPS, CHIP WAGON FRIES et MCCAIN SUPERCHIPS se situent dans la catégorie [TRADUCTION] « pommes de terre surgelées - total non-frites ». Selon les études de marché, la part de McCain dans les ventes de cette catégorie, pour l’exercice se terminant le 20 juillet 1996, se chiffrait à 46,7 %. Néanmoins, M. Yung n’a fourni aucune répartition des ventes par marque de commerce et il se peut que la plupart de ces ventes aient concerné le produit MCCAIN SUPERCHIPS. M. Yung a produit en preuve une copie de l’enregistrement de cette marque par l’opposante, mais l’opposante ne s’est pas appuyée sur cet élément de preuve dans sa déclaration d’opposition.
Dans son affidavit, M. Yung déclare qu’il estime que la marque de commerce de la requérante est le nom des marchandises correspondant à la marque sollicitée et qu’elle constitue également une description claire de ces marchandises. Il affirme également que les descriptions [TRADUCTION] « produits de grignotage à base de maïs » et [TRADUCTION] « aliments de grignotage de type pizza » ne sont pas définis dans les termes ordinaires du commerce. Il affirme que dans l’industrie de l’alimentation, le mot CHIP renvoie soit aux chips de pomme de terre soit aux pommes de terre frites, encore qu’il fait plus loin référence aussi aux chips de maïs.
Comme l’a concédé l’agent de la requérante à l’audience, M. Yung a été reconnu comme expert du secteur de l’alimentation et on peut accorder du poids à certaines de ses opinions. Cependant, dans la mesure où les opinions de M. Yung portent sur les questions juridiques à trancher, je ne leur ai donné aucune valeur.
La preuve de la requérante
Dans son affidavit, M. Pasquarelli déclare que la requérante a pressenti diverses sociétés pour tenter de leur accorder des licences d’usage de sa marque de commerce PIZZA CHIPS. Dans son contre-interrogatoire, M. Pasquarelli a reconnu que la marque de commerce de sa société n’avait pas encore été employée, bien qu’il ait produit une partie de l’emballage projeté par sa société où figurait la marque de commerce faisant l’objet de la demande d’enregistrement.
Contre-interrogé, M. Pasquarelli s’est montré réticent à fournir des explications sur la nature des produits projetés par sa société au motif que ces renseignements étaient de nature confidentielle. Cependant, à la page 14 de la transcription, il a fourni la définition suivante de la description [TRADUCTION] « produits de grignotage à base de maïs » :
A. [TRADUCTION] D’accord, c’est un produit de grignotage de type pizza qui peut être soit à base de maïs, il peut avoir diverses bases, de maïs, de blé, ça pourrait comprendre des produits à base de pâte ou à base de maïs qui sont fourrés de garnitures à pizza. Ça pourrait comprendre de la pâte dans des produits à base de maïs qui sont recouverts de garnitures à pizza, de sauce, etc. Fondamentalement, ce sont des aliments de grignotage de type pizza, essentiellement ce que décrit la demande d’enregistrement.
Pour donner suite à un engagement pris au cours du contre-interrogatoire, M. Pasquarelli a fourni des échantillons de l’emballage portant des marques de commerce ou des descriptions de produits où figurait le mot CHIPS, comme BAGEL CHIPS, NACHO CHIPS, BANANA CHIPS, CORN CHIPS et SUN CHIPS. Pour s’acquitter d’un autre engagement, M. Pasquarelli a fourni l’emballage des biscuits PIZZELLE et du gâteau à la crème glacée TREATZA PIZZA.
Au cours du contre-interrogatoire, M. Pasquarelli a été interrogé sur les circuits de distribution projetés pour le produit PIZZA CHIPS. Il a indiqué que sa société avait l’intention de vendre le produit dans les épiceries et les [TRADUCTION] « commerces de détail en général ».
L’affidavit Muratovic présente les résultats d’une recherche de M. Muratovic au registre des marques de commerce sur les marques de commerce déposées comportant le mot PIZZA ou le mot CHIP pour des marchandises ou services reliés à l’alimentation. On ne s’étonnera pas que M. Muratovic ait trouvé environ 75 marques déposées comportant le mot CHIP et environ 275 comportant le mot PIZZA. Il n’a trouvé aucun enregistrement de marque de commerce où figuraient les deux termes. L’affidavit Muratovic présente également en preuve un certain nombre de définitions de dictionnaire des mots « chip » et « pizza ».
Les motifs d’opposition
S’agissant du premier motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi, l’ancien registraire des marques de commerce a déclaré dans l’affaire Dubiner and National Yo-Yo and Bo-Lo Ltd. v. Heede Int'l Ltd. (1975), 23 C.P.R. (2d) 128 que le requérant, dans sa demande d’enregistrement, [TRADUCTION] « doit exposer clairement les marchandises ou les services dans les termes du commerce ordinairement employés. » À ce sujet, on peut également faire référence à la décision en matière d’opposition Pro Image Sportswear, Inc. v. Pro Image, Inc. (1992), 42 C.P.R. (3d) 566 à la page 573. Comme pour les autres motifs d’opposition, le fardeau de persuasion incombe au requérant, qui doit établir qu’il se conforme à la Loi , mais le fardeau de présentation initial incombe à l’opposant, qui doit produire la preuve des faits qu’il allègue.
L’agente de l’opposante a soutenu que toutes les descriptions de l’état déclaratif des marchandises de la requérante portent essentiellement sur un seul produit et qu’aucune ne satisfait aux dispositions de l’alinéa 30a) de la Loi. Cependant, les descriptions [TRADUCTION] « des croûtes à pizza cuites », [TRADUCTION] « des croûtes à pizza non cuites » et [TRADUCTION] « de la pizza » sont claires, non ambiguës et elles emploient la terminologie ordinaire du commerce.
Les deux autres descriptions de l’état déclaratif des marchandises sont les suivantes : [TRADUCTION] « des produits de grignotage à base de pâte de maïs, chips de maïs exclus » et [TRADUCTION] « des aliments de grignotage de type pizza, nommément des aliments de grignotage comportant des garnitures ou des ingrédients à pizza, pommes de terre exclues ». L’opposante fait valoir que ces désignations ne sont pas dans les termes ordinaires du commerce parce qu’elles ne sont pas suffisamment spécifiques. S’il apparaît en effet que des désignations plus spécifiques auraient pu être fournies (voir, par exemple, l’état déclaratif des marchandises de l’opposante dans l’enregistrement nº 429837), la preuve produite au dossier ne justifie pas la prétention de l’opposante que le défaut de spécificité entraîne l’échec de la demande.
Contre-interrogé, M. Pasquarelli a décrit un certain nombre de produits spécifiques différents qui pourraient être compris sous la description [TRADUCTION] « produits de grignotage à base de maïs ». Il a déclaré par la suite que tous les produits envisagés sont des [TRADUCTION] « aliments de grignotage de type pizza ». Il semble que l’un des produits spécifiques projetés par la requérante est quelque chose de similaire à un produit vendu par l’opposante sous sa marque de commerce MCCAIN PIZZA POCKETS.
La question à trancher est donc le degré de spécificité exigé de la requérante dans la description des marchandises projetées. Les termes [TRADUCTION] « aliments de grignotage » ou [TRADUCTION] « produits de grignotage » seraient vraisemblablement trop larges, car ils ne fournissent pas suffisamment de renseignements pour donner une description instructive des marchandises. Toutefois, restreindre la catégorie des aliments de grignotage à des pâtes à base d’un type de céréale ou à des produits ayant des caractéristiques similaires à de la pizza apparaît donner suffisamment de renseignements pour établir la nature des marchandises à partir de celles de l’industrie de l’alimentation. Par exemple, M. Yung lui‑même inclut parmi les concurrents du produit MCCAIN PIZZA POCKETS ce qu’il appelle des [TRADUCTION] « collations pizza de marque privée ». L’opposante elle-même emploie les termes « pizza pockets » à la manière d’un générique sur son propre produit pour décrire ses collations pizza (voir la description sous le titre [TRADUCTION] « Mode de cuisson » dans la pièce F-1 jointe à l’affidavit Yung).
Compte tenu de ces observations, je conclus que l’état déclaratif des marchandises satisfait aux conditions de l’alinéa 30a) de la Loi. Bien que les deux dernières descriptions examinées puissent comprendre plus d’un produit spécifique, ce fait n’entraîne pas à lui seul l’échec de la présente demande d’enregistrement. Par conséquent, le premier motif d’opposition est rejeté.
En ce qui concerne le deuxième motif d’opposition, il incombait à l’opposante comme fardeau initial de présentation de fournir des éléments de preuve permettant de conclure que la requérante n’avait pas l’intention, au moment où elle a produit sa demande d’enregistrement, d’employer sa marque de commerce elle-même ou par l’entremise d’un licencié. L’opposante n’a pas produit de preuve sur ce point. De plus, l’affidavit et la transcription du contre-interrogatoire de M. Pasquarelli confirment l’intention de la requérante d’employer la marque de commerce PIZZA CHIPS elle-même ou par l’entremise d’un licencié. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est rejeté également.
Quant au troisième motif, ce n’est pas un motif d’opposition véritable. L’opposante a simplement reproduit les termes de l’alinéa 30i) de la Loi sans inclure aucune allégation de faits à l’appui. Aussi le troisième motif d’opposition est-il rejeté également.
En ce qui a trait au quatrième motif d’opposition soulevé par l’opposante, l’époque pertinente pour apprécier les circonstances de l’espèce soulevées par l’alinéa 12(1)b) de la Loi est la date de ma décision : voir l’arrêt Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. Lubrication Engineers, Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 243 (C.A.F.). En outre, la question doit être tranchée en adoptant le point de vue de l’usager ordinaire des marchandises. Enfin, la marque de commerce visée ne doit pas être analysée avec soin et décomposée dans ses éléments constitutifs, mais doit plutôt être considérée dans son ensemble et selon la première impression qui s’en dégage : voir les décisions Wool Bureau of Canada Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 aux pages 27 et 28 et Promotions Atlantique Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 à la page 186.
Comme l’a fait remarquer l’opposante, les deux éléments constitutifs de la marque de commerce projetée ont fait l’objet d’un désistement. Ainsi la requérante a reconnu que chacun des éléments constitutifs n’a pas de caractère distinctif, parce que, peut-on penser, il donne une description claire de l’une ou de plusieurs des marchandises projetées de la requérante. La question à trancher devient donc de savoir si la combinaison (en l’occurrence PIZZA CHIPS) contrevient aux dispositions de l’alinéa 12(1)b) de la Loi. La requérante soutient que puisque que l’expression « pizza chips » ne se trouve ni dans les dictionnaires ni dans le commerce des aliments de grignotage, elle ne peut constituer une description claire. Cependant, le critère n’est pas de savoir si la marque de commerce possède une définition connue ou a été employée par d’autres, mais plutôt de savoir ce qu’elle signifie pour un usager ordinaire des marchandises.
Dans le contexte des marchandises de la requérante, qui sont des [TRADUCTION] « produits de grignotage à base de pâte de maïs, chips de maïs exclus » et des « aliments de grignotage de type pizza, nommément des aliments de grignotage comportant des garnitures ou des ingrédients à pizza, pommes de terre exclues », le mot CHIPS signifie clairement un produit de grignotage comestible, mince, à base de céréale, similaire à des chips de pomme de terre ou de maïs. L’emploi du mot PIZZA et du mot CHIPS en liaison avec les marchandises de la requérante peut s’appliquer à trois possibilités, selon le produit spécifique que la requérante décidera en fin de compte de fabriquer, soit 1) des chips à garnitures de pizza, 2) des chips en forme de pizza et 3) des chips à saveur de pizza. Étant donné que toutes ces possibilités donnent une description claire de la nature des marchandises, je conclus que la marque de commerce PIZZA CHIPS de la requérante donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse des « produits de grignotage à base de pâte de maïs, chips de maïs exclus » et des « aliments de grignotage de type pizza, nommément des aliments de grignotage comportant des garnitures et des ingrédients à pizza, pommes de terre exclues ».
Pour le reste des marchandises visées dans la demande d’enregistrement de la requérante, elles comprennent toutes le mot pizza. Dans ce contexte, la marque de commerce PIZZA CHIPS ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises. Bien que la composante PIZZA donne une description claire, la combinaison PIZZA CHIPS ne donne au consommateur, selon une première impression, aucun renseignement instructif sur les marchandises. Par conséquent, le quatrième motif d’opposition est accueilli pour les marchandises « produits de grignotage à base de pâte de maïs, chips de maïs exclus » et « aliments de grignotage de type pizza, nommément des aliments de grignotage comportant des garnitures et des ingrédients à pizza, pommes de terre exclues », mais il est rejeté pour les autres marchandises.
S’agissant du cinquième motif d’opposition, le fardeau initial de présentation incombe à l’opposante, qui doit établir que les mots PIZZA CHIPS sont le nom des marchandises de la requérante. L’opposante n’a pas produit en preuve de documentation ou d’activités commerciales indiquant que les termes PIZZA CHIPS soient le nom de certaines marchandises. Il s’ensuit que le cinquième motif d’opposition est rejeté.
S’agissant du sixième motif d’opposition, l’époque pertinente pour apprécier les circonstances de l’espèce en matière de confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir la décision Conde Nast Publications Inc. v. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538 aux pages 541 et 542 (C.O.M.C.). Le fardeau de persuasion repose sur la requérante, qui doit établir que les marques visées ne sont pas vraisemblablement susceptibles de créer de la confusion entre elles. De plus, dans l’application du critère de la confusion établi au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles qui sont mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) de la Loi, la marque de commerce PIZZA CHIPS de la requérante est une marque à faible caractère distinctif inhérent, car elle donne une description claire des marchandises « produits de grignotage à base de pâte de maïs, chips de maïs exclus » et « aliments de grignotage de type pizza, nommément des aliments de grignotage comportant des garnitures et des ingrédients à pizza, pommes de terre exclues » et elle suggère les autres marchandises. En l’absence de preuve d’emploi ou d’annonce de la marque de la requérante , je dois conclure que la marque n’est aucunement devenue connue au Canada.
Toutes les marques de commerce déposées de l’opposante ont un caractère distinctif inhérent faible car elles suggèrent la nature des marchandises en liaison avec lesquelles elles sont employées. L’affidavit Yung établit que la marque de commerce MCCAIN PIZZA POCKETS de l’opposante a été largement employée et annoncée au Canada en liaison avec un produit de grignotage de type pizza. Je suis donc en mesure de conclure qu’elle est devenue bien connue au Canada.
Compte tenu des lacunes de l’affidavit Yung, je ne suis pas en mesure de décider dans quelle mesure les marques de commerce DOLLAR CHIPS et CHIP WAGON FRIES de l’opposante ont été employées et annoncées au Canada. Par conséquent, je ne puis attribuer qu’une réputation acquise limitée à ces deux marques. Comme il n’y a pas d’éléments de preuve d’emploi ou d’annonce à l’égard des autres marques, il me faut conclure qu’elles ne sont aucunement devenues connues au Canada.
La période pendant laquelle les marques ont été en usage joue en faveur de l’opposante. En ce qui concerne les marchandises et les commerces des parties, l’état déclaratif des marchandises de la requérante et ceux de l’opposante sont déterminants : voir les décisions Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 aux pages 10 et 11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 à la page 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 aux pages 390 et 392 (C.A.F.). Cependant, ces états déclaratifs doivent s’interpréter comme visant à définir la nature probable de l’entreprise ou du commerce projeté par les parties plutôt que tous les commerces possibles susceptibles d’être compris dans la formulation. Sur ce point, les éléments de preuve afférents aux commerces réels des parties sont utiles : voir l’arrêt McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 à la page 169 (C.A.F.).
Les marchandises associées à la marque de commerce MCCAIN PIZZA POCKETS de l’opposante sont similaires aux marchandises de la requérante, en particulier à celles qui sont désignées sous les termes « aliments de grignotage de type pizza ». Les marchandises énumérées dans les enregistrements de DOLLAR CHIPS et de CHIP WAGON FRIES sont des produits de la pomme de terre surgelés qui diffèrent des marchandises de la requérante, sous réserve qu’il s’agit dans tous les cas de produits alimentaires. Les marchandises mentionnées dans les autres enregistrements ont toutes des contreparties dans l’état déclaratif des marchandises de la requérante.
La requérante a reconnu que son commerce inclura les épiceries et les commerces de détail en général. Les marchandises de l’opposante sont habituellement vendues dans les épiceries, vraisemblablement dans le rayon des produits surgelés. Il y a donc un chevauchement possible des commerces des deux parties. Le fait est particulièrement vrai pour les pizzas des deux parties et les aliments de grignotage de la requérante qui pourraient facilement être commercialisés par les mêmes circuits de distribution que les produits MCCAIN PIZZA POCKETS et PIZZA SUB de l’opposante.
S’agissant de l’alinéa 6(5)e) de la Loi, il existe un faible degré de ressemblance entre la marque de la requérante et chacune des marques déposées de l’opposante. Toutefois, cette ressemblance s’explique dans chaque cas par l’emploi commun du terme non distinctif PIZZA ou CHIP(S).
La requérante a fait valoir que la portée de toute ressemblance entre les marques est atténuée par la preuve fondée sur l’état du registre produite dans l’affidavit Muratovic. La preuve fondée sur l’état du registre est pertinente dans la seule mesure où elle permet des déductions sur l’état du marché : voir la décision en matière d’opposition Ports International Ltd. v. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 et le jugement Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il faut également noter l’arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.) qui appuie la proposition que les déductions au sujet de l’état du marché, tirées de l’état du registre, ne sont valables que dans les cas où le registre comporte un grand nombre d’enregistrements pertinents.
En l’espèce, les résultats de la recherche de M. Muratovic ont révélé un grand nombre de marques de commerce alimentaires comportant le mot CHIP et un nombre plus grand encore, le mot PIZZA. De plus, pour donner suite à un engagement convenu au cours de son contre-interrogatoire, M. Pasquarelli a confirmé qu’un certain nombre de ces marques lui étaient familières. Je suis donc en mesure de conclure qu’un grand nombre de ces marques sont actuellement employées sur le marché. Par conséquent, les consommateurs sont habitués à ces marques et sont donc susceptibles de les différencier plutôt en fonction de leurs autres composantes. Cette conclusion affaiblit énormément les effets de toute ressemblance entre les marques en litige.
Dans l’application du critère de la confusion, j’ai considéré qu’il s’agit d’une question de première impression et de souvenir imparfait. À la lumière de mes conclusions précédentes, et particulièrement de la faiblesse inhérente des marques des parties, du faible degré de ressemblance entre les marques visées et de l’adoption et de l’emploi communs par d’autres personnes de marques de commerce alimentaires qui comportent le mot CHIP ou PIZZA, je conclus que la marque de commerce PIZZA CHIPS de la requérante ne crée de confusion avec aucune des sept marques de commerce déposées de l’opposante. Le sixième motif d’opposition est donc rejeté.
En ce qui a trait au septième motif d’opposition, l’opposante avance que la marque de commerce demandée n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)e) parce qu’elle contrevient à l’article 10 de la Loi, qui prévoit :
Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.
Pour l’application de l’article 10, l’époque pertinente pour apprécier la « pratique commerciale ordinaire et authentique » de la marque serait la date de ma décision : voir l’arrêt Olympus Optical Company Ltd. c. Association olympique canadienne (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 aux pages 3 et 4 (C.A.F.).
Il n’existe aucune preuve établissant qu’un commerçant a employé les termes PIZZA CHIPS pour désigner les marchandises énumérées dans l’état déclaratif des marchandises de la requérante. De plus, il n’y a pas de preuve que l’expression PIZZA CHIPS possède une définition ou une signification reconnues dans l’industrie des produits de grignotage ou dans l’industrie de l’alimentation. Par conséquent, l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de présentation qui lui incombait et le septième motif d’opposition est rejeté.
L’agente de l’opposante a fait observer que l’article 10 ne se limite pas nécessairement à l’interdiction d’adopter une marque spécifique. Elle a soutenu que les mots « une marque » de l’article 10 peuvent également s’appliquer à une marque comprenant un terme interdit précédé d’un adjectif qui donne une description des marchandises à l’égard desquelles la marque est demandée. En d’autres termes, en l’espèce, la requérante ne serait autorisée à enregistrer, à l’égard d’aliments de grignotage, aucune marque comportant le mot CHIPS précédé d’un terme descriptif tel que POTATO, CORN ou même PIZZA.
Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation de l’opposante. Si l’article 10 devait avoir une portée plus large, il est permis de penser que la formulation de l’article aurait été étendue pour embrasser spécifiquement ces morphèmes liés. De plus, on pourrait soutenir que l’interprétation que donne l’opposante de l’article interdirait l’enregistrement d’une marque de commerce telle que PIZZA PIZZA, qui a par ailleurs été reconnue comme enregistrable : voir la décision Pizza Pizza Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 67 C.P.R. (2d) 202 (C.F. 1re inst.).
S’agissant du huitième motif d’opposition, l’opposante n’a établi l’emploi d’aucune des sept marques de commerce qu’elle fait valoir antérieurement à la date de production de la demande d’enregistrement de la requérante, soit le 6 décembre 1993. L’opposante ne s’est donc pas acquittée de son obligation relative au fardeau initial de présentation à l’égard de l’article 16(3)a) de la Loi, ce qui entraîne le rejet du huitième motif d’opposition.
Pour le neuvième motif d’opposition, le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir que sa marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses marchandises de celles d’autres personnes au Canada : voir la décision Muffin Houses Incorporated v. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C). En outre, l’époque pertinente pour apprécier les circonstances de l’espèce est la date de production de l’opposition (soit le 28 novembre 1995) : voir les arrêts Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la page 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à la page 424 (C.A.F.).
Comme on l’a fait remarquer, l’opposante n’a établi aucun emploi ou aucune réputation de ses marques de commerce déposées PANTASTIC PIZZA, POCKET PIZZA, PIZZA SUB et PIZZA SUB Design. Aussi le neuvième motif d’opposition porte-t-il essentiellement sur la confusion entre la marque de la requérante et les trois autres marques déposées de l’opposante. À cet égard, les conclusions sur la confusion avec ces marques auxquelles j’en suis arrivé au sujet du sixième motif d’opposition s’appliquent en grande partie au présent motif également. Je conclus donc que la marque de commerce de la requérante ne créait pas de confusion avec les marques de commerce MCCAIN PIZZA POCKETS, DOLLAR CHIPS et CHIP WAGON FRIES de l’opposante à la date de production de la présente opposition. Par conséquent, l’opposante n’a pas établi que la marque de la requérante n’était pas distinctive à cette date et le neuvième motif d’opposition est rejeté.
Compte tenu des conclusions qui précèdent et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la requérante à l’égard des marchandises désignées comme « produits de grignotage à base de pâte de maïs, chips de maïs exclus » et « aliments de grignotage de type pizza, nommément des aliments de grignotage comportant des garnitures et des ingrédients à pizza, pommes de terre exclues » et je rejette l’opposition à tous autres égards. Au sujet du pouvoir de rendre une décision d’acceptation partielle de l’opposition, on se reportera à l’affaire Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH (1986), 10 C.P.R. (3d) 482 à la page 492 (C.F. 1re inst.).
DATÉ À HULL (QUÉBEC) DU 5 JUIN 2001.
David J. Martin,
membre,
Commission des oppositions des marques de commerce.