Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

RELATIVEMENT A L'OPPOSITION de ROC International, une société à responsabilité limitée, à la demande no 618 200 concernant la marque de commerce ROCCO produite par Rocbel Holdings Inc.                              

 

 

 

Le 1er novembre 1988, Rocbel Holdings Inc. a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce ROCCO, fondée sur l'emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises suivantes : «shampoo, conditioners, facial and body creams and treatments, foaming bath oils, soap, talc, hair spray, hair styling gel, styling mousse, hair setting lotion, spritzers, perfumes, colognes and scents, nail polish, nail hardener, nail wrap kits, manicure kits, nail files, lipstick, foundation, blusher, eye shadow, mascara, eye pencils, lip pencils, cosmetic kits, perfumed bath powder, perfumed bath beads and perfumed bath foam».

 

L'opposante, ROC International, une société à responsabilité limitée, a produit le 14 novembre 1989 une déclaration d'opposition dans laquelle elle prétend que la demande de la requérante n'est pas conforme à l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce.  Plus particulièrement, l'opposante soutient que la requérante a employé sa marque de commerce au Canada avant de produire sa demande d'enregistrement fondée sur l'emploi projeté de la marque, ou bien que la requérante n'a pas l'intention ou a abandonné son intention d'employer sa marque de commerce au Canada.  En outre, l'opposante soutient que la requérante ne peut être convaincue qu'elle avait le droit d'utiliser la marque de commerce ROCCO au Canada.

 

En deuxième lieu, l'opposante prétend que la marque de commerce de la requérante n'est pas enregistrable pour les motifs suivants : (a) elle est constituée d'un mot n'étant principalement que le nom ou le nom de famille d'un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes; (b) elle crée de la confusion avec la marque de commerce enregistrée ROC, no d'enregistrement 149 570, contrairement aux dispositions de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce; et (c) son adoption est interdite aux termes de l'alinéa 9(1)k) de la Loi sur les marques de commerce du fait qu'il s'agit d'une matière qui peut faussement suggérer un rapport avec un particulier vivant.

 


En outre, l'opposante conteste le droit de la requérante à l'enregistrement selon l'article 16 de la Loi sur les marques de commerce, affirmant que la requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement en ce que la marque de commerce ROCCO de la requérante crée de la confusion avec les marques de commerce ROC de l'opposante et les noms commerciaux ROC, ROC INTERNATIONAL, LABORATOIRES ROC et ROC LABORATOIRE de l'opposante que celle-ci et ses prédécesseurs en titre ont employés et fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises, des services et le commerce des produits de beauté et de parfumerie ainsi que des produits de traitement et des accessoires connexes.

 

Comme dernier motif d'opposition, l'opposante prétend que la marque de commerce de la requérante n'a pas de caractère distinctif.

 

La requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle niait les allégations énoncées dans la déclaration d'opposition.

 

L'opposante a produit en preuve une copie certifiée de l'enregistrement de la marque de commerce ROC & Dessin sous le numéro 149 570 ainsi que les affidavits de Charles Even et Jacques Dagenais-Pérusse, et la requérante a produit en preuve l'affidavit de Nicola M. Hunt.  Comme preuve servant de réponse, l'opposante a produit l'affidavit de Brigitte Dufour.

 

Les deux parties ont présenté des plaidoyers écrits et toutes deux étaient représentées à l'audience.

 

Bien que le fardeau légal repose sur la requérante de démontrer que sa demande est conforme à l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, il y a un fardeau initial de la preuve qui repose sur l'opposante eu égard aux motifs invoqués aux termes de l'article 30 (voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al  c.  Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, pp. 329 et 330).  Pour satisfaire au fardeau de la preuve relatif à une question particulière, l'opposante doit produire des éléments suffisants de preuve admissible à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués appuient la question en cause.            Toutefois, l'opposante n'a présenté aucune preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles la requérante a employé sa marque de commerce au Canada avant de produire sa demande d'enregistrement fondée sur l'emploi projeté de la marque, ou bien la requérante n'a pas l'intention ou a abandonné son intention d'employer sa marque de commerce au Canada.  De même, l'opposante n'a présenté aucune preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles la requérante ne pouvait être convaincue qu'elle avait le droit d'utiliser la marque de commerce ROCCO au Canada.  Par conséquent, l'opposante n'est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait relatif aux motifs d'opposition fondés sur l'article 30 et je rejette donc ces motifs d'opposition.

 


En ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, le fardeau légal repose sur la requérante d'établir que sa marques de commerce ROCCO est enregistrable.  L'affidavit de M. Even établit que Rocco est le nom de famille d'un certain nombre de personnes qui habitent au Canada alors que l'affidavit de Mme. Hunt établit que le mot «rocco» en italien, signifie, entre autres, «une tour (dans un jeu d'échecs)» en plus d'être un prénom.  Par conséquent, ROCCO n'est pas seulement le nom de famille d'un particulier et il est donc nécessaire de déterminer si la marque de commerce de la requérante n'est principalement qu'un nom de famille.

 

L'affidavit de M. Even contient une liste de numéros de téléphone de personnes portant le nom de famille Rocco figurant dans des annuaires des téléphones au Canada et aux États-Unis.  La liste dressée par M. Even contient moins de 100 inscriptions retrouvées par lui dans plus de 21 annuaires de différentes villes au Canada.  Dans tous les annuaires sauf quatre, il a trouvé au plus trois personnes portant le nom de famille Rocco.  La majorité des inscriptions figurent dans les annuaires de Toronto (24), de Montréal et la région (17) et de la région de Niagara (21).  Ainsi, la preuve produite par l'opposante établit que la marque de commerce ROCCO de la requérante est constituée d'un nom de famille relativement rare au Canada même si l'on peut conclure, d'après les annuaires téléphoniques des régions de Toronto et de Niagara en Ontario ainsi que de la région de Montréal, qu'il est quelque peu connu dans ces régions.  L'opposante n'a fourni aucune autre preuve que Rocco est reconnu comme étant un nom de famille au Canada.  Par conséquent, l'opposante n'a pas réussi à établir qu'une majorité de Canadiens ou même une majorité de Canadiens dans une région donnée du Canada reconnaîtrait ROCCO comme étant un nom de famille (voir Nationwide Manufacturing Ltd. c. Robert Morse Appliances Ltd., 27 C.P.R. (3d) 112; et Juneau c. Chutes Corp. 11 C.P.R. (3d) 260).

 

La requérante n'a produit aucun élément de preuve pour établir combien de Canadiens reconnaîtraient le mot «rocco» comme signifiant la tour dans un jeu d'échecs en italien.  Cependant, je suis disposé à prendre connaissance d'office du fait qu'un certain nombre de Canadiens parlent l'italien couramment.  Néanmoins, en l'absence de preuve à cet égard, je ne suis pas disposé à conclure qu'un important nombre de Canadiens qui parlent l'italien reconnaîtraient que le mot «rocco» signifie une tour dans un jeu d'échecs.

 


Outre le sens du mot «rocco» en italien, la requérante a présenté une preuve à l'effet que le mot «Rocco» est aussi un prénom.  À cet égard, je constate que la pièce CE-1 annexée à l'affidavit de M. Even identifie Rocco Donald Belvedere comme étant le directeur principal de la requérante, ce qui confirme également que le mot «Rocco» est un prénom.

 

À mon avis, la preuve fournie par l'opposante ne permet pas de conclure que le nombre de Canadiens qui reconnaîtraient le mot «Rocco» comme étant un nom de famille serait plus élevé que le nombre de Canadiens pour qui le mot «rocco» serait soit un prénom, soit un mot italien désignant une tour dans un jeu d'échecs.  Par conséquent, je conclus que la marque de commerce ROCCO de la requérante n'est pas constituée d'un mot n'étant principalement que le nom de famille d'un particulier et je rejette donc le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)a).

 

Le motif d'opposition suivant invoqué par l'opposante est fondé sur l'alinéa 9(1)k) de la Loi sur les marques de commerce, qui se lit comme il suit :

9. (1) Nul ne peut adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle que l'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit :

 

k) toute matière qui peut faussement suggérer un rapport avec un particulier vivant;

 

En ce qui a trait à ce motif d'opposition, il incombe à la requérante de prouver que sa marque de commerce est enregistrable et qu'il ne s'agit donc pas d'une marque dont l'article 9 ou 10 de la Loi sur les marques de commerce interdit l'adoption.  Toutefois, bien que le fardeau légal repose sur la requérante, il y a un fardeau initial de la preuve qui repose sur l'opposante de présenter des éléments suffisants de preuve admissible à partir desquels je pourrais raisonnablement conclure que les faits allégués appuient la question en cause  (voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, à la p. 298).  Dans la présente affaire, l'opposante n'a fourni aucun élément de preuve indiquant que la marque de commerce ROCCO de la requérante puisse faussement suggérer un rapport avec un particulier vivant.  Par conséquent, je rejette ce motif d'opposition.

 

Le dernier motif d'opposition est fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce.  L'opposante soutient que la marque de commerce ROCCO de la requérante n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce ROC & Dessin enregistrée par l'opposante sous le no 149 570, dont l'illustration figure ci-dessous.  En ce qui a trait à un motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, la date pertinente semblerait être la date de ma décision (voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et al., 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.) et Conde Nast Publications, Inc. c. La Fédération canadienne des épiciers indépendants, 37 C.P.R. (3d) 538 (COMC)).

 

 

 


 

 

 

 

                                                         Enregistrement no 149 570

 

 

Pour déterminer s'il y aurait un risque raisonnable de confusion entre la marque de commerce ROCCO de la requérante en liaison avec les marchandises visées par la demande de celle-ci et la marque de commerce enregistrée ROC & Dessin de l'opposante en liaison avec les «lotions, crèmes et poudres pour la peau, crayons pour les yeux, crèmes antisolaires, vernis à ongles, dissolvants de vernis à ongles, maquillages, laits de beauté, rouges à lèvres, savons de toilette, shampooing», le Registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce.  En outre, le Registraire doit garder présent à l'esprit que le fardeau légal repose sur la requérante de démontrer qu'il n'y aurait aucun risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause à la date pertinente.

 

Pour ce qui est du caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause, la marque de commerce ROCCO de la requérante est à la fois un nom de famille et un prénom et, comme elle est une marque faible, elle a relativement peu de caractère distinctif inhérent.  La marque de commerce ROC & Dessin de l'opposante comprend le dessin d'un mortier et d'un pilon, élément qui peut suggérer une association entre les marchandises de l'opposante et les points de vente de produits pharmaceutiques.  Par contre, l'élément ROC n'a pas de sens particulier en liaison avec les marchandises de l'opposante.  Par conséquent, la marque de commerce ROC & Dessin de l'opposante, considérée comme un tout, a plus de caractère distinctif inhérent que la marque ROCCO de la requérante.

 

La mesure dans laquelle les marques de commerce ROCCO et ROC & Dessin sont devenues connues ainsi que la période pendant laquelle elles ont été en usage jouent en faveur de l'opposante.  À cet égard, l'opposante a invoqué l'affidavit de Jacques Dagenais-Pérusse, directeur général de Prestilux Inc., le distributeur exclusif des produits de l'opposante au Canada.  L'affidavit de M. Dagenais-Pérusse fournit les chiffres de vente des marchandises de l'opposante au Canada en liaison avec la marque de commerce ROC de 1985 à 1990 inclusivement, qui s'élèvent à plus de 8 000 000 $ et les dépenses engagées par l'opposante pour la publicité et la promotion des produits de marque ROC pendant cette même période, qui se chiffrent à plus de 2 000 000 $.  En outre, l'auteur de l'affidavit confirme l'emploi des marques de commerce ROC de l'opposante au Canada depuis 1980.  Par contre, la requérante n'a fourni aucune preuve qu'elle a commencé à employer au Canada la marque de commerce ROCCO fondée sur l'usage projeté au Canada.


Bon nombre des marchandises visées par la demande de la requérante sont identiques ou très semblables aux marchandises visées par l'enregistrement de l'opposante.  De plus, en l'absence de preuve du contraire, je conclus que les canaux de distribution de ces marchandises pourraient se chevaucher.

 

Le seul autre critère énoncé au paragraphe 6(5) de la Loi est le degré de ressemblance entre les marques de commerce ROCCO et ROC & Dessin dans la présentation, le son ou les idées qu'elles suggèrent.  Lorsqu'elles sont considérées comme un tout et en se fondant sur la première impression et le vague souvenir, les marques de commerce ROCCO et ROC & Dessin ont une certaine similitude sur le plan visuel et une ressemblance encore plus forte sur le plan phonique, mais elles n'évoquent pas les mêmes idées.  En outre, la marque de commerce ROCCO de la requérante comprend dans sa totalité l'élément principal ROC de la marque de commerce de l'opposante, qui est aussi l'élément principal du nom commercial de l'opposante.

 

Par ailleurs, la requérante soutient qu'il n'y a lieu d'accorder que peu de poids à l'affidavit de Mme Dufour étant donné que celle-ci n'a pas fait état de titres et qualités lui permettant de fournir un témoignage d'expert en ce qui concerne les similarités sur le plan phonétique des marques de commerce ROCCO et ROC dans les deux langues officielles.  Toutefois, je suis parvenu aux même conclusions que Mme Dufour en ce qui a trait à la ressemblance sur le plan phonique des marques de commerce ROCCO et ROC & Dessin, indépendamment de son affidavit.  Par conséquent, il n'est pas nécessaire de se pencher sur la question du poids à accorder à l'affidavit de Mme Dufour.

 

Autre circonstance de l'espèce, la requérante a présenté l'affidavit de Mme Hunt à titre de preuve de l'état du registre.  Outre les enregistrements des marques de commerce ROCHELLE, YVES ROCHER & Dessin et HENRI ROCHEAU, l'auteur de l'affidavit a trouvé plusieurs enregistrements au nom des Parfums Rochas pour des marques de commerce comprenant l'élément ROCHAS.  En outre, Mme Hunt a fourni certaines preuves de l'utilisation sur le marché des marques de commerce enregistrées MADAME ROCHAS, EAU DE ROCHAS et MYSTÈRE DE ROCHAS.  Toutefois, aucune de ces marques n'a le même degré de ressemblance sur le plan visuel ou phonique avec la marque de commerce de l'opposante que la marque ROCCO de la requérante.  Par conséquent, la preuve fournie par la requérante est d'une utilité limitée pour ce qui est de trancher la question du risque de confusion dans la présente opposition.

 


Étant donné qu'il existe une certaine similitude sur le plan visuel et un degré de ressemblance encore plus fort sur le plan phonique entre les marques de commerce ROCCO et ROC & Dessin et que les marques de commerce en cause englobent des marchandises dont les canaux de distribution sont les mêmes, et compte tenu du fait que l'opposante a établi que sa marque de commerce est devenue connue au Canada alors que la demande de la requérante est fondée sur l'emploi projeté de sa marque de commerce, je conclus que la requérante ne s'est pas acquittée du fardeau légal qui lui incombait en ce qui concerne la question de confusion entre les deux marques.  Par conséquent, la marque de commerce de la requérante n'est pas enregistrable étant donné les dispositions de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce.

 

Étant donné ce qui précède, je laisse tomber les autres motifs d'opposition invoqués par l'opposante.

 

Je rejette la demande de la requérante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

FAIT À HULL (QUÉBEC) LE 31     JOUR DE    Janvier , 1994.

 

 

 

 

 

G.W. Partington

Président de la Commission des

  oppositions des marques de commerce

 

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