Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION DE The Lamson & Sessions Co. à la demande no 1,094,283 relative à la marque de commerce Junction Box Colour Plate (rouge) au nom de Royal Group, Inc.__                                                               

 

 

Le 28 février 2001, Royal Group Technologies Limited, faisant affaire sous le nom de Royal Pipe Company, a déposé une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce Junction Box Colour Plate Device (rouge) [la « Marque »]. La Marque est illustrée par le dessin ci‑dessous.

 

JUNCTION BOX COLOUR PLATE

La marque est constituée de la couleur rouge appliquée sur la plaque avant d’une boîte de jonction. Le dessin est hachuré en rouge.

 

La demande est fondée sur un emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des boîtes de jonction électriques.

 

La demande est actuellement au nom de Royal Group, Inc., et le terme « Requérante » sera employé pour désigner à la fois Royal Group Technologies Limited faisant affaire sous le nom de Royal Pipe Company et Royal Group, Inc.

 

La demande a été annoncée à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 14 janvier 2004. Le 14 juin 2004, The Lamson & Sessions Co. [« l’Opposante »] a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :

 

1.                       La Marque de la Requérante n’est pas enregistrable en raison de l’al. 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 ch. T-13 [la « Loi »], parce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles on projette de l’employer parce qu’elle indique clairement ou de manière fausse et trompeuse que les boîtes de jonction en liaison avec lesquelles on projette de l’employer sont destinées à un emploi en liaison avec des applications reliées à des avertisseurs d’incendie.

 

2.                       La Marque n’est pas enregistrable en raison de l’al. 12(1)e) de la Loi parce qu’elle est une marque dont l’adoption est interdite à l’art. 10 de la Loi. La couleur rouge employée en liaison avec des boîtes de jonction constitue une marque (la « Marque rouge ») qui, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre de boîte de jonction en liaison avec laquelle elle est employée. En particulier, la Marque rouge est reconnue au Canada comme indiquant que les boîtes de jonction en liaison avec lesquelles elle est employée sont d’un genre qui convient à des applications reliées à des avertisseurs d’incendie. Soit la marque consiste en la marque rouge, soit sa ressemblance avec la Marque rouge est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

 

3.                       La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque en raison du par. 16(3) de la Loi parce qu’à la date du dépôt de la demande, la Marque créait de la confusion avec une marque consistant en la couleur rouge appliquée sur des boîtes de jonction qui avait été antérieurement employée au Canada ou révélée au Canada par une ou plusieurs autres personnes.

 

4.                       La Marque de la Requérante n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas réellement ni n’est adaptée à distinguer ainsi les marchandises de la Requérante des marchandises et services d’autres personnes parce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises à l’égard desquelles on projette de l’employer, parce qu’elle est une marque dont l’adoption est interdite à l’art. 10 de la Loi et/ou parce qu’elle crée de la confusion avec une marque antérieurement employée au Canada ou révélée au Canada par une ou plusieurs autres personnes.

 

La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle a nié les allégations de l’Opposante.

 

Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Steven Randall Whaley. La Requérante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre-interroger M. Whaley, et une copie de la transcription du contre-interrogatoire a été produite.

 

La Requérante a choisi de ne produire aucune preuve.

 

Chaque partie a produit un plaidoyer écrit.

 

La Requérante a d’abord demandé une audience, mais elle a ensuite retiré sa demande.

 

Fardeau de preuve et dates pertinentes

La Requérante a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Cependant, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298].

 

Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         al. 12(1)b) – la date du dépôt de la demande [voir Havana Club Holdings S. A. c. Bacardi & Company Limited (2004), 35 C.P.R. (4th) 541 (C.O.M.C.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)];

         al. 12(1)e) – la date de ma décision [voir Association olympique canadienne c. Allied Corporation (1989), 28 C.P.R. (3d) 161 (C.A.F.) et Association olympique canadienne c. Olympus Optical Company Limited (1991), 38 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.)];

         par. 16(3) – la date du dépôt de la demande [voir le par. 16(3)];

         absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

Résumé de la preuve
Affidavit de M. Whaley

M. Whaley est le directeur des ventes canadiennes/internationales de la filiale Carlon de l’Opposante depuis 1996. L’Opposante est une société américaine établie de longue date. À l’heure actuelle, elle prétend être [traduction] « un des principaux fabricants en Amérique du Nord de conduits, enveloppes, dispositifs de filage et accessoires en thermoplastique pour les marchés de la construction, de la consommation, de l’électricité et des communications, et de gros tuyaux pour les marchés des eaux usées ». La société compte trois filiales commerciales principales, dont la filiale Carlon est la plus importante. La filiale Carlon [traduction] « fournit des systèmes de canalisation électrique et de télécommunications, des enveloppes non métalliques, des boîtes à prise et de l’équipement électrique aux marchés des infrastructures électriques et de télécommunications ».

 

M. Whaley affirme : [traduction] « En Amérique du Nord, la couleur rouge est employée sur des conduits, des enveloppes, des dispositifs de filage, des équipements et d’autres accessoires en rapport avec des systèmes de sécurité des personnes, tels des avertisseurs d’incendie ou des détecteurs de fumée. » Au soutien de cette affirmation, M. Whaley fournit les documents suivants :

          pièce A : Des copies de pages du Code canadien de l’électricité de 2002 de l’Association canadienne de normalisation, qui énoncent aux sections 24 et 32 que [traduction] « tous les réceptacles qui font partie d’un système électrique essentiel doivent être de couleur rouge, et aucun autre réceptacle ne doit être de cette couleur », et que le dispositif de sectionnement du circuit distinct qui alimente un système d’avertisseur d’incendie doit être de couleur rouge.

          pièce B : Pages provenant du site Web du ministère des Travaux Publics et des Services gouvernementaux des Territoires du Nord-Ouest relatives à des [traduction] « Pratiques exemplaires en matière de construction d’établissements nordiques » qui énoncent que toutes les boîtes de jonction, les boîtes de tirage et leurs couvercles reliés à des systèmes d’alarme incendie doivent être peints en rouge (pages imprimées le 20 mars 2005).

         pièce C : un appel d’offres de la ville de Prince George (Colombie-Britannique) qui exige que toutes les boîtes de jonction, les cache-prise et les conduits qui passent à travers les planchers soient peints en rouge (la date de clôture de l’appel d’offres est le 11 septembre 2003).

         pièce D : pages du site Web de Hubbell Electrical Products, une filiale de Hubbell Incorporated, faisant la promotion de « RACO ® RED BOXES & Covers » (boîtes rouges et couvercles de marque Raco), qui sont des boîtes à grande capacité et des boîtes murales en acier de conception standard, des bagues rallonge et des couvercles, décrits comme [traduction] « permettant à un inspecteur ou au propriétaire d’un immeuble d’identifier immédiatement les systèmes de sécurité des personnes » et [traduction] « éliminant le besoin de peinture et d’étiquetage sur le chantier » (pages imprimées le 10 mars 2005).

          pièce E : publicité tirée du numéro de septembre 2004 de la revue The Electrical Distributor relative aux produits rouges RACO précités, qui énonce : [traduction] « RACO présente une série de produits conçus spécialement pour l’installation de systèmes d’alarmes, d’avertisseurs d’incendies ou de sécurité des personnes. » (M. Whaley affirme que les consommateurs canadiens peuvent se procurer cette revue.)

          pièce F : pages provenant du site Web de Wholesale Fire & Rescue Limited qui annoncent une boîte de jonction rouge (la date de ces documents est indéterminable).

          pièce G : pages provenant du site Web de Viking Electronics Inc. qui annoncent des boîtes de télécommunications [traduction] « rouge urgence »; les pages comportent une liste de distributeurs canadiens (pages imprimées le 20 mars 2005).

          pièce H : publicité non datée de Royal Pipe Systems, une des sociétés appartenant au groupe Royal, relative à des boîtes de sol ENT chromocodées, dont une rouge pour les avertisseurs d’incendie.

          pièce I : pages provenant du site Web de Royal Pipe Systems qui annoncent les boîtes de sol Ident-a-Box™ et énoncent :

[traduction] Nous offrons des couvercles chromocodés pour nos boîtes de sol Ident-a-Box™ pour une identification facile des services tant avant qu’après le coulage du béton. Ils sont disponibles en gris, vert, blanc, bleu, jaune et rouge.

 

Emplois typiques pour chaque couleur :

     Gris – générique

     Vert – sécurité, câble, téléphone

     Blanc – électricité 600 volts

     Bleu – électricité 200 volts

     Jaune – éclairage d’urgence et indications de sortie

     Rouge – systèmes d’avertisseur d’incendie

 

     (Une des pages comporte un avis de droit d’auteur daté de 2004.)

 

En contre-interrogatoire, M. Whaley a expliqué que les boîtes de sol sont un type de boîte de jonction. (Question 34)

 

Question préliminaire

Dans ses observations écrites, l’Opposante affirme :

[traduction] L’avocat de la Requérante a demandé l’autorisation de contre-interroger M. Whaley sur tous ses affidavits produits relativement à chacune des oppositions aux cinq boîtes de jonction colorées que l’Opposante a produites contre la Requérante, et l’avocat de l’Opposante a accepté. En conséquence, la transcription du contre-interrogatoire traite des affidavits et des pièces produits en rapport avec chacune des oppositions. Nous sommes donc d’avis que nous devrions avoir le droit d’invoquer les pièces mentionnées dans la transcription du contre-interrogatoire dans chacun des plaidoyers écrits produits relativement à ces boîtes de jonction chromocodées.

 

Cependant, je ne pense pas que le contre-interrogatoire unique devrait avoir tout l’effet que préconise l’Opposante. L’Opposante a choisi de produire des affidavits différents pour chaque opposition, et sa proposition m’apparaît tout simplement comme une tentative de faire prendre en compte dans le présent dossier des éléments de preuve qu’elle regrette peut-être maintenant de ne pas avoir produits en rapport avec la présente demande. En particulier, l’Opposante souhaite invoquer une brochure produite comme pièce relativement à une autre demande parce qu’elle est antérieure à toutes les dates pertinentes. Cependant, la brochure en question n’a pas été produite comme pièce jointe au contre-interrogatoire. De plus, la date de la brochure n’a pas été mentionnée lors du contre-interrogatoire. Ainsi, même si toutes les questions du contre‑interrogatoire devaient être prises en compte dans le cadre de chacune des oppositions, les questions et les réponses ne fournissent aucune preuve que la brochure en question existait ni avant le 14 juin 2004 ni avant le 28 février 2001.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b)

Il n’y a aucun élément de preuve indiquant que la couleur rouge décrivait des applications reliées à des avertisseurs d’incendie à la date pertinente du 28 février 2001. Par conséquent, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial, et ce motif est rejeté.

 

Motif fondé sur le paragraphe 16(3)
Dans l’examen d’un motif d’opposition fondé sur l’art. 16, il faut aussi tenir compte du par. 17(1) de la Loi, qui énonce notamment :

Aucune demande d’enregistrement d’une marque de commerce qui a été annoncée selon l’article 37 ne peut être refusée […] du fait qu’une personne autre que l’auteur de la demande d’enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé ou révélé une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre […] [Je souligne.]

 

Puisque l’Opposante n’a pas démontré qu’elle avait employé « une marque de commerce constituée de la couleur rouge appliquée sur des boîtes de jonction électriques », son motif d’opposition fondé sur le par. 16(3) ne saurait être retenu.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)e)

L’Opposante a plaidé que la marque n’était pas enregistrable parce qu’il s’agissait d’une marque dont l’enregistrement est interdit par l’art. 10 de la Loi. L’article 10 énonce :

Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

 

À mon avis, la preuve de l’Opposante permet d’établir que la couleur rouge a une signification acceptée dans le secteur d’activité des parties, à savoir les applications reliées aux avertisseurs d’incendie. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau initial.

 

J’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve relativement à ce motif. En conséquence, le motif est accueilli.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement à ce motif, compte tenu des éléments de preuve indiquant l’emploi de la couleur rouge sur des boîtes de jonction et autres marchandises semblables pour indiquer des applications reliées à des avertisseurs d’incendie à la date pertinente du 14 juin 2004.

 

Pour s’acquitter de son fardeau de persuasion, la Requérante doit me convaincre selon la prépondérance des probabilités que sa Marque distingue ou est capable de distinguer ses marchandises de celles d’autres propriétaires.

 

Les marques composées uniquement d’une couleur n’ont pas de caractère distinctif inhérent [voir AstraZeneca AB c. Novopharm Ltd. (2003), 24 C.P.R. (4th) 326 (C.A.F.), au par. 18]. En outre, en l’espèce, il n’y a aucun élément de preuve indiquant que la Marque de la Requérante dont l’emploi est projeté avait acquis un caractère distinctif par l’emploi ou la promotion à la date pertinente. De fait, la preuve indique plutôt que d’autres ont employé la couleur rouge, ou en ont exigé l’emploi, pour indiquer que des marchandises telles que celles de la Requérante étaient reliées à des systèmes d’avertisseurs d’incendie. Je conclus donc que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de persuasion, et ce motif d’opposition est donc accueilli.

 

J’ajouterai que les brochures produites comme pièces H et I jointes à l’affidavit de M. Haley tendent à démontrer que la couleur des marchandises de la Requérante indiquent leur application, et non leur source, bien que je sois consciente que ces éléments de preuve sont postérieurs à la date pertinente et qu’une des brochures comporte la phrase : [traduction] « Royal color coded slab boxes est une marque de commerce enregistrée de Royal Group Technologies. »

 

Décision

En vertu des pouvoirs que m’a délégués le registraire des marques de commerce sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en vertu du par. 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 17 JUILLET 2008.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.