Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 30

Date de la décision : 2011-02-11

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION d’Agropur Cooperative à l’encontre de la demande n° 1178194 pour la marque ÉCRÉMÉPLUS Dessin au nom de Parmalat S.p.A.

 

 

 

Le dossier

[1]               Le 15 mai 2003, Parmalat Dairy & Bakery Inc. a produit la demande n° 1178194 en vue d’enregistrer la marque de commerce ÉCRÉMÉPLUS Dessin (la Marque), ci‑après reproduite :

ÉCRÉMÉPLUS DESIGN

[2]               La demande a été produite sur la base d’un emploi projeté. La demande a ensuite été assignée à Parmalat S.p.A. (la Requérante).

[3]               La demande, dans sa version actuelle, couvre les marchandises suivantes : produits laitiers, nommément lait, crème, lait en poudre, beurre, margarine, yogourt, fromage, crème sure, crème glacée, sorbet, yogourts surgelés, lait glacé, lait de poule (les Marchandises), et les services suivants : publicité et promotion de produits laitiers, nommément distribution de bons de réduction et de brochures éducatives concernant la nutrition, fourniture de produits alimentaires pour échantillonnage, tenue de concours (les Services).

[4]               Par lettre datée du 20 janvier 2004, l’examinateur a soulevé certaines objections fondées sur l’al. 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), et sur l’al. 30a) de la Loi, et il a demandé un désistement au droit à l’usage exclusif du mot ÉCRÉMÉ en dehors de la Marque en vertu de l’al. 12(1)b) et de l’art. 35 de la Loi. L’examinateur était d’avis que le mot ÉCRÉMÉ décrivait clairement les Marchandises de la Requérante, nommément qu’elles sont composées ou faites de lait écrémé.

[5]               Le 27 septembre 2004, la Requérante a produit une demande modifiée pour surmonter quelques-unes de ces objections. Elle a produit une autre demande modifiée le 23 octobre 2006 pour supprimer certaines des marchandises énumérées dans la demande initiale.

[6]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 février 2007. Agropur Cooperative (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition le 20 juillet 2007. Le 14 décembre 2007, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie toutes les allégations énoncées dans la déclaration d’opposition. La Requérante a modifié à nouveau sa demande le 4 décembre 2008.

[7]               L’Opposante a produit à titre de preuve des copies certifiées des enregistrements LMC536005 pour la marque FARMERS SKIM PLUS & Dessin et LMC394053 pour la marque BECKER’S SKIM PLUS, ainsi que l’affidavit de Lynda Maureen Palmer et deux affidavits de Zeina Waked alors que la Requérante a produit les affidavits d’Enrico Bondi et David Takagawa.

[8]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et aucune audience n’a été demandée.

Les motifs d’opposition

[9]               L’Opposante soulève les motifs d’opposition suivants :

1)      La demande contrevient aux dispositions de l’art. 30 de la Loi et aux dispositions de l’alinéa 31e) du Règlement sur les marques de commerce parce que les marchandises « margarine » et « sorbet » ne pouvaient pas être revendiquées puisqu’elles ne figuraient pas dans le libellé original de la demande;

2)      La Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque comme marque de commerce à la date de dépôt de la demande en liaison avec toutes les Marchandises et tous les Services;

3)      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’art. 30 de la Loi parce que la Requérante, elle-même ou par l’entremise d’un licencié, n’a pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec toutes les Marchandises et tous les Services;

4)      La Marque n’est pas enregistrable puisque, qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des Marchandises ou Services à l’égard desquels on projette de l’employer;

5)      La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’al. 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées BECKER’S SKIM PLUS & Dessin, certificat d’enregistrement LMC394053 couvrant le lait écrémé additionné d’extrait sec de lait, et FARMERS SKIM PLUS & Dessin, certificat d’enregistrement LMC536005 couvrant le lait;

6)      La Marque ne distingue pas les Marchandises et les Services de la Requérante et elle n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises et les Services de la Requérante des marchandises d’une tierce partie parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse ou trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des Marchandises ou des Services et aussi parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées BECKER’S SKIM PLUS & Dessin et FARMERS SKIM PLUS & Dessin.

 

Le fardeau de la preuve dans la procédure d’opposition à une marque de commerce

[10]           Il incombe à la Requérante d’établir que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Un fardeau initial de preuve pèse toutefois sur l’Opposante, qui doit présenter une preuve recevable suffisante permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

La preuve de l’Opposante

[11]           Tel qu’il est mentionné précédemment, l’Opposante a produit des copies certifiées des enregistrements LMC536005 pour la marque FARMERS SKIM PLUS & Dessin et LMC394053 pour la marque BECKER’S SKIM PLUS. L’affidavit de Mme Palmer, recherchiste en marques de commerce, sert à mettre en preuve une copie du dossier de la présente demande. Un des affidavits de Mme Waked (daté du 7 juillet 2008) contient les résultats des recherches sur Internet à l’aide du moteur de recherche Google pour le mot « margarine ». Elle a aussi produit des extraits du site Web de Radio-Canada portant sur les résultats d’une enquête sur la « margarine ».  Comme la Requérante a supprimé la « margarine » de la liste de marchandises, le contenu de cet affidavit n’est plus pertinent à l’égard des autres questions soulevées dans la déclaration d’opposition. Enfin, le contenu du deuxième affidavit de Mme Waked (daté du 11 juin 2008) sera décrit plus précisément dans le cadre de l’examen du motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)b) de la Loi.

La preuve de la Requérante

[12]           M. Takagawa est un avocat au sein du cabinet de l’agent de la Requérante. Le 18 février 2009, il a effectué une recherche et a trouvé dans la base de données de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada 11 extraits du registre qui seront décrits plus précisément dans le cadre de l’examen du motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)b) de la Loi.

[13]           M. Bondi est le directeur général de la Requérante. Selon lui, Parmalat Canada Inc. est une filiale de la Requérante qui est autorisée à employer les marques de commerce de la Requérante au Canada. Il a fourni certains renseignements sur l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec le lait. Il a produit des échantillons d’emballages de lait portant la Marque, laquelle apparaît comme marque de commerce secondaire aux marques principales de la Requérante, nommément BEATRICE et PARMALAT. Il affirme que la Marque et la marque SKIMPLUS apparaissent de part et d’autre du carton de lait pour satisfaire les exigences relatives à l’étiquetage du Canada.

[14]           Il a fourni une liste des chaînes de magasins d’alimentation au Canada qui vendent les produits BEATRICE, et plus particulièrement, le lait portant la Marque. Il soutient que l’Opposante vend du lait portant la Marque au Canada depuis 2003 et présente les chiffres d’affaires annuels pour la période entre 2003 et 2008 (novembre). Il a produit du matériel publicitaire utilisé au Canada depuis 2003 pour commercialiser le lait portant la Marque. La plupart des documents produits en anglais font mention de la marque SKIM PLUS, mais M. Bondi prétend que des documents semblables ont été distribués en français dans la province de Québec où il est fait mention de la Marque en liaison avec le lait.  

[15]           Il prétend que la Requérante avait et a toujours l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et les services énumérés dans la demande.

[16]           Je ne tiendrai pas compte du contenu du dernier paragraphe de son affidavit puisqu’il s’agit d’une opinion sur la probabilité de confusion entre la Marque et les marques déposées citées par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition. Voilà l’une des questions que le registraire devra trancher en fonction de la preuve factuelle au dossier.

[17]           Je vais maintenant examiner les motifs d’opposition décrits ci-dessus, pas nécessairement dans l’ordre dans lequel ils ont été soulevés.

Le premier motif d’opposition

[18]           Ce motif d’opposition est sans objet compte tenu de l’une des modifications apportées à la demande où les marchandises « margarine » et « sorbet » ont été supprimées de la liste.

 

 

Le deuxième motif d’opposition

[19]           Dans son plaidoyer, l’Opposante a indiqué qu’elle abandonnait ce motif d’opposition.

Le troisième motif d’opposition

[20]           Dans Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), le registraire a affirmé que lorsque ce motif d’opposition est soulevé, le fardeau de la preuve qui incombe à l’Opposante est plus léger que le fardeau habituel en vertu des autres motifs d’opposition puisque la preuve consiste principalement en la connaissance de la Requérante. L’Opposante peut obtenir gain de cause au titre de ce motif d’opposition si la preuve de la Requérante est manifestement incompatible avec les affirmations qui figurent dans la demande [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)].

[21]           En l’espèce, la demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada. Par conséquent, la Requérante n’est pas tenue d’employer la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services jusqu’à ce que la demande soit admise par le registraire. L’emploi de la Marque au Canada en liaison avec le lait a été démontré. Cela ne signifie pas, comme le prétend l’Opposante dans son plaidoyer, que la Requérante n’a pas l’intention d’employer la Marque en liaison avec les autres Marchandises et Services. Quoi qu’il en soit, cet emploi est postérieur à la date pertinente, à savoir la date de dépôt de la demande [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469].

[22]           En outre, M. Bondi a réitéré dans son affidavit que la Requérante a l’intention d’employer la Marque en liaison avec toutes les Marchandises et tous les Services. Il n’y a aucune contradiction entre la preuve de la Requérante et la déclaration faite par la Requérante dans sa demande en vertu de l’al. 30e) de la Loi. L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve dans le but de contredire cette déclaration.

[23]           Par conséquent, je rejette le troisième motif d’opposition.

Le cinquième motif d’opposition

[24]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d) de la Loi en déposant les copies certifiées des enregistrements LMC536005 pour la marque FARMERS SKIM PLUS & Dessin et LMC394053 pour la marque BECKER’S SKIM PLUS. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et vérifié le registre. Je confirme que ces enregistrements existent toujours. Je dois donc décider, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec ces marques déposées.

[25]           Le test qu’il convient d’appliquer pour trancher cette question est prévu au par. 6(2) de la Loi, où il est précisé que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués et exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En faisant cette évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au par. 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation, le son ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[26]           Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire de donner à chacun de ces facteurs le même poids [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)]. Je m’appuie aussi sur les arrêts de la Cour suprême du Canada, dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, où le juge Binnie a commenté l’appréciation des critères énumérés au par. 6(5) de la Loi pour déterminer la probabilité de confusion entre deux marques de commerce.

[27]           Il n’est pas nécessaire, à ce stade, de déterminer si la Marque est descriptive. Je vais le faire au moment d’évaluer le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d) de la Loi.  Il suffit de dire qu’elle est à tout le moins hautement suggestive; elle est donc très faible. Mme Waked est une technicienne juridique travaillant pour le cabinet de l’agent de l’Opposante. Une partie de son deuxième affidavit est constituée d’extraits de divers dictionnaires : français, anglais, français-anglais et anglais-français. Ces extraits me permettent de conclure que le mot français « écrémé » se traduit par « skim » en anglais. Le terme « plus » est un mot courant autant en français qu’en anglais.

[28]           Les deux marques de commerce citées par l’Opposante possèdent un caractère distinctif inhérent plus marqué que la Marque. L’ajout de l’élément distinctif FARMER’S dans un cas et BECKERS dans l’autre rend les marques de commerce déposées plus distinctives. Aucun élément de preuve ne tend à établir l’emploi de l’une ou l’autre de ces marques déposées par des tiers alors que la Requérante a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec le lait depuis 2003. Bien que les certificats d’enregistrement fassent référence à une déclaration d’emploi produite par l’inscrivante, je peux seulement déduire de cette déclaration un emploi de minimis de ces marques [voir Entre Computer Centers Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)]. Je n’accorderai pas beaucoup de poids à cet emploi. Il y a incontestablement un chevauchement entre certaines des marchandises puisque les enregistrements couvrent soit du lait ou du lait écrémé. Je dois présumer que les voies de commercialisation des parties seraient similaires au moins pour ces marchandises.

[29]           Enfin, le degré de ressemblance entre les deux marques de commerce est l’un des critères les plus importants pour l’appréciation de la probabilité de confusion entre les marques [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145].

[30]           Pour évaluer le risque de confusion entre deux marques de commerce, il faut non seulement tenir compte du consommateur francophone ou anglophone unilingue moyen, mais aussi du consommateur bilingue moyen [voir Pierre Fabre Médicament c. SmithKline Beecham Corp (2001) 11 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.)]. Par conséquent, il ne fait aucun doute qu’un consommateur bilingue saura que « Écrémé Plus » est la traduction française de « Skim Plus ». Je n’accorde pas beaucoup de poids à l’argument de la Requérante selon lequel la partie nominale de la Marque est un mot inventé, étant la juxtaposition des mots ÉCRÉMÉ et PLUS. La Cour fédérale s’est penchée sur ce point de vue dans Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. c. Tune Masters Inc. (1984), 82 C.P.R. (2d) 128.

[31]           Les marques de commerce en question doivent être examinées dans leur ensemble. Les marques citées par l’Opposante comportent un élément distinctif additionnel : BECKER’S pour l’enregistrement LMC394053 et FARMERS pour l’enregistrement LMC536005.

[32]           Dans le contexte de l’affaire, les différences dans le son et la présentation entre la Marque et les marques citées par l’Opposante permettent de les distinguer.

[33]           Je conclus donc, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec les marques déposées citées par l’Opposante. Le cinquième motif d’opposition est donc rejeté.

Le quatrième motif d’opposition

[34]           Le test applicable en vertu de l’al. 12(1)b) a été énoncé ainsi dans l’arrêt Thomas J. Lipton Ltd. c. Salada Foods Ltd (no.3) (1979), 45 C.P.R. (2d) 157 :

« Connotation » s’entend d’une implication ou d’une suggestion. Même une « suggestion ou implication spécifique » ou une « implication ou suggestion claire » qu’une marque de commerce donne soit une description claire soit une description fausse et trompeuse ne suffit pas pour la rendre non enregistrable en vertu de l’article 12(1)b). Ces dispositions n’admettent pas une simple implication ou suggestion. Le Parlement a utilisé les termes « claire » et « fausse et trompeuse » après le terme «  description », et le registraire n’a aucunement constaté que le terme qui nous intéresse constituait soit une description claire soit une description fausse et trompeuse. Quant à savoir si une simple description suggestive suffit, on peut se référer au jugement rendu par l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada dans l’affaire Kellogg Co. of Canada Ltd. c. Le registraire des marques de commerce, [1939] 3 D.L.R. 65, [1940] R.C.É. 163, aux pages 170 et 171.

S’agissant de description, les mots claire et fausse et trompeuse sont des éléments essentiels.  

[35]           L’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’al. 12(1)b) de la Loi doit être examinée à la date de production de la demande (le 15 mai 2003) [voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263, Zorti Investments Inc. c. Party City Corporation (2004), 36 C.P.R. (4th) 90; Havana Club Holdings S.A. c. Bacardi & Company Limited, (2004) 35 C.P.R. (4th) 541].

[36]           Comme j’en ai déjà fait mention, Mme Waked a produit divers extraits tirés de dictionnaires afin de donner la signification des mots « skim », « plus » et « écrémé ». Je déduis de ces extraits que le verbe français « écrémer » signifie « dépouiller (le lait) de la crème, de la matière grasse » [voir Le Petit Robert, pièce ZW-2 de l’affidavit de Mme Waked]. Dans cet extrait, nous trouvons l’exemple du « lait écrémé ». Dans ce même dictionnaire, le mot « plus » est défini comme étant un « mot servant de comparatif à beaucoup et entrant dans la formation des comparatifs de supériorité et dans celle du superlatif relatif à la supériorité ».

[37]           Mme Waked a effectué certaines recherches sur Internet avec le moteur de recherche Google pour dénombrer le nombre d’occurrences où le mot « écrémé » est utilisé avec d’autres termes comme « produits laitiers », « lait », « crème », « beurre », « margarine » et « yogourt ». Le nombre d’occurrences pour chacun de ces termes varie entre 1 220 et 243 000.

[38]           Mme Waked a aussi produit des extraits du Règlement sur les aliments et drogues portant sur les produits laitiers où le mot « écrémé » est mentionné à plusieurs reprises.  Cet élément de preuve démontre que le mot « écrémé » dans le contexte des produits laitiers est réglementé et même obligatoire si les produits satisfont à certains critères.

[39]           L’ajout du mot descriptif « plus » au mot « écrémé » donne une description claire de la qualité et de la nature des Marchandises, à savoir que les produits laitiers visés par la demande ont subi un processus supérieur d’élimination de la crème et des matières grasses. Par conséquent, pour un consommateur francophone moyen, la partie nominale de la Marque donnerait une description claire de la nature ou de la qualité des produits laitiers, à savoir que la crème a été complètement enlevée. Si ce n’était pas le cas pour une partie ou la totalité des Marchandises, la Marque donnerait alors une description fausse et trompeuse.

[40]           La Requérante prétend que la Marque doit être examinée dans son ensemble, ce avec quoi je suis d’accord, et précise que je dois tenir compte de l’élément graphique de la Marque. Cet élément est simplement l’emploi d’un style calligraphique particulier, mais il ne s’agit pas d’un élément dominant de la Marque. Le consommateur francophone ou bilingue canadien moyen se souviendra de la partie nominale donnant une description claire de la Marque. Je ne vois pas comment le style calligraphique utilisé peut être si particulier que le consommateur désignerait la Marque par ce style [voir Canadian Jewellers Assn. c. Worldwide Diamond Trademarks Limited (2010), 82 C.P.R. (4th) 435 (C.F. 1re inst.)]. Le consommateur parlerait de la Marque en utilisant la partie nominale descriptive. Si j’admettais l’enregistrement de la Marque, l’industrie laitière ne pourrait pas utiliser ces mots, lesquels donnent une description claire de la nature ou de la qualité des produits laitiers.

[41]           La Requérante soutient que si je rejetais l’enregistrement de la Marque, il en résulterait des irrégularités dans le registre. À l’appui de cet argument, la Requérante a produit en preuve par la voie de l’affidavit de David Takagawa des extraits du registre. Ces extraits consistent en des marques de commerce déposées qui combinent un mot descriptif de la nature et de la qualité des marchandises ou des services visés par l’enregistrement et le mot « plus ». Cet argument a aussi été soulevé dans Canadian Jewellers Assn., précité, mais la Cour a conclu qu’une marque de commerce, qui donne une description claire des produits visés par la demande de marque de commerce, ne peut pas être enregistrée malgré l’existence de décisions permettant l’enregistrement de marques de commerce clairement descriptives.

[42]           La demande couvre des services. Les parties n’ont pas du tout abordé la question de la nature descriptive de la Marque lorsqu’elle est employée en liaison avec les Services. Il ressort clairement de la description des Services qu’ils consisteraient en des activités promotionnelles et publicitaires visant à encourager la vente des Marchandises de la Requérante. La Marque donne-t-elle une description claire de ces services? En l’absence d’arguments convaincants à cet égard, je ne vois pas comment la Marque donnerait une description claire de ces activités. Le fait qu’elle donne une description claire des Marchandises ne signifie pas nécessairement qu’elle décrit clairement les services de promotion des Marchandises.

[43]           Pour toutes ces raisons, je maintiens le quatrième motif d’opposition en partie en ce qui concerne les Marchandises, mais je le rejette en ce qui concerne les Services.

Le dernier motif d’opposition

[44]           Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif repose sur deux allégations : la Marque ne peut pas être distinctive puisqu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des Marchandises et des Services; et la Marque crée de la confusion avec les marques déposées citées par l’Opposante.

[45]           Pour ce qui est du dernier argument, le fait que la date pertinente pour examiner ce motif d’opposition (la date de production de la déclaration d’opposition : voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)) est différente de celle pertinente pour apprécier l’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’al. 12(1)d) de la Loi n’a aucune incidence sur mon analyse des critères énumérés au par. 6(5) de la Loi. J’en viendrais à la même conclusion, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et les marques déposées citées.

[46]           En ce qui concerne l’argument fondé sur le caractère descriptif de la Marque, là encore la différence quant aux dates pertinentes dans l’examen de ce motif d’opposition par opposition au motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’al. 12(1)b) n’est pas un facteur déterminant. Quoi qu’il en soit, il a été établi que si une marque de commerce donne une description claire des marchandises et services, elle ne peut servir à distinguer ces marchandises et services de ceux offerts par d’autres propriétaires [voir Conseil canadien des ingénieurs c. APA - The Engineered Wood Assn. (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.)].

[47]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est retenu en ce qui concerne les Marchandises, mais rejeté en ce qui concerne les Services pour les raisons que j’ai exposées en détail lorsqu’il a été question du quatrième motif d’opposition.

Décision

[48]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du par. 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en ce qui a trait aux marchandises suivantes :

produits laitiers, nommément, lait, crème, lait en poudre, beurre, yogourt, fromage, crème sure, crème glacée, yogourt surgelé, lait glacé et lait de poule;

et je rejette l’opposition en ce qui concerne les services suivants :

publicité et promotion de produits laitiers, nommément distribution de bons de réduction et de brochures éducatives concernant la nutrition, fourniture de produits alimentaires pour échantillonnage, tenue de concours;

le tout, conformément au par. 38(8) de la Loi [voir Produits Menagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.) à titre d’autorité au soutien d’une décision partagée].

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

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