Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS
Référence : 2010 COMC 89
Date de la décision : 2010-06-23
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Laura Ashley Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1 250 557 pour la marque de commerce ASHLEY FURNITURE HOMESTORE au nom de Ashley Furniture Industries, Inc.
[1] Le 14 mars 2005, Ashley Furniture Industries, Inc. [la Requérante] a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce ASHLEY FURNITURE HOMESTORE [la Marque], fondée sur l’emploi au Canada depuis aussi loin qu’août 1999, en liaison avec des « services de magasin de détail dans le domaine des meubles » [les Services]. La Requérante s’est également fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque aux États-Unis d’Amérique conformément à l’article 16 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 [la Loi].
[2] La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 décembre 2005.
[3] Le 23 mai 2006, Laura Ashley Limited [l’Opposante] a produit une déclaration d’opposition. À l’audience, l’Opposante a retiré tous les motifs d’opposition sauf un, lequel est résumé comme suit :
a) La Marque n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, car elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante [les Marques de l’Opposante] (i) LAURA ASHLEY, no d’enregistrement LMC 230 149, en liaison avec des « pièces de textile surtout de coton pour confectionner des pièces d’ameublement et des vêtements; robes, sarraux [sic], pantalons, blouses, chemisiers, jupes, tabliers (d’ornementation), vêtements de nuit, capes, vestes, manteaux et chapeaux, pour femmes et fillettes ainsi que chemises pour hommes », (ii) LAURA ASHLEY & Dessin, no d’enregistrement LMC 451 829 (reproduite ci-dessous) et (iii) LAURA ASHLEY, no d’enregistrement LMC 451 828. Les enregistrements nos LMC 451 829 et LMC 451 828 visent les marchandises énumérées ci-dessous :
No d’enregistrement LMC 451 829
[traduction]
MARCHANDISES : Adhésifs pour revêtements muraux; peintures; savons; parfums, nommément parfums en bouteille et en vaporisateur; sachets parfumés; revêtements parfumés pour tiroirs; shampooings; sels de bain; huiles de bain; poudre de talc; pommes de senteur; pot-pourri; bougies; porte-bougies; anneaux porte-clés; lunettes de soleil et étuis connexes; montures et lentilles de lunettes; lunettes et étuis connexes; lampes électriques; abat-jour et socles de lampe; abat-jour pour bougie; appareils d’éclairage; bijoux; écrins à bijoux; horloges; articles de papeterie, nommément papier à lettres, enveloppes, cartes-lettres, cartes de correspondance; albums de photos; boîtes et supports pour instruments d’écriture; calendriers; fiches de recette; agendas; carnets d’adresse; calepins; buvards; revêtements en papier pour tiroirs; pochettes; cartes de vœux; étiquettes pour cadeaux; sacs en papier; range-tout de bureau et papeterie connexe; blocs de papier à lettres; supports pour instruments d’écriture; stencils et étuis pour stencils; papier d’emballage; livres portant sur le design, le mobilier et la décoration intérieure; catalogues portant sur la mode, le design, le mobilier et la décoration intérieure; crayons; stylos; chemises; reproductions d’œuvres d’art; dessous de plat et dessous de verre; sacs de voyages; parapluies; sacs à main; boîtes à chapeaux; fourre-tout; sacs à cosmétiques et filets de lavage; sacs-alaises pour bébés; portefeuilles; bourses; étuis de cartes de crédit et de cartes d’appel; sacs d’écolier; mobilier pour cuisine, chambre à coucher et salon, nommément chaises, rideaux, carpettes, fauteuils, canapés, divans, canapés-lits, miroirs, lits et châlits, têtes de lit, boîtes de rangement pour couvertures, chaises longues et tabourets; encadrements; cadres pour photos; vaisselle et ornements de porcelaine; vases; jardinières; boîtes à ordures; lambrequins; embrasses; barres et tringles à rideaux; crochets et anneaux de rideau; lits; literie; coussins; housses de coussin; traversins; cintres; patères à rideaux; paniers à usage domestique; paniers et boîtes à linge; moïses; récipients à boire; bocaux pour aliments; bols; beurriers; cloches à fromage; chandeliers; porte-savons et distributeurs de savon; vaisselle, nommément verres, pichets, marmites et casseroles, couverts, bols, serviettes de table, assiettes et vases à bec; services à thé, nommément théières, tasses, soucoupes, sucriers et pots à lait; sacs en tissu; tissus de fibres naturelles et synthétiques vendus à la pièce et en vrac; matières plastiques substituts de tissus; couvre-lits en tissu; nappes en tissu; linge de toilette; vêtements de nuit, nommément pyjamas et robes de nuit; literie; couvertures; couvre-lits; taies d’oreiller; housses de couettes et d’édredons; stores en tissu; édredons plats; courtepointes; serviettes de toilette en tissu; mouchoirs en tissu; serviettes en tissu; dessous de plat en tissu; linge de table; couvertures de voyage, nommément couvertures; butoirs pour lits d’enfant; nécessaires de couture et ensembles de modèles; paniers à couture; vêtements, nommément robes, tabliers, jumpers, blouses, jupes, pantalons habillés, shorts, bleus de travail, vestes, gilets, jupons, robes de nuit, manteaux, costumes, manteaux de pluie, cardigans, chandails, gilets, chaussettes, sous-vêtements et tee-shirts; coiffures, nommément chapeaux et bonnets de douche; parures de cou, nommément jabots, cravates et cache-col; tabliers; chaussures, nommément souliers, bottes, sandales et pantoufles; culottes pour bébés; vêtements pour bébés; bavoirs en tissus; maillots de bain; gants; écharpes, châles; layettes; ceintures; ornements de coiffure; rubans et boucles en dentelle; carpettes; papier peint; papier peint pour plafond; bordures en papier pour murs et plafonds; carreaux muraux; jouets rembourrés; poupées; jouets en bois; jouets en matière souple; poupées de chiffon; mobiles; boîtes à musique; diablotins; garnitures pour arbres de Noël; cotillons; couronnes; guirlandes de fleurs.
[4] La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.
[5] Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit des copies certifiées de ses enregistrements canadiens susmentionnés.
[6] Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Paulette Rippley, souscrit le 21 décembre 2007, l’affidavit de Robert White, souscrit le 20 décembre 2007, ainsi que des copies certifiées de ses enregistrements :
(i) enregistrement canadien portant le no LMC 380 917 pour la marque de commerce ASHLEY, enregistrée en liaison avec : (1) « meubles, nommément meubles de salle à manger, meubles de chambre à coucher, tables, étagères, bibliothèques et armoires », et (2) [traduction] « meubles rembourrés, nommément canapés, chaises et ottomanes »;
(ii) enregistrement canadien portant le no LMC 602 125 pour la marque de commerce ASHLEY FURNITURE HOMESTORE & Dessin (reproduite ci-dessous), enregistrée en liaison avec des « services de magasin de détail dans le domaine des meubles ».
LMC 602 125
[7] Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit; une audience a été tenue, à laquelle les deux parties étaient représentées.
Preuve de la Requérante : Paulette W. Rippley
[8] Mme Rippley est la secrétaire adjointe de la Requérante et occupe ce poste depuis plus de vingt ans. Aux paragraphes 1, 3 et 4, elle décrit l’entreprise de la Requérante, notamment les 18 magasins de détail exploités sous la Marque dans sept provinces du Canada.
[9] Mme Rippley soutient qu’il existe actuellement 353 magasins de détail en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis, à Porto Rico, au Canada, au Mexique et au Japon. Elle affirme qu’ASHLEY FURNITURE HOMESTORE est devenue le plus gros détaillant d’articles d’ameublement des États-Unis.
[10] Au Canada, Ashley Homestores, Ltd. (« AHL ») est autorisée par licence à employer la Marque, ainsi que les autres enregistrements de la Requérante visant les marques ASHLEY et ASHLEY FURNITURE HOMESTORE & Dessin, tel qu’indiqué ci-dessus. Aux paragraphes 6, 7 et 8, Mme Rippley affirme que la licence octroyée par l’Opposante à AHL stipule que les services fournis doivent respecter certaines normes, et qu’AHL est tenue de collaborer et d’aider la Requérante à exercer un contrôle sur la nature et la qualité de l’emploi des marques de commerce sous licence par les exploitants des magasins de détail ASHLEY FURNITURE HOMESTORE.
[11] Mme Rippley affirme également, aux paragraphes 10 et 11, que, au Canada, tous les magasins de détail sont détenus et exploités de façon indépendante. AHL a conclu une convention d’utilisation de la marque de commerce (« CUMC ») distincte avec chaque exploitant, dans laquelle elle octroie à l’exploitant une sous-licence lui permettant d’employer diverses marques de commerce de la Requérante, y compris la Marque visée, dans sa région respective du Canada. La sous-licence octroyée par AHL prévoit que les sous-licenciés peuvent uniquement employer les marques sous licence en liaison avec l’exploitation d’un commerce de détail de meubles qui respecte les politiques et les normes autorisées ou stipulées par AHL, que les sous-licenciés sont tenus de respecter les normes relatives à l’utilisation des marques de commerce et toute autre exigence définie dans la CUMC, et qu’AHL a un droit d’inspection. Mme Rippley a fourni une CUMC type comme pièce B.
[12] Étant donné la preuve du contrôle exercé à l’égard des caractéristiques et de la qualité des services, j’estime que l’emploi par la licenciée et les sous-licenciés doit être réputé constituer un emploi par la Requérante, conformément aux dispositions relatives aux licences de l’article 50 de la Loi.
[13] Au paragraphe 12, Mme Rippley fournit les chiffres d’affaires bruts concernant la vente de biens par la Requérante aux exploitants de magasins au détail partout au Canada, pour les années 2004 à 2007. Elle affirme que ces chiffres représentent les recettes tirées de la vente en gros et que la valeur subséquente des ventes au détail serait beaucoup plus élevée. Je constate que les recettes annuelles tirées de la vente en gros sont passées de 5 000 000 $ en 2004 à plus de 25 000 000$ en 2007. Je souscris au raisonnement selon lequel ces chiffres d’affaires représentent les ventes de marchandises dans le domaine des meubles à des magasins de détail, lesquelles sont ensuite vendues dans le cadre de la prestation de services de magasin de détail dans le domaine des meubles.
[14] Mme Rippley dit que, au Canada, les services sont offerts en liaison avec la Marque dans des publicités imprimées. Aux paragraphes 13 et 14, elle affirme que ces annonces paraissent dans les journaux locaux de la région de chaque magasin de détail, et que la Marque figure bien en vue dans chacune des annonces.
[15] La pièce C comporte une liste de dates et de journaux dans lesquels la Requérante a annoncé ses services. Les annonces ont paru dans le Ottawa Sun, le Kelowna Daily Courier, le Vancouver Province, le Vancouver Sun et le Weekend Sun, le Kamloops Daily News, le Winnipeg Free Press, le Times Free Press, le Winnipeg Sun, le Calgary Herald, le Calgary Sun, le Regina Leader-Post, le Edmonton Journal, le Halifax Chronicle Herald et le Sunday Herald, ainsi que le Halifax Daily News.
[16] Les annonces ont été publiées d’octobre 2003 (une annonce à Kelowna (Colombie-Britannique)) à septembre 2007 (plusieurs villes du Canada); la grande majorité des annonces semble avoir été publiée en 2005, 2006 et 2007. Les pièces D à N constituent des échantillons représentatifs de ces annonces. Je constate que les annonces ont été publiées dans des villes de partout au Canada, en moyenne au moins une fois par mois dans chaque ville, et souvent deux fois ou plus. La Marque figure bien en vue dans chacune de ces annonces.
[17] Je tiens à souligner que la marque de commerce, telle qu’elle figure dans les annonces, comporte les éléments graphiques de l’enregistrement no LMC 602 125 et est telle que reproduite ci-dessus. Mme Rippley joint également des copies de photos de magasins de détail ASHLEY FURNITURE HOMESTORE, qui affichent la Marque sur leur enseigne (pièces O et P). Je constate que la marque de commerce, telle qu’elle figure sur les photos, comporte un élément graphique, à savoir un dessin de toit triangulaire stylisé (peut-être un « A » stylisé), inséré à gauche de la marque de commerce.
[18] Toutefois, comme l’enregistrement d’une marque verbale n’empêche pas un propriétaire d’employer la marque avec des éléments graphiques, je reconnais que la preuve produite constitue une preuve fiable d’emploi de la Marque visée.
Preuve de la Requérante : Robert W. White
[19] Robert White est vice-président directeur pour le Canada de l’Audit Bureau of Circulations. Son affidavit étaye les renseignements contenus dans l’affidavit de Mme Rippley concernant les publicités imprimées en fournissant des copies de rapports d’audit montrant les statistiques relatives au tirage actuel de chaque journal. Ces rapports comportent une ventilation détaillée du nombre de journaux en fonction du genre de diffusion, notamment la livraison à domicile et la vente par des tiers. Il est clair que chacun des journaux mentionnés à la pièce C, jointe en annexe à l’affidavit de Mme Rippley, a eu un tirage important dans sa région respective. En moyenne, il semblerait que le principal journal de chaque ville a un tirage d’environ 100 000 exemplaires sur semaine et un tirage d’environ 200 000 exemplaires la fin de semaine. Comme on pouvait s’y attendre, dans les plus petites localités comme Halifax, le tirage par journal est plus faible.
Fardeau de preuve
[20] Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298].
Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)
[21] La date pertinente pour évaluer la probabilité de confusion entre la Marque et les Marques de l’Opposante suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)] [Park Avenue].
[22] J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire pour confirmer que les enregistrements visant les Marques de l’Opposante sont en règle en date d’aujourd’hui. Puisque l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement à ce motif d’opposition, il incombe à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les Marques de l’Opposante.
[23] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.
[24] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.
[25] L’appréciation des facteurs varie en fonction des faits propres à chaque affaire; le poids qu’il convient d’accorder à ces facteurs n’est pas forcément le même; la liste des facteurs énoncés n’est pas exhaustive quant aux questions qui pourraient entrer en ligne de compte. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), aux p. 263-264; Veuve Cliquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), au par. 27.]
Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[26] Les deux marques en cause ont en commun le mot « ASHLEY ». Dans les Marques de l’Opposante, le mot ASHLEY est manifestement un patronyme; dans la Marque de la Requérante, il pourrait être considéré comme un prénom ou un patronyme. L’Opposante voudrait que je conclue que ASHLEY est un patronyme rare et donc distinctif; cependant, en l’absence de preuve à cet égard, je ne suis pas en mesure de déterminer s’il s’agit d’un patronyme répandu ou rare. J’estime cependant que, comme il s’agit d’un nom, plutôt que d’un mot inventé, l’élément nominal des marques en cause ne présente pas un caractère distinctif inhérent très prononcé. Par ailleurs, la Marque comporte un élément très suggestif, voire descriptif, à savoir FURNITURE HOMESTORE. À mon avis, aucune des marques ne présente un caractère distinctif inhérent très marqué.
[27] Étant donné qu’une marque de commerce peut acquérir une force accrue si elle devient connue au Canada par la promotion ou par l’usage, j’examinerai maintenant la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.
[28] L’Opposante n’a fourni aucune preuve d’emploi de ses Marques; je ne peux donc pas évaluer la mesure dans laquelle elle est devenue connue des consommateurs. Tout au plus, je ne peux conclure qu’à un emploi de minimis des Marques de l’Opposante [voir Entre Computer Centers Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427], ce qui est insuffisant pour conclure que les marques LAURA ASHLEY ont acquis un caractère distinctif quelconque.
[29] Par contre, la Requérante a présenté des éléments de preuve montrant des chiffres d’affaires importants et une vaste publicité au Canada (tel qu’indiqué ci-dessus), et je suis donc en mesure de conclure que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada. En conséquence, je suis disposée à conclure que la Marque de la Requérante a acquis un certain caractère distinctif. Par conséquent, ce facteur joue en faveur de la Requérante.
Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque a été en usage
[30] La demande d’enregistrement de la Marque, présentée le 14 mars 2005, est fondée à la fois sur l’emploi de la Marque au Canada depuis août 1999 et son enregistrement aux États-Unis d’Amérique.
[31] Comme je l’ai déjà mentionné, l’Opposante n’a produit aucune preuve qui porte sur l’emploi de ses Marques.
[32] Par contre, la Requérante prétend que le premier magasin de détail canadien ASHLEY FURNITURE HOMESTORE a ouvert ses portes en mars 1999. Mme Rippley fournit des chiffres d’affaires annuels substantiels pour les années 2004 à 2007, ainsi que la preuve de publicités fréquentes au Canada au cours des dernières années. Par conséquent, ce facteur favorise la Requérante.
Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises et la nature du commerce
[33] En ce qui concerne le genre de marchandises, je constate que deux des Marques de l’Opposante visent des marchandises qui peuvent être considérées comme des meubles et des articles de décoration intérieure, ainsi que comme du linge de toilette et de la literie.
[34] La Requérante a produit une demande d’enregistrement pour la Marque visée en liaison avec des services de magasin de détail dans le domaine des meubles et a fourni des éléments de preuve au sujet de la nature de son commerce. Plus précisément, Mme Rippley affirme que la Requérante octroie des licences pour ses Marques à AHL, laquelle octroie des sous-licences à des détaillants indépendants du Canada qui exploitent des magasins de détail de meubles sous la Marque.
[35] L’Opposante n’a produit aucune preuve au sujet de la nature de son commerce; toutefois, j’estime néanmoins raisonnable de conclure que les voies de commercialisation pourraient se chevaucher, étant donné que l’examen des listes de marchandises de l’Opposante révèle que certaines pourraient être vendues par des magasins de détail dans le domaine des meubles. En conséquence, j’estime qu’il existe un certain chevauchement dans le commerce.
Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent
[36] Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, est le facteur prédominant dans l’ensemble des circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, confirmée par 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)].
[37] Même s'il faut examiner les marques en cause comme un tout (et non les disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public. À cet égard, selon un principe bien établi, la première partie d’une marque de commerce est l’élément le plus pertinent au regard du caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), à la p. 188].
[38] En l’espèce, la première partie des marques en cause n’est pas identique. Le premier élément des Marques de l’Opposante est le mot LAURA et celui de la Marque visée est le mot ASHLEY; cependant, lorsque j’examine les marques comme un tout, je conclus qu’il existe une certaine similitude dans la présentation et le son en raison de l’inclusion de l’élément commun ASHLEY dans les deux marques.
[39] Malgré cette similitude, je ne crois pas que l’élément commun joue un rôle déterminant dans la perception du public à l’égard des marques en cause, étant donné que les idées que suggèrent les marques dans leur globalité sont manifestement différentes. La Marque de la Requérante évoque un magasin vendant des articles d’ameublement d’intérieur et appartenant à un propriétaire dénommé Ashley; en revanche, les Marques de l’Opposante évoquent une femme designer appelée « Laura Ashley ».
[40] L’Opposante voudrait que je reconnaisse que le public est au courant que les designers qui se lancent dans le commerce de détail laissent souvent tomber leur prénom et utilisent uniquement leur patronyme pour leur magasin; cependant, en l’absence de preuve à cet égard, je ne suis pas en mesure de constater l’existence d’une telle « pratique ».
[41] Par conséquent, je conclus que, tout bien considéré, ce facteur joue en faveur de la Requérante.
Les autres circonstances
[42] Comme autre circonstance de l’espèce, la Requérante a allégué qu’il y a lieu de tirer une inférence négative au sujet de la probabilité de confusion, étant donné qu’elle détient depuis longtemps un enregistrement pour les marques ASHLEY ainsi qu’ASHLEY FURNITURE HOMESTORE & Dessin (tel qu’indiqué ci-dessus). Cet argument n’est pas pertinent en l’espèce pour deux raisons. Tout d’abord, l’emploi par l’Opposante n’a pas été établi et je ne suis donc pas en mesure de déterminer qu’il y a eu un emploi simultané largement répandu, ce pourquoi l’absence de preuve de confusion réelle donnerait lieu à une inférence négative au sujet de la probabilité de confusion. [Voir Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.).]. De plus, j’aimerais souligner que la propriété des enregistrements des marques de commerce ASHLEY ainsi qu’ASHLEY FURNITURE HOMESTORE & Dessin ne confère pas d’emblée à la Requérante le droit d’enregistrer la Marque, peu importe l’étroitesse des liens entre les marques de commerce [voir American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 571 (C.O.M.C.); Ralston Purina Canada Inc. c. H.J. Heinz Co. of Canada (2000), 6 C.P.R. (4th) 394 (C.O.M.C.)].
[43] Quoi qu’il en soit, il est inutile de trancher cette question en faveur de la Requérante, puisque j’estime que l’analyse générale des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) la favorise.
[44] En dernier lieu, l’Opposante a allégué, conformément à la décision Park Avenue, précitée, que l’omission de produire des éléments de preuve d’emploi ne porte pas un coup fatal à un motif d’opposition fondé sur la confusion. Autrement dit, un tel motif peut être accueilli, même en l’absence de preuve d’emploi. L’Opposante s’appuie sur les propos du juge Pratte dans Salada Foods Ltd. c. Générale Alimentaire (G.A.S.A.) (1980), 47 C.P.R. (2d) 169, cités comme suit dans Park Avenue :
Le motif principal de l'opposition de l'appelante [opposante] était que la marque de commerce dont l'intimée sollicitait l'enregistrement créait de la confusion avec la marque enregistrée SALADA. Pour réussir, l'appelante n'avait pas à prouver qu'elle avait utilisé sa marque de commerce en relation avec des sauces pour salades. L'appelante devait réussir dès lors qu'il apparaissait de toutes les circonstances de l'espèce (sans oublier celles mentionnées au paragraphe 6(5)) que les deux marques créaient de la confusion au sens de l'article 6 de la Loi sur les marques de commerce […]. (p. 171)
[45] Je ne suis pas en désaccord avec l’Opposante; cependant, je ne rends pas de décision en l’espèce en me fondant uniquement sur son omission de produire des éléments de preuve d’emploi. La preuve d’un emploi substantiel par la Requérante et l’acquisition d’un caractère distinctif pouvaut s’inférer de cet emploi, ainsi que le fait que les Marques en cause sont nettement différentes, m’ont plutôt convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les Marques de l’Opposante.
Conclusion concernant l’alinéa 12(1)d) de la Loi
[46] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que ce motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi doit être écarté. Comme il s’agit du seul motif d’opposition invoqué par l’Opposante, je conclus que la présente Opposition doit être rejetée en entier.
Décision
[47] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.
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P. Heidi Sprung
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Jenny Kourakos, LL.L.