Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Multi-Marques Inc. et Boulangerie POM Limitée à la demande no 891997 produite par Gesfor Aktiengesellschaft en vue de l’enregistrement de la marque de commerce PIM POM

 

 

I Les actes de procédure

 

Le 29 septembre 1998, Gesfor Aktiengesellschaft (la Requérante) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce PIM POM (la Marque) en liaison avec une liste de marchandises, laquelle a été modifiée en cours d’opposition et ne vise à présent que des sucettes (les Marchandises). La demande, portant le numéro 891997, est fondée sur l’enregistrement et l’emploi de la Marque à l’étranger, et elle a été annoncée dans l’édition du 25 octobre 2000 du Journal des marques de commerce aux fins d’opposition. La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot POM en dehors de la marque dans son ensemble.

 

Multi-Marques Inc. (l’Opposante) et Boulangerie Pom Limitée (la Co-Opposante) (ci‑après collectivement appelées les Opposantes) ont produit une déclaration d’opposition le 8 mars 2001, que le registraire a transmise à la Requérante le 15 juin 2001.

 

Les motifs d’opposition invoqués sont les suivants :

1.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi).

2.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, du fait que la Co‑Opposante employait la marque POM depuis 1930, la marque « POM GOLD » (POM D’OR) depuis 1952 au moins, la marque POM LITE depuis 1987 au moins et la marque POM & Dessin depuis 1991 au moins, de sorte que la Requérante ne pouvait faire la déclaration exigée par l’alinéa 30i), car elle ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, étant donné qu’à la date de la production de la demande d’enregistrement elle était au courant de l’emploi des marques susmentionnées par la Co‑Opposante.

3.      La Marque n’est pas enregistrable, vu les dispositions des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, du fait qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées suivantes de la Co‑Opposante :

 

LMCDF049765, POM;

LCD040516, « POM GOLD » (POM D’OR);

LMA335814, POM LITE

LMA469001POM & DESSIN, illustrée ci‑dessous.

POM & DESSIN

 

4) La Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, aux termes des alinéas 38(2)c) et 16(2)a) de la Loi car, à la date de la production de la demande, cette marque créait de la confusion avec les marques de la Co-Opposante que cette dernière et l’Opposante ou son prédécesseur en titre avaient antérieurement employées au Canada.

5) La Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, aux termes des alinéas 38(2)c) et 16(2)b) de la Loi car, à la date de la production de la demande, cette marque créait de la confusion avec les demandes d’enregistrement suivantes produites antérieurement au Canada par la Co-Opposante :

i)                    0151507, pour la marque POM, produite le 3 mai 1930,

ii)                  0213860, pour la marque POM GOLD (POM D’OR), produite le 1er février 1952,

iii)                0572582, pour la marque POM LITE, produite le 10 novembre 1986,

iv)                0784074, pour la marque POM & Dessin produite le 2 juin 1995.

6) Vu l’alinéa 38(2)d) et l’article 2 de la Loi, la Marque de la Requérante n’est pas distinctive, et elle ne peut distinguer les Marchandises de la Requérante de celles des Opposantes et n’est pas adaptée à les distinguer, compte tenu de l’emploi des marques susmentionnées par les Opposantes.

 

La Requérante a produit une contre‑déclaration le 11 octobre 2001, dans laquelle elle nie essentiellement tous les motifs d’opposition et fait valoir que, du fait de la présence dans le registre ou dans le commerce de marques de commerce comportant l’élément POM, les marques de commerce de la Co‑Opposante sont faibles.

 

Les Opposantes ont produit les affidavits de Jean-Pierre Galardo et Jennifer Petras et, la Requérante, celui d’Alan J. Booth. Ce dernier déposant a été contre‑interrogé, et la transcription du contre‑interrogatoire a été versée au dossier.

 

Les deux parties ont soumis un plaidoyer écrit, et elles étaient représentées à l’audience.

 

II Principes généraux applicables à tous les motifs d’opposition

 

C’est au requérant qu’il incombe de démontrer que la demande d’enregistrement est conforme à l’article 30 de la Loi, mais l’opposant a le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Lorsque l’opposant s’est acquitté de ce fardeau, il revient alors au requérant de prouver suivant la prépondérance des probabilités que les motifs d’opposition invoqués n’empêchent pas l’enregistrement de la marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux p. 329-330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293; et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

III Conformité à la loi et droit à l’enregistrement suivant l’alinéa 16(2)b)

 

Je peux, à ce stade, statuer sur certains motifs d’opposition sans analyse détaillée de la preuve soumise par les deux parties.

 

Dans leur plaidoyer écrit, les Opposantes n’ont soumis aucune observation à l’égard du premier motif d’opposition. Comme elles n’ont pas non plus présenté d’élément de preuve concernant ce motif, elles ne se sont pas acquittées de leur fardeau de preuve initial. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

 

Pour ce qui est du deuxième motif d’opposition, la connaissance que la Requérante pouvait avoir de l’existence des enregistrements susmentionnés de la Co-Opposante ne l’empêchait pas de faire la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi. Ce motif d’opposition est d’application limitée, par exemple, lorsque la marque dont l’enregistrement est demandé contrevient à une loi ou lorsqu’il y a mauvaise foi de la part du requérant ou contravention à un engagement contractuel [voir, par exemple, Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol Myer Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152, et Super Seer Corp. c. 546401 Ontario Ltd. (2000), 6 C.P.R. (4th) 560]. La déclaration d’opposition ne renferme aucune allégation de cet ordre et il n’existe au dossier aucun élément de preuve de telles circonstances. Par conséquent, ce motif est également rejeté.

 

En ce qui concerne le cinquième motif d’opposition, le paragraphe 16(4) prévoit que les demandes d’enregistrement invoquées à l’encontre de l’enregistrement d’une marque de commerce doivent être pendantes à la date de l’annonce de la demande à laquelle il est fait opposition (25 octobre 2000). Après exercice de mon pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre, je puis confirmer qu’aucune des demandes d’enregistrement antérieures énumérées dans le cinquième motif  n’était pendante à cette date. Il s’ensuit que ce motif est lui aussi écarté.

 

IV Enregistrabilité

 

Il reste trois motifs d’opposition, respectivement fondés sur l’enregistrabilité (al. 12(1)d)), sur le droit à l’enregistrement (al. 16(2)a)) et sur le caractère distinctif. La date pertinente pour l’examen de ces motifs varie dans chaque cas, mais cette variable n’influe pas sur la question fondamentale sous‑tendant chacun d’eux : la Marque crée‑t‑elle de la confusion avec l’une quelconque des marques de commerce de la Co-Opposante? Pour répondre à cette question, il faut appliquer les critères énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi :

a)       le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus,

b)       la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage,

c)       le genre de marchandises, services ou entreprises,

d)      la nature du commerce,

e)       le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

 

Ces critères ne sont pas exhaustifs et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.); Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.); et Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)].

 

Le cabinet des agents des Opposantes a fait appel aux services de Mme Petras. Celle‑ci a produit une copie certifiée conforme de chacune des marques déposées de la Co-Opposante énumérées ci‑dessus. Les certificats d’enregistrement révèlent ce qui suit :

LMCDF 049765, pour la marque de commerce POM, enregistrée le 20 juin 1930 en liaison avec des produits de boulangerie, de pâtisserie et de confiserie;

LCD040516, pour la marque de commerce « POM GOLD » (POM D’OR), enregistrée le 1er février 1952 en liaison avec des produits de boulangerie;

LMC335814, pour la marque de commerce POM LITE, enregistrée le 31 décembre 1987 en liaison avec des produits de boulangerie;

LMC469001, pour la marque de commerce POM & DESSIN, enregistrée le 17 janvier 1997 en liaison avec des produits de boulangerie et de pâtisserie, nommément pain, pain biologique, petits pains, beignes, brioches, gâteaux, biscuits, galettes, pâtisseries, tartes, muffins, muffins anglais, croissants, pâte à pizza, tortillas, pita, bagels, breadsticks et kaisers.

 

À l’audience, la question de savoir quelle liste de marchandises devait être considérée comme la liste visée par l’enregistrement no LMCDF049765 a fait l’objet d’un débat. Selon les Opposantes, le certificat d’enregistrement avait été modifié à la suite de la procédure prévue à l’article 44 de la Loi. Les Opposantes ont présenté verbalement une demande afin d’être autorisées à présenter en preuve une copie certifiée conforme du certificat d’enregistrement tel qu’il est à présent libellé. La Requérante s’y est opposée, soutenant que l’enregistrement ayant été modifié il y a deux ou trois ans, la demande était tardive. Étant donné que la demande avait été présentée à la dernière minute, j’ai donné à chaque partie un délai d’une semaine pour présenter des observations écrites sur la question. Les Opposantes ont produit une copie du certificat d’enregistrement dans son libellé actuel. Pour ce qui est des autres documents, joints à la lettre en date du 23 avril 2008, je n’en tiendrai pas compte car ils n’ont pas été soumis dans les règles, c’est‑à‑dire, accompagnés d’un affidavit.

 

Quoi qu’il en soit, je dispose, ainsi que je l’ai indiqué à l’audience, du pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre lorsque je suis saisi d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) qui n’est pas appuyé d’un certificat d’enregistrement [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd., 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)]. A fortiori, lorsqu’un certificat d’enregistrement a été déposé et qu’une partie fait valoir qu’il a été modifié par la suite, je ne vois aucune raison de ne pas exercer ce pouvoir afin de vérifier l’étendue des modifications apportée, puisque la date pertinente pour établir l’enregistrabilité d’une marque en fonction de l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

Après vérification du registre, je confirme que le certificat d’enregistrement LMCDF049765 a été modifié le 20 février 2004 et qu’il couvre à présent les marchandises suivantes [traduction] « produits de boulangerie, de pâtisserie et de confiserie, nommément pâtisseries, biscuits, gaufres et bonbons ».

 

Mme Petras a également déposé des extraits du Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary, 1988, correspondant aux définitions des mots de langue anglaise suivants : « confectionary », « lollipop », « candy » et « sweet ».

 

Pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), les Opposantes se sont acquittées de leur fardeau de preuve initial. Il me faut donc examiner la preuve relative aux facteurs pertinents pour déterminer si la Marque risque de créer de la confusion avec l’une des marques déposées de la Co-Opposante. 

 

a) Le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;

 

Dans Choice Hotels International Inc. c. Hotels Confortel Inc. (1996), 67 C.P.R. (3d) 340, le juge Rouleau a formulé les observations suivantes sur la question du caractère distinctif inhérent :

21     Examinons maintenant l'alinéa 6(5)a) de la Loi. Cet alinéa fait référence au caractère distinctif inhérent des marques de commerce. Le registraire a conclu, au sujet de cet alinéa, qu'aucune des marques de commerce en litige n'a un caractère distinctif inhérent prononcé. Hughes a formulé le principe suivant sur le caractère distinctif inhérent d'une marque de commerce dans son traité sur les marques de commerce :

[traduction] une marque de commerce forte possédant un caractère distinctif inhérent est une marque composée d'un nom inventif saisissant ou d'un dessin original et, à ce titre, elle a droit à une protection d'une grande portée. Par contre, une marque qui ne présente pas ces attributs est intrinsèquement moins distinctive et est considérée comme une marque plus faible. Le degré de protection dont jouit une marque faible est beaucoup moindre que pour une marque forte, et l'enregistrement d'autres marques présentant des différences relativement mineures peut être autorisé 8. [FN8]

 

M. Galardo est directeur du marketing de l’Opposante et de la Co‑Opposante depuis 1991. Il déclare que la Co‑Opposante est une société affiliée de l’Opposante, et que le fondateur de la Co‑Opposante a créé la marque de commerce POM – acronyme de « Pride Of Montreal/Pain Orgueil de Montréal » – en 1930. L’agent de la Requérante prétend, quant à lui, que cette marque doit être considérée comme une marque faible pour deux raisons : premièrement, parce qu’il s’agit d’un acronyme et, deuxièmement, parce qu’elle est identique, phonétiquement, au mot français pomme. L’agent des Opposantes, pour sa part, soutient qu’il s’agit d’un mot inventé qui devrait jouir d’une large protection.

 

Le Canadien moyen ne penserait pas que la marque de commerce POM, utilisée en liaison avec les marchandises susmentionnées, constitue l’acronyme de Pride Of Montreal/Pain Orgueil de Montréal. POM est un mot inventé, même s’il se prononce comme le mot français « pomme ». Je suis également d’avis que la Marque possède un caractère distinctif inhérent.

 

L’emploi d’une marque peut en accroître le caractère distinctif inhérent. Nous ne disposons d’aucun élément de preuve de l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises.

 

M. Galardo allègue que la Co‑Opposante a accordé à l’Opposante une licence l’autorisant à employer les marques de commerce susmentionnées. Il fournit le montant total des ventes de produits portant les marques de commerce de la Co‑Opposante pour la période 1999-2002, lequel se chiffre à plus de 150 millions de dollars. Toutefois, nous ne disposons d’aucune ventilation par marque de commerce et par produit. J’incline à considérer tout emploi de la marque de commerce POM & Dessin, illustrée ci‑dessus, comme l’emploi de la marque de commerce POM.

 

Les marques de commerce de la Co‑Opposante sont annoncées dans la presse, à la radio et à la télévision, ainsi que par d’autres formes de publicité imprimée ou visuelle. Il a fourni des échantillons d’annonces. Les Opposantes ont dépensé plus de 2,5 millions de dollars, environ, pour promouvoir les marques de commerce énumérées ci‑dessus. La marque de commerce POM fait l’objet de campagnes de publicité lors d’événements sportifs comme des matchs de football des Alouettes de Montréal. J’examinerai plus loin l’argument invoqué par la Requérante à l’égard de l’absence d’emploi de la marque POM en liaison avec des produits de confiserie, notamment des bonbons et des sucettes. Dans les circonstances présentes, je conclus que la marque de commerce POM des Co‑Opposantes est connue au Canada. En conséquence, le premier critère favorise les Opposantes.

 

b) La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

 

Il appert des faits, tels qu’ils ont été décrits à l’égard du critère précédent, que ce deuxième critère favorise également les Opposantes.

 

c ) et d) Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce;

 

Je dois comparer les marchandises visées par les enregistrements des Co‑Opposantes avec les Marchandises [voir Fonorola, Inc. c. Motorola, Inc., 78 C.P.R. (3d) 509]. Il existe indéniablement un recoupement entre les sucettes et les bonbons.

 

Je ne dispose d’aucun élément de preuve au sujet des voies de commercialisation que la Requérante utilise ou va utiliser. Je dois donc me fonder sur la liste des marchandises figurant dans la demande d’enregistrement pour déterminer si ces marchandises seraient vendues par les mêmes voies de commercialisation que celles des Opposantes. M. Galardo déclare que les marchandises des Opposantes sont vendues aux consommateurs dans des dépanneurs et des supermarchés ainsi que dans des restaurants, des bars, des comptoirs de restauration rapide, des cafétérias, des hôpitaux, des garderies, des écoles et autres établissements. Les voies de commercialisation pourraient potentiellement se recouper.

 

Je conclus que ces facteurs favorisent eux aussi les Opposantes.

e) Le degré de ressemblance entre les marques

 

On a souvent dit du degré de ressemblance entre les marques qu’il s’agit du facteur le plus important de l’examen du risque de confusion. Dans Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, par. 28, le juge Cattanach a défini ainsi ce facteur :

 

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

 

Il a aussi donné la description suivante du test en matière de confusion dans Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada’s Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1, par. 14 :

Lorsqu'il s'agit de dire si deux marques de commerce peuvent être confondues, il faut prendre en considération les personnes qui achèteront vraisemblablement les marchandises, c'est-à-dire les personnes qui forment habituellement le marché, c'est‑à‑dire les consommateurs. Il ne s'agit pas de l'acheteur impulsif, négligent ou distrait ni de la personne très instruite ni d'un expert. On cherche à savoir si une personne moyenne, d'intelligence ordinaire, agissant avec la prudence normale peut être trompée. Le registraire de marques de commerce ou le juge doit évaluer les attitudes et les réactions normales de telles personnes afin de mesurer la possibilité de confusion.

 

Une jurisprudence constante a établi que la technique appropriée pour l'étude de marques de commerce semblables ne consistait pas à les placer côte à côte et à analyser d'un œil critique leurs ressemblances et leurs différences mais bien à trancher la question dans l'ensemble au premier abord. Je me propose donc d'étudier les deux marques en litige non pas dans l'intention d'en faire une étude comparative mais plutôt dans le but d'évaluer la première impression de l'acheteur ordinaire et prudent des marchandises.

 

La première partie d’une marque de commerce est la plus pertinente lorsqu’il s’agit d’évaluer son caractère distinctif, comme l’a indiqué le juge Denault, de la Cour fédérale, dans Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359.

 

Puisque les marques POM et PIM POM ont en commun la composante POM, il existe un certain degré de ressemblance entre elles dans la présentation et dans le son. Par contre, les marques diffèrent dans les idées qu’elles suggèrent, puisque les composantes PIM et POM n’ont aucun sens particulier et que POM, employé seul, se prononce comme le mot français « pomme ». Dans ce dernier cas, donc, il pourrait y avoir une association avec le fruit. Suivant le critère du souvenir imparfait, en outre, le consommateur canadien moyen francophone pourrait peut‑être se rappeler la Marque par association au mot français « pomme ».

 

f)       Autres circonstances

 

Suivant la Requérante, il faut prendre en considération que l’emploi de la marque POM en liaison avec des bonbons n’a pas été prouvé, comme l’indique la décision Park Avenue, précitée. Dans cette décision, la juge Desjardins avait écrit :

 

En revanche, avant le 13 octobre 1983, l'appelante utilisait activement la marque de commerce POSTURE-BEAUTY à titre de marque de commerce « maison » sur l'ensemble de sa papeterie, de ses chèques, de ses connaissements, de son matériel de publicité, etc. L'emploi de cette marque de commerce et la durée de cet emploi [...] ainsi que le non-usage de la marque BABYBEAUTY sont des circonstances qu'il fallait prendre en considération pour trancher la question de la confusion.

 

 

J’ai examiné les éléments de preuve annexés à l’affidavit de M. Galardo, et ils établissent l’emploi des marques POM et POM & Dessin (emballages déposés sous la cote JPG-2 et échantillons d’annonces déposés sous la cote JPG-7), en liaison avec du pain, dans tous les cas. Sur les factures déposées sous la cote JPG-3, il n’y a aucune mention de bonbons. De fait, l’une des mentions suivantes figurent à la fin des factures :

« total PETIT PAIN  PAIN »

« Total Pain et PATIS. »

« Total PAIN ET PATISSERIE »

« Total PATISSERIE »

 

L’absence de preuve de l’emploi de la marque déposée de la Co‑Opposante en liaison avec des bonbons n’est pas fatale pour le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car la présente espèce se distingue de l’affaire Park Avenue. Dans ce dernier cas, on n’avait démontré l’emploi de la marque déposée avec aucune des marchandises visées par l’enregistrement. De plus, des éléments de preuve établissaient l’emploi de sa marque par la requérante.

 

L’autre facteur invoqué par les parties est la preuve de l’état du registre. M. Booth, recherchiste en marques de commerce, a joint à son affidavit des extraits du registre ainsi que des copies d’enregistrements certifiées conformes se rapportant à six (6) des marques figurant sur les extraits joints comme pièce A. Les Opposantes font valoir que M. Booth a admis en contre‑interrogatoire qu’il n’avait pas vérifié dans le marché pour déterminer si les marques figurant sur les extraits étaient employées au Canada.

 

La preuve de l’état du registre n’est pertinente que si elle permet de tirer des conclusions relativement à l’état du marché [Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. Ces conclusions ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents a été relevé [Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)]. Je dois donc dégager les résultats pertinents, puis déterminer si leur nombre est suffisant pour permettre de conclure que les consommateurs sont habitués à voir POM dans des marques de commerces employées en liaison avec des marchandises pertinentes, en sorte qu’ils peuvent distinguer ces marques.

 

La pièce A de l’affidavit de M. Booth est constituée de 39 extraits du registre. Toutefois, 14 ont fait l’objet de radiations. Les extraits restants visent des marques comportant le préfixe PIM ou des marques comprenant la composante POM comme préfixe ou suffixe ou dans le corps de la marque. J’estime que les autres marques relevées ne sont pas pertinentes parce qu’elles sont trop éloignées visuellement et phonétiquement des marques en cause [voir, par exemple, PÂMANTES]. Les marchandises associées à ces marques appartiennent aux catégories générales des aliments et des boissons, lesquelles sont trop larges compte tenu que l’enregistrement demandé vise des sucettes. Il ressort des diverses définitions de dictionnaires produites par les parties que la catégorie la plus appropriée serait celle des « bonbons ». Je ne retiens que deux exemples tirés de la pièce A, soit :

 

PIM’KO, certificat d’enregistrement LMC410572, visant des bonbons, et

PIMS, certificat d’enregistrement LMC388386 visant des bonbons.

 

La deuxième série d’extraits (pièce B de l’affidavit de M. Booth) fait suite à une recherche de [traduction] « ... marques ressemblant aux marques PIM POM et POM, visant des produits alimentaires, des bonbons, des boissons … ». La plupart des résultats consistent en des inscriptions comportant le mot POMME; certains étaient également mentionnés dans la pièce A. Il s’agit principalement de marques de commerce associées à des pommes ou des pommes de terre. Il n’est donc pas surprenant que 33 mentions supplémentaires fassent partie de la pièce B de l’affidavit de M. Booth. Toutefois, aucune ne vise de bonbons.

 

Par conséquent, le nombre d’extraits pertinents n’est pas suffisant pour permettre de tirer la conclusion susmentionnée.

 

La décision à rendre n’est pas dictée par le nombre de facteurs favorables à une partie, elle dépend plutôt du poids à accorder aux différents facteurs. Le poids accordé aux facteurs favorables aux Opposantes fait pencher la balance de leur côté. Le seul facteur favorisant la Requérante découle de ce que les marques diffèrent quelque peu, du fait de l’ajout de PIM comme premier élément de la Marque. Tous les autres facteurs favorisent les Opposantes. J’ajouterais que la présence de la marque des Opposantes comme composante de la Marque constitue un élément de ressemblance à la fois phonétique et visuel lorsqu’on compare la Marque à la marque de commerce POM.

 

Je conclus par conséquent que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver suivant la prépondérance des probabilités que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque déposée POM de la Co‑Opposante, enregistrée sous le numéro LMCDF049765. Le troisième motif d’opposition est donc maintenu.

 

V Droit à l’enregistrement suivant l’alinéa 16(2)a) et caractère distinctif

 

En ce qui concerne les motifs d’opposition fondés respectivement sur l’alinéa16(2)a) et sur le caractère distinctif, ils sont rejetés pour les motifs suivants. La preuve décrite précédemment établit l’emploi des marques de commerce POM et POM & Dessin, qui diffèrent de la marque de commerce reproduite ci‑dessus. Elles comportent néanmoins trois boulangers et l’inscription POM. Des éléments de preuve démontrent également l’emploi d’une marque de commerce POM & Dessin non enregistrée, composée du mot POM inscrit dans une ellipse dans laquelle figure une gerbe de blé. Je considère que l’emploi de cette dernière marque constitue l’emploi de la marque de commerce POM [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie. Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), C.P.R. (3d) 523]. Cette preuve est suffisante pour me faire conclure que les Opposantes se sont acquittées de leur fardeau initial de preuve à l’égard des deux derniers motifs. Toutefois, l’emploi de ces marques n’a été établi qu’à l’égard du pain. Il n’existe aucun élément de preuve de l’emploi de ces marques en liaison avec des bonbons. Par conséquent, je conclus que la Marque ne risque pas de créer de confusion avec ces marques en rapport avec les bonbons. La différence dans la nature des marchandises (pain/bonbons) combinée à l’ajout du préfixe PIM est suffisante pour que je tire une conclusion favorable à la Requérante. Je rejette donc le quatrième et le sixième motif d’opposition.


 

VI Conclusion

 

En vertu de la délégation des pouvoirs du registraire des marques de commerce faite sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse, en application du paragraphe 38(8) de la Loi, la demande d’enregistrement de la Requérante.

 

 

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 13 MAI 2008.

 

 

 

Jean Carrière

Membre,

Commission des Oppositions de marques de commerce

 

 

 

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

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