Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                          Référence: 2014 COMC 24

      Date de la décision: 2014-02-05

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Winners Merchants International L.P. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,307,881 pour la marque de commerce SSENSE au nom de Groupe Atallah Inc. / Atallah Group Inc.

Introduction

[1]               Winners Merchants International L.P. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce SSENSE (la Marque) faisant l’objet de la demande no 1,307,881 au nom de Groupe Atallah Inc. / Atallah Group Inc. (la Requérante).

[2]               Cette demande fut produite le 4 juillet 2006 et était originalement basée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 30 avril 2004 en liaison avec nombre de vêtements, chaussures et accessoires pour hommes, femmes et enfants, de même qu’avec des services de vente de pareilles marchandises en magasin et en ligne. L’état déclaratif des marchandises et services visés par la demande fut par la suite modifié plusieurs fois. La dernière modification remonte au 23 novembre 2012 lorsque la Requérante a produit, de son chef, une demande d’enregistrement modifiée (acceptée par le registraire le 5 décembre 2012) restreignant ultimement l’état déclaratif aux seuls services de « vente de vêtements, accessoires et chaussures pour femmes et hommes en magasin » (ci-après les Services).

[3]               L’Opposante fonde son opposition sur divers motifs tournant autour soit de la question de la conformité de la demande au sens de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), soit de la question de la probabilité de confusion entre la Marque et l’une ou plusieurs des marques de commerce HOMESENSE; HOMESENSE & Dessin; HOMESENSE HOME FASHIONS FOR LESS. EVERY DAY. & Dessin; HOMESENSE. DECO MODE A MEILLEUR PRIX.; et STYLESENSE, enregistrées ou non, appartenant à l’Opposante et ayant prétendument été employées au Canada par celle-ci en liaison avec, de manière générale, des services de grands magasins de détail.

[4]               Tel qu’il ressortira de mon analyse, j’estime qu’il y a lieu de rejeter l’ensemble des motifs d’opposition.

Le dossier

[5]               La déclaration d’opposition fut produite le 5 mai 2010. La Requérante a produit une contre-déclaration déniant chacun des motifs d’opposition plaidés.

[6]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Leslie J. Root, vice-présidente marketing de l’Opposante, souscrit le 26 novembre 2010; Anthony Kunkel, vice-président et directeur général de la firme Mitchell Partners Investigation Services, souscrit le 19 novembre 2010; et René Bissonnette, étudiant en droit employé au sein de la firme représentant l’Opposante dans la présente opposition, souscrit le 26 novembre 2010, de même que des certificats d’authenticité concernant les enregistrements de marques de commerce suivants : 611946 – HOMESENSE; 624306 - HOME SENSE HOME FASHIONS FOR LESS. EVERY DAY. & Dessin; 665281 - HOMESENSE. DECO MODE À MEILLEUR PRIX.; et 711429 - HOMESENSE & Dessin. Les détails de ces enregistrements sont reproduits en annexe de ma décision.

[7]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de son vice-président Firas Atallah, souscrit le 23 mars 2011. M. Atallah a été contre-interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire de même que les pièces et les réponses aux engagements souscrits lors de celui-ci ont été versés au dossier.

[8]               Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience tenue dans ce dossier.

Le fardeau qui repose sur les parties

[9]               C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse

[10]           Je débuterai mon analyse en regard des motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi.

Motifs fondés sur la non-conformité de la demande au sens de l’article 30 de la Loi

[11]           Ces motifs sont de deux ordres, soit que :

         la demande contrevient à l’article 30(b) de la Loi en ce que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Services depuis la date de premier emploi alléguée dans la demande; et

         la demande contrevient à l’article 30(i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services parce qu’à la date de production de la demande, la Requérante connaissait ou aurait dû connaître les marques de commerce HOMESENSE et HOMESENSE HOME FASHIONS FOR LESS. EVERY DAY. & Dessin précédemment employées au Canada par l’Opposante en liaison avec des vêtements pour hommes, femmes et enfants de même qu’en liaison avec des services de grands magasins de détail.

Motif fondé sur le non-emploi de la Marque au sens de l’article 30(b) de la Loi

[12]                Tel que mentionné plus haut, l’état déclaratif des marchandises et services visés par la présente demande fut modifié plusieurs fois. La dernière modification fut produite suite, notamment, à la preuve de l’Opposante et au contre-interrogatoire de M. Atallah remettant en cause la date de premier emploi de la Marque avec chacune des catégories de marchandises et de services originalement visés par la demande [voir notamment les affidavits de MM. Kunkel et Bissonnette, et les réponses aux Q. 58-60, 229-234 et 266 reproduites dans la transcription du contre-interrogatoire de M. Atallah].

[13]                Compte tenu des modifications ultimement apportées à la présente demande par la Requérante, l’Opposante a d’entrée de jeu concédé lors de l’audience qu’elle ne remettait pas en cause le témoignage de M. Atallah à l’effet que les Services de la Requérante ont débuté le 30 avril 2004. La question litigieuse est plutôt de déterminer dans quelle mesure ces services ont, de fait, été commercialisés en liaison avec la Marque en tant que telle et non pas avec une autre marque, depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande.

[14]                Dans la mesure où la Requérante a plus facilement accès aux faits pertinents se rapportant à un motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi, le fardeau de preuve imposé à l’Opposante relativement à ce motif est moins exigeant [voir Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. En outre, l’Opposante peut s’appuyer sur la preuve de la Requérante, pourvu toutefois que cette preuve soit clairement incompatible avec les prétentions de cette dernière [voir York Barbell Holdings Ltd c ICON Health & Fitness, Inc (2001), 13 CPR (4th) 156 (COMC)]. L’article 30(b) de la Loi exige que la marque de commerce visée par la demande ait été employée de façon continue depuis la date revendiquée à la date de production de la demande [voir Labatt Brewing Co c Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst)].

[15]                En l’occurrence, l’Opposante se fonde sur le témoignage de M. Atallah et soutient que celui-ci est clairement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée dans la demande puisque ne démontrant pas l’emploi de la Marque en tant que telle mais plutôt l’emploi d’une ou plusieurs autres marques de commerce distinctes, soit : S׀SENSE; S:SENSE; S.SENSE; S/SENSE; et S-SENSE, selon certaines des reproductions ci-après tirées des pièces jointes à l’affidavit de M. Atallah:

(voir pièce « FA-5 »)

(voir pièce « FA-5 »)

(voir pièce « FA-5 »)

(voir pièce « FA-7 »; ci-après le « logo SSENSE »)

[16]                La Requérante concède que les seuls spécimens démontrant l’emploi de la Marque pour les années 2004 à 2009 sont ceux reproduits plus haut, dont plus particulièrement le logo SSENSE. Elle soutient par contre que pareil emploi vaut pour l’emploi de la Marque puisque s’agissant de variantes permises de la marque nominale SSENSE. La Requérante fait en outre valoir qu’elle jouit d’une certaine latitude quant à la manière dont la Marque peut être employée puisqu’une marque nominale offre à son titulaire la plus large protection qui soit et lui permet une certaine flexibilité dans la façon d’employer la marque, tant que celle-ci conserve son identité [voir Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc c Prodesign (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. Je suis d’accord.

[17]                Il ressort du témoignage de M. Atallah que la Marque a été employée sous la forme du logo SSENSE, reproduit plus haut, au début de son exploitation en 2004 et ce, jusqu’en 2009 [voir notamment les réponses aux Q. 172-173 de la transcription de son contre-interrogatoire].

[18]                Plus particulièrement, la marque apposée sur la devanture de la boutique de la Requérante à cette époque correspondait au logo SSENSE incorporant une ligne verticale de couleur gris pâle séparant les deux premiers « S ». Comme il n’était pas possible de reproduire ce logo sur les reçus de caisse de la Requérante ou encore sur les factures émises par des tiers, diverses ponctuations telles « : », « . », et « / » ont été employées par la Requérante et ces tiers afin de transposer l’idée de l’élément figuratif constitué de la ligne verticale. Il convient sur ce point d’insister sur le fait que ces références à S:SENSE, S.SENSE, ou S/SENSE n’étaient pas représentatives du logo adopté pour la boutique. Ce point ressort clairement des explications fournies par M. Atallah lors de son contre-interrogatoire et est de plus supporté par les spécimens de publicités reproduits sous la pièce « FA-7 », publiés au cours de la première année d’existence de la boutique SSENSE de la Requérante [voir notamment les réponses aux Q. 76, 82-86, 115, 122 et 172-174].

[19]                L’Opposante fait valoir qu’il aurait été on ne peut plus facile de simplement décrire la Marque sur les reçus de caisse comme SSENSE, sans pour autant recourir à diverses ponctuations. Elle soutient que la marque adoptée et employée par la Requérante à la date de premier emploi alléguée par celle-ci n’a jamais consisté en la Marque en tant que telle mais plutôt en une autre marque, comprenant toujours une cloison ou un « intervening element » entre les deux premiers « S ». L’Opposante fait en outre valoir que la Requérante a elle-même senti le besoin de recourir à diverses ponctuations afin de décrire le logo SSENSE employé à l’époque de l’ouverture de sa boutique jusqu’en 2009, et que les dénominations sociales employées par celle-ci incluent notamment « BOUTIQUE S.SENSE » et « S.SENSE INC. » [voir les pièces « FA-1 » et « FA-7 »].

[20]                Bien que ces représentations de l’Opposante ne soient pas sans mérite, il convient de rappeler que la marque employée dans l’annonce et l’exécution des Services de la Requérante pour la période comprise entre les années 2004 et 2009 a toujours été celle représentée par le logo SSENSE. Ce logo apparaissait sur la devanture de la boutique et dans la publicité faite dans les journaux. Il ressort également du témoignage de M. Atallah que cette publicité a de plus été faite à l’époque par le biais de l’ancien site Web www.ssense.ca de la Requérante, dont le nom de domaine fut enregistré le 20 mai 2004 [voir Q. 224-242 de la transcription du contre-interrogatoire de M. Atallah]. Dans les circonstances, j’estime que l’emploi des diverses ponctuations relevées par l’Opposante sur les reçus de caisse de la Requérante ne saurait avoir préséance sur l’emploi fait du logo SSENSE dans l’annonce et l’exécution des Services.

[21]                Considérant plus précisément le logo SSENSE, j’estime que l’élément figuratif constitué de la ligne verticale de couleur gris pâle ne constitue pas un élément dominant. Cette ligne verticale est menue et discrète par rapport au lettrage employé et n’a aucune signification en soi. Tout au plus cette ligne verticale force une « pause », non nécessaire, afin de prononcer la marque comme le mot « ESSENCE ». Partant, j’estime que le logo SSENSE considéré dans son ensemble ne représente pas une marque distincte de la Marque au sens de l’affaire Honeywell Bull précitée. En d’autres mots, je conviens avec la Requérante que l’emploi du logo SSENSE vaut pour l’emploi de la Marque. Tel qu’indiqué plus haut, la Requérante jouit d’une certaine latitude quant à la manière dont la Marque peut être employée. Bien que toute variation dans l’emploi d’une marque de commerce puisse être risquée, j’estime que l’emploi démontré en l’espèce ne peut, selon la prépondérance des probabilités, faire perdre à la Marque son identité.

[22]                Puisque je conclus que l’emploi du logo SSENSE vaut pour l’emploi de la Marque, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de me prononcer sur les variantes S:SENSE, S.SENSE, et S/SENSE.

[23]                Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi.

Motif fondé sur la non-conformité de la demande au sens de l’article 30(i) de la Loi.

[24]           Lorsqu’un requérant a produit la déclaration exigée par l’article 30(i) de la Loi voulant qu’il soit convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce visée par sa demande, un motif d’opposition fondé sur pareil article ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve démontre que le requérant était de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Comme rien ne démontre que la Requérante était de mauvaise foi en l’espèce, ce motif d’opposition se doit d’être rejeté.

Motifs fondés sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque et l’une ou plusieurs des marques de l’Opposante

[25]           Ces motifs, tels que plaidés, sont de trois ordres, soit que :

         la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi parce qu’elle porte à confusion avec les marques enregistrées HOMESENSE (611946) et HOMESENSE HOME FASHIONS FOR LESS. EVERY DAY. & Dessin (624306), de l’Opposante;

         la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au sens de l’article 16(1) de la Loi car à la date de premier emploi alléguée par la Requérante, la Marque portait à confusion avec les marques de commerce HOMESENSE et HOMESENSE HOME FASHIONS FOR LESS. EVERYDAY. & Dessin de l’Opposante, précédemment employées par celle-ci au Canada; et

         la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle n’est pas adaptée à distinguer les Services de la Requérante de ceux de l’Opposante offerts en liaison avec les marques HOMESENSE & Dessin, HOMESENSE. DECO MODE À MEILLEUR PRIX., et STYLESENSE.

[26]           Tel qu’il ressortira de mon analyse, bien que le test en matière de confusion demeure le même, le fardeau de preuve initial imposé à l’Opposante de même que les dates pertinentes applicables varient en fonction de chacun de ces motifs. Je débuterai mon analyse en regard du motif fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque.

Motif fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi.

[27]           La date pertinente pour décider d’un motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité d’une marque de commerce au regard de la confusion créée avec une marque de commerce enregistrée est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)]. J’ai exercé ma discrétion et vérifié que chacun des enregistrements HOMESENSE (611946) et HOMESENSE HOME FASHIONS FOR LESS. EVERY DAY. & Dessin (624306) allégué par l’Opposante au soutien du présent motif est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce. Puisque cela est le cas, l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant. La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et ces marques enregistrées de l’Opposante.

[28]           Sauf indication contraire, je concentrerai mon analyse en regard de la marque HOMESENSE de l’Opposante. Si je conclus à l’absence de probabilité de confusion entre cette marque et la Marque, il ne saurait y avoir à plus forte raison de probabilité de confusion entre la Marque et la marque HOMESENSE HOME FASHIONS FOR LESS. EVERY DAY. & Dessin, laquelle s’éloigne davantage de la Marque.

[29]           De plus, contrairement aux représentations de l’Opposante contenues dans son plaidoyer écrit, le présent motif est restreint aux deux enregistrements précités et ne vise aucunement la marque STYLESENSE. Il incombait à l’Opposante de produire une déclaration d’opposition modifiée si elle souhaitait alléguer cette marque à titre de marque enregistrée au soutien du présent motif d’opposition [voir Imperial Developments Ltd c Imperial Oil Limited (1984), 79 CPR (2d) 12 (CF 1re inst)].

Le test en matière de confusion

[30]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[31]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[32]           Je conviens avec la Requérante que la Marque possède en soi un caractère distinctif inhérent plus grand que la marque HOMESENSE de l’Opposante. La Marque consiste en un mot inventé (du moins visuellement) qui ne suggère aucunement la nature ou la qualité des Services qui y sont associés. Par comparaison, la marque de l’Opposante comporte le préfixe « HOME » (maison) qui renvoie directement à la nature ou à la qualité de partie des marchandises et/ou services qui y sont associés, soit des articles de décoration pour la maison et la vente de ces marchandises, tel qu’il ressort de l’affidavit de Mme Root discuté plus bas.

[33]           Je conviens toutefois avec l’Opposante que la mesure dans laquelle ces marques de commerce sont devenues connues favorise l’Opposante.

[34]           La preuve de l’Opposante, introduite par le biais de l’affidavit de Mme Root, établit en effet que :

         la Requérante exploite ses activités de vente au détail au Canada sous les bannières WINNERS (depuis 1990), HOMESENSE (depuis 2001) et STYLESENSE (depuis 2008). WINNERS se spécialise dans la vente de vêtements et accessoires de mode ainsi que dans certains produits pour la maison. HOMESENSE se spécialise dans la vente d’articles de décoration pour la maison. STYLESENSE se spécialise dans la vente de chaussures pour femmes, hommes et enfants et accessoires pour femmes [paragr. 2 de l’affidavit];

         les magasins HOMESENSE sont situés à travers tout le Canada [paragr. 5 de l’affidavit, pièce « C »];

         la marque HOMESENSE est employée de diverses façons, incluant sur l’enseigne extérieure des magasins, sur les sacs, sur les étiquettes de prix, et sur le site Web www.homesense.ca [paragr. 6 de l’affidavit, pièces « D-1 »-« D-9 »];

         les ventes réalisées par les magasins HOMESENSE au Canada entre 2002 et 2011 ont excédé 3 milliards de dollars. Le détail de ces ventes, par année, est inclus dans l’affidavit [paragr. 7 de l’affidavit];

         le budget consacré à la promotion et à la publicité de la marque HOMESENSE entre 2004 et 2010 a excédé 53 millions de dollars. Le détail de ce budget, par année, est également inclus dans l’affidavit [paragr. 8 de l’affidavit];

         cette promotion et cette publicité ont été réalisées de diverses façons, comprenant par le biais de la télévision, de la radio, de magazines, de journaux, et divers évènements médias, de même que par le biais du site Web www.homesense.ca. Ce site a attiré plus de 1,6 million de visiteurs uniques au Canada [paragr. 9 à 13 de l’affidavit, pièces « E » à « G »]; et

         la marque HOMESENSE a été référencée dans divers articles de journaux au Canada au cours de la dernière décennie [paragr. 14 de l’affidavit, pièce « H »].

[35]           Partant, j’estime raisonnable de conclure que la marque HOMESENSE de l’Opposante est devenue bien connue au Canada en liaison avec, de manière générale, des services de grands magasins de détail spécialisés dans la vente d’articles de décoration pour la maison. Cette reconnaissance renforce du coup le caractère distinctif de la marque HOMESENSE.

[36]           Par comparaison, la preuve de la Requérante, introduite par le biais de l’affidavit de M. Atallah, établit essentiellement que :

         la Requérante se spécialise dans la vente de vêtements, accessoires et chaussures haut de gamme et de designers, en magasin et en ligne, sous la marque de commerce SSENSE [paragr. 5 et 6 de l’affidavit];

         la boutique de la Requérante a ouvert ses portes le 30 avril 2004 à Montréal [paragr. 7 de l’affidavit, Q. 143 et 144 de la transcription du contre-interrogatoire];

         cette boutique a fait l’objet d’un déménagement, toujours à Montréal, survenu au cours de l’automne 2008. Le nouvel emplacement arbore le logo SSENSE redessiné de manière à correspondre au mot SSENSE écrit tel quel en lettres majuscules [paragr. 7 de l’affidavit, pièce « FA-3 », et Q. 42-44 et 61-64 de la transcription du contre-interrogatoire];

         les services de vente en ligne de la Requérante ont débuté en 2006 par le biais de son site Web www.ssense.com. La Requérante avait auparavant employé le site Web www.ssense.ca pour annoncer ses Services [paragr. 12 de l’affidavit, Q. 224-242 de la transcription du contre-interrogatoire];

         dès l’ouverture de sa boutique en avril 2004, la Requérante a fait la publicité et la promotion de ses Services par divers moyens incluant la publication et la distribution de cartons promotionnels, la publication de publicités dans des périodiques, et par le biais de son site Web [paragr. 11 et 12 de l’affidavit]; et

         la boutique de la Requérante de même que ses services de vente en ligne ont régulièrement fait l’objet d’une couverture médiatique, essentiellement dans des magazines imprimés et diffusés sur le Web. Le site Web www.ssense.com attire entre 35 000 et 40 000 visiteurs uniques par jour [paragr. 13 et 14 de l’affidavit].

[37]           Bien que le site Web de la Requérante attire, aux dires de M. Atallah, un nombre important de visiteurs et que ses Services aient fait l’objet d’une certaine couverture médiatique, il est difficile d’apprécier la mesure dans laquelle la Marque de la Requérante est devenue connue au Canada. Aucun chiffre de ventes, ni aucune indication quant au budget consacré par la Requérante à la promotion et à la publicité de ses Services en liaison avec la Marque n’a été fourni. Dans les circonstances, j’estime raisonnable de conclure que la Marque est devenue connue seulement dans une certaine mesure au Canada, et plus précisément à Montréal.

[38]           Par conséquent, mon appréciation globale de ce premier facteur qui est une combinaison des caractères distinctif inhérent et acquis des marques en cause favorise l’Opposante.

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[39]           Compte tenu des mes commentaires précédents, ce facteur favorise également l’Opposante.

c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

[40]           En considérant le genre de marchandises et services, et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises et services couvert par la demande sous opposition avec l’état déclaratif des marchandises et services couvert par le(s) enregistrement(s) allégué(s) dans la déclaration d’opposition [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[41]           Les services des parties se recoupent en ce qu’ils incluent la vente de vêtements, accessoires et chaussures pour femmes et hommes en magasin. Il en est de même de la nature du commerce des parties en ce qu’elles visent toutes deux la même clientèle, soit le consommateur canadien intéressé à acheter pareilles marchandises.

[42]           La Requérante fait valoir que la preuve de l’Opposante, introduite par le biais de l’affidavit de Mme Root, n’établit pas comme tel l’emploi de la marque HOMESENSE en liaison avec la vente de vêtements, accessoires et chaussures pour femmes et hommes. Tout au plus, cette preuve établit-elle l’emploi de la marque HOMESENSE en liaison avec la vente d’articles de décoration pour la maison [voir notamment les pièces « A », « D », « G », et « H » annexées à l’affidavit de Mme Root]. La Requérante fait de plus valoir que contrairement à l’Opposante, elle ne fait pas la promotion et la publicité de ses services en mettant l’accent sur les bas prix et la vente de « designer branded merchandise at prices that are less than 20-60% of department and specialty store prices » [paragr. 2 de l’affidavit de Mme Root]. Bien au contraire, la Requérante se spécialise dans la vente de vêtements, chaussures et accessoires haut de gamme incluant des marques de designers telles ALEXANDER MCQUEEN, GIVENCHY, et YVES ST-LAURENT. Aussi, la Requérante soutient qu’ « [a]ucune des marques ‘grand public’ que l’on retrouve apparemment dans les magasins de l’Opposante, telles que POLO RALPH LAUREN, DKNY, TOMMY HILFIGER et CALVIN KLEIN (paragr. 3 de l’affidavit de Mme Root), ne sont disponibles dans la boutique SSENSE de la [R]equérante. »

[43]           Je conviens avec la Requérante que la preuve de l’Opposante n’établit pas comme tel l’emploi de la marque HOMESENSE en liaison avec la vente de vêtements, accessoires et chaussures pour femmes et hommes, mais seulement en liaison avec des services de grands magasins de détail d’articles de décoration pour la maison. Cependant, je suis en désaccord avec son approche.

[44]           Tel qu’indiqué plus haut, il me faut comparer l’état déclaratif des Services de la Requérante avec celui visé par l’enregistrement de l’Opposante pour la marque HOMESENSE. L’approche de la Requérante va au-delà et entre dans un degré de détail non supporté par la jurisprudence.

[45]           Pour conclure, mon appréciation globale de ces troisième et quatrième facteurs favorise l’Opposante.

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[46]           Tel que rappelé par la Cour suprême dans l’affaire Masterpiece, précitée, au paragraphe 49, le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et celui qui est décisif dans la plupart des cas, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[47]           Par ailleurs, tel que mentionné plus avant, il est bien établi en jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, « [m]ême s'il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au paragraphe 34].

[48]           Aussi, s’il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, la Cour suprême précise au paragraphe 64 de l’affaire Masterpiece qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique.

[49]           Appliquant ces principes au présent dossier, je conviens avec la Requérante qu’il existe des différences significatives entre les marques des parties et qu’il est facile de les distinguer.

[50]           Tel que noté plus avant, la Marque consiste en un mot inventé. La répétition des lettres « SS » crée un aspect visuel complètement différent de la marque HOMESENSE de l’Opposante. La Marque, surtout lorsque prononcée, fait directement référence au mot « ESSENCE » qui signifie la nature intrinsèque des choses. La Marque forme un tout indissociable en ce que le mot «SENSE » ne ressort pas comme tel de celle-ci.

[51]           Par comparaison, la marque HOMESENSE évoque le « sens de la maison » et est en soi suggestive de la nature de partie des marchandises et services qui y sont associés à savoir des articles de décoration pour la maison et la vente de pareils articles. Les mots « HOME » et « SENSE » sont d’égale importance et ressortent tous deux comme tels de la marque.

[52]           Pour conclure sur ce cinquième facteur, j’estime que les différences significatives existant entre les marques de commerce des parties dans la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent favorisent la Requérante.

Circonstances additionnelles

Famille de marques « SENSE »

[53]           L’Opposante fait valoir qu’elle détient une famille de marques de commerce constituées de l’élément distinctif « SENSE ». Partant, l’Opposante soutient que le consommateur moyen réagira à la Marque en croyant à tort que les Services de la Requérante sont approuvés par, ou autrement associés à l’Opposante. En d’autres mots, la Marque serait interprétée, à première vue, comme un autre membre de la famille de marques « SENSE » de l’Opposante.

[54]           L’existence d’une famille de marques de commerce ne peut être présumée. En l’occurrence, l’Opposante a établi l’emploi de ses marques de commerce HOMESENSE et STYLESENSE (tel qu’il ressortira de mon analyse plus bas du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif).

[55]           Comme une famille de marques de commerce se compose généralement de plus de deux marques de commerce [voir Retail Royalty Company and American Eagle Outfitters, Inc c Hawke & Company Outfitters LLC, 2011 TMOB 139 (CanLII) au para 51, conf. en appel 2012 CF 1539 (CanLII)], je ne suis pas prête à accorder de poids à cette circonstance additionnelle en l’espèce. J’ajouterai sur ce point que si je suis dans l’erreur en concluant de la sorte, l’existence de pareille « famille » de marques de commerce ne saurait être déterminante en soi.

Coexistence des marques des parties

[56]           La Requérante fait valoir à titre de circonstance additionnelle l’absence de cas de confusion entre les marques des parties malgré leur emploi significatif et leur coexistence depuis plusieurs années au Canada. Tel qu’indiqué dans l’affaire Dion Neckwear, précitée :

En ce qui concerne l’insuffisance des éléments de preuve présentés par l’opposante au sujet de cas concrets de confusion, le registraire s’est dit d’avis qu’un opposant n’a pas à produire ce genre de preuve. C’est vrai en théorie, mais lorsque le requérant a présenté certains éléments de preuve qui pourraient permettre de conclure à l’absence de risque de confusion, l’opposant court un grand danger si, se fiant à la charge de la preuve imposée au requérant, il présume qu’il n’a pas à produire de preuves au sujet de la confusion. Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion. (Voir l’arrêt Pink Panther [Beauty Corp. c. United Artists Corp. [1998], 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.)]; Multiplicant Inc. c. Petit Bateau Valton S.A. (1994), 55 C.P.R. (3d) 372 (C.F. 1re inst.); Bally Schuhfabriken AG/Bally’s Shoe Factories Ltd. c. Big Blue Jeans Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.)).

[57]           L’Opposante soutient au contraire qu’aucune inférence négative fondée sur l’absence de preuve de confusion ne peut être tirée en l’espèce étant donné que la Requérante n’opère qu’une seule boutique à Montréal et qu’en cela, l’emploi fait de la Marque est limité (« confined degree of use »). Je suis partiellement en désaccord.

[58]           Bien que la Requérante n’opère qu’une seule boutique à Montréal, la preuve de l’Opposante démontre que celle-ci opère des magasins HOMESENSE dans cette même ville et dans d’autres villes du Québec. En cela, l’on ne peut nier que les marques des parties coexistent depuis nombre d’années à Montréal à tout le moins. Toutefois, je conviens avec l’Opposante que cette coexistence ne peut être qualifiée de significative en l’espèce, faute de plus de détail quant à l’étendue de l’emploi de la Marque fait par la Requérante [voir mes commentaires plus haut concernant la mesure dans laquelle les marques des parties sont devenues connues]. Partant, le poids à accorder à cette circonstance additionnelle est moindre que s’il s’agissait d’une coexistence étendue. En d’autres mots, j’estime qu’il s’agit-là d’une circonstance additionnelle favorisant la Requérante, bien que non déterminante en soi.

Conclusion – probabilité de confusion

[59]           Tel qu’indiqué dans l’affaire Dion Neckwear précitée à la page 163, il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute qu’il n’y a aucun risque de confusion. En effet, « [TRADUCTION] [s]i la norme de preuve 'hors de tout doute' devait s’appliquer, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu'en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare .» [Voir également John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF)].

[60]           Compte tenu de mon analyse plus haut, je suis d’avis que la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque HOMESENSE de l’Opposante ne serait pas susceptible de conclure que les Services de la Requérante proviennent de la même source ou sont autrement reliés ou associés aux marchandises et services de l’Opposante.

[61]           J’estime en effet que les différences existant entre les marques des parties sont déterminantes en soi et plus que suffisantes pour faire contrepoids aux facteurs favorisant l’Opposante en l’espèce. J’ajouterai sur ce point que l’apparente absence de cas de confusion malgré une certaine coexistence des marques des parties supporte cette conclusion.

[62]           Conséquemment, je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque.

Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement au sens de l’article 16(1) de la Loi.

[63]                Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’article 16(1)(a) de la Loi, l’Opposante doit démontrer qu’à tout le moins l’une de ses marques HOMESENSE et HOMESENSE HOME FASHIONS FOR LESS. EVERYDAY. & Dessin alléguées au soutien du présent motif d’opposition, avait été employée au Canada antérieurement à la date de premier emploi revendiquée dans la présente demande et n’avait pas été abandonnée à la date de son annonce dans le Journal des marques de commerce, en l’occurrence le 30 décembre 2009 [article 16(5) de la Loi]. Ce fardeau de preuve initial a été satisfait en ce qui a trait à la marque HOMESENSE seulement.

[64]                La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et la marque HOMESENSE de l’Opposante à la date de premier emploi revendiquée dans la demande.

[65]           La différence entre les dates pertinentes a une incidence sur mon analyse précédente. En effet, je ne peux tenir compte de la coexistence des marques des parties sous le présent motif, alors qu’il s’agissait-là d’une circonstance additionnelle favorisant la Requérante, bien que non déterminante en soi, sous le motif de non-enregistrabilité au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi.

[66]           En contrepartie, mon appréciation globale des troisième et quatrième facteurs de l’article 6(5) de la Loi n’avantage plus forcément l’Opposante sous le présent motif puisqu’il me faut considérer la nature des marchandises et services et la nature du commerce des parties tel que démontré effectivement par la preuve au dossier, plutôt que tel qu’énoncé dans l’état déclaratif des marchandises et/ou services visés par la demande de la Requérante et l’enregistrement de l’Opposante.

[67]           Or, tel qu’indiqué plus haut, la preuve de l’Opposante établit tout au plus l’emploi de la marque HOMESENSE en liaison avec des services de grands magasins de détail d’articles de décoration pour la maison. Les différences existant entre la nature intrinsèque des services des parties renforcent ma conclusion précédente quant à l’absence de probabilité de confusion.

[68]           Conséquemment, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[69]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que l’une ou plusieurs des marques de commerce alléguées par celle-ci au soutien de ce motif, était devenue suffisamment connue au Canada à la date de la déclaration d’opposition, soit le 5 mai 2010, de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst)].

[70]           Ce fardeau a été rencontré par l’Opposante en ce qui a trait à ses marques de commerce HOMESENSE et STYLESENSE.

[71]           En ce qui concerne plus particulièrement la marque STYLESENSE, l’affidavit de Mme Root établit ce qui suit :

         il existe présentement trois magasins STYLESENSE situés en Ontario [paragr. 15 de l’affidavit]. Tel qu’indiqué plus haut, ces magasins se spécialisent dans la vente de chaussures pour femmes, hommes et enfants et accessoires pour femmes;

         la marque STYLESENSE est employée sur l’enseigne extérieure des magasins et sur le site Web www.stylesense.ca [paragr. 16 de l’affidavit, pièces « I-1 » à « I-3 »];

         les ventes réalisées par les magasins STYLESENSE ont excédé 40 millions au cours des années 2008 à 2010 [paragr. 17 de l’affidavit];

         le budget consacré à la promotion et la publicité de la marque STYLESENSE pour les années 2008 à 2010 a excédé 3 millions de dollars [paragr. 18 de l’affidavit];

         cette promotion et cette publicité ont été réalisées de diverses façons, comprenant par le biais de la télévision, de la radio, de magazines, de journaux, etc. [paragr. 19 et 20 de l’affidavit]; et

         la marque STYLESENSE a été référencée dans divers articles de journaux au Canada au cours des années 2008 à 2010 [paragr. 21 de l’affidavit, pièce « L »].

[72]           Puisque l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant, la Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et l’une ou l’autre des marques HOMESENSE et STYLESENSE de l’Opposante.

[73]           La différence entre les dates pertinentes n’a pas vraiment d’incidence sur mon analyse précédente sous l’article 12(1)(d) de la Loi en ce qui a trait à la probabilité de confusion entre la Marque et la marque HOMESENSE de l’Opposante.

[74]           Mon analyse est sensiblement la même en ce qui a trait à la probabilité de confusion entre la Marque et la marque STYLESENSE de l’Opposante.

[75]           En effet, bien que les services de vente de chaussures pour femmes, hommes et enfants et accessoires pour femmes associés à la marque STYLESENSE de l’Opposante recoupent dans une certaine mesure les Services de la Requérante, j’estime les différences existant entre les marques des parties déterminantes en l’espèce. La marque STYLESENSE évoque le « sens du style » et est en soi suggestive de la nature des services qui y sont associés, à savoir la vente au détail de chaussures et accessoires de mode. Les mots « STYLE » et « SENSE » sont d’égale importance et ressortent tous deux comme tels de la marque. Par comparaison, et tel qu’indiqué plus haut, la Marque consiste en un mot inventé. La répétition des lettres « SS » crée un aspect visuel complètement différent de la marque STYLESENSE de l’Opposante. La Marque, surtout lorsque prononcée, fait directement référence au mot « ESSENCE » qui signifie la nature intrinsèque des choses. La Marque forme un tout indissociable en ce que le mot «SENSE » ne ressort pas comme tel de celle-ci.

[76]           Partant, je suis d’avis que la Requérante s’est déchargée de son fardeau ultime d’établir que la Marque était distinctive de ses Services à la date de la déclaration d’opposition en ce qu’elle ne portait pas à confusion, selon la prépondérance des probabilités, avec les marques HOMESENSE et STYLESENSE de l’Opposante.

[77]           Conséquemment, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Décision

[78]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


Annexe

 

Marque

Nenr.

Date d’enr.

Marchandises et/ou services

HOMESENSE

611946

3 juin 2004

(1) […] men's, women's, children's and infants' clothing, namely, sportswear, dresses, jackets, knickers, overalls, pants, parkas, shirts, shorts, skirts, socks, suits, sweaters, underwear pants and tops, vests, gloves, mufflers, hosiery , namely, socks, stockings and pantyhose, blouses, pinafores, bonnets, panties, bows, tights, sweatsuits, slacks, slips, diaper sets, sweatshirts, coats, leggings, caps, hats, scarves, belts, pajamas, nightgowns, lingerie, bras, ties, turtlenecks, blouses, blazers, jumpsuits, robes; beach robes, bathing suits, gowns, leather outerwear, namely leather pants, and leather jackets; footwear, namely, shoes, sandals, boots and slippers.

(1) Retail stores services, retail store services featuring housewares, home furnishings, furniture, floor coverings, paper products, bedding and bed linens, decorative furnishings, window treatments, wallpaper, closet organization products, towels, clocks, lamps, candles, textiles and linens for the home, dinnerware, glassware, kitchen ware and utensils, small appliances, small electronics, toys and games, sporting and gymnastic products, clothing, footwear.

(2) Retail store services featuring food products.

624306

2 nov. 2004

Mêmes marchandises (1) et services (1) que pour l’enregistrement 611946.

HOMESENSE. DECO MODE A MEILLEUR PRIX.

665281

30 mai 2006

Mêmes services (1) que pour l’enregistrement 611946

711429

9 avril 2008

(1) Retail store services featuring housewares, home furnishings, furniture, floor coverings, paper products, bedding and bed linens, decorative furnishings, window treatments, wallpaper, closet organization products, towels, clocks, lamps, candles, textiles and linens for the home, dinnerware, glassware, kitchen ware and utensils, small appliances, small electronics, toys and games, sporting and gymnastic products, clothing, footwear, and food products.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.